10- Facteurs de menace et de mortalité
Les fluctuations des effectifs de la Cigogne blanche sont
attribuées à plusieurs facteurs qui sont essentiellement :
> La perte des habitats et des sites de
nidification
A partir des années 1960, le développement
économique accompagné par le changement des pratiques culturales
(utilisation d'herbicides, de pesticides et de la motorisation) ont induit
l'homogénéisation et la stérilité des territoires
qui ont été intensifiés. Par conséquent, la perte
de la biodiversité s'est traduite par un impact négatif sur
l'écologie trophique de la Cigogne blanche (JACOB, 1991 ; SENRA et
ALÉS, 1992 ; CARRASCAL et al, 1993 ; MARTINEZ et
FERNÁNDEZ, 1995 ; JONSSON et al., 2006).
Selon RANDIK (1989), GORIUP et SCHULZ (1991) et SKOV (1998),
l'urbanisation incluant l'extension de l'industrie a affecté
négativement les populations de cigognes blanches par la
démolition des anciennes constructions qui servaient de support de
nidification et qui sont ainsi perdues.
Spoliée de ses aires traditionnelles, la Cigogne
blanche a dû chercher d'autres endroits pour y construire son nid
volumineux ; elle les a trouvés sur les mâts des conduits
électriques. Le problème ne s'arrête pas à ce niveau
car même les nids construits sur les poteaux électriques sont
détruits par les services de maintenance (MARTINEZ et FERNÁNDEZ,
1995).
> Le changement des conditions d'hivernage
Les fluctuations des effectifs de la population occidentale
étaient corrélées aux conditions climatiques sur les
quartiers d'hiver qui déterminent les potentialités alimentaires.
Celles-ci ayant un effet direct sur le taux de survie plutôt que sur le
succès de la reproduction. Ceci est la conséquence d'une longue
sécheresse sudano-sahélienne qui a fait disparaître des
zones humides importantes en 1960-1970, additionnée aux divers
systèmes de contrôle des eaux effectués dans les
rivières au Sénégal et au Niger (DALLINGA et SCHOENMAKERS,
1984-1989 ; KANYAMIBWA et LEBRETON, 1991 ; SYLLA, 1991 ; SCHULZ, 1995).
> Les empoisonnements massifs par les antiacridiens
dans le Sahel
Les quartiers d'hivernage des deux sous populations de
cigognes, orientale et occidentale, semblent se croiser avec les régions
souvent affectées par des invasions de criquet migrateur (Locusta
migratoria), de criquet marron (Locustana pardolina), de criquet
rouge (Nomadacris septumfasciata) et le criquet du désert
(Schistocerca gregaria). Les essaims de ces criquets ont
été contrôlés par l'utilisation des insecticides
(Dieldrin) depuis les années 50 jusqu'à son interdiction en 1980
(DALLINGA et SCHOENMAKERS, 1989 ; SCHULZ, 1988 in GORIOP et SCHULZ,
1991).
Les cigognes représentent un agent efficace pour le
contrôle des populations de locustes dans certaines régions devant
les grandes invasions. D'autre part, l'inhibition de ces locustes prive les
cigognes d'une importante source d'alimentation tout spécialement dans
la partie orientale. Il semble important de savoir qu'un début de
déclin régulier de la sous population occidentale nichant en
France et en Allemagne débute en 1961 quant des grands essaims de
criquets ont été éradiqué de l'Afrique occidentale
(DALLINGA et SCHOENMAKERS, 1989).
> La chasse
D'après THAURONT et DUQUET (1991), SYLLA (1991) et
GORIOP et SCHULZ (1991), la chasse et la capture des cigognes blanches sur le
chemin de migration et aux quartiers d'hivernage viennent en tête des
causes de déclin. D'après l'analyse des bagues retrouvées,
il est certain que la chasse serait la cause majeure de mortalité.
> Le baguage
Les cigognes blanches sont connues pour leur pouvoir de
réguler leur température en déféquant sur leurs
pattes ; l'évaporation de l'humidité à partir des
déjections aide à refroidir le corps. Cependant, l'accumulation
de ces déjections entre la patte et la bague stimule la formation de
l'acide urique qui provoque de sérieuses blessures pouvant même
conduire jusqu'à la mort. Le taux de mortalité induit par le
baguage s'avère important surtout dans quelques pays européens,
environ 70 % des poussins sont bagués et 5 % de ces derniers sont perdus
chaque année (SCHULZ, 1987 in GORIUP et SCHULZ, 1991).
> L'électrocution
L'électrocution est considérée comme
l'une des causes principales de mortalité des cigognes blanches, elle
s'effectue par la collision avec les câbles découverts et les
poteaux métalliques qui deviennent de plus en plus dangereux lorsqu'ils
sont installés dans des zones rurales. Elle est assez importante chez
les jeunes cigogneaux qui quittent leur nid pour la première fois
(GORIUP et SCHULZ, 1991 ; BIBER, 1995 ; SKOV, 1998 ; GARRIDO et
FERNÁNDEZ-CRUZ, 2003 ; DOLATA, 2006).
JACUBIEC (1991) in DOLATA (2006), en se basant sur
les observations dans la nature, les données des recensements
internationaux et le baguage, a conclu que 74,5 % de mortalité de
cigognes blanches est causée par électrocution entre 1970 et
1987.
> La contamination par les métaux
lourds
La Cigogne blanche est exposée aux différents
polluants évacués dans ses milieux de gagnage, tels que les
métaux lourds, les polluants organiques (les amines aromatiques) et les
organochlorés (pesticides), par leur accumulation dans les oeufs en
affectant sa productivité (HERNANDEZ et al., 1988) et ses
différents organes (foie et rein) (MEHARG et al., 2002 ; SMITS
et al., 2005 ; BLÁZQUEZ et al., 2006).
Ces derniers auteurs ont fait des études dans ce sens
et ont prouvé des taux élevés de métaux lourds (Pb,
Co, Cr, Ti, Zn, Sn, V, Ba, Sr) qui ont des effets dangereux sur la santé
de cette espèce tels des mal formations dans le squelette (jambe) des
jeunes cigognes et leur exposition aux différentes pathologies.
> L'impact de la téléphonie
mobile
BALMORI (2004-2005), a consacré ses recherches sur les
effets des champs électromagnétiques émis par les antennes
et les pylônes de la téléphonie mobile sur la Cigogne
blanche en Espagne. Il a trouvé que dans une colonie distante de 200 m
de ces antennes téléphoniques, 40 % de nids n'ont pas eu de
poussins alors que dans une autre colonie éloignée de plus de 300
m, 3,3 % de nids seulement n'ont pas eu de poussins. Les micro-ondes des champs
électromagnétiques qui sont plus intenses au voisinage des
antennes ont ainsi un grand effet sur la productivité de la Cigogne
blanche.
|