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L'intelligence économique. Les collaborateurs de la PME sont- ils le maillon faible dans la sécurisation des informations commerciales ?

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par Stéphane MAGNAN
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4. Partie 1 : Fondements théoriques

« L'intelligence économique sera au XXIème ce que le marketing a été dans les années 1970. »

Alain Juillet - Haut responsable français pour l'intelligence économique

4.1 Définitions de l'intelligence économique

L'époque, la culture, l'auteur donnent vie au concept d'intelligence économique et apportent différentes définitions et approches de l'art.

Dans le rapport Martre, l'intelligence économique est définie comme suit :

«L'intelligence économique peut itre définie comme l'ensemble des actions coordonnées de recherche de traitement et de distribution, en vue de son exploitation, de l'information utile aux acteurs économiques. Ces diverses actions sont menées légalement avec toutes les garanties de protection nécessaire à la préservation du patrimoine de l'entreprise, dans les meilleures conditions de qualité, de délais et de coût. »3

Pour Alain JUILLET (membre du Service de Documentation Extérieure et du Contreespionnage), «L'intelligence économique est un mode de gouvernance dont l'objet est la maîtrise de l'information stratégique et qui a pour finalité la compétitivité et la sécurité de l'économie et des entreprises M4

Bernhardt définit l'intelligence économique dans ces termes : « un processus analytique qui transforme l'information brute sur les concurrents, l'industrie et le marché en connaissance stratégique opérationnelle sur les atouts de la concurrence, ses intentions, sa performance et sa position ».5

3 Henri MARTRE «Intelligence Economique et Stratégie des Entreprises ». OEuvre collective du Commissariat général du plan - La Documentation française -1994

4 Cercle d'Intelligence Economique du Médef de Paris « L'intelligence économique : Guide pratique pour les PME » - MEDEF Paris - 2006

La norme AFNOR6 définie l'intelligence économique comme « l'ensemble des actions

l'information utile aux secteurs économiques. Ces diverses actions sont menées légalement avec toutes les garanties de protection nécessaires à la préservation du patrimoine de l'organisation dans les meilleures conditions de qualité, de délai et de coût ».

4.2 Les cinq pôles de l'intelligence économique

Figure 2 - Les 5 pôles de l'intelligence économique

6 AFNOR : Norme XP X50-053 (avril 1998) « Prestations de veille et prestations de mise en place d'un système de veille » - Normalisation Française - Paris

4.3 Histoire de l'information et naissance de l'intelligence économique

Le renseignement commercial constitue la première pierre constructrice de l'intelligence économique.

Pour comprendre cette origine, il faut remonter aux origines de la notion de commerce et d'entreprise. Les marchands qui sillonnaient les mers ou les chemins des caravanes composent un tableau séculaire de l'imaginaire des collectivités humaines.7

Les marchands qui existaient dans toutes les civilisations antiques qu'elles soient fondés sur la conquête territoriale ou bien des cités-états prospérant grâce au commerce. Dans chacune d'entre-elles, les sociétés commerciales fonctionnaient dans un premier temps, en autarcie, chaque famille, communauté ou région produisant ce qui lui été nécessaire pour subsister.

En Mésopotamie, on trouve essentiellement des paysans qui cherchaient acquéreurs pour leur surplus et des artisans qui vendaient le fruit de leur travail. Personne à cette époque ne vend ce que d'autres ont produits.

Les Crétois furent les premiers à acheter puis transporter des armes, du vin, des étoffes, des perles, du bois et du papyrus à travers tout l'Orient pour les revendre dans des comptoirs.

Les Phéniciens continuèrent le développement du commerce en installant des comptoirs sur les côtes de Sicile, de Sardaigne, d'Espagne et d'Afrique du Nord.

Athènes et les cités grecques prennent le relai de la thalassocratie de Tyr. De riches commerçants grecs se révélaient armateurs ou s'associaient à des capitaines de navires et à un bailleur de fonds.

Rome fera de l'espace méditerranéen un véritable « marché commun » d'environ 80 millions d'habitants, répartis sur 7 millions de kilomètres carrés.

En Europe, du VIIIème au Xème siècle, toute notion de commerce sera pratiquement réduite à
néant. Le système féodal par nature autarcique accentuera l'atrophie du grand commerce.
Certaines cités italiennes retrouveront un dynamisme économique dès le VIIIème siècle. Ce

sont les cités de Pavie, Plaisance, Lucques ou Vérone. Le centre de gravité des courants économiques, notamment commerciaux, demeure l'Empire Byzantin.

La première période durant laquelle le renseignement économique apparaîtra se situe entre le XIème et le XIVème siècle. La période des croisades conduira à un développement des échanges entre l'Europe et le Levant, qui entrainera la croissance économique et financière de Venise et de Gênes. Le premier réseau structuré d'intelligence économique verra son apparition à cette époque. Il était constitué de prostituées employées par la police italienne, dans le but de faire parler les notables et de recueillir des informations.

Au XIIIème et XIVème siècle il y a apparition de l'entrepreneur marchand, notamment à Florence et à Bruges. Le besoin d'information est devenu une réalité, les marchands et surtout les banquiers recherchant des marchés rentables sur lesquels investir. S'informer est par conséquent devenu stratégique. Les Toscans riches d'un réseau de succursales et de filiales s'unissent en 1357 pour fonder la Scarsella dei mercanti fiorenti qui assure via Gênes en moins de quinze jours un courrier hebdomadaire entre Florence et Avignon, la ville des Papes, qui joue un rôle de collecteur d'information en provenance de l'Europe entière.

Au XVème siècle, des axes de coopération voient le jour entre les banquiers de Gênes, Florence et Plaisance et des négociants à Pise et Venise.

Le relai portugais se fait jour en 1420 avec les caravelles portugaises puis le mouvement sera prolongé par Christophe Colomb en 1492, puis par Vasco de Gama en 1497 et le périple autour du monde de Magellan en 1519.

A la fin du XVème siècle, le centre économique se déplace de l'Italie vers Anvers, puis au XVIème siècle, vers Amsterdam qui s'affirme comme la capitale de l'information et du savoir. Au XVIIème siècle, l'Angleterre prend son essor avec, en 1600, la création de la Compagnie des Indes Orientales à Londres.

A l'issue de la première et de la seconde révolution industrielle, l'organisation des marchés façonne l'entreprise moderne. En 1872, les Etats-Unis prennent leur envol économique par la création de Général Electric.

Les banques d'affaires occupent une place de plus en plus importante et la banque Rothschild
mettra en place un réseau d'échange d'informations très développé et très performant grâce
notamment à leur présence dans plusieurs capitales et à leurs amitiés. Une règle de la banque

Rothschild qui conduira les affaires de celle-ci est la suivante : « Etre informé et l'être avant les autres sur les évènements, les techniques, les marchés, et savoir en tirer parti ».

A partir de 1940, la place de l'information dans nos sociétés évolue. Elle devient progressivement le moteur de l'ensemble du développement technologique et économique. Les mathématiciens Claude Edwood Shannon et Norbert Wiener, dans le cadre de la construction cybernétique (science du contrôle et des communications) permettent l'ajustement de l'information à la réalité, en envisageant l'information comme étant l'outil de l'adaptation incessante des systèmes organisés à leur environnement. Claude Edwood Shannon et Norbert Wiener entendent par systèmes organisés, les systèmes biologiques, techniques ou sociaux.

Selon le modèle théorique walrassien (relatif à l'oeuvre de l'économiste français Léon Marie
Esprit Walras), l'agent économique agit rationnellement à tout moment puisqu'il dispose

d'une information pure et parfaite. Le cadre d'action de ce dernier est celui d'un marché les prix se forment naturellement par la libre confrontation de l'offre et de la demande.

Après la Seconde Guerre Mondiale, le renseignement militaire sera également l'un des éléments fondateurs de l'intelligence économique. La mise en oeuvre du plan marshall initiera une compétition intense entre les entreprises américaines pour la conquête des marchés liés à la reconstruction de l'Europe. Elles devaient alors utiliser des moyens légaux de renseignement. C'est ainsi qu'elles se sont inspirées des méthodes du renseignement militaire, en supprimant les pratiques illégales et en développant des techniques légales, telles que le benchmarking. L'intelligence économique moderne est née.

Durant la période, qui court de 1945 à nos jours, l'information scientifique et technique a laissé la place à la veille.8

Le premier pays à prendre conscience de la place de l'information dans le développement économique et social est les Etats-Unis. Dès 1945, les Etats-Unis élaborèrent et concrétisèrent une stratégie de stimulation de l'innovation et de la recherche. L'objectif poursuivi était de conserver la supériorité technologique sur l'URSS, et plus particulièrement dans les domaines spatiaux et nucléaires.

8 Hélène MASSON « Les fondements politiques de l'intelligence économique » - Thèse des sciences politiques - 2001

Entre 1950 et 1970, ces modèles sont remis en cause par la démonstration qui tend à démontrer les limites de la capacité d'information des acteurs économiques et la nécessité d'y allouer des ressources.

C'est à cette époque que l'ère du renseignement commercial s'achève pour céder la place à une information scientifique et technique.

En 1958, le Clearinghouse du Department of Commerce (Chambre de compensation du Département du Commerce). Cette organisation avait permis la transmission aux chercheurs américains de documents scientifiques et techniques allemands et japonais saisis par les militaires. Elle devint l'organisme central de recueil et de diffusion des rapports de recherche américains. Le rapport Weinberg en 1963, réaffirme que l'information constitue la clé de voute de l'édifice scientifique.

En 1971, le National Technical Information Service (NTIS) coordonna la commercialisation des publications scientifiques et des documentations politiques sur les pays étrangers. Au niveau fédéral, le Président Nixon lança plusieurs programmes dans le but de faciliter le transfert d'information entre la communauté scientifique, les universités, les agences publiques et le monde des acteurs industriels.

Entre 1960 et 1975, l'accroissement des capacités de traitement et de mémorisation des ordinateurs, joint aux progrès de la micro-informatique accélère l'intégration des systèmes d'information. La création de grands centres de stockage d'information et la création de bases de données par les différentes agences consolida cet édifice institutionnel.

La question de la diffusion de l'information scientifique posa immédiatement le problème de sa protection. Depuis la fin des années 1970, plus de 200 lois furent élaborées. Le Freedom of Information Act de 1966, permet aux citoyens et étrangers d'avoir connaissance des documents de l'administration et des agences. Toutefois, le gouvernement peut s'opposer à la divulgation de documents sensibles ou touchants à la sécurité de l'Etat Fédéral.

En France, à la fin des années 1970, la diffusion de l'information des acteurs publics vers les acteurs privés est quasiment nulle. La majeure partie des informations collectées par les agences nationales ont pour objectif principal de renseigner la sphère administrative. Les informations émanent d'organismes tels que le Commissariat Général du Plan (CGP), l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE), des Postes

d'Expansion Economique (PEE), de la Direction des Relations Economiques Extérieures DREE, du Centre Français du Commerce Extérieur (CFCE), du Centre de Prospective et d'Evaluation (CPE), du Ministère de la Défense, du Ministère des Affaires Etrangeres, de l'Observatoire des Stratégies Industrielles du Ministère de l'Industrie...

Le secteur privé ne peut tirer profit de l'ensemble de ces informations. Cela rendra très difficile la création d'acteurs économiques capables de concurrencer les sociétés américaines sur le marché des banques et des bases de données scientifiques et techniques, mais également commerciales et financières.

En 1972, à l'initiative du Commissariat Général du Plan, le réseau ARIST (Agences Régionales pour l'Information Scientifique et Technique) est créé, puis rattaché aux CCI, avec pour mission de répondre aux besoins des PME.

La Mission Interministérielle de l'Information Scientifique et Technique (MIDIST) est créée en 1979 pour succéder au Bureau National de l'Information Scientifique et Technique (BNIST) et propose de promouvoir la constitution de banques de données et d'un système d'informatique documentaire français.

L'Etat Français tente de combler son retard en matière de transmission de l'information et créé en 1975 le réseau TRANSPAC, premier réseau national de transmission par paquets.

En 1984, les centres d'informations et de documentation du CNRS, le CDST et le CDSH (Centre de documentation scientifique et technique et le centre de documentation des sciences humaines) furent fusionnés, après que ceux-ci aient mis sur pied les bases de données PASCAL et FRANCIS. Les organisations fusionnées donnèrent naissance à l'Institut Nationale de l'Information Scientifique et Technique.

Malgré différents rapports, l'information restera inaccessible aux entreprises. Le rapport Lenoir sur l'information scientifique et technique restera lettre morte.

La question de la compétitivité se posa rapidement, et les investissements des entreprises dans l'immatériel (ressources humaines, qualité, recherche et développement) se révéla déterminant dans la capacité à développer les entreprises. La capacité à recueillir de l'information à la traiter est alors reconnu comme étant un facteur décisif de la compétitivité des entreprises.

Au milieu des années 1980, il apparut clairement que les nations les plus compétitives étaient celles qui mettaient l'information à la disposition des entreprises et que le seul secteur industriel ne pouvait justifier à lui seul de la compétitivité d'une nation. L'adaptation du pays à un environnement global était un facteur déterminant.

On dépasse alors la simple nécessité d'une politique d'information scientifique et technique et, dans les années 1980, on vit apparaître les termes de business intelligence et environmental scanning. Ces termes venaient du domaine de la stratégie d'entreprise et détaillaient la démarche informationnelle en expression du besoin, collecte, traitement-analyse et diffusion de l'information.

Ces outils étaient au service du développement de l'entreprise. En France, l'équipe du Centre de Prospective et d'évaluation du ministère de la Recherche et de la Technologie considéra que l'Administration devait s'approprier cet outil qui était dénommé « veille » ou « surveillance de l'environnement ».

Toujours au milieu des années 1980, Michaël Porter mettra au point une modélisation ambitieuse qui aboutira à des conclusions applicables par l'entreprise et qui donnera tout son rayonnement intellectuel à la Business Intelligence et à l'Environmental scanning sous la formule de competitor intelligence. L'objectif de la modélisation de Michaël Porter est de donner à l'entreprise un avantage sur ses concurrents. Les axes d'analyses de la modélisation de Michaël Porter, intitulés les cinq forces de Porter sont les concurrents, les clients, les fournisseurs, les nouveaux entrants potentiels et les fabricants de produits de substitution. L'analyse de ces cinq forces nécessite un grand nombre d'informations et cela justifie la mise en place d'un competitor intelligence system.

Ces démarches théoriques ont été intégrées très rapidement dans les entreprises américaines, puis déclinées en dispositifs opérationnels. En France, elles furent traduites par le terme de « veille » et la distinction en quatre principaux types de veille fût créée. Sous l'impulsion d'Humbert Lesca, Jacques Morin, François Jakobiak, Bruno Martinet et Jean-Michel Ribault, la répartition des quatre types de veille a été la suivante : concurrentielle, commerciale, technologique et environnementale.

Au lendemain des nationalisations de 1981, le Ministre de la Recherche créé le CPE (Centre de Prospective et d'Evaluation) avec trois missions :

- La veille technologique

- L'évaluation des recherches et des stratégies industrielles - La prospective

Le CPE s'inspirait directement des méthodes et de l'organisation du Centre de Prospective du Ministère de la Défense. Les dirigeants du CPE ont recherchés à dépasser les frontières de leur ministère de tutelle et à diffuser leurs études parmi les acteurs publics et privés.

L'expression « intelligence économique » sera employée pour la première fois par Christian Harbulot dans le bulletin de veille du CPE de février 1992.

En février 1994, le rapport Martre, intitulé «Intelligence économique et stratégie des entreprises » est publié sous l'égide du Commissariat Général du Plan. Le rapport Martre visait essentiellement les entreprises.

Il n'en sera pas de même dans le rapport de Bernard Carayon « Intelligence économique, compétitivité, cohésion sociale » qui préconise une intelligence économique clairement pilotée par l'Etat pour relever les défis liés à la mondialisation et à la révolution de l'information engendrée par Internet et la numérisation généralisée. La nomination d'Alain Juillet au poste de Haut Responsable chargé de l'intelligence économique a traduit dans les faits cette volonté politique.

Les grandes évolutions géostratégiques que le monde a connues au cours des années 1990 (disparition du bloc de l'est) ont modifié en profondeur les relations internationales et les rivalités se sont dès lors concentrées sur champs industriel, commercial et technologique. Les Etats-Unis ont dans leur rapport Japan 2000, émis des mise en gardes sévères sur le bouleversement de l'ordre international et sur le fait que les facteurs économiques allaient devenir aussi important dans les relations internationales, que pouvaient l'être les rapports de forces militaires.

A partir de cette profonde mutation des équilibres mondiaux, c'est désormais la capacité d'influence plutôt que la capacité de coercition qui sera prépondérante et qui fondera le pouvoir réel. L'intelligence économique est née de la réponse aux cinq évolutions majeures suivantes :

- La rupture de la logique des blocs de la guerre froide

- La guerre économique, où l'importance croissante des rivalités commerciales dans le jeu global de la concurrence

- L'entrée des collectivités humaines dans la société de l'information et l'économie de la connaissance

- La mutation de l'esprit du capitalisme que nous voyons s'opérer sous nos yeux

- L'utilisation offensive de l'information et de la connaissance dans l'ordre politique et économique.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault