Section 2 : Les missions occasionnelles
Le commissaire aux comptes, au-delà de sa mission de
vérification des comptes, se voit conférer des obligations
spécifiques de caractère essentiellement juridique. Ces missions
diverses dites occasionnelles incombent à tous les commissaires,
c'est-à-dire qu'elles ne nécessitent pas un mandat
spécial. Ces obligations sont strictement délimitées par
les dispositions légales, ce qui permet d'éviter que le
commissaire ne s'engage dans un audit juridique ou social qui
dépasserait le cadre de sa mission. Au nombre de ces missions, la
mission d'alerte (paragraphe 1) confiée au commissaire est sans doute la
plus importante par rapport aux autres missions (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La procédure d'alerte
L'Acte uniforme a mis en place un dispositif nouveau visant
à attirer l'attention des dirigeants sociaux, en cas d'évolution
préoccupante de la situation de l'entreprise, sur la
nécessité dans laquelle ils sont de prendre des mesures en vue de
redresser cette situation. Cette alerte peut être le fait des
associés ou comme en France du comité d'entreprise ou du
Président du tribunal de commerce. Mais, la mise en oeuvre de cette
procédure incombe principalement au commissaire aux
comptes1.
La procédure d'alerte (B) doit être
déclenchée dès lors qu'à l'occasion de l'exercice
de sa mission permanente de contrôle, le commissaire découvre des
signes inquiétants considérés comme les critères de
déclenchement de l'alerte (A).
A- Les critères de déclenchement de
l'alerte
Le législateur OHADA n'a pas retenu un ensemble de
critères précis susceptibles de mettre en mouvement la
procédure d'alerte puisqu'il évoque de manière assez
générale «tout fait de nature à compromettre la
continuité de l'exploitation2 ». Les
critères de déclenchement sont donc laissés à
l'appréciation du commissaire aux comptes3, des juges et de
la pratique.
1SOINNE B., La procédure d'alerte
instituée par la loi du 1er mars 1984 et la mission du
commissaire aux comptes, JCP, E, 1985, II, 14653.
2Cette formule s'inspire du droit français,
lui-même inspiré par la notion de «
going concern » du droit
anglo-saxon.
Le législateur n'a pas cru devoir détailler
davantage ce critère. Il s'en est tenu à une formule très
souple susceptible de se dilater à l'excès.
Le fait considéré ne doit pas obligatoirement
compromettre la continuité de l'exploitation mais être simplement
de nature à le faire. Mais, il faut que le fait soit tout de même
suffisamment grave pour affecter la continuité de l'exploitation et que
le risque soit en mesure de se réaliser dans un avenir
prévisible.
Il n'est cependant pas nécessaire qu'il y ait plusieurs
faits comme en France. Un seul fait suffit, à condition d'être en
mesure de compromettre l'exploitation.
3 L'absence de précision du critère
impose au commissaire aux comptes de se référer à sa
conscience, à son expérience ou tout simplement à son
intuition. Ce qui pourrait l'impliquer accidentellement dans la gestion de la
société.
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L'on peut se demander si le commissaire aux comptes a
l'obligation de rechercher systématiquement les faits devant donner lieu
à l'alerte ou alors s'il doit simplement porter à la connaissance
des dirigeants les seuls faits relevés à l'occasion de ses
fonctions normales. Le législateur africain semble relier l'alerte aux
connaissances qu'a le commissaire aux comptes à l'occasion de l'exercice
de sa mission1.
La mise en oeuvre de l'alerte implique d'abord la connaissance
des causes et manifestations des difficultés des entreprises.
Plusieurs causes peuvent être à l'origine des
difficultés des entreprises, à savoir celles liées
à l'exploitation et à la gestion de l'entreprise, à
l'évolution de l'environnement et de la conjoncture internationale, les
causes d'ordre juridique ou celles purement accidentelles.
Les difficultés des entreprises se traduisent par
plusieurs signes au nombre desquels on peut citer :
- le non-paiement des impôts et des cotisations fiscales
depuis un certain temps ; - le refus de certification des comptes par le
commissaire aux comptes ;
- la perte d'une part importante du capital et des fonds propres
;
- le licenciement d'un nombre important de travailleurs.
Ces signes de défaillance sont à relativiser car
certains traduisent la cessation de paiement ou l'imminence de celle-ci et
d'autres peuvent ne pas traduire l'existence de difficultés
sérieuses en raison de circonstances particulières.
Toujours est-il que le commissaire qui détecte des signes
concordants doit engager la procédure d'alerte.
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