1.2.2. Justification de l'étude
La présente étude se justifie à travers ses
rapports avec les recherches antérieures et sa pertinence pratique.
> Rapport avec les recherches
antérieures
Les travaux menés à l'échelle
internationale, notamment ceux du GIEC (2007), insistent aujourd'hui sur le
fait que, même si tout est mis en oeuvre pour limiter les changements
climatiques (par la réduction des émissions de gaz à effet
de serre), ces changements sont inévitables, du fait de l'inertie du
système climatique, et demandent de notre part une adaptation. La
question de la capacité d'adaptation aux changements climatiques est
donc fondamentale, même si elle ne doit pas occulter celle de la
vulnérabilité des systèmes naturels et humains ainsi que
celle de l'intensité de changements, qui doivent être bien
comprises (SIFEE, 2009). A cet effet, les options d'adaptations aux changements
climatiques au Bénin ont été abordées par le
Ministère de l'environnement et de la Protection de la Nature (MEPN),
à travers l'élaboration du Programme d'Action Nationale aux fins
de l'Adaptation aux Changements Climatiques (PANA). Cette étude a
montrée que s'il est vrai que certaines pratiques sociales comme les
prières collectives, l'exode rural, les pluies provoquées et
l'application de doses massives d'engrais aux cultures sont discutables du
point de vue de leur objectivité ou de leur durabilité, il est
aussi vrai que la satisfaction momentanée des besoins à laquelle,
elles peuvent donner lieu constitue des résultats réels qui
encouragent les populations à recourir souvent à ces pratiques.
Au total, les orientations nationales en matière de
développement durable et les résultats obtenus
ou attendus des programmes et projets nationaux dans le secteur de
l'agriculture et de la foresterie, devront être appréciés
en relation avec les mesures endogènes d'adaptation pour identifier les
mesures potentielles d'adaptation.
Par ailleurs au plan national, des études initiales de
vulnérabilité avaient été réalisées,
notamment dans la zone littorale et dans la région du centre
(Bokonon-Ganta, 1999 ; MEHUPNUD, 1999). Aussi, les changements climatiques
ont-ils fait l'objet de plusieurs travaux de recherche, articles,
mémoires et thèses (Boko,1988 ; Afouda, 1990 ; Houndénou,
1999 Houdénou, 2002 ; Bokonon-Ganta et al., 2003 ;
Ogouwalé, 2004 etc.). Ces études ont pu mettre en évidence
les tendances et la pertinence du phénomène pour le
développement agricole. C'est ainsi que concernant les manifestations
des changements climatiques dans notre pays, on a observé ces
dernières années une perturbation du cycle global de l'eau. En
effet, depuis la fin des années 1960, des perturbations climatiques sont
intervenues au Bénin et se sont manifestées par une
réduction d'amplitude annuelle moyenne des hauteurs totales de pluies de
180 mm (Aho et al., op.cit). Selon ces mêmes auteurs,
on a noté une intensification des sécheresses qui se sont
produites pendant la même période, notamment dans les
années 1970 et 1980. Ces phénomènes climatiques ont eu
d'énormes impacts sur le secteur de l'agriculture et de la foresterie.
Egalement ont-ils expliqué que les paramètres agroclimatiques
présentent des particularités contraignantes pour l'agriculture
et la foresterie surtout dans le Sud-Ouest et l'extrême Nord qui
connaissent parfois de graves sécheresses. Dans le centre,
d'après les travaux de Bokonon-Ganta et al., (2003), à
l'horizon 2025, les changements climatiques vont entraîner une baisse
considérable de la production des six principales cultures de cette
région. Cette baisse de production est estimée à 29,58%
pour le coton et à 6% pour les autres cultures que sont : le
niébé, le maïs, le manioc, l'arachide et le riz ; ce qui
aura pour conséquence la baisse du disponible alimentaire et un
appauvrissement continu des populations. Ce qui accentuera leur
vulnérabilité. Dans le Sud du pays, l'on assiste plutôt
à un déficit et un raccourcissement de la seconde saison
pluvieuse, ce qui provoque une réduction des rendements agricoles et une
diminution du taux de renouvellement de la couverture végétale
(MEPN, op.cit). Par ailleurs, selon cette même étude, les
pluies du début de saison pluvieuse sont violentes, atteignant
fréquemment une intensité supérieure à 100mm/h ce
qui favorise l'inondation et l'érosion sur les sols mal
protégés. Des travaux de Boko (1988) ; Afouda (1990) ;
Houndénou (1999) et de Ogouwalé (2004), on retient que la baisse
de la pluviosité associé au réchauffement thermique, ont
induit
une dégradation du milieu écologique
soldée par des impacts négatifs sur la production agricole. Les
effets des perturbations climatiques des trois (3) dernières
décennies ont permis de mettre en évidence la
vulnérabilité de notre économie, basée sur
l'agriculture (Houdénou, 2002).
Les résultats des travaux de Agbossou et
Akponikpè (1999) ont montré qu'actuellement les variations de
pluie et d'évapotranspiration ne compromettent pas trop le bouclage du
cycle du maïs, mais si elles perdurent, ce cycle serait
hypothéqué. Cette baisse des rendements sera la
conséquence directe des déficits du bilan hydrique des sols et la
faible productibilité des terres. Les impacts directs des changements
climatiques sur l'agriculture concernent les comportements des
végétaux, les modifications pédologiques et les baisses de
rendements. Au niveau des végétaux s'observent des
phénomènes de floraison précoce et parfois
d'assèchement des jeunes fruits. Par ailleurs, sous l'effet
répété des récessions et perturbations
pluviométriques, les rendements agricoles seront gravement
affectés. Les prévisions faites sur la productivité
agricole seront complètement faussées et des risques
d'insécurité alimentaire seront élevés. De
manière indirecte, les changements climatiques se manifestent surtout au
niveau de la main d'oeuvre agricole, des prix des denrées agricoles et
du mauvais fonctionnement du secteur industriel agricole. L'exode rural
atteindra un seuil important dans ce contexte des changements climatiques au
point de devenir un facteur limitant pour l'agriculture béninoise si de
véritables améliorations technologiques ne sont pas
apportées au processus de production agricole (MEPN,
op.cit).
Les travaux de Agossou (2008) et de Dimon (2008), ont mis en
exergue l'importance de la prise en compte des perceptions individuelles des
producteurs dans l'étude des stratégies d'adaptation aux
changements climatiques dans le secteur de l'agriculture. Leurs
résultats révèlent que les stratégies
développées par les producteurs en réponse aux changements
climatiques dépendent de la perception qu'ont ceux-ci de ces changements
et de leurs savoirs locaux.
A l'issue de cette revue, il ressort qu'au Bénin, en
dehors des travaux de Agossou (2008), et de Dimon (2008) ; pratiquement aucune
étude sur les changements climatiques ne s'est directement
intéressée à la fois aux perceptions, savoirs locaux et
stratégies d'adaptations ainsi qu'aux interactions existantes entre eux.
Ces études ont porté uniquement sur le centre et le Nord
Bénin et ont été menés à l'échelle
des exploitations agricoles en vue
de mettre au centre de l'étude des stratégies
d'adaptation, la diversité des perceptions et des savoirs locaux. Mais
si le GIEC (2007) admet que les changements climatiques sont observés
à l'échelle mondiale, et que la lutte contre ces risques
nécessite la convergence des efforts de toutes les nations, il
reconnaît cependant que les stratégies d'adaptation pour y faire
face durablement doivent être endogènes. C'est pour contribuer
à ce débat scientifique sur les stratégies locales
d'adaptation aux changements climatiques que nous nous proposons
d'étudier les stratégies d'adaptation développées
par les producteurs agricoles en relation avec leurs perceptions et savoirs
locaux dans la région sud-est de notre pays. Comme les études de
Agossou (2008) et de Dimon (2008), la présente recherche
intitulée Perceptions, savoirs locaux et stratégies
d'adaptation aux changements cimatiques développées par les
producteurs des communes d'Adjohoun et de Dangbo dans le Sud-Est Bénin
s'inscrit dans le cadre du projet Perceptions Adaptation et
Accompagnement des Populations face aux Changements Climatiques
Environnementaux et Sociaux (PAAPCES).
> Pertinence pratique
L'économie du Bénin reste
sous-développée et dépendante de l'agriculture, avec une
croissance démographique de 3.25% par an (INSAE 2003). Et d'un autre
point de vue, l'agriculture béninoise demeure caractérisée
par la prédominance de petites exploitations agricoles de type
traditionnel à faible niveau d'intrants, et de tailles moyennes variant
entre 0,50 ha dans la partie méridionale et 2 ha dans la zone
septentrionale. Au total, environ 450.000 exploitations agricoles sont actives
dans le secteur, évoluant effectivement sur à peine 1 million
d'hectares soit moins de 10% du territoire du pays, le reste de l'espace
étant occupé par les parcours et pâturages, les
forêts, les montagnes et les plans d'eau (Aho et al, 2006). En
dehors de cette structure, de toute évidence désavantageuse,
l'agriculture béninoise est confrontée à d'innombrables
difficultés dont la baisse de la fertilité des sols, la non
maîtrise de l'eau, la destruction des cultures par les ravageurs, etc.
Mais a tous ces problèmes, vient s'ajouter depuis deux décennies
déjà, le défi des changements climatiques qui menacent
directement la production agricole mais aussi la vie des populations rurales du
faite de leur vulnérabilité particulière aux effets
néfastes de ce nouveau phénomène.
Vu ce tableau peu reluisant, il urge de mener des
études sur les stratégies d'adaptation axées sur les
perceptions et savoirs locaux des producteurs agricoles face à ce
nouveau défi que constituent les changements climatiques. A ce titre,
cette étude devrait permettre d'abord
de préciser la perception des changements climatiques
vécus par les producteurs des communes d'Adjohoun et de Dangbo ainsi que
les stratégies d'adaptation développées localement. Des
besoins d'adaptation ressentis par les producteurs dans leur contexte local,
devraient être mis en relief par la même occasion. Dans cette
perspective, notre étude devraient aboutir à des suggestions
à l'endroit des différents acteurs du développement rural
notamment à l'endroit des centres de prise de décision afin que
des mesures prioritaires soit prises pour la valorisation des stratégies
locales d'adaptation ainsi que leur accompagnement. Tout ceci devrait donc
contribuer au renforcement à l'échelle nationale des mesures
urgentes d'adaptation pour faire face durablement aux effets néfastes
des changements climatiques.
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