9.2. Analyse des mécanismes de mise au point et
de transmission des savoirs
La transmission de certains savoirs est
héréditaire. En revanche, d'autres se transmettent par le biais
des réseaux d'amitié.
Le décalage de la date de semis de la culture du
niébé est l'oeuvre de certains paysans expérimentateurs
qui essayent de définir une période de semis qui réponde
mieux aux nouvelles situations vécues. Ce savoir mis au point, n'est pas
encore accessible à toutes les catégories de producteurs, et
constitue des savoirs spécialisés. Ces savoirs connaissent une
restriction à certaines franges de producteurs. C'est de cette
façon que la connaissance de la date convenable de semis du
niébé est désormais l'apanage de certains producteurs qui
savent décoder facilement le comportement des saisons pour juger de la
pertinence des opérations culturales à entreprendre.
Les savoirs exogènes interagissent avec les savoirs
locaux à travers le fonctionnement des réseaux d'amitié,
de parenté ou de profession. C'est ainsi que l'introduction de la
nouvelle culture de riz pluviale NERICA, est l'oeuvre de certains paysans en
contact avec le CeCPA. L'introduction de la vaccination des animaux
d'élevage tels que les caprins, les ovins et les
porcins dans la conduite de l'élevage familiale
à été aussi facilité par les expériences de
collaboration de certains producteurs avec le CeCPA. Ces nouvelles
expériences sont en cours de diffusion au sein des producteurs. Les
savoirs exogènes s'incorporent donc aux savoirs locaux.
9.3. Logique entre perceptions, savoirs et
stratégies d'adaptation des producteurs face aux changements
climatiques
Les résultats obtenus de cette étude
révèlent que les producteurs ont développé des
mesures d'adaptation variées en réponse aux changements
climatiques vécus dans leur milieu. Notre analyse des stratégies
d'adaptation repose alors sur l'analyse des mesures collective et individuelle
mises en oeuvre par les producteurs de nos deux villages d'enquête.
En matière de mesures collectives, les pratiques de
provocation de pluies par recours aux services des faiseurs de pluies
identifiées dans le cadre du processus PANA, comme stratégies
collectives dans la commune d'Adjohoun ont encore cours dans les deux villages.
C'est donc une mesure offensive d'intérêt collective qui permet
d'agir directement sur le climat. Toutefois, cette mesure de provocation de
pluie et son revers de neutralisation en cas d'excès de pluies ne
rencontrent plus l'adhésion collective des producteurs.
La limitation de la taille du cheptel bovin autorisée
par exploitation est une mesure collective de gestion des effets induits des
changements climatiques. Cette mesure privilégie les
intérêts collectifs de la communauté paysanne et vise la
préservation de la cohésion sociale.
En dehors des mesures collectives, les producteurs
développent individuellement plusieurs mesures sur leurs exploitations
pour faire face aux changements climatiques vécus. Les mesures
individuelles mises en oeuvre par les producteurs concernent aussi bien la
conduite des cultures que la gestion des sols.
Certaines mesures individuelles développées par
les producteurs en réponse aux péjorations climatiques sont des
résultats des échecs connus par les producteurs dans l'exercice
de leurs activités agricoles, et la capitalisation de nouveaux savoirs
au regard de l'évolution du climat. C'est le cas des mesures d'abandon
de variétés/culture, l'adoption de nouvelles
variétés, le déplacement des cultures, le labour à
sec, l'application de forte dose d'engrais et la modification de certaines
rotations.
Au regard du démarrage tardif des deux saisons
pluvieuses et du raccourcissement de leurs durées, les producteurs ont
opté pour le labour à sec avant les premières grandes
pluies. Ainsi donc, le labour à sec rend possible les semis
précoce. Autrefois, les producteurs attendaient le démarrage des
saisons pluvieuses avant d'entamer les opérations de labours, mais les
insécurités alimentaires qu'ils ont connues et dont les causes
sont relatives à la rupture précoce des pluies en fin des saisons
pluvieuses mettant en péril leur récolte, ont amené ces
derniers à opter pour le labour précoces. Cette mesure
d'adaptation répond donc à l'objectif de faire
bénéficier aux cultures du maximum des hauteurs
pluviométriques tombées sur le village. Ces résultats sont
similaires à ceux d'Amadou (2005) qui ont montré qu'au Niger les
producteurs ont adopté en réponse aux changements climatiques la
stratégie « de semis dès la première pluie dans le
souci de profiter au mieux des premières pluies utiles et le labour
précoce pour que l'humidité que conservent les mottes puissent
profiter aux jeunes plants en cas de sécheresse ».
Les mesures d'exploitation simultanées de plusieurs
unités de paysages et la modification des emblavures s'inscrivent plus
dans une perspective de mesures défensives permettant aux producteurs
une dispersion des effets des risques tels que le démarrage tardif des
pluies, les poches de sécheresse en cours de saison, et la rupture
précoce des pluies.
Au total, les mesures d'adaptation mises en oeuvre par les
producteurs en réaction aux manifestations physiques des changements
climatiques dans leur milieu ne sont pas décousues de sens. Elles
s'insèrent dans un champ de confrontations dynamiques entre perceptions
et savoirs et s'identifie donc, comme des composantes
élémentaires des stratégies développées par
les producteurs pour faire face aux changements climatiques.
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