CHAPITRE 8: STRATEGIES D'ADAPTATION DES POPULATIONS
LOCALES FACE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES : Adaptations réalisées
et prévues
Ce chapitre aborde les stratégies d'adaptation
développées ou prévues par les producteurs de
Sissèkpa et de Zounta pour faire face aux bouleversements climatiques
vécus actuellement dans leur terroir.
En effet, afin de pouvoir continuer à tirer
l'essentiel de leur subsistance de leur milieu de vie malgré les
changements climatiques, les populations locales ont donc,
développé diverses stratégies d'adaptation. Ces
stratégies concourent à la limitation des effets néfastes
induits par les modifications du climat local, et sont assez variées au
sein de la communauté paysanne. Fortement inspirées des nouvelles
perceptions du climat, les stratégies mises en oeuvre sont aussi bien
collectives qu'individuelles avec un fort enracinement dans les savoirs locaux.
Les savoirs et savoir faire en cours dans le milieu ont du être
réajustés au contexte climatique actuel.
Ainsi, des stratégies collectives telles que les
prières collectives aux divinités « tolégba
» et « lô » de même que le recours aux
services des faiseurs de pluies sont communes aux deux villages d'études
et interviennent dans l'adaptation aux retards/ruptures ainsi que les
excès de pluies.
Les stratégies individuelles se déclinent en
des composantes incluant aussi bien la conduite des cultures, que des animaux
d'élevage, la gestion des sols du terroir et la diversification des
sources de revenus. Dans notre développement, seules les
stratégies individuelles des producteurs au sein de leur exploitation
seront exposées dans un premier temps. Par la suite, nous exposerons les
stratégies prévus pour le court et moyen terme par les
producteurs.
8.1. Adaptations réalisées par les
producteurs agricoles
En vue de tenir compte de la diversité des
stratégies développées par les producteurs de notre zone
d'étude nous avions réalisé une typologie de structure
à priori des exploitations agricoles de nos deux villages
d'enquête. Les différents types d'exploitations
enquêtés ont été déjà
présentés dans le chapitre sur la méthodologie et
analysés dans le chapitre consacré à la
présentation des caractéristiques socio-économiques des
exploitations enquêtées.
Nous rappelons toute fois ici, les critères de
typologie utilisés et les six (6) types d'exploitations
enquêtés. En effet deux critères ont été
utilisés. Il s'agit de la superficie totale cultivée au sein de
l'exploitation et la possession de palmeraie. A partir de la combinaison des
modalités de ces deux critères les six types d'exploitation
obtenus sont :
I : Exploitations de petite production agricole ne
possédant pas de palmeraie (Pn)
II : Exploitations de petite production agricole possédant
de palmeraie (Po)
III : Exploitations de production agricole moyenne ne
possédant pas de palmeraie (Mn)
IV : Exploitations de production agricole moyenne
possédant de palmeraie (Mo)
V : Exploitations de grande production agricole ne
possédant pas de palmeraie (Gn)
VI : Exploitations de grande production agricole
possédant de palmeraie (Go)
La répartition des exploitations enquêtées
suivant ces différents types est consignée dans le tableau 14.
Tableau 14 : Répartition des exploitations
enquêtées suivant les différents types
distingués
Types d'exploitations
|
Pn
|
Po
|
Mn
|
Mo
|
Gn
|
Go
|
Total
|
Effectif
|
10
|
11
|
10
|
16
|
6
|
17
|
70
|
|
Source : Données
d'enquêtes terrain Août-Octobre 2009
8.1.1. Conduite des cultures
Dans ce domaine, les producteurs ont développé
plusieurs mesures d'adaptation. Elles sont variées et se
déclinent en ce qui suit : abandon de cultures ou de
variétés, adoption de nouvelles cultures ou
variétés, déplacement de culture d'une unité de
paysage à une autre, modification des emblavures et changement
d'itinéraire technique.
s/ Abandon de cultures ou de
variétés
L'abandon de culture comme mesure d'adaptation aux changements
climatiques dans les villages de Sissèkpa et de Zounta concerne deux
cultures. Il s'agit de l'arachide et du taro.
Pour la culture d'arachide, l'abandon progressif provient de
l'amenuisement total de son rendement induit par les péjorations
climatiques. Les retards de pluies enregistrés au cours du début
de la deuxième saison pluvieuse et les ruptures de pluies qui
caractérisent la fin de cette saison, ont donc, impliqué un
raccourcissement de la durée de la deuxième saison pluvieuse de
telle sorte que le cycle végétatif des variétés
d'arachide cultivées ne tient plus dans la
nouvelle durée de la saison. C'est alors la
réduction sensible du rendement de cette qui à conduit à
l'abandon de la culture d'arachide au cours de la deuxième saison
pluvieuse par les producteurs (plus de 77% des CE enquêtés). Cette
mesure d'abandon s'explique surtout de la part des producteurs, par le fait
qu'elle leur permet de se concentrer sur la culture de maïs afin de
pouvoir effectuer ses opérations de semis à temps. C'est donc une
mesure de choix du moindre mal qui n'est rien d'autre qu'une mesure de
contournement des risques climatiques permettant aux producteurs de se mettre
ainsi hors d'atteinte des effets des bouleversements climatiques sur la culture
d'arachide pendant la deuxième saison pluvieuse.
Concernant la culture du taro, c'est l'effet combiné
du raccourcissement de la durée des deux saisons pluvieuses et la
persistance des deux saisons sèches qui ont motivé les
producteurs à son abandon dans les systèmes de culture au cours
des deux saisons pluvieuses (plus de 84 % des CE enquêtés).
s/ Adoption de cultures ou variétés de
culture
En réaction aux conséquences des
bouleversements d'ordre climatiques vécus, certains producteurs ont
opté pour l'adoption dans leurs systèmes de cultures de nouvelles
variétés et de nouvelles spéculations. Mentionnons
toutefois que cette mesure est encore restreinte à une faible proportion
des producteurs de nos deux villages d'étude (16% des CE
enquêtés).
L'adoption de nouvelles cultures concerne le riz pluvial
NERICA. En effet, à la faveur de leur contact permanent avec les agents
du CeRPA, certains producteurs ont découvert cette nouvelle culture
qu'ils ont dû adopter. Le cycle relativement court de trois (3) mois de
ce riz pluvial lui permettant de supporter les conséquences du
raccourcissement des saisons pluvieuses est un facteur favorisant de cette
adoption. La lenteur de la diffusion de cette culture doit être due
à la méconnaissance des exigences de son itinéraire par
beaucoup de producteurs pour le moment.
L'adoption de nouvelles variétés de culture
concerne le maïs. En vue de pouvoir palier aux conséquences des
ruptures de pluie en fin de cycle, certains producteurs ont introduit les
variétés locales de maïs de trois (3) mois cultivées
pendant la contre saison dans la zone de décrue dans les systèmes
de cultures pluviales. La lenteur de la diffusion de cette mesure au sein des
producteurs tient au fait que c'est une mesure innovatrice qui est encore
inconnue de certains producteurs, et pour d'autres c'est la nostalgie des
rendements obtenus dans les temps anciens avec les variétés
traditionnelles de maïs qui explique leur hésitation à
adopter.
1' Déplacement de cultures (extension
à une nouvelle unité de paysage d'une culture
donnée)
Le déplacement de culture est l'une des mesures
d'adaptation les plus développées par les producteurs des
villages de Sissèkpa et de Zounta. Dans le contexte spécifique de
nos deux villages, le déplacement de cultures se traduit par l'extension
vers une nouvelle unité de paysage du terroir d'une culture
donnée. Cette mesure concerne surtout les cultures à cycle long
qui figurent encore dans les assolements des producteurs. Il s'agit du manioc
et de la patate douce. Pour faire face aux stress hydrique et thermique induits
par les ruptures/retards de pluie en saison pluvieuse de même que la
persistance de la sécheresse pendant les saisons sèches les
producteurs ont opté pour l'extension des cultures de manioc et de
patate douce vers les unités de paysage de milieu de pente et de bas de
pente (plus de 77% des CE enquêtés). Cette mesure de
déplacement des cultures de patate douce et de manioc est en fait une
mesure défensive qui permet aux producteurs de limiter les effets des
changements climatiques sur la productivité de ces cultures.
1' Changement progressif du calendrier agricole et
des itinéraires techniques
Cette mesure d'adaptation regroupe toute une gamme de
nouvelles pratiques développées par les producteurs. Ainsi, avec
les conditions climatiques des plus incertaines du milieu, de nouvelles
pratiques telles que le labour à sec, l'application de forte dose
d'engrais même aux cultures légumineuse des fois ; et la
modification des rotations ont pris corps dans les itinéraires
techniques anciens aboutissant au changement progressif du calendrier cultural
empirique.
· Le labour à sec pour les semis
précoce
Face aux retards que connaissent le démarrage des deux
saisons pluvieuses dans leur localité, et les poches de
sécheresse enregistrées en début de saison pluvieuse les
producteurs des villages de Sissèkpa et de Zounta ont
développé la technique de labour à sec. En effet, en vue
de pouvoir démarrer les opérations de semis de culture dès
les premières pluies, les producteurs procèdent au labour de leur
champ en début de saison bien avant l'installation des pluies (98% des
CE enquêtés). Autrefois, c'était avec les premières
pluies que démarraient les opérations de labour. C'est une mesure
qui exige un surcoût d'effort de la part des producteurs et se pratique
sur les unités de paysage de haut de pente (plateau) et de milieu de
pente (rebord des plateaux).
Photo 7 : Parcelles labourées à sec en
attendant le démarrage des pluies pour les semis
précoces
Source : Cliché CODJIA, Octobre
2009
· L'intensification de l'utilisation de
fertilisants chimiques aux cultures
Cette mesure est développée par les producteurs
sur les parcelles en haut de pente (plateau) et de milieu de pente (rebord
plateau) dans le but de réduire la baisse de rendement induit par les
retards des pluies et le raccourcissement de la durée des saisons
pluvieuses. C'est une mesure défensive dont la durabilité et
l'intérêt agronomique peuvent être néanmoins
discuté surtout si l'on considère les cas où elle
s'applique même aux cultures légumineuses telles que le
niébé et l'arachide. Pour notre échantillon
d'étude, environ 68% des producteurs l'appliquent à l'une et/ou
l'autre de ces deux cultures. En principe, ces cultures sont censées
améliorer la fertilité des sols.
· La modification de certaines rotations de
culture
Les conséquences du raccourcissement de la
durée des deux saisons pluvieuse ont conduit les producteurs à la
modification de la succession des cultures. Ainsi, la culture du
niébé qui s'installait dans la période ancienne
après les opérations d'entretien du maïs de la grande saison
pluvieuse a commencé par être installée au que ces
opérations.
Parcelle de niébé installée au moment des
Parcelle de niébé installée après les
opérations d'entretien du maïs (Sissèkpa)
opérations d'entretien du maïs (Sissèkpa)
Photo 8: Effet de la modification de la rotation
maïs-niébéSource : Cliché
CODJIA, Août 2009
1' La modification des emblavures
La modification des emblavures en tant que mesure
d'adaptation aux changements climatiques se décline dans les villages de
Sissèkpa et de Zounta aussi bien en l'extension qu'en la diminution des
superficies totales cultivées. Les cas de diminution d'emblavure sont
moins répandus. Environ 65% des CE enquêtés ont
augmenté leur superficie totale emblavée. Avec, la forte pression
foncière qui prévaut dans les deux villages, c'est surtout
l'achat de parcelles et le recours aux modes de faire valoir indirects tels que
le gage et le prêt qui permettent aux producteurs l'augmentation de leur
superficie exploitée.
1' Exploitation des unités de
paysage
Le tableau 15 présente l'occupation de chaque
unité de paysage par les producteurs.
Tableau 15 : Répartition des CE suivant
l'occupation de chaque unité de paysage
Zones
|
Oui
|
Non
|
Zone 1 (haut de pente)
|
70
|
0
|
Zone 2 (milieu de pente)
|
37
|
33
|
Zone 3 (bas de pente)
|
26
|
44
|
|
Source : Données enquête de
terrain, Août-Octobre 2009
Il se dégage des informations du tableau 15 que la
totalité des producteurs enquêtées ont des parcelles
situées en haut de pente (plateau). Plus de la moitié (50%) des
producteurs enquêtés ont des parcelles dans l'unité de
paysage de milieu de pente. Près de 40% des producteurs exploitent
l'unité de paysage de bas de pente. Autrement, c'est 40% des producteurs
enquêtés qui font des cultures de contre saison donc, trois cycles
de cultures par an.
La répartition des CE par rapport à l'occupation
d'au moins deux unités de paysage est présentée dans le
tableau 16.
Tableau 16: Répartition des CE suivant
l'occupation des différentes unités de paysage
CE
|
Zone 1 et 2
|
Zone 1 et 3
|
Zone 2 et 3
|
Zone 1, 2 et 3
|
Fréquence
|
23
|
11
|
0
|
17
|
|
Source : Données enquête de
terrain, Août-Octobre 2009
Il se dégage des informations du tableau 16 qu'il n'y
a pas de producteurs, exploitant uniquement les zones 2 et 3 à la fois.
Il en ressort également que le quart (25%) des producteurs exploitent
simultanément les unités de haut, milieu et de bas de pente. Au
total, près des trois quart (73%) des producteurs enquêtés
exploitent simultanément au moins deux (2) unités de paysage.
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