11111111 II I ICONSEQUENCES DES CHANGEMENTS
CLIMATIQUES SUR LE QUOTIDIEN DES PRODUCTEURS
En dehors des conséquences sur les unités de
paysage, les producteurs expriment par ailleurs les conséquences des
changements climatiques à travers les effets néfastes ressentis
sur leurs activités, sur leur santé et leurs habitats. Ces
conséquences sont présentées dans le présent
chapitre.
7.1. Conséquences des changements climatiques
sur les activités agricoles
Les activités agricoles évoquées ici sont
l'agriculture et l'élevage.
7.1.1. Les niveaux d'affectation des principales cultures
par les changements climatiques
Les conséquences des changements climatiques sur les
cultures diffèrent selon les manifestations du facteur climatique
considéré. Etant donné que ces manifestations
diffèrent sensiblement pour leur part suivant les deux saisons
pluvieuses de notre zone d'étude, les conséquences seront
développées suivant les saisons pluvieuses et les
différentes unités de paysage. Les effets des retards/ruptures de
pluies, des excès de pluies de même que ceux des vents violents et
des températures trop fortes caractéristiques des changements
climatiques en cours dans nos deux villages d'études, seront donc
exposés pour les principales cultures que sont le maïs, le
niébé, l'arachide, le manioc et la patate douce.
> Conséquences des changements climatiques sur
le maïs
Le maïs est cultivé sur les trois cycles de
culture pratiqués par les producteurs des villages de Sissèkpa et
de Zounta. On le retrouve dans les assolements des parcelles des trois
unités de paysage. Il est cultivé aussi bien pour
l'autoconsommation que pour la commercialisation. Mais avec les changements
climatiques actuels, la culture de maïs est fortement affectée avec
à la solde des pertes de récoltes et des baisses de rendement
considérables.
En effet, le maïs est une culture exigeante en eau
particulièrement sensible à la sécheresse aux moments de
la levée mais surtout de la floraison qui se trouve être la
période la plus critique de son cycle et, les températures
doivent être élevées et régulières
immédiatement après. L'excès d'eau lui
est toutefois préjudiciable car il provoque l'asphyxie ou même la
pourriture des racines. Il se dégage que le maïs est une culture
supportant mal aussi bien les retards/rupture de pluies que les excès de
pluies.
Ainsi, les retards/ ruptures de pluies en début de la
grande saison pluvieuse entraînent l'étalement des
opérations de semis et de resemis sur des périodes inhabituelles.
Ces opérations se poursuivent jusqu'en Juin chez certains paysans au
lieu de début Mai comme autrefois. De cette façon,
l'itinéraire technique du maïs est fortement bouleversé. La
résultante de ce bouleversement est l'exposition du maïs sur tout
son cycle pendant la grande saison pluvieuse à de fréquente
période de stress hydriques et thermiques. Pendant la deuxième
saison pluvieuse, la situation est plus désastreuse, compte tenu de sa
courte durée de telle sorte que les opérations prolongées
de semis, resemis projettent le bouclage du cycle de la culture hors de la
période pluvieuse.
Les excès de pluies sur courte période sont
surtout enregistrés pendant la grande saison pluvieuse. Lorsqu'ils
surviennent sur les parcelles de bas de pente (plaine d'inondation), les
excès de pluie sur courte durée du début de la grande
saison pluvieuse provoquent la perte de tout ou d'une bonne partie de la
récolte par inondation, lorsque les cultures de maïs n'ont pas
encore commencé à sécher. Dans ce dernier cas, seule une
récolte précoce permet de sauver la récolte avec les
changements climatiques actuels. Sur les parcelles de haut et de milieu de
pente, l'excès de pluie sur plusieurs jours de pluies provoquent sur la
culture de maïs le jaunissement des jeunes plants ou l'attaque massive des
épis par les insectes foreur de grains. L'encadré 4 est le
témoignage d'un producteur septuagénaire.
Encadré 4 : Témoignage d'un producteur
à propos des conséquences des changements cimatiques sur la
production de maïs
C'est avec un peu de pluies et un peu de soleil que les
plantes se développent bien ! Avec les excès de pluies sur courte
durée, même les doses d'engrais que nous apportons aux cultures
n'ont plus d'effet. Avec les excès de pluies qui arrivent
désormais à la fin de la grande saison pluvieuse, nous ramenons
rarement des épis de maïs intacts à la maison. Presque toute
la récolte est attaquée par des insectes. Nous avons beaucoup de
mal à conserver nos récoltes de maïs de la grande saison
avec ce qui nous arrivent ces dernières années.
Source Données d'enquêtes
(Zounta) Septembre 2009
Les vents violents de la fin de la grande saison pluvieuse
occasionnent sur la culture du maïs des cas de verse. Ces cas de verse
sont plus importants sur l'unité de haut de pente selon 81,42% de CE
enquêtés. Le tableau 12 présente les proportions de pertes
de récoltes par saison et suivant les différentes unités
de paysage pour la culture de maïs.
Tableau 12: Proportion de pertes de récoltes par
saison et suivant les différentes unités de paysage pour la
culture de maïs
Saisons pluvieuses
|
Grande saison
|
Petite saison
|
Contre saison
|
% de
pertes
|
Min
|
Moy
|
Max
|
Min
|
Moy
|
Max
|
Min
|
Moy
|
Max
|
Zone 1
|
25
|
54,28
|
70
|
45
|
62,85
|
75
|
-
|
-
|
-
|
Zone 2
|
25
|
42,02
|
55
|
40
|
50,94
|
60
|
-
|
-
|
-
|
Zone 3
|
-
|
-
|
-
|
-
|
-
|
-
|
0
|
1,53
|
5
|
|
Source: Données d'enquête
Août-Octobre 2009
Des informations du tableau 12, il se dégage que les
pertes moyennes de récolte de maïs les plus élevées
sont enregistrées au cours de la petite saison pluvieuse. Au cours de
cette saison, les pertes moyennes de la zone 1 (62,85%) sont plus
élevées que celles de la zone 2 (50,94%). Cette situation est
aussi valable pour les pertes de récoltes de la grande saison pluvieuse
seulement qu'elles sont moins élevées que celles de la petite
saison pluvieuse (54,28% et 42,02%). Pour la zone3, hormis les cas de pertes de
la totalité des récoltes en cas d'inondation précoce, les
pertes de récoltes enregistrées au cours des changements
climatiques sont presque négligeables (1,53%).
> Conséquences des changements climatiques sur
la culture de niébéLe niébé est la culture
la plus impactée par les effets néfastes des changements
climatiques dans les villages de Sissèkpa et de Zounta.
Le niébé est produit pour l'autoconsommation
mais surtout pour la commercialisation par les exploitations agricoles de nos
deux villages d'enquêtes. Sa production se fait sur les trois
unités de paysages exploitées par les producteurs agricoles et
concerne la grande saison pluvieuse et la saison de décrue.
Cependant, les retards/ruptures de pluies de la grande saison
pluvieuse font peser sur la culture du niébé, le risque de
disparition des assolements pour les parcelles situées dans les
unités de haut de pente (plateau) et de milieu de pente (rebord de
plateau). L'encadré 5 est le
témoignage d'un producteur sexagénaire du village
de Sissèkpa qui rend compte de la situation des conséquences
climatiques sur la production de niébé.
Encadré 5: Les conséquences des
changements cimatiques sur la production du niébé :
témoignage d'un producteur
Cette année, pour la culture du niébé,
j'ai payé des semences pour 1200F et j'ai dépensé en
dehors de mes efforts personnels et de ceux de mes enfants qui m'aident quelque
fois, 50.000F pour la main d'oeuvre salariée, de la confection des
billons jusqu'au sarclage d'entretien, mais je n'ai pas ramené 5 mesures
de niébé (1mesure=1kg) à la maison au moment des
récoltes. Les pluies ont coupé au moment où les plants ont
commencé par former les gousses.
Nous ne savons plus quoi faire. Depuis plus de Cinq (5) ans
déjà, c'est ce à quoi nous assistons. Nos rendements de
niébé ne cessent de baisser progressivement. Moi, j'ai même
commencé par appliquer de l'urée et du NPK sur mes parcelles de
niébé tout comme certains autres paysans. Mais ça n'a rien
changé. Avec la rupture des pluies enregistrée à la fin de
la grande saison pluvieuse, au lieu de trois récoltes comme autrefois,
nous n'arrivions plus qu'à faire une seule récolte. Mais ce qui
est arrivé cette année, c'est du jamais vu pour moi depuis que je
cultive la terre (Voir photo 4).
C'est uniquement ceux qui n'ont pas attendu de finir avec les
opérations d'entretien du maïs, avant d'entamer celles des semis du
niébé qui ont pu récolter de niébé. Cela
nous crée ainsi, un cumul de travaux que nous avons beaucoup du mal
à gérer. Nos enfants sont encore à l'école en Mai
et la mobilisation des tâcherons à temps est tout un
problème dans notre milieu ici. A défaut d'abandonner le
maïs et ceci, au risque de mourir de faim, nous sommes obligés de
chercher des variétés qui durerons moins sur les champs que ce
que nous faisons maintenant si nous voulons nous en sortir de cette
situation.
Source : Données d'enquête,
(Sissèkpa) Août-Octobre 2009
Les informations contenues dans l'encadré 5 montrent que
la production du niébé est
devenue un dilemme pour les producteurs des villages de
Sissèkpa et de Zounta avec le raccourcissement de la durée de la
grande saison pluvieuse.
![](Perceptions-savoirs-locaux-et-strategies-d-adaptations-aux-changements-climatiques-des-producteurs24.png)
Photo 4 : Conséquences de la rupture
précoce de la grande saison sèche sur la culture de
niébé
à Zounta (gauche) et à Sissèkpa
(droite) Source : Cliché CODJIA, Août 2009
Le tableau 13 présente les proportions de pertes de
récoltes par saison et suivant les différentes unités de
paysage pour la culture du niébé.
Tableau 13 : Proportion de pertes de récoltes par
saison et suivant les différentes unités de paysage pour la
culture du niébé.
Saisons pluvieuses
|
Grande saison
|
Contre saison
|
% de pertes
|
Min
|
Moy
|
Max
|
Min
|
Moy
|
Max
|
Zone 1
|
45
|
61,42
|
80
|
-
|
-
|
-
|
Zone 2
|
40
|
50,54
|
60
|
-
|
-
|
-
|
Zone 3
|
-
|
-
|
-
|
0
|
2,08
|
5
|
|
Source: Données d'enquête
Août-Octobre 2009
Il se dégage du tableau 13 que les pertes moyennes de
récolte de niébé sur les zones 1 et de 2 respectivement de
61,42% et de 50,54% sont plus élevées que celle
enregistrées pendant la culture de contre saison 2,08%.
> Conséquences des changements climatiques sur
la culture d'arachide
Les changements climatiques ont induit une modification de
l'itinéraire technique de la production d'arachide pendant la
deuxième saison pluvieuse. L'arachide est produit exclusivement pour la
commercialisation ou la transformation. Mais, avec les péjorations
climatiques de la petite saison pluvieuse notamment les retards/ ruptures de
pluies en début de la saison, la culture d'arachide se trouve fortement
affectée sur les parcelles des unités de paysage de haut de pente
et de milieu de pente. Tout comme la culture de Maïs avec qui l'arachide
se cultive en association sur ces deux unités de paysage, les
retards/ruptures de pluies en début de la deuxième saison
pluvieuse entraînent l'étalement des opérations de semis et
de resemis. Ces opérations qui prenaient fin en Septembre autrefois, se
poursuivent jusqu'à fin mi Octobre avec les changements climatiques. De
cette façon, les poches de sécheresse intervenant à la fin
de la saison en Novembre exposent la culture d'arachide au manque d'eau pour la
floraison-formation des gousses. La période de floraison-formation des
gousses (30-70 jours après semis) correspond en effet à la
période critique de l'arachide à la sécheresse. Il en
découle une baisse de rendement considérable. Mentionnons toute
fois que
les péjorations climatiques de cette grande saison
pluvieuse ne sont pas pour leur part sans effets sur la culture d'arachide sur
ces deux unités de paysage.
Le tableau 14 présente les proportions de pertes de
récoltes par saison et suivant les différentes unités de
paysage pour la culture d'arachide.
Tableau 14 : Proportion de pertes de récoltes par
saison et suivant les différentes unités de paysage pour la
culture du d'arachide.
Saisons pluvieuses
|
Grande saison
|
Petite saison
|
Contre saison
|
% de pertes
|
Min
|
Moy
|
Max
|
Min
|
Moy
|
Max
|
Min
|
Moy
|
Max
|
Zone 1
|
5
|
11,71
|
20
|
20
|
36,74
|
55
|
-
|
-
|
-
|
Zone 2
|
5
|
7,10
|
25
|
15
|
22,85
|
35
|
-
|
-
|
-
|
Zone 3
|
-
|
-
|
-
|
-
|
-
|
-
|
0
|
3,56
|
10
|
|
Source: Données d'enquête
Août-Octobre 2009
Des informations contenues dans le tableau 14, il ressort que
les pertes moyennes de récoltes s'élevant respectivement à
11,71% et à 36,74% au cours de la grande et de la petite saison
pluvieuse sur la zone 1 sont plus élevées par rapport à
celles enregistrées sur la zone 2 pour ces mêmes saisons et qui
s'élèvent 7,10% et 22,85%.
> Conséquences des changements climatiques sur
les cultures de manioc et de la patate douce
Les changements climatiques affectent beaucoup la production
de manioc et de patate douce dans notre zone d'étude. Ces cultures
subissent les conséquences des changements climatiques aussi bien sur
les unités de haut de pente, de milieu de pente que pendant les trois
saisons de culture. Toute fois, l'ampleur des effets des poches de
sécheresse sur ces cultures sont variables suivants les
différentes unités de paysage pour chaque saison de culture.
Ainsi, sur les parcelles de haut de pente, la multiplication
des poches de sécheresse et le raccourcissement de la durée des
deux saisons pluvieuses, enregistrés au cours des quinze (15)
dernières années expose les cultures de manioc et de patate douce
à des retards de croissance. De cette façon, la dessiccation
prolongée des sols des parcelles en haut de pente ne favorise plus le
développement végétatif suffisant des cultures de manioc
et de patate douce pour pouvoir supporter la sécheresse des saisons
sèches. De ce fait, la production de
manioc et de patate douce est de plus en plus
déplacée par les producteurs vers les parcelles de l'unité
de milieu de pente où les sols retiennent plus longtemps l'eau et
où la dessiccation prolongée est moins fréquente en vue de
la limitation des baisses de rendement.
Sur les parcelles situées en bas de pente (zone de
plaine d'inondation), les excès de pluies de la grande saison pluvieuse
occasionne l'inondation précoce des parcelles et provoque des pertes de
récoltes par pourrissement des racines de manioc et des tubercules de la
patate douce.
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