3.3. La phase d'enquête approfondie
Cette phase, la dernière de notre recherche, à
été essentiellement une phase d'enquête structurée.
Elle a consisté d'une part en la collecte des données
nécessaires au test des hypothèses grâce au questionnaire
d'entretien individuel corrigé (annexe 2). D'autre part, la technique
d'observation participante et des entretiens informels nous ont permis
d'obtenir des informations complémentaires pour comprendre certaines
tendances obtenues à travers les questionnaires. Les quelques questions
ouvertes du questionnaire ont contribué aussi à cette fin. Afin
d'éviter que l'entretien ne dure trop longtemps, ce qui pourrait
entacher la fiabilité des informations collectées, nous avons
effectué deux passages par exploitation.
3.3.1. Choix des unités d'observation et
justification
L'unité d'observation est l'exploitation agricole.
L'exploitation agricole est une unité de production où un groupe
d'individu travaille collectivement avec des productions communes pour
satisfaire leurs besoins de subsistance ainsi que ceux de leurs
dépendants (Dugué, 1986). Adégbidi (1992), mentionne que
celui qui assure la mise en valeur de l'exploitation est appelé chef
d'exploitation ; il est en outre appelé chef de ménage.
Dans le cas présent de notre zone d'étude
où l'unité de production correspond à l'unité de
consommation et à l'unité de résidence, l'exploitation
agricole équivaut au ménage agricole et se résume à
l'ensemble regroupant le chef de ménage, le ou les conjoint(s), leur
progéniture et les dépendants directs, les parcelles sous
cultures, celles en jachères, les plantations, le cheptel animal, les
équipements ainsi que l'ensemble des activités extra agricoles
qui occupent en son sein des membres.
Le choix des exploitations agricoles comme unités
d'observation se justifient par le fait que nous jugeons que les chefs
d'exploitation seuls ne sauraient relater tous les problèmes qu'ils
rencontrent dans leur exploitation. Ainsi pour limiter les pertes
d'informations et tenir compte des détails qui échappent parfois
au chef d'exploitation, les autres membres de l'exploitation ont
été aussi questionnés. Les autres membres de
l'exploitation ont aussi et surtout contribué à la collecte des
données relatives à la structure de l'exploitation.
3.3.2. Construction de l'échantillon
d'enquête
En vue de garantir la représentativité de notre
échantillon d'enquête, nous avons procédé à
la réalisation d'une typologie de structure des exploitations agricoles
de nos deux villages d'enquête. Par hypothèse, il est
supposé que les stratégies d'adaptation mises en oeuvre par les
producteurs face aux modifications climatiques vécues seront fonction
des perceptions mais aussi des structures des exploitations. Il nous importait
donc de tenir grand compte de la diversité de structure existante au
niveau des exploitations agricoles de notre zone d'étude.
A cet égard, la typologie d'exploitations est un
modèle de représentation (en graphe ou en tableau) de la
diversité des exploitations composant une agriculture locale ou
régionale (INRA, 1988). Cependant, on distingue différents types
de typologies. Jouve (1992), affirme qu'il y a autant de typologies que de
points de vue et d'objectifs mais, il distingue deux types :
les typologies de structure et les typologies de
fonctionnement. Les typologies de structure sont basées essentiellement
sur la nature et les modalités d'organisation et de combinaison des
moyens de production (capital, terre et travail), offrant ainsi un cadre pour
des analyses sur des ensembles homogènes ; tandis que les typologies de
fonctionnement s'attachent plus à l'analyse des processus techniques de
production. Pour notre cas, la typologie de structure a été
retenue pour nous servir de porte d'entrée dans la population des
producteurs.
La construction de notre échantillon d'enquête
à partir d'une typologie de structure s'est déroulée en
trois étapes à savoir : le choix des critères de
typologie, la construction de la base de sondage et
l'échantillonnage.
> Choix des critères de typologie et
justification
Identifier des types d'exploitations agricoles fait appel
à de nombreux critères qui peuvent constituer autant de
typologies (Losch et al. ; 1991). La majorité des
critères de typologie de structure des exploitations
élaborées prennent toujours en compte les moyens de production
(terre, travail, capital), les activités extra-agricoles et parfois les
revenus monétaires quant elles sont disponibles (Jouve, 1984 ;
Mbetid-Bessane et Besacier, 1996 ; Moussa et Jonson, 1998). Suivant les
objectifs visés et le niveau de précision recherché, ces
typologies peuvent distinguées de 3 à 10 groupes, voire plus
(Mbetid-Bessane, 2002).
En effet à partir de nos observations et des
différentes discussions que nous avons eues avec les personnes
ressources et certains producteurs dans chacun des deux villages, deux
critères de structure d'exploitation se sont
révélés les plus déterminants pour la
discrimination des exploitations agricoles. Il s'agit de la superficie
cultivée et de la possession de palmeraie par exploitation.
Ces deux critères ont été retenus par la
méthode de classement par niveau de prospérité car nous
étions limités par le temps pour procéder à un
recensement exhaustif de la structure de toutes les exploitations des deux
villages. Ainsi, nous avons retenus à partir de nos observations et des
entretiens de groupe, une liste de 25 producteurs par village que nous avons
soumis à un groupe de 5 producteurs retenus pour l'exercice dans chaque
cas. C'est à partir des raisons justificatives de leur classement que
les deux critères sont ressortis comme étant les plus pertinents
du classement. Une triangulation de sources a été
effectuée à travers
les discussions informelles effectuées avec d'autres
producteurs dans chacun des deux villages pour le test de la validité
des deux critères retenus.
L'importance du choix des critères superficie
cultivé et possession de palmeraie par exploitation tient à ce
que suit :
. Superficie totale cultivée par
exploitation
La terre est le premier facteur de production en agriculture.
L'économie paysanne repose sur trois (03) grands facteurs de production
: la terre, la main d'oeuvre et le capital. Toutefois on ajoute souvent le
management comme le quatrième facteur (Adégbidi ,1994). Au cours
des deux dernières décennies, on a assisté à une
forte augmentation de la densité de la population dans la plupart des
régions du Bénin, particulièrement dans le Sud. En
conséquence le processus de marchandisation de la terre s'est
accéléré (Moussaratou, 2008). C'est dire que c'est de la
superficie disponible par exploitation que dépendent les
stratégies de production des producteurs. Compte tenu de la forte
pression foncière dans les deux villages d'enquêtes, ce
critère traduit donc non seulement le pouvoir économique de
chaque exploitation mais aussi la marge de manoeuvre dont elle dispose par
rapport à l'adaptation aux changements climatiques.
. Possession de palmeraie
En dehors des palmiers spontanés présents dans
beaucoup de champs dans les deux villages d'enquêtes, c'est les
palmeraies qui font l'objet de considération particulière. C'est
une culture de rente. Elles constituent une source permanente de revenu.
Plusieurs qualificatifs sont utilisés par les producteurs pour traduire
son importance. Pour les uns c'est une << assurance problème
» pour les autres c'est une << garantie retraite » paisible. La
possession de palmeraie traduit donc le pouvoir économique, la
capacité d'investissement agricole mais également le niveau de
prestige social de chaque exploitation. Ce critère détermine la
marge de manoeuvre des exploitations dans le choix et la mise en oeuvre de
leurs mesures d'adaptation aux changements climatiques.
> Construction de la base de sondage
La construction de la base de sondage nous à
été nécessaire pour avoir connaissance complète de
notre population opérationnelle qui est l'ensemble des exploitations
agricoles des
deux villages d'enquête et ayant à leur
tête un chef âgé d'au moins quarante (40) ans. Pour ce
faire, sur la base de nos deux critères de typologies retenus auxquels
un troisième critère âge du chef d'exploitation a
été ajouté ; nous avons procédé à un
recensement de toutes les exploitations agricoles pour chacun des villages.
Le critère âge du chef d'exploitation est un
critère prédéfini pour les besoins de notre étude
pour s'assurer que les perceptions des changements climatiques recueillies soit
effectivement celles vécues par les enquêtés. En effet,
l'étude concerne les faits observés sur la normale climatique des
trente (30) dernières années. Chaque enquête avait à
comparer donc, les faits survenus depuis les quinze (15) dernières
années à ceux des quinze (15) autres années. Pour
être en mesure de faire cet exercice, nous estimons que le chef
d'exploitation (CE) devrait avoir au moins dix ans, il y a trente ans.
Nous nous sommes fait aider dans chaque village par un
guide-pisteur pour identifier et rentrer en contact avec les exploitations
agricoles. La répartition des exploitations est présentée
au tableau 1.
Tableau 1: Répartition des exploitations
agricoles recensées par Commune et par Village
Communes
|
Adjohoun
|
Dangbo
|
Total
|
Villages
|
Sissèkpa
|
Zounta
|
Effectif des exploitations
|
207
|
172
|
379
|
Effectif des exploitations à CE
âgé de plus de 40 ans
|
129
|
116
|
245
|
Source : Données d'enquête
Août-Octobre 2009
Après analyse des données de la base de sondage,
trois modalités pour le critère superficie cultivée et
deux modalités pour le critère niveau de possession de palmeraie
se sont dégagées comme les plus déterminants pour la
segmentation des exploitations. Ces modalités se présentent comme
suit :
Pour le critère superficie totale cultivée par
exploitation :
v' Superficies inférieures ou égales à 1,5
ha ;
v' Superficies comprises entre 1,5 ha et 3 ha et,
v' Superficies supérieures à 3 ha.
Pour le critère possession de palmeraie :
v' Ne possède pas de palmeraie et,
v' Possède de palmeraie
Concernant le critère superficie totale cultivée
par exploitation nous avons constaté après analyse des
données de la base de sondage, que la superficie moyenne cultivée
pour l'ensemble des exploitations étaient d'environ 2,5 ha. Le choix des
trois modalités pour ce critère visaient donc à tenir
compte des exploitations ayant des superficies cultivées en dessous et
au-delà de cette moyenne.
La répartition des exploitations dont le CE est
âgé d'au moins 40 ans suivant ces modalités est
présentée au tableau 2.
Tableau 2: Répartition des
exploitations
Villages
Caractéristiques
|
Sissèkpa
|
Zounta
|
Superficie cultivée par exploitation
|
Sup ~ 1,5 ha
|
39
|
36
|
1,5 ha < Sup ~ 3 ha
|
45
|
46
|
Sup > 3 ha
|
47
|
34
|
Possession de palmeraie
|
Non
|
48
|
47
|
Oui
|
81
|
69
|
Source : Données d'enquête
Août-Octobre 2009
> Échantillonnage
L'univers de l'échantillonnage est l'ensemble des
exploitations agricoles des communes d'Adjohoun et de Dangbo. L'unité
d'échantillonnage est l'exploitation agricole. Nous avons
procédé à un échantillonnage stratifié
suivant les six types d'exploitation agricole obtenus après combinaison
des modalités retenues pour les deux critères. Ces
différents types se présentent comme suit :
I : Exploitations de petite production agricole ne
possédant pas de palmeraie (Pn)
II : Exploitations de petite production agricole possédant
de palmeraie (Po)
III : Exploitations de production agricole moyenne ne
possédant pas de palmeraie (Mn)
IV : Exploitations de production agricole moyenne
possédant de palmeraie (Mo)
V : Exploitations de grande production agricole ne
possédant pas de palmeraie (Gn)
VI : Exploitations de grande production agricole possédant
de palmeraie (Go)
Au total 70 exploitations agricoles ont été
enquêtées à raison de 35 par village (tableau 3).
Tableau 3: Echantillonnage des exploitations
Types d'exploitation
|
Effectif total
|
Echantillon
|
Sissèkpa
|
Zounta
|
Total
|
Sissèkpa
|
Zounta
|
Total
|
Pn
|
16
|
21
|
37
|
4
|
6
|
10
|
Po
|
23
|
15
|
38
|
6
|
5
|
11
|
Mn
|
19
|
18
|
37
|
5
|
5
|
10
|
Mo
|
26
|
28
|
54
|
7
|
9
|
16
|
Gn
|
13
|
8
|
21
|
4
|
2
|
6
|
Go
|
32
|
26
|
58
|
9
|
8
|
17
|
Total
|
129
|
116
|
245
|
35
|
35
|
70
|
Source : Données d'enquête
Août-Octobre 2009
L'échantillon des exploitations enquêtées
par types a été constitué de façon
aléatoire. Le coefficient d'échantillonnage est obtenu en faisant
le rapport entre l'effectif des exploitations à enquêter et celui
des exploitations recensés dans le village.
|