3. Entraves à l'exercice du droit d'accès
au juge
Un obstacle majeur à l'effectivité du droit
fondamental d'accès à la justice réside en RDC dans la
réglementation des domaines particuliers touchant principalement
à la paix et à la sécurité. C'est le cas de la loi
n°023/2002 du 18 Novembre 2002 qui exclut la voie de citation directe
parmi les modalités de saisine des juridictions militaires. C'est
également le cas des divers frais que doivent payer les justiciables
dès le dépôt de leur plainte jusqu'à
l'exécution de la décision judiciaire à intervenir. En
RDC, le justiciable a la certitude de payer d'abord et beaucoup, avec le simple
espoir d'encaisser un jour ... souvent lointain.
Il existe là une véritable source
législative de discrimination qui empêche une tranche importante
de citoyens d'accéder au juge. Un système d'aide juridictionnelle
mériterait d'être instauré et son efficacité doit
être vérifiée pour permettre à tout le monde, riche
comme pauvre, militaire, policier comme civil de jouir de ce droit
constitutionnel qu'est l'accès libre au prétoire.
Toutefois, il ne suffit pas de pouvoir accéder
librement au juge, encore faut-il que celui-ci soit un « bon juge »,
qu'il soit indépendant et impartial, deux qualités distinctes
d'après l'article 10 de la Déclaration universelle et le premier
paragraphe de l'article 14 du Pacte de 1966, l'indépendance constituant
une condition préalable. Ce qui entraîne une double
indépendance, à l'égard des autres pouvoirs de l'Etat et
à l'égard des parties.
Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir
législatif et du pouvoir exécutif, dispose l'article 149 de
la Constitution de la RDC du 18 Février 2006. L'article 150 dispose
quant à lui à son alinéa 2 que les juges ne sont soumis
dans l'exercice de leur fonction qu'à l'autorité de la loi.
L'indépendance du juge s'entend d'abord et surtout par rapport aux deux
autres pouvoirs de l'Etat ; elle rentre dans le cadre de la théorie de
la séparation des pouvoirs.
C'est cette indépendance que les articles 149 et 150 de
la Constitution de la RDC visent et protègent, puisque
l'indépendance à l'égard des parties semble tellement
acquise à l'aube de ce troise millénaire que le soin de l'imposer
est laissé au législateur.
Erigée par la Constitution congolaise au rang de
pouvoir au même titre que les autres pouvoirs, la Justice est en charge
d'un véritable service public. L'article 149 de la constitution lui
reconnaît son indépendance à l'égard des autres
pouvoirs, sous entendant que cette indépendance ne peut avoir d'autres
limites que celles prévues par la Constitution. La difficulté
réside dans le fait qu'à l'article 150 alinéa 3 renvoie
à une loi organique. Une loi organique fixe le statut des
magistrats. Ce renvoi ne manquant pas de compliquer les choses.
Cependant, dans la pratique, l'indépendance du juge a
plus à pâtir de l'Exécutif que du Législatif. En
effet, la carrière du juge qui, ne l'oublions pas, est un fonctionnaire,
donc un agent dépendant du gouvernement, se déroule,
depuis son recrutement jusqu'à sa retraite, à l'ombre du
ministère de la Justice et du Conseil des ministres. Sa relative
indépendance est garantie par son statut qui lui assure
l'inamovibilité prévue à l'article 150 alinéa 4 de
la Constitution. Le Conseil Supérieur de la Magistrature joue un
rôle fondamental à ce niveau. La création d'un Conseil
Supérieur de la Magistrature est considérée comme l'une
des plus importantes garanties pour protéger l'indépendance de la
magistrature au titre de l'article 152 de la Constitution ». Mais, il
est indiscutable que le poids de l'Exécutif ne peut pas rester sans
effet sur la bonne marche de la Justice et son indépendance.
Indépendant des autres pouvoirs, le juge doit
également l'être à l'égard des parties :
préalablement à l'établissement du lien d'instance, il ne
doit exister aucun lien, direct ou indirect, entre le juge et l'une des
parties. Le bandeau posé sur les yeux de la Justice n'a pas pour objet
de l'aveugler, mais plutôt de l'empêcher de regarder en direction
de l'une des parties ou d'un a priori politique ou social; la Justice n'est pas
aveugle, mais neutre. Le Code judiciaire militaire ainsi que le Code
pénal militaire ont prévu une série de situations dans
lesquelles le juge est présumé, de manière
irréfragable, être dépendant de l'une des parties. Dans ces
situations, c'est la relation externe, objective, entre le juge et l'une des
parties qui est en cause et qui touche à son indépendance, et non
pas le comportement du juge, sa pensée, éléments qui
relèvent d'une analyse plus subjective et rentrant plutôt dans le
cadre de la notion d'impartialité.
Néanmoins, il ne serait pas correct de penser que la
citation directe constitue en soi une panacée. Bien au contraire, elle
laisse la voie à certains problèmes qui sont de nature à
perturber même le citant. D'où l'intérêt
d'étudier dans notre second paragraphe les désavantages de la
citation directe en droit commun.
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