INTRODUCTION GENERALE
I. PROBLEMATIQUE
Ayant pris naissance pour permettre de rétablir un
certain équilibre social, la règle de droit se veut un instrument
incontournable de régulation sociale. La présence de l'homme sur
la terre a toujours constitué l'objet des différends avec son
semblable. La meilleure démonstration de cette hypothèse se
trouve dans le début de l'histoire de l'humanité avec les
fils d'Adam et Eve, rapportée par la mythologie
judéo-chrétienne telle que rapportée par la Bible.1(*) L'aîné, Caïn,
a tué son jeune frère Abel pour une histoire qui paraît
être anodine, celle ayant trait aux offrandes. C'est le début de
la cruauté dans le monde avec la première famille de l'histoire
de l'humanité. D'année en année, l'histoire de
l'humanité a évolué avec les conflits interpersonnels et
toutes autres sortes des conflits, interétatiques, intercommunautaires
et autres.
Face à cette manifestation d'atteinte aux droits
patrimoniaux et extra patrimoniaux, fut développée la
première forme de justice humaine, à savoir la justice
privée. Aussi, doit-on retenir avec Bernard Bouloc que si
rudimentaire et si brutale qu'elle soit, la vengeance privée constitue
une garantie sommaire du maintien de l'ordre social dans les relations entre
clans2(*). Mais le
droit judiciaire moderne a réservé le monopole de la poursuite
aux organes étatiques, notamment en matière répressive.
Nul n'est besoin de souligner que la puissance du droit et son respect par les
sujets de droit, ou encore son prestige, dépendent assez largement des
relations suffisamment étroites qu'il entretient avec la justice, en
l'occurrence le service public judicaire. Un courant de pensée fort
ancien définit d'ailleurs le droit comme la science du juste :
Jus est ars boni et aequi,
affirmait le juriste romain Celse.3(*) Cette parenté profonde entre la justice et le
droit s'accompagne d'hésitations, liées aux deux
éléments de cette relation.
D'une part, la justice peut être entendue de diverses
manières. C'est surtout à partir d'une distinction essentielle
approfondie par Aristote que se manifestent les divergences entre justice
commutative et justice distributive. Pour qui s'attache à la justice
commutative, il convient, par une appréciation objective, des produits
et des services échangés entre les hommes, d'assurer autant qu'il
est possible une égalité mathématique. Pour qui s'attache
à la justice distributive, il s'agit d'opérer, autant qu'il est
possible, entre les hommes, la meilleure répartition des richesses.
D'autre part, les attitudes du droit face à la justice
sont diverses. On peut en distinguer trois : la première est
empreinte d'indifférence, en ce sens qu'il existe nombre des
règles juridiques d'ordre technique, qui ne s'apprécient pas en
relation avec la justice. La deuxe atteste au contraire l'existence des
relations étroites. Aussi bien n'est-il pas rare qu'exprimant et
prolongeant un besoin de justice, le droit apporte aux préceptes de la
morale les compléments et les précisions rendues
nécessaires par la vie en société. La troise est en
revanche le signe d'un conflit entre le droit et la justice, se manifestant
chaque fois que le combat en faveur de celle-ci est contrarié par la
nécessité, inhérente au droit de faire régner non
seulement la justice, mais aussi l'ordre, la sécurité et la
paix.4(*)
C'est ici que nous situons le droit pénal militaire qui
prend effectivement en considération les deux aspects : d'une part
le besoin de la justice, d'autre part celui de l'ordre, de la discipline, de la
sécurité et de la paix. Et peut-être que ce faisant, le
droit pénal militaire, mieux que toute autre branche du droit,
réalise par là le jugement du jurisconsulte Romain Celse tel que
précité, selon qui le Droit est l'art du bon et du juste.
Dans sa finalité d'établir l'ordre public, le
droit pénal spécial occupe une place de choix, cette
dernière branche de la science juridique pouvant se définir comme
une discipline des sciences criminelles, consacrée à
l'étude concrète et particulière de chaque incrimination
précisant ses éléments constitutifs spéciaux, les
modalités de sa répression ainsi que son régime juridique
propre.5(*) En rapport avec
son caractère spécial, l'on estime qu'il serait plus juste et
plus heureux de l'appeler droit pénal concret ou encore droit
pénal appliqué pour marquer davantage son importance. Dans cette
optique apparaît une autre branche plus spéciale, appliquée
essentiellement aux membres des forces armées, à leurs
assimilés, aux coauteurs ou complices d'infractions militaires, aux
auteurs d'infractions commises au moyen d'armes de guerre, aux personnes
à la suite de l'armée ainsi qu'à tous les auteurs des
actes attentatoires au patrimoine de l'armée, de la police nationale ou
du service national.6(*)
Cette discipline n'est autre que le droit pénal militaire, conçu
comme une branche spéciale du droit criminel ayant pour objet de
prévenir par la menace, et au besoin de réprimer par
l'application de différentes sanctions, les actions ou les inactions
susceptibles de troubler l'ordre public militaire au sein de
l'armée.7(*) Le droit
pénal militaire est donc la branche du droit qui prévoit les
incriminations que les personnes suscitées peuvent commettre.
Cependant, si les règles de droit sont posées,
c'est simplement pour un idéal de justice. La fonction même du
droit n'est-elle pas de réaliser la justice ? Mais justice est un
mot à multiples facettes, comportant une gamme très riche de
significations ; ainsi la justice sociale tend à réduire les
inégalités entre les groupes, la justice individuelle permet de
procurer à chacun ce qui lui est dû. Aussi le Constituant prend-il
en charge cet idéal de justice en organisant les droits individuels des
citoyens. Toutefois, une chose est de prévoir des droits et
libertés fondamentaux des citoyens, une autre est de les garantir.
Voilà pourquoi le constituant congolais a organisé un pouvoir
autonome, le pouvoir judiciaire,8(*) qui est le garant des droits et libertés
fondamentaux. Tant il est vrai que la RDC se veut un Etat de droit.
L'Etat de droit, soutient le Professeur Pierre AKELE,
paraît s'offrir comme un ordre juridique dans lequel le respect du droit
est réellement garanti aux sujets de droit ; la préoccupation
essentielle étant de les protéger contre l'arbitraire9(*). Autrement dit, l'Etat de droit
est celui dont l'organisation et le fonctionnement obéissent au principe
de la prééminence de la loi, laquelle doit garantir les
libertés publiques, les droits fondamentaux de l'homme et des citoyens,
l'égalité de tous devant la loi, la protection des sujets de
droit contre l'arbitraire.
Dire donc d'un pays qu'il est un Etat de droit ne se limite
pas simplement à poser des règles de droit qui par ailleurs
briment sans merci les droits et libertés fondamentaux des citoyens,
mais encore faut-il que les libertés des citoyens soient garanties et
protégées. La justice étant le service public
habilité à garantir et à protéger les droits et
libertés fondamentaux des citoyens, il est donc important que nous nous
interrogions sur la manière dont l'on peut accéder à ce
noble service pour être remis dans ses droits, plus spécialement
dans le domaine des atteintes à l'ordre public militaire. L'on sait
à propos que le droit commun organise en procédure des voies
d'accès à la justice, classiquement invoquées sous le
vocable de « la saisine des juridictions ». Mais cette
saisine diffère selon qu'on est en droit commun ou en droit pénal
militaire. La spécialité du droit pénal militaire vient
s'intégrer dans le raisonnement ici étant donné que le
droit pénal militaire a été institué pour permettre
au commandement de maintenir l'ordre et la discipline dans les rangs, ainsi que
pour le besoin de respect des libertés individuelles.10(*)
Tout autant, la procédure pénale militaire
organise des voies de saisine du juge militaire. Il s'agit, conformément
à l'article 214 du Code judiciaire militaire (CJM), de la traduction
directe, la décision de renvoi émanant de l'auditeur militaire
ainsi que la comparution volontaire du prévenu.11(*) Il sied d'observer ici que la
justice militaire ignore la voie de citation directe qui permet de saisir
directement un juge sans subordonner l'action publique à une
éventuelle instruction du parquet.
Notre première question est celle de savoir, à
partir du moment où la Constitution de la RDC proclame à son
article 12 que tous sont égaux et méritent une égale
protection devant la loi, pourquoi alors la procédure pénale
militaire n'organise pas la voie de citation directe. Il conviendra par la
suite, et dans l'optique d'une seconde interrogation, de passer le principe de
la non consécration de l'action directe au crible des
nécessités des droits de la défense, pour nous amener
éventuellement à une proposition de réforme de lege
ferenda du droit positif congolais dans ce domaine spécifique.
II. HYPOTHESES
Loin d'être uniquement un moyen de légitimer
l'inégalité entre les citoyens et d'empiéter la protection
des droits et libertés fondamentaux des citoyens, civils comme
militaires, l'option de la non consécration de la citation directe en
matière de droit pénal militaire pourrait trouver pleine
justification dans l'impératif de la raison d'Etat face aux garanties
reconnues aux particuliers, du fait que le commandement postule que la justice
militaire n'est là que pour servir le règlement militaire et cela
sans considération outrée des droits de la personne humaine.
Il resterait que si la procédure pénale reste
sans conteste le moyen le plus important de garantir, mieux de protéger
les droits et libertés individuels, que si le droit pose des
règles, accorde des attributs pour chaque citoyen, ou encore que la
justice vient en assurer la protection alors que la procédure intervient
pour faciliter l'accès à cette justice, il se devrait de remettre
en cause cette option traditionnelle en matière de saisine du juge
militaire et de tenter de revaloriser la citation directe dans la lutte contre
l'impunité ainsi que la promotion de l'impératif de
célérité en matière de la procédure
pénale en général, et de la procédure pénale
militaire en particulier.
A en croire le Professeur Bayona BAMEYA,12(*) au niveau des relations entre
l'individu et la société, la procédure pénale
apparaît comme le thermomètre de la température
démocratique d'un Etat, car c'est l'expression vivante des
libertés publiques reconnues par l'Etat aux individus. Ainsi donc,
toutes les fois que les citoyens ne tireront pas profit maximal de la
procédure pénale, on ne saura pas proprement parler d'un Etat de
droit. Il nous semble que la citation directe est un mécanisme
judiciaire qui permettrait de contourner les astuces ou caprices
inhérents à la saisine des juridictions militaires de par les
atermoiements dus au pouvoir plus ou moins discrétionnaire d'instance
de l'instruction pré juridictionnelle qu'est le Parquet. Et puisque la
justice militaire intervient pour juger essentiellement les membres des forces
armées, il serait donc important que la citation directe y intervienne
pour rendre plus efficace l'action publique devant les juridictions
militaires.13(*)
De ce qui précède, nous affirmons alors que
cette interdiction de la citation directe devant les juridictions militaires
n'aurait pas assez de fondement juridico-philosophique qui lui permettrait de
résister face aux impératifs de lutte contre l'impunité et
de la célérité des poursuites en matière
pénale. L'on risquerait de vérifier que l'absence de la citation
directe ainsi légalement instituée dans le domaine des poursuites
des infractions militaires tend plus à la pérennisation des
inégalités entre les citoyens, civils et militaires. Ceci
découle de la philosophie qui gouverne même la justice militaire.
Le commandement estime en effet que la justice militaire n'est là que
pour maintenir la discipline dans la troupe et cela sans aucune
considération des droits de la personne humaine.
Mais en tant que bâton de commandement, la justice
militaire devrait être davantage accessible à tous les
justiciables et cela sans toujours subordonner l'action publique à une
instruction pré juridictionnelle que pourrait mener l'auditorat
militaire qui plus est peut prendre plus de temps jusqu'à perdre
même le sens de la célérité et de
l'égalité devant la loi.
III. INTERET DU SUJET
Pendant que tous les Etats du monde font des efforts pour
matérialiser l'égalité entre leurs citoyens et renforcent
leurs systèmes judiciaires pour les adapter aux impératifs d'un
Etat de droit, il convient qu'une réflexion soit menée pour
étudier la voie de citation directe et proposer au législateur,
en pleine réforme de la justice, de prendre en compte cette voie de
saisine des juridictions militaires et cela pour tous les avantages qu'elle
présente non seulement pour les militaires et les civils, mais aussi
pour toute l'armée et par ricochet pour la République toute
entière.
Sur le plan purement scientifique, cette dissertation se veut
donc un plaidoyer pour l'introduction de la voie de citation directe devant les
juridictions militaires en même temps que, au niveau de
l'intérêt social ou plus ou moins extra-académique, elle va
permettre à tous et à chacun de savoir comment on saisit les
juridictions militaires. L'intérêt de cette dissertation se veut
ainsi à la fois pratique et théorique. Pratique, pour autant
qu'elle va permettre une appréciation des méandres de la
procédure de saisine en matière de poursuite des infractions de
l'ordre militaire, outre la vulgarisation des modes de saisine du juge
militaire dont le domaine, déjà insuffisamment nourri ou
visité par la doctrine, est l'apanage d'assez peu de juristes. Son
intérêt théorique réside dans le fait que par cette
dissertation, nous tenterons de donner le fondement juridico-philosophique de
la justice militaire et de l'action publique devant cette dernière en
matière de saisine, en même temps que nous tenterons de
dégager les avantages et désavantages de la voie de citation
directe en matière des modalités de saisine des juridictions
militaires.
IV. METHODOLOGIE DE TRAVAIL
La méthode désigne la démarche
rationnelle de l'esprit pour parvenir à la connaissance ou à la
démonstration de la vérité sur l'objet
étudié. La méthode renvoie à l'ensemble des
opérations intellectuelles permettant d'analyser, de comprendre et
d'expliquer la réalité étudiée. Elle est une
démarche logique, indépendante du contenu de la recherche,
destinée à rendre intelligible l'objet de la recherche. Sachant
que la méthodologie renvoie à l'outil utilisé pour saisir
l'objet et en faire apparaître l'intelligibilité14(*), nous pourrons recourir
alternativement à l'une des méthodes et techniques de recherche
suivantes pour la vérification de nos hypothèses ci-haut
énoncées :
A. Des méthodes de recherche
Le recours aux méthodes exégétiques et
doctrinales nous permettra de mener à bien notre dissertation. La
méthode exégétique nous est utile dans l'analyse juridique
et l'interprétation des textes législatifs et
réglementaires en rapport avec notre travail. Tandis que la
méthode exégétique permet d'arriver à une
cohérence interne et formelle des textes juridiques, de façon
à fournir une seule réponse vraie à chaque question
juridique, et à résoudre les antinomies qui pourraient se
présenter, la méthode doctrinale quant à elle nous permet
d'analyser l'ensemble des écrits des auteurs juridiques qui font
autorité sur une question ou sur un domaine, et dont l'usage principal
est d'appuyer ou de contester une argumentation.15(*)
La méthode comparative nous est, quant à elle,
d'un grand secours dans l'appréciation de la législation
congolaise à la lumière des législations
étrangères, notamment celles belge et française dont notre
législateur s'inspire essentiellement en matière non seulement de
droit pénal substantiel, mais aussi de droit judiciaire
général comme militaire.
De manière subsidiaire, il sera également fait
recours à la méthode historique sur le plan de l'approche
évolutive des institutions en étude relativement à la
poursuite judiciaire dans le domine pénal en général, et
pénal militaire en particulier.
B. Des techniques de recherche
La technique documentaire nous a permis de rassembler les
données relatives à notre sujet, notamment par la lecture des
divers rapports de service ainsi que la consultation des registres des cours et
tribunaux en vue d'un examen jurisprudentiel éventuel. Cette technique
sera complétée par les techniques d'interview et d'observation
directe qui nous permettront d'avoir une vue directe sur les
réalités en rapport avec notre analyse.
V. Subdivision du travail
Pour mener à bien cette dissertation, le plan sommaire
suivant nous conduira. Hormis l'introduction et la conclusion, nous aborderons
dans le chapitre premier des modes de saisine des juridictions militaires
tandis que dans le second chapitre nous parlerons des perspectives de lege
ferenda relative à la citation directe en matière de justice
militaire en RDC
CHAPITRE I. MODES DE SAISINE DES JURIDICTIONS MILITAIRES
DE LA RDC
Christophe Aliges définit la procédure
pénale comme étant l'ensemble de règles relatives à
la compétence et à l'organisation des juridictions
pénales, au déroulement de toutes les phases du procès
pénal, à l'exercice des voies de recours en matière
pénale ainsi qu'à la constatation des infractions.16(*) La procédure
pénale serait donc un ensemble de procédés par lesquels
l'administration judiciaire exerce ses missions en matière
répressive. Elle commence par la constatation des infractions
jusqu'à l'exécution du jugement ou de l'arrêt à
intervenir dans un procès pénal.
De cette définition nous devons donc retenir que la
procédure pénale comprend trois étapes principales
à savoir la phase préjuridictionnelle ou préparatoire, la
phase juridictionnelle qui implique également les voies de recours ainsi
que la phase post juridictionnelle ou exécutoire.
Toutefois, ces étapes ont pour point de disjonction la
saisine des juridictions. Si donc on constate la commission des infractions et
que l'on recherche les éventuels auteurs de celles-ci après en
avoir reconstitué les preuves, c'est essentiellement pour saisir le
juge. En même temps, si le juge prend des décisions
exécutoires, c'est parce qu'il a été saisi.
Il faut cependant dire ici que le ministère public,
organe de la loi, n'est pas toujours tenu de saisir le juge lorsqu'il arrive au
terme de son instruction. Devant lui se présentent trois options qui
sont la saisine du juge, la condamnation aux amendes transactionnelles et le
classement sans suite.17(*)
L'officier du ministère public, magistrat instructeur,
est donc le seul habilité à apprécier quand une cause est
suffisamment instruite et à prendre l'une de trois solutions
précédemment évoquées. Lorsqu'il aura pris l'une de
ces trois solutions, il fait un rapport succinct à son chef
hiérarchique, dans lequel rapport il fera un petit résumé
des faits suivi d'une conclusion en forme de proposition.
Il faut donc que le magistrat instructeur puisse proposer
à son chef hiérarchique l'issue à réserver à
un cas qu'il a eu à instruire. Cela suppose qu'une instruction
préparatoire est terminée.
Etant donné que l'article 169 du Code judiciaire
militaire18(*) dispose que
les officiers du Ministère public militaire disposent, en
matière d'instruction préparatoire, des mêmes pouvoirs que
ceux des parquets près les juridictions civiles, il nous revient
alors dans le présent chapitre d'analyser tout à la fois
l'instruction préparatoire ainsi que la saisine du juge militaire au cas
où cette instruction se solderait par une décision des
poursuites.
Section I. DE L'INSTRUCTION PREPARATOIRE
L'article 7 du Code d'organisation et de
compétence judiciaire dispose qu'en matière pénale, le
MP recherche les infractions aux actes législatifs et
réglementaires, qui sont commises sur le territoire de la
République. Il reçoit les plaintes et les dénonciations,
fait tous les actes d'instruction et saisit les cours et tribunaux.19(*) Il apparaît
à la lumière de cette disposition que le rôle du MP n'est
pas simplement de se présenter à l'audience pour prendre ses
réquisitoires ou donner ses avis, bien plus il doit, avant même la
saisine du juge, préparer le dossier en recherchant les infractions, en
identifiant leurs présumés auteurs et si besoin est en les
arrêtant, mais aussi en rassemblant les preuves.
Il ressort de cette disposition que la recherche des
infractions aux différentes lois du pays commises sur l'étendue
du territoire national incombe au MP. Ainsi, il revient à ce dernier,
avant toute opération de recherche des infractions, de connaître
d'abord les lois qui contiennent les dispositions pénales car le
caractère infractionnel d'un fait est toujours déterminé,
à l'avance, par le législateur. C'est ici la justification de
cette maxime latine Nullum crimen, nulla poena, sine lege.20(*)
La phase durant laquelle on recherche ces infractions, mieux
on instruit le dossier ou on le prépare pour être transmis au juge
en cas des poursuites, c'est la phase préparatoire. L'instruction
préparatoire, comme le nom l'indique, est la phase pré
juridictionnelle qui prépare le procès. La procédure
criminelle a trois périodes distinctes, enseigne Faustin Hélie.
Elle se compose de trois séries d'actes, différents dans leur
nature, quoique tendant au même but. Dans la première, elle
recherche les traces du crime ou du délit, les agents qui l'ont commis,
les éléments de l'instruction. Dans la deuxe, elle
apprécie le caractère légal du fait, elle rassemble les
indices et les preuves, elle déclare s'il y a lieu de mettre en
prévention les agents, elle fixe la juridiction compétente. Dans
la troise, enfin, elle emmène ces agents accusés ou
prévenus, à l'audience du juge.21(*)
Cette distinction classique partage la procédure en
une phase de recherche et d'information sommaire ou préliminaire
confiée à la police judiciaire, une phase d'instruction
préjuridictionnelle confiée à une
juridiction d'instruction, et enfin une phase de poursuites par
laquelle le MP soumet la cause à la juridiction de jugement.
Avant de plonger dans les détails de cette phase
préparatoire, disons tout d'abord que cette instruction revêt un
caractère secret et inquisitorial. Elle est secrète étant
donné que le MP ou l'OPJ peut procéder aux enquêtes sans
tenir l'inculpé ou l'auteur présumé de l'infraction ou
même le tiers au courant de toutes les opérations tendant à
réunir les preuves ; les témoignages sont recueillis ou
peuvent l'être à l'insu de l'inculpé.
Ce caractère secret de l'instruction
préjuridictionnelle explique la tenue des chambres du conseil à
huis clos. C'est pour ne pas révéler l'instruction au public et
surtout aux éventuels coprévenus auteurs des infractions dont
certains d'entre eux sont déjà dans le filet de la justice. Cela
permet également que ces derniers qui ne sont pas encore
arrêtés et interrogés n'aient aucune idée sur la
matière dont les uns de leurs se sont expliqués devant l'OPJ ou
l'OMP.
L'instruction préjuridictionnelle est inquisitoire car
aucun débat contradictoire n'est permis à ce stade de
l'instruction criminelle et les enquêtes sont menées d'une
manière autoritaire. En effet, l'OMP ou l'OPJ a pour mission de
rechercher les infractions, d'en rassembler les preuves y relatives et d'en
établir les circonstances de lieux et de temps de la commission de ces
infractions, et ce, même indépendamment de toute plainte ou
dénonciation soutenue par un tiers.22(*)
Pour des raisons pratiques nous allons étudier cette
instruction en deux phases simplement : la phase policière et la
constatation de l'infraction dans le premier paragraphe ainsi que la phase
préjuridictionnelle proprement dite ou ministérielle dans le
second chapitre.
Paragraphe 1. Instruction policière et constatation
des infractions
La règle Nullum
crimen, nulla poena sine lege est une maxime latine qui veut
qu'il ne puisse exister d'infractions ni de peines sans prévisions
légales. C'est ainsi que le législateur congolais fournit des
efforts considérables pour épargner les citoyens des
conséquences d'un éventuel arbitraire qui découlerait
d'une condamnation ou plus encore d'une poursuite non justifiée par la
loi. La constitution du 18 février 2006 en RDC dispose à son
article 17 dans ses alinéas 3 et 4 que nul ne peut être
poursuivi pour une infraction ou une omission qui ne constitue pas une
infraction au moment où elle est commise et au moment des poursuites.
Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui ne
constitue pas une infraction à la fois au moment ou elle est commise et
au moment de la condamnation.23(*)
Tandis que le troise alinéa parle de la
légalité des incriminations et des peines, le quatre
alinéa quand à lui parle de la cristallisation des faits
pénaux. L'effort à fournir apparaît donc double dans le
chef de deux autorités : d'une part l'autorité
législative devra fournir des efforts considérables pour
incriminer tous les faits socialement répréhensibles de peur que
la population ne puisse plonger dans l'arbitraire, en estimant que l'Etat ne la
protège pas assez. D'autre part, les autorités judiciaires
devront fournir des efforts pour mieux apprécier les faits
conformément à la loi et les garder intacts dans les conditions
de leur commission. La situation du délinquant devra être
appréciée conformément aux faits matériels
posés et non suivant les effets autres qui pourraient peut être
venir après et qui ne dépendraient pas essentiellement de
l'action ou de l'omission du prévenu.
Tout le problème est alors de savoir qui est
chargé de veiller à l'exécution des règles que
prend le législateur. La réponse à cette question nous est
donnée par les articles 7,8 et 9 du Code d'organisation et de
compétence judiciaires. La lecture de ces dispositions nous indique que
la charge de veiller à l'exécution des lois répressives
incombe au ministère public. Cependant, la pratique dans l'armée
fait que cette responsabilité est ici partagée entre le
ministère public représenté par l'auditorat militaire et
le commandement militaire.
Si donc en droit commun c'est le Parquet qui seul dispose du
monopole de veiller à l'exécution des lois de la
République -et il ne peut être soumis à aucune restriction
quant à ce- ; il n'en est pas toujours le cas en droit de
procédure pénale militaire.24(*) En effet, en procédure pénale
militaire, certes que le ministère public est seul gardien de
l'exécution des lois, mais il est par-dessus tout bâton de
commandement, institué pour lui permettre de rétablir l'ordre
dans les rangs. Ainsi que l'a si bien soutenu le Général LIKULIA
BOLONGO, les agissements d'un militaire qui troublent l'ordre public dans
l'armée doivent être sévèrement sanctionnés
et avec toute célérité requise pour ne pas faire
tâche d'huile dans la troupe.25(*)
Puisque l'auditorat militaire est le gardien de l'ordre public
dans l'armée, et puisque c'est à lui qu'incombe la tâche
ardue de poursuivre les militaires, voyons alors comment l'instruction prend
son cours normal à partir de la police judiciaire militaire.
L'article 187 du Code pénal militaire qui dispose que
tout militaire ou tout individu qui refuse ou s'abstient volontairement de
dénoncer une infraction commise par un individu justiciable des
juridictions militaires est puni de servitude.26(*) Cette disposition nous démontre à
suffisance que la répression des crimes qui relèvent de la
compétence des juridictions militaires demeure la priorité au
quotidien de tous les citoyens. L'affirmation que nous tenons ici tient du fait
que la loi sanctionne même le défaut de dénonciation d'une
infraction.
Ainsi donc, le militaire ou toute personne assimilée
à l'armée ou à la suite de celle-ci peut commettre une
infraction de droit commun ou une infraction proprement militaire. Dans l'une
ou dans l'autre hypothèse, la loi fait obligation à tout le monde
de dénoncer la commission de cette infraction. L'article 130 du Code
judiciaire militaire quant à lui dispose que l'action publique
devant les juridictions militaires est mise en mouvement par les magistrats du
MP militaires, le commandement, le Ministre de la défense ou la partie
lésée.27(*)
Il faut comprendre cette disposition non dans le sens de la
saisine du juge, mais plutôt dans le sens des modalités pour
l'auditorat militaire, bâton de commandement, de prise de connaissance de
la commission d'une infraction qui relève de la compétence des
juridictions militaires. La précision tient à l'article 131 du
même Code qui dispose que cette action est exercée par les
magistrats du MP militaires dans les conditions déterminées par
le présent Code.
Lorsqu'une infraction est commise par un membre des forces
armées en particulier, qu'elle soit de droit commun ou essentiellement
militaire, la procédure à suivre, du moins à ne s'en tenir
qu'au prescrit de l'article 130, est de procéder à une
dénonciation ou à une plainte de la victime. La
dénonciation implique que l'action vient du commandement ou du Ministre
de la défense pour les infractions strictement militaires, tout comme
elle peut être l'oeuvre d'une tierce personne justifiant d'un
intérêt à agir en justice. La plainte quand à elle
serait alors l'oeuvre de la victime d'une infraction militaire ou même de
droit commun.
Lorsque l'infraction est militaire, la doctrine renseigne
qu'il est unanimement admis en pratique que la première personne
à prendre connaissance des faits infractionnels dont les militaires se
seraient rendus coupables, c'est le chef hiérarchique. Dans le chef de
cette autorité pèse les obligations multiples.28(*)
En tant que militaire exerçant une fonction dans son
unité, il doit apporter son concours sans défaillance ;
s'instruire pour tenir son poste avec compétence et contribuer à
la valeur collective de son unité ; s'entraîner en vue
d'être efficace dans l'action et se préparer physiquement et
moralement au combat.
En tant que chef, un supérieur a des devoirs et
responsabilités suivants : Prendre des décisions et les
exprimer par des ordres ; assumer la responsabilité entière
des ordres donnés et de leur exécution ; cette
responsabilité ne pouvant être dégagée par la
responsabilité propre des subordonnés ; exiger
l'obéissance des subordonnés. Il ne doit pas ordonner d'accomplir
des actes contraires aux lois, aux règles du droit international
applicables dans les conflits armés et aux conventions internationales
régulièrement ratifiées ou approuvées ou qui
constituent des crimes et délits notamment contre la sûreté
et l'intégrité de l'Etat ; respecter les droits des
subordonnés ; informer les subordonnés dans la mesure
où les circonstances et la conservation du secret le permettent ;
récompenser les mérites ou sanctionner les fautes dans le cadre
des attributions attachées à sa fonction ; noter ses
subordonnés et leur faire connaître son appréciation sur
leur manière de servir et porter attention aux
préoccupations personnelles des subordonnés et à leurs
conditions matérielles de vie, veiller à leurs
intérêts et, quand il est nécessaire, en saisir
l'autorité compétente.
Les devoirs du commandant ci-haut évoqués le
conduisent donc à se renseigner quotidiennement même des faits
infractionnels que les hommes placés sous son commandement commettent.
Pour besoin de renseignement, il peut les placer à la disposition du
Bureau 2, pour lui permettre de faire des enquêtes et se rassurer que la
personne au centre de ces enquêtes ne va pas fuir.
Si les faits dont on l'accuse sont établis, le
commandant saisit immédiatement le ministère public, auditorat
militaire, pour une instruction approfondie du dossier et une éventuelle
poursuite.
Tous points considérés, le ministère
public militaire reçoit alors le dossier tel qu'il est constitué
par le commandant à l'issue de l'investigation qu'il doit avoir
mené. Il peut également être alerté par le Ministre
de la défense ou à tout le moins par la partie victime de
l'infraction. Le dossier sera enregistré au secrétariat puis
transmis au chef de corps du parquet militaire alerté. Ce dernier pourra
alors rendre le dossier à un inspecteur judiciaire de son choix pour
poser certains actes d'instruction telle l'audition des témoins, la
perquisition, la visite des lieux, etc. Bref, l'inspection judiciaire militaire
devra alors exercer, dans les limites de ses compétences, les pouvoirs
déterminés par le Code judiciaire militaire.29(*)
Pour ce qui est de la PJ militaire, l'article 135 du Code
sous examen dispose que peuvent avoir la qualité d'officier de police
judiciaire militaire, les officiers, sous-officiers et gradés de la
police nationale et de la prévôté militaire nommés
conformément à la loi ; les officiers, sous-officiers des
Forces armées et agents assermentés des différents
services de l'armée, pour l'exercice des missions particulières
qui leur sont dévolues par les lois et règlements. Dans ce
dernier cas, ils n'ont de compétence que pour les infractions commises
dans leurs unités ou services respectifs ou sur des personnes
placées sous leur commandement et dans la zone territoriale leur
assignée à l'exercice de leurs fonctions administratives.
Il sied de préciser que conformément à
l'article 137 du Code judiciaire militaire, les OPJ militaires accomplissent
leurs missions conformément aux dispositions du Code de procédure
pénale ordinaire et sur réquisition des autorités
visées aux articles 131, 181 et 183 du Code judiciaire militaire.
Ils peuvent à cette fin constater les infractions
relevant des juridictions militaires, conformément aux dispositions du
Code de procédure pénale ordinaire et du Code judiciaire
militaire. Lorsque les OPJ de droit commun sont amenés soit à
constater, dans les camps militaires, des infractions relevant ou non de la
compétence des juridictions militaires, soit à rechercher, en ces
mêmes lieux, les personnes ou objets relatifs à ces infractions,
ils doivent adresser préalablement à l'autorité militaire
concernée des réquisitions tendant à obtenir
l'autorisation d'entrée dans les camps militaires.
L'autorité militaire défère à ces
réquisitions, ses faits et représentés aux
opérations et, le cas échéant, met à la disposition
de l'OPJ de droit commun les personnes recherchées, soit pour les
nécessités d'une enquête, soit pour l'exécution
d'une réquisition d'information ou d'un mandat de justice. Le
représentant de l'autorité militaire veille donc au respect des
prescriptions relatives au secret militaire car il est lui-même tenu
d'observer le secret de l'enquête ou de l'instruction.
Dans les cas d'infractions flagrantes punies d'une servitude
pénale de six mois au moins et sans préjudice des pouvoirs
disciplinaires dont disposent les supérieurs hiérarchiques, tout
officier de PJ militaire a qualité pour procéder d'office
à l'arrestation des militaires qui sont auteurs ou complices de ces
infractions. En aucun cas, la garde à vue ne peut dépasser
quarante-huit heures.30(*)
Il faut également préciser que la loi fait
obligation à chaque autorité hiérarchique de satisfaire
à la demande des officiers de police judiciaire de droit commun ou
même à celle des OPJ militaires, lorsque celles-ci tendent
à mettre à leur disposition un militaire en activité de
service ; et ce lorsque les nécessités d'une enquête
préparatoire ou de flagrant délit, ou l'exécution d'une
commission rogatoire l'exigent.31(*)
A l'expiration du délai de la garde à vue, les
militaires arrêtés en flagrant délit ou contre lesquels
existent des indices graves et concordants de culpabilité doivent
être mis à la disposition de l'autorité judiciaire
compétente.32(*)
Il convient aussi de dire que l'OPJ qui reçoit une
plainte, une dénonciation ou qui constate une infraction à charge
d'un officier subalterne, d'un officier supérieur ou d'une personne
assimilée, transmet directement les pièces à l'auditeur
militaire près la juridiction militaire compétente.
En somme, les OPJ militaires exercent leurs missions soit
lorsqu'ils constatent la commission d'une infraction ou à tout le moins
lorsqu'une réquisition est faite par le parquet militaire. Aux termes de
cette instruction policière, l'OPJ militaire constitue le dossier et le
transmet à l'autorité du parquet militaire pour instruction. Ceci
découle du fait que la PJ militaire est placée sous
l'autorité directe du ministère public militaire.33(*)
Lorsque l'affaire arrive au cabinet du chef de corps du
parquet militaire, ce dernier le côte avec le nom du magistrat
instructeur. La procédure suivie après l'ouverture de
l'information, indique Gabriel KILALA,34(*) est la suivante : lorsqu'une plainte, une
dénonciation ou les PV de la PJ arrivent au parquet, ils atterrissent
sur le bureau du procureur de la République, chef d'office via le
secrétariat. Le procureur détermine la nature du dossier à
ouvrir et le magistrat qui sera chargé de l'instruction.
De même, un magistrat du parquet peut lui-même
avoir constaté une infraction ; après l'établissement
des PV, il fera un rapport au chef d'office dans lequel il proposera la nature
du dossier à ouvrir.
Lorsque le procureur a déterminé la nature du
dossier à ouvrir et le magistrat qui sera chargé de mener
l'instruction, le dossier est remis au secrétariat où il sera mis
sous farde et ouvert sous les initiales du magistrat désigné par
le chef. Le secrétariat transmet le dossier par cahier de transmission
inter cabinet avec accusé de réception.
C'est à ce niveau que commence alors l'instruction
préjuridictionnelle proprement dite ou instruction
ministérielle.
Paragraphe 2. Instruction préjuridictionnelle
proprement dite ou ministérielle
L'auditorat militaire est un bâton de commandement.
Voilà pourquoi toutes les fois qu'une action est initiée contre
un membre des FARDC ou de la PNC, il doit impérativement en informer le
commandement. La pratique fait obligation à l'auditeur militaire d'en
informer le commandement et même d'obtenir de lui une autorisation avant
qu'il ne puisse poser un quelconque acte d'instruction.
Mais en réalité, le régime de
l'autorisation préalable que la pratique instaure ne constitue qu'une
façon de masquer le vrai régime que la loi instaure, celui de
l'information préalable du commandant. L'article 199 du Code judiciaire
militaire indique que le magistrat instructeur militaire, par l'entremise de
l'auditeur militaire, chef de corps du parquet militaire, a l'obligation
d'informer le commandant de qui dépend le militaire poursuivi de l'issue
de son instruction.
Bien plus, le même code érige en infraction le
fait pour tout commandant de refuser de collaborer avec la justice dans
l'accomplissement de son ministère. L'article 189 du même code
dispose que toute autorité civile ou militaire, ou tout agent de la
force publique qui refuse d'exécuter un mandat d'amener ou s'abstient
à dessein de l'exécuter, est puni de trois mois à six mois
de servitude pénale et d'une amende qui ne dépassera pas deux
mille francs congolais constants, ou d'une de ces peines seulement.
Nous pouvons donc, à partir de cette disposition,
transposer le raisonnement sur tous les actes d'instructions auxquels les
autorités militaires seraient appelées à collaborer.
Ainsi, lorsque la loi oblige que l'information soit portée à la
connaissance du commandant, c'est puis qu'elle sous-entend que ce dernier ne
peut refuser à prêter main forte à l'action de la justice
militaire, surtout en gardant le plus grand secret.
L'information qui sera portée à la connaissance
du commandant ne sera pas l'occasion pour lui de divulguer le secret de
l'instruction car l'instruction pré juridictionnelle porte un
caractère secret et inquisitorial.
La pratique admet également que pendant que l'auditorat
effectue son instruction, le commandant d'unité peut y mettre fin
à tout moment et réintégrer son homme dans le rang surtout
lorsque les faits sont bénins et ils ne relèvent pas du droit
international humanitaire, mais plutôt qu'ils sont proprement du domaine
militaire.35(*) Par
exemple, lorsqu'un militaire est poursuivi pour désertion simple,
infraction prévue et punie par l'article 44 du code pénal
militaire, a déjà passé un temps relativement long en
détention préventive, et que son commandant estime qu'il est
utile qu'il revienne à son unité, il devra enjoindre à son
bâton de commandement, l'auditeur militaire compétent,
d'abandonner les charges qui pesaient contre son homme enfin que ce dernier
puisse retourner à l'unité.
L'instruction préjuridictionnelle proprement dite
commence lorsque l'auditeur militaire désigné par son chef de
corps prend connaissance du dossier tel qu'il a été
constitué soit à la police judiciaire militaire, soit selon les
termes de la dénonciation du commandement, du Ministre de la justice ou
de toute personne intéressée, soit alors selon les termes de la
plainte faite par la victime de l'infraction dont le militaire serait auteur
présumé.
C'est donc lorsque le magistrat instructeur inscrit le dossier
lui transmis dans son registre personnel du cabinet, le RMP, que l'instruction
préparatoire commence. Il va devoir poser tous les actes d'instruction
qu'il estimera nécessaires pour la découverte de la
vérité : mandats, interrogatoires, descentes sur les lieux
du crime, confrontation, audition des témoins, saisie, visite
domiciliaire et perquisitions, commission rogatoire, expertise,
réquisition d'information...
Le magistrat militaire d'instruction se préoccupe plus
de savoir si l'infraction reprochée à l'inculpé est
établie en fait comme en droit et, qu'en outre, si sa culpabilité
est prouvée. Il se préoccupe peu de la personnalité du
délinquant sauf dans des cas rares : en matière d'enfance
délinquante et occasionnellement en matière de mendicité
et de vagabondage.36(*)
Il devra donc poser les actes d'instruction pour lui permettre
de faire le travail que toute la société attend de lui. La loi
n'a pas proposé de définition pour l'acte d'instruction. La
doctrine nous renseigne cependant à travers LUZOLO BAMBI LESA que l'acte
d'instruction c'est l'acte qui est posé après l'ouverture d'une
information et qui a pour but de rassembler les preuves d`une infraction
imputée à une personne et de déterminer la
culpabilité de cette dernière. La preuve en matière
criminelle doit nécessairement avoir deux objets qu'il ne faut point
diviser ; l'un de s'assurer de l'existence du crime, c'est-à-dire
d'établir le fait particulier que le crime a été commis
(ce que l'on appelle constater le corps du délit) ; l'autre, de
convaincre la personne qui en est accusée, d'en être l'auteur ou
le complice37(*).
Il ressort donc de cette définition qu'après
l'ouverture de l'information, tous les actes de procédure que peut poser
un magistrat instructeur, dans un dossier, notamment l'audition des
témoins, le mandat de comparution ou d'amener... sont des actes
d'instruction et interruptifs de la prescription de l'action publique. Par
conséquent, tous les actes de même nature ayant le même
objectif, celui de rassembler les preuves d'une infraction et d'identifier son
auteur, qui peuvent se poser avant l'ouverture de l'information, doivent
être qualifiés d'acte de police.
La conséquence première et fondamentale de cette
ouverture d'information est que la police ne peut plus poser un seul acte sur
l'affaire dont l'information vient d'être ouverte sauf sur
délégation du magistrat instructeur, car le MP a la
plénitude des pouvoirs d'instruction ; le ministère public
est maître de tous les actes d'instruction.
En second lieu, le principe de légalité des
poursuites s'applique, c'est-à-dire que l'OMP, magistrat instructeur
militaire, est tenu de poser tous les actes d'instruction nécessaires
à la découverte de la vérité : il doit
réunir les preuves de l'infraction et établir la
culpabilité de son auteur. Ainsi, aucune liberté d'action n'est
laissée au magistrat instructeur militaire à l'ouverture de
l'information, à moins qu'il ne soit établi dès le
départ que l'infraction n'existe pas ou que l'action publique y relative
est déjà prescrite. Le magistrat instructeur ne recouvre sa
liberté d'appréciation qu'à la clôture de
l'instruction où c'est le principe de l'opportunité des
poursuites qui s'applique.
Notons d'ores et déjà que la loi38(*) attribue au magistrat
instructeur militaire les mêmes pouvoirs que ceux reconnus aux magistrats
civils. Ils sont tenus aux mêmes devoirs que les magistrats instructeurs
de droit commun. Ils peuvent requérir, par commission rogatoire,
tout officier du ministère public civil ou militaire, ainsi que tout
officier de police judiciaire, de droit commun ou militaire, territorialement
compétent, aux fins de procéder aux actes d'instruction qu'ils
estiment nécessaires.
La loi reconnaît au magistrat instructeur le droit de
convoquer toutes personnes dont la déposition lui paraît utile
à la manifestation de la vérité, et la personne
convoquée ainsi est tenue de se présenter. C'est ainsi qu'un
magistrat instructeur qui peut être un capitaine peut convoquer
même un colonel pour prendre son témoignage pour autant qu'il
estime que la déposition de cette autorité militaire est de
nature à éclairer sa religion.
Il convient d'indiquer qu'aussi bien en droit commun qu'en
droit pénal militaire, tout témoin qui refuse de se
présenter pour déposer devant un officier du ministère
public encoure une condamnation pour défaut de témoignage. Tel
est en effet le prescrit des articles 178 et 179 du Code judiciaire militaire.
Ces deux dispositions indiquent en substance que le magistrat instructeur
militaire peut décerner un mandat d'amener contre un témoin
défaillant. Le témoin qui, sans motif légitime d'excuse,
ne comparaît pas ou refuse de prêter serment ou de déposer,
peut être poursuivi conformément aux dispositions du Code
pénal militaire.
Toutefois, certaines personnes sont dispensées du
devoir de déposer et cela sans se rendre coupable des infractions
prévues et punies par le Code pénal militaire ou ordinaire. Il
s'agit des personnes qui sont dépositaires par état ou par
profession des secrets qu'on leur confie. Tel est le cas de l'aumônier
militaire devant qui les membres des FARDC peuvent confesser leurs
péchés. Ce dernier ne peut nullement être contraint
à témoigner, même lorsqu'il s'agit des poursuites pour
meurtre.
Pour les témoins qui doivent déposer devant
l'auditeur militaire instructeur, le serment suivant le
lie : « je jure devant Dieu et la nation de dire la
vérité, toute la vérité et rien que la
vérité. » Ce serment, dit le professeur LIKULIA
BOLONGO, se justifie par le fait que la culture au Congo fait à ce que
les gens évitent à tout prix de déposer en qualité
de témoin. C'est ainsi que, renchérit le même auteur,
même lorsqu'ils sont témoins oculaires d'une infraction, les
Congolais préfèrent s'éloigner purement et simplement. Ils
ne voudraient pas être considérés comme ceux qui ont permis
la condamnation d'une personne.39(*)
Il faut souligner ici que les différentes auditions
tout comme les plaintes et les dénonciations sont actées dans les
procès-verbaux. Souvent les faits parviennent à la connaissance
de l'OMP ou de l'OPJ par la plainte de la victime, par une dénonciation,
par un rapport de police, voire par les aveux de l'infracteur. Dans ces cas,
l'OMP militaire acte d'abord l'identité du comparant,
éventuellement sa prestation de serment (l'inculpé n'est jamais
entendu sous serment ; hors les cas de flagrance ou de réquisition
émanant de l'auditorat), puis aussi littéralement que possible
ses dires. Tout en circonscrivant l'infraction et les circonstances qui
l'entourent ; il lui pose éventuellement des questions et acte les
questions et réponses.
Lorsqu'un OMP descend sur les lieux de la commission de
l'infraction, il peut trouver sur place des témoins de l'acte et
éventuellement l'auteur de ces faits infractionnels. A ce moment, il est
tenu d'interroger l'inculpé et d'auditionner les témoins en
prenant précaution d'acter toutes les questions, à eux
posées et les réponses qu'ils donnent, ce, après avoir
mentionné leurs complètes identités.
Il peut arriver que lorsque l'OMP est en train d'interroger un
inculpé ou d'auditionner un témoin ou d'acter la plainte ou la
dénonciation, il constate un fait important tels que la remise d'un
document, la tentative de corruption de la part du comparant, les propos
outrageants du comparant envers le verbalisant, ou lorsqu'il suspend
l'interrogatoire pour répondre à l'appel du chef ou pour un autre
motif comme la maladie ou qu'il relise les dispositions antérieures du
comparant pour savoir s'il les confirme ou non, etc, il utilisera dans le corps
même du procès verbal, l'expression suivante :
« Note de l'OMP », puis vient la constatation faite. Il
s'agit par exemple d'un outrage envers le magistrat instructeur
proféré par le comparant, et que l'OMP veut déposer
plainte contre ce dernier de ce chef, il fera référence à
ce passage du procès verbal.
En plus de ces auditions et interrogatoires, le magistrat
militaire instructeur peut procéder aux enquêtes. L'instruction
d'une cause a pour but de connaître la vérité sur les faits
infractionnels qui se sont produits. Pour y arriver, le magistrat instructeur
militaire doit absolument interroger les auteurs de ces faits, auditionner les
témoins et même confronter le plaignant aux délinquants ou
aux témoins, ces derniers aux infracteurs ou ceux-ci entre eux. Ceci
n'est possible que si les auteurs de ces faits infractionnels, les
témoins et les plaignants comparaissent devant l'officier du
ministère public militaire.
Au-delà de ces actions ponctuelles du MP, le magistrat
instructeur peut, le cas échéant, requérir l'expertise
d'un médecin, d'un comptable ou de toute autre personne dont les
compétences lui permettront d'appréhender la vérité
juridique. Dans tous les cas, ces personnes dont le concourt de leur
ministère est indispensable pour éclairer la religion du
magistrat instructeur sont tenus de faire un serment.
Cependant, l'article 177 du Code judiciaire militaire dispose
que le magistrat instructeur militaire peut imposer la forme du serment
dont l'emploi, d'après les usages, paraît le plus approprié
pour garantir la sincérité de la déposition. Il peut
alors, au lieu de soumettre ces personnes au serment pré défini
par la loi, je jure de dire la vérité, toute la
vérité et rien que la vérité, leur
exiger par exemple d'introduire leur main droite entre les pages de la sainte
Bible et de dire alors que Dieu puisse les arracher à la vie si jamais
leurs déclarations n'étaient pas sincères et
véridiques.
A la fin de l'information, le magistrat instructeur militaire
est appelé à prendre parti sur la suite à donner au
dossier de l'affaire ; lorsqu'il a fait tous les actes d'information qu'il
a cru utile de faire, et ne voit pas ce qu'il pourrait faire de plus pour
éclairer les faits ni la personnalité du délinquant, il
procède à la clôture de son information.
L'officier du ministère public, magistrat instructeur,
est donc le seul habilité à appréhender quand une cause
est suffisamment instruite et à prendre l'une de trois solutions
ci-après : la poursuite devant les cours et tribunaux, le
classement sans suite ou le règlement extrajuridictionnel dit classement
par paiement d'amende transactionnelle.
L'article 197 du Code judiciaire militaire dispose à
cette fin que pour les infractions punissables de plus d'une année de
servitude pénale, le magistrat instructeur clôture la
procédure par l'établissement d'une note de fin d'instruction
qu'il communique obligatoirement à l'auditeur militaire qui doit donner
son avis dans les trois jours. Si ce dernier constate que la juridiction
militaire n'est pas compétente, il renvoi la procédure, par
l'entremise du magistrat instructeur militaire, au parquet de droit commun
compétent.
Cependant, si le magistrat instructeur militaire estime que
les faits visés ne constituent pas une infraction à la loi
pénale, si l'inculpé n'a pu être identifié ou s'il
n'existe contre celui-ci des charges suffisantes, le magistrat instructeur
militaire ne prend la décision déclarant qu'il n'y a pas lieu
à poursuites. S'il est détenu, il est mis en liberté.
Cette décision est immédiatement communiquée à
l'auditeur militaire qui la porte à la connaissance du commandant
d'unité dont dépend l'inculpé.
Si le magistrat instructeur estime que le fait visé
constitue une infraction de la compétence de la juridiction militaire et
que l'inculpation est suffisamment établie, il renvoie l'inculpé
devant cette juridiction.
Indiquons tout de même que lorsque le magistrat
instructeur militaire compétent pour engager les poursuites estime que
le fait constitue une infraction que la loi réprime d'une peine d'un an
de servitude pénale au moins et qu'il existe des indices sérieux
de culpabilité, elle peut soumettre tout justiciable des juridictions
militaires à des mesures judiciaires de liberté
contrôlée ou le détenir préventivement pour une
durée qui ne peut excéder quinze jours. 40(*)
Nonobstant le fait que la loi reconnaît au magistrat
instructeur militaire les mêmes pouvoirs que ceux reconnus au magistrat
instructeur civil, elle lui interdit tout de même d'exiger le
cautionnement avant d'accorder la liberté provisoire. L'article 212 du
Code judiciaire militaire dispose qu'en aucun cas, la mise en
liberté provisoire en faveur des justiciables des juridictions
militaires n'est subordonnée à l'obligation de fournir un
cautionnement ou d'élire domicile. Lorsqu'elle est accordée,
le commandant d'unité de qui dépend le requérant est
informé aussitôt de cette décision par l'auditeur
militaire.
Section II. DE LA SAISINE DU JUGE MILITAIRE
Pour éviter que les individus, membres d'une
société, ne recourent à la vengeance privée, le
constituant a institué des organes destinés à assurer de
manière efficace la répression de toutes les infractions commises
sur le territoire national. La voie de la justice privée ou de la
justice informelle est très dangereuse pour le développement et
la sécurité d'une nation. L'une et l'autre voies sont
susceptibles d'entraîner de fâcheux dérapages notamment les
arbitraires, les violations massives des droits de l'homme et des principes
universels de droit pénal, la justice expéditive et sommaire, la
justice populaire, l'application des peines barbares, sans oublier la
délation, le règlement des comptes, les flagellations, les
supplices du collier ou les mises à mort par le feu, les lapidations, en
passant par une variété horrifiante de barbarismes pseudo
justiciers. D'où la naissance des mouvements d'auto défense
populaire, des rébellions, des insurrections et émeutes, etc.
Les règles de procédure pénale viennent
à coup sûr faire éviter ces dérapages horribles et
fâcheux car elles humanisent l'être humain, si criminel soit-il.
Pour paraphraser Bayona Bameya,41(*) au niveau des relations entre l'individu et la
société, la procédure pénale apparaît comme
le thermomètre de la température démocratique d'un Etat
car c'est l'expression vivante des libertés publiques reconnues par
l'Etat aux individus.
C'est la raison pour laquelle le législateur organise
la procédure pénale tant de droit commun que du droit
pénal militaire. Ceci étant, le rôle du MP, organe de la
loi, ici représenté par l'auditorat militaire, étant
terminé par son acte de saisine de la juridiction de droit, il convient
cependant que le ministère public vérifie si l'infraction pour
laquelle il veut saisir le juge n'est pas encore prescrite.
En effet, la prescription de l'action publique peut être
justifiée par de diverses considérations comme celles d'oubli, de
négligence et de preuve.42(*) L'oubli de l'infraction commise est
généralement l'une des raisons invoquées pour justifier la
prescription de l'action publique. En effet, l'on évite à la
société de faire revivre, par l'action publique, le souvenir de
l'infraction déjà effacé par le temps ; cela
permettra de sauvegarder la paix et la tranquillité.
La négligence quant à elle pourrait justifier
légitimement la prescription de l'action publique. Une
société, au sein de laquelle l'infraction a été
commise, qui n'exerce pas son droit de punir l'auteur de cette infraction dans
le délai déterminé, trouvera ainsi le délai de
poursuite forclos et par conséquent se verra privée de toute
possibilité d'exercer l'action publique née de cette
infraction.43(*)
Le dépérissement des preuves constitue la
justification fondamentale de la prescription de l'action publique. En effet,
après un certain temps, assez plus ou moins long, les preuves d'une
infraction se dégradent de plus en plus ou tout au moins perdent
beaucoup leur force probante ; les traces matérielles disparaissent
graduellement et le souvenir des témoins ayant assisté à
la commission des faits infractionnels se sera peut-être évanoui.
Engager un procès dans ces conditions serait très dangereux, car
les risques de commettre une erreur judiciaire grave ont augmenté.
Le Code judiciaire militaire organise la prescription de
l'action publique à ses articles 202 et 203. L'article 204 pour sa part
donne les cas pour lesquels la prescription de l'action publique ne peut
être imaginée. Il s'agit entre autres de la désertion
à bande armée, la désertion à ennemi ou en
présence de l'ennemi, lorsque le déserteur ou l'insoumis s'est
réfugié ou est resté à l'étranger pour se
soustraire à ses obligations militaires, les crimes de guerre, les
crimes contre l'humanité et le génocide.
C'est au terme de cette analyse que le ministère public
saisit la juridiction militaire compétente. L'article 214 du Code
judiciaire militaire dispose à cet effet que les juridictions
militaires sont saisies par voie de traduction directe ou par décision
de renvoi émanant de l'auditeur militaire près la juridiction
compétente. Elles sont également saisies par voie de comparution
volontaire du prévenu suivant les conditions prévues par le
présent code.
Paragraphe 1. Voies de saisine Ordinaires
Il ne suffit pas simplement de faire une enquête
préjuridictionnelle pour dire que le service public de la justice joue
son rôle dans une société. Au-delà de cette
procédure préparatoire à l'audience, il faudra faire un
effort dans la saisine du juge pour que la personne présumée
auteur d'une infraction puisse subir la rigueur de la loi. Ainsi que l'a
soutenu le général Likulia Bolongo, les agissements d'un
militaire qui troublent l'ordre public dans l'armée doivent être
sévèrement sanctionnés et avec toute
célérité requise pour ne pas faire tâche d'huile
dans la troupe.44(*)
Ainsi, les instances judiciaires constituent un fondement
indispensable du maintien de la discipline dans les rangs, reflétant les
aspirations profondes de la quasi-totalité de l'opinion publique
nationale, du reste convaincue de l'efficacité de l'appareil judiciaire
militaire pour le maintien de la discipline au sein de l'armée, pour la
sauvegarde du patrimoine collectif, mais encore pour l'harmonisation sans
relâche des rapports entre soldat et la population civile dont il se
trouve être l'émanation et surtout pour servir d'ultime rempart en
cas de péril public.
C'est donc dans ce contexte que des efforts sont consentis
pour présenter le plus rapidement que possible les militaires, et
même les agents de la police nationale congolaise, devant un juge.
En outre, indique Laurent Mutata, par sa
célérité et son exemplarité, la justice militaire
rencontre au mieux la mentalité photosynthétique du Congolais
qui, présent à la perpétration d'un délit, en est
le témoin de la répression. Néanmoins, cette
célérité ne peut être bénéfique pour
la collectivité nationale que lorsqu'elle procède d'une lecture
judicieuse des dispositions légales, facilitée par une
contribution jurisprudentielle et doctrinale.45(*) D'où la nécessité
d'étudier en profondeur les modalités de saisine ordinaires du
juge militaire.
En droit de procédure pénale militaire, le
ministère public est seul habilité à saisir un juge des
faits qui sont de sa compétence matérielle et territoriale et
cela contrairement au droit commun où, même la partie victime et
à tout le moins toute personne justifiant d'un intérêt,
peut saisir le juge des faits infractionnels et forcer le ministère
public à les poursuivre.
En droit de procédure pénale militaire, seul le
ministère public peut saisir un juge et cela par une note de fin
d'instruction appelant le président de la juridiction compétente
à fixer le dossier à l'audience, il s'agit communément de
la traduction directe et la décision de renvoi.
L'article 214 alinéa 1er du Code judiciaire
militaire dispose en effet que les juridictions militaires sont saisies par
voie de traduction directe ou par décision de renvoi émanant de
l'auditeur militaire près la juridiction compétente.
La traduction directe est une décision de l'auditorat
militaire par laquelle une affaire est déférée devant une
juridiction de droit pour solliciter la décision de son pouvoir. Le
dictionnaire Larousse indique à cet effet que la traduction c'est le
fait de traduire quelqu'un en justice. Traduire en justice c'est citer, appeler
devant un tribunal.46(*)
Ainsi donc, la traduction directe équivaut en
procédure pénale à la citation. Celle-ci est une voie
ordinaire et régulière que le ministère public use pour
saisir une juridiction répressive. Elle est donc une notification faite
au prévenu et éventuellement à la personne civilement
responsable de l'ouverture des poursuites contre eux devant cette juridiction.
Le témoin peut aussi être sommé à comparaître
soit devant le magistrat instructeur au niveau de l'auditorat militaire soit
devant le magistrat citant sur ce qu'il a vu ou entendu dire de l'infraction
mise à charge du délinquant militaire ou de tout justiciable
devant les juridictions militaires.
La partie civilement responsable que l'auditorat militaire est
habilité à citer n'est autre que celle qui est, par la loi ou la
coutume, tenue civilement responsable des amendes, des frais et des
dommages-intérêts qui pourraient être prononcés, si
non, la citation de cette partie revient à la partie civile.47(*)
La traduction directe doit d'abord indiquer à la
requête de qui elle est faite ; c'est-à-dire, à la
requête de l'auditorat militaire, car c'est lui qui initie la citation
à prévenu. Elle doit en outre indiquer la qualité de celui
qui effectue et la manière dont elle est effectuée ; l'on
doit également y mentionner la date à laquelle notification a
été faite. Ces deux éléments permettront, le
premier, de vérifier la compétence de l'auditeur militaire ou
officier ministériel qui a notifié la citation et le second, de
vérifier si les délais de signification ont été
respectés (délai entre la notification et la comparution).
La traduction directe contient en outre, l'indication de la
nature, de la date et du lieu des faits dont il aura à répondre.
La conséquence que l'on peut tirer de cela est que la citation qui ne
permet pas de connaître la nature exacte de différents faits dont
le prévenu doit répondre et qui oblige la juridiction du premier
degré, pour essayer de circonscrire sa saisine, de se baser à
tort sur des éléments étrangers à la traduction
directe, viole la loi.48(*)
Lorsque le MP militaire clôt l'instruction
préparatoire et décide de poursuivre l'inculpé devant les
cours et tribunaux, il transmet le dossier de l'affaire au greffe de la
juridiction compétente et sollicite du président de cette
juridiction la fixation de la date à laquelle l'audience sera
appelée. En même temps, il pourvoit à la citation du
prévenu, de la personne civilement responsable et de toute personne dont
l'audition lui paraît utile à la manifestation de la
vérité.
Il sied de noter que l'auditorat militaire ne peut le faire
que s'il s'agit des dommages et intérêts à allouer d'office
à la partie civile ou des frais et des amendes ; si cette
dernière s'est donc constituée, le MP n'est plus habilité
à le citer. Par ailleurs, le greffier ne peut faire citer la partie
civile que si celle-ci s'est constituée. Le Code judiciaire militaire
dispose quant à ce que lorsque la juridiction militaire est saisie,
la partie lésée par le fait incriminé peut la saisir de
l'action en réparation en se constituant partie civile. La constitution
de la partie civile peut intervenir à tout moment de l'instance, depuis
la saisine de la juridiction militaire jusqu'à la clôture des
débats, par une déclaration reçue au greffe ou faite
à l'audience, et dont il est donné acte au requérant. En
cas de déclaration au greffe, celui-ci en avise les parties
intéressées.49(*)
Pour ce qui est des modalités de signification de la
citation, l'article 324 du Code judiciaire militaire indique que qu'elle est
faite régulièrement à personne. Ce qui veut dire à
ce niveau que le militaire, bien qu'appartenant à une unité et
vivant dans une caserne, ne peut être prioritairement notifié par
son commandant d'unité ou son commandant de camps.
En effet, si les citations, assignations et notifications ne
peuvent être faites à personne, les règles ci-après
sont appliquées. S'il s'agit d'un militaire en état d'absence
irrégulière, la citation ou notification est faite au Commandant
d'unité ; la copie de l'acte lui est remise sous pli fermé,
ne portant d'autres indications que les noms, le grade et l'unité du
destinataire de l'acte. Quel que soit le destinataire d'un acte, s'il n'a pas
de domicile connu, ou s'il réside à l'étranger, les
citations, assignations et notifications sont faites au Parquet Militaire
près la juridiction militaire saisie. Le Ministère Public vise
l'original de l'acte et envoie, le cas échéant, la copie à
toutes les autorités intéressées de qui dépend le
militaire.
Cependant, lorsque la décision à notifier est
susceptible d'une voie de recours, le procès-verbal doit mentionner, le
cas échéant, la date et l'heure auxquelles le recours est
formé.
Quand aux mentions que doit contenir la citation à
comparaître à délivrer au prévenu, l'article 319 du
code sous examen dispose qu'elle mentionne les nom et qualité de
l'autorité requérante ; se réfère à la
décision de renvoi ou de traduction directe et à l'extrait de
rôle de la juridiction militaire saisie, lequel précise les lieu,
date et heure de l'audience ; énonce la prévention, indique
le texte de loi applicable ainsi que les noms des témoins et experts que
le Ministère Public se propose de faire entendre ; l'avertit qu'il
doit notifier au Ministère Public avant l'audience, par
déclaration au greffe, la liste des témoins qu'il propose de
faire entendre. Elle est datée et signée.
De l'analyse de ces dispositions, nous pouvons affirmer que
les justiciables des juridictions militaires, qu'il s'agisse des membres des
forces armées ou non, ne peuvent nullement être
signifié au domicile. La seule modalité envisagée pour les
atteindre est de passer par eux seuls. A défaut de les atteindre, alors
auprès du commandant de l'unité à laquelle ils
appartiennent et le cas échéant au Parquet Militaire près
la juridiction militaire saisie.
Mais, l'article 323 du Code judiciaire militaire envisage la
possibilité de l'absence du destinataire à son domicile. Dans ce
cas, un procès verbal doit être dressé si la durée
de l'absence est indéterminée ou est telle que la notification ne
puisse être faite dans les délais mentionnés à
l'article 319 du même code. Lorsque les renseignements ont pu être
recueillis sur le lieu où réside le destinataire, ceux-ci sont
consignés au procès-verbal d'absence. A défaut de
renseignements utiles, le Ministère Public peut requérir tous
agents de la force publique de procéder à des recherches en vue
de découvrir l'adresse de l'intéressé.
Les agents de la force publique dressent, dans les formes
ordinaires, procès-verbal des diligences requises, même si elles
sont restées infructueuses. Les procès-verbaux,
accompagnés d'une copie certifiée conforme, sont transmis au
Ministère Public.
Comme pour l'essentiel des actes juridictionnels, les
citations à prévenu ont aussi un délai au-delà
duquel la signification serait irrégulière. Lorsque les
délais sont insuffisants, la citation n'est pas pour autant nulle
nécessairement ; elle produit certains effets notamment la mise en
demeure et l'interruption de la prescription ; mais, le tribunal demeure
non saisi lorsque le prévenu y fait exception. Cette dernière
trouve son fondement dans l'article 28 du Code de procédure civile qui
veut qu'il ne puisse y avoir nullité d'un acte de procédure que
lorsque la partie qui la sollicite détermine en quoi cet acte lui cause
préjudice. D'où la formulation, pas de nullité sans
grief.
Le délai entre le jour où la citation à
comparaître est délivrée au prévenu et le jour
fixé pour sa comparution est de deux jours francs au moins. En temps de
guerre, ce délai est réduit à trois heures. Aucun
délai de distance ne s'ajoute aux délais précités.
Tel est le prescrit de l'article 320 du Code judiciaire militaire.
Il sied alors de constater que cette diminution de
délai devant les juridictions militaires procède d'une
volonté manifeste de rencontrer la célérité, un des
attributs de la justice militaire. Toutefois, cette réduction de
délai n'emporte pas seulement des avantages. Elle ne permet pas au
prévenu de préparer efficacement sa défense.
Tous points considérés, le juge militaire peut
être saisi par la traduction directe et la décision de renvoi. Par
la traduction directe, on fait allusion à la décision par
laquelle l'auditeur militaire saisit le juge dans une procédure de
flagrance. L'auditeur militaire décide de déférer
directement le militaire devant le juge et cela sans passer par les
formalités de l'instruction préparatoire. Ces situations arrivent
le plus souvent lorsque les militaires sont engagés sur le
théâtre des combats. C'est donc la modalité principale de
saisine de la cour militaire opérationnelle.
La décision de renvoi quand à elle fait
référence aux poursuites engagée par l'auditeur militaire
au terme de l'instruction préparatoire de l'auditorat. Cependant, il
convient de constater que le juge militaire n'est pas seulement saisi par la
décision de renvoi ou par la traduction directe. Il peut
également être saisi de manière extraordinaire par
comparution volontaire et la saisine d'office.
Paragraphe 2. Voies de saisine extraordinaires
Comme dit à l'article 214 du Code judiciaire militaire,
le juge militaire peut être saisi par voie de traduction directe ou
par décision de renvoi émanant de l'auditeur militaire
près la juridiction compétente. Elles sont également
saisies par voie de comparution volontaire du prévenu suivant les
conditions prévues par le présent code.50(*)
C'est ce qui nous laisse dire que le juge militaire a deux
grandes modalités de sa saisine, la saisine ordinaire qui comprend la
traduction directe et la décision de renvoi ainsi que la saisine
extraordinaire qui comprend la comparution volontaire et la saisine
d'office.
En effet, il n'est pas impossible ou exclu qu'un sujet de
droit, après la commission des faits infractionnels, se présente
de lui-même à la police, au parquet ou même devant un
tribunal pour se dénoncer. Ceci ne peut souvent se passer que pour les
infractions flagrantes intentionnelles ou non. Il s'agit ici du militaire qui,
après avoir commis une infraction, se constitue détenu ou
prévenu selon qu'il s'est rendu devant l'auditeur militaire ou devant le
juge militaire. Pour les infractions non flagrantes ou qui se sont commises il
y a très longtemps, il est tellement rare ou presqu'impensable que les
infracteurs (les délinquants) aillent chercher des
châtiments de ces infractions qu'ils ont perpétrées
auprès des tribunaux répressifs en s'y présentant
spontanément.
En fait, la comparution volontaire dont question dans ce
paragraphe est le plus souvent invoquée pour régulariser un vice
de forme, une méconnaissance des délais, bref pour couvrir une
irrégularité de forme de l'exploit introductif d'instance ou
encore pour rendre régulier une extension de la saisine du tribunal.
L'article 216 du Code judiciaire militaire dispose que
lorsqu'il résulte des débats et des pièces du dossier
que le prévenu peut être poursuivi pour des faits autres que ceux
qui figurent dans la décision de renvoi ou de traduction directe,
l'extension de la saisine de la juridiction est acquise par sa comparution
volontaire.
L'article 214 alinéa 2 qui est en fait le siège
de la comparution volontaire est complété pour sa
matérialité par les articles 216 et 217. Ce dernier article
dispose en effet que la saisine de la juridiction n'est
régulière que si le prévenu, averti par le juge qu'il peut
réclamer les formalités de l'instruction préparatoire,
déclare expressément y renoncer.
L'article 55 du Code de procédure pénale
prévoit des conditions pour une comparution volontaire valable :
l'infraction mise à la charge du comparaissant volontaire ne doit pas
être punie d'une peine supérieure à cinq ans de servitude
pénale. Autrement dit, il faut qu'il s'agisse d'une infraction passible
d'une peine égale ou inférieure à cinq ans de servitude
pénale ou tout simplement d'une peine d'amende. Il ne peut donc s'agir
de crime mais plutôt de délit et contravention simplement.
Lorsqu'il résulte des débats et des
pièces du dossier que le prévenu peut être poursuivi pour
d'autres faits que ceux qui figurent dans la décision de renvoi, la
comparution volontaire du prévenu ne saisit le tribunal que si,
avisé par le juge qu'il peut réclamer la formalité de la
citation, le prévenu déclare expressément y renoncer.
L'accomplissement de cette formalité doit être acté
à la feuille d'audience.51(*)
Tout autant, lorsque le prévenu est en détention
préventive ou lorsqu'à l'audience, une autre infraction non
comprise dans la citation est, en outre, mise à sa charge, la même
formalité prévue à la condition ci-haut
évoquée doit être remplie pour que sa comparution
volontaire soit valable et saisisse le tribunal. L'omission de préciser
dans la feuille d'audience les faits sur lesquels le prévenu consent
à comparaître volontairement, n'emporte aucune nullité,
lorsque ces faits sont déterminés par les rétroactes de la
procédure connue par le tribunal et le prévenu.
Par contre, lorsque la feuille d'audience ne mentionne,
conformément à l'article 218 du Code judiciaire militaire, que le
prévenu accepte de comparaître volontairement et qu'il s'agisse
des faits ignorés par eux puisque non compris dans la décision de
traduction directe ou de renvoi, encore moins n'ayant été
évoqués en aucun moment lors de l'instruction
préparatoire, nous estimons que la décision judiciaire à
intervenir est susceptible d'annulation pour violation d'une règle
substantielle de saisine d'une juridiction militaire.
Le professeur Pierre Akele dit à ce sujet que si un
tribunal est saisi d'une infraction de sa compétence mais les
débats relèvent une infraction dont la compétence est
attribuée à un tribunal inférieur, il n'en demeure pas
moins saisi et le prévenu n'a pas à solliciter les
formalités de la citation pour l'infraction relevée au cours des
débats. Le tribunal saisit va statuer sur l'action publique et
éventuellement sur l'action civile et sur les dommages et
intérêts à allouer d'office.52(*)
En revanche, si le tribunal est saisi d'une infraction de sa
compétence, mais que les débats relèvent une infraction de
la compétence d'un tribunal supérieur, il doit naturellement se
dessaisir par un jugement d'incompétence, car qui peut le moins ne peut
pas le plus mais seulement le contraire. 53(*)
En toute évidence, la comparution volontaire produit
les mêmes effets que la traduction directe et la décision de
renvoi. Elle diffère de la comparution volontaire de droit commun en ce
qu'elle peut être envisagée même pour des crimes.
Cependant, ainsi que nous l'avons précédemment
soutenu, le juge militaire peut également se saisir d'office d'un litige
de sa compétence. Il y a saisine d'office lorsqu'une juridiction, soit
un magistrat ou un représentant du MP ou même un OPJ, usant de son
pouvoir d'initiative, peut prendre une décision ou une mesure ou
instruire un dossier sans être sollicité par une demande
préalable des parties soit en vertu d'une disposition légale ou
réglementaire (ainsi, ordonner une mesure d'instruction, déclarer
caduque une assignation, soulever une incompétence, un moyen de droit
pur), soit en vertu des pouvoirs propres de cette juridiction ou de cette
autorité judiciaire (ainsi, requérir ou relever une
nullité d'ordre public.)
En ce qui concerne plus spécialement les cours et
tribunaux militaires congolais, il existe dans notre droit, deux
possibilités pour qu'ils se saisissent d'office des dossiers. D'un, nous
savons que les juges des tribunaux de police exercent auprès de leur
juridiction les fonctions du Ministère public. Les juges de police
connaissent le plus souvent des infractions constatées par les PV des
OPJ leur transmis directement ou par leurs propres PV. C'est la manifestation
du caractère hybride du juge de police, homologue du juge de paix en
droit commun.
De deux, lorsqu'il y a délit d'audience, toute
juridiction peut se saisir d'office. Il y a délit d'audience, lorsqu'une
infraction est commise dans la salle et pendant le déroulement de
l'audience publique ou à huis clos, pénale ou civile, en
matière commerciale ou du travail.
Il résulte de l'article 1er de l'ordonnance
loi n° 70/012 du 10 Mars 1970 relative aux délits d'audience que
toute infraction commise dans la salle et pendant la durée de l'audience
pourra être jugée séance tenante. Il ressort de cette
disposition que lorsqu'il y a délit d'audience, la juridiction
siégeant est saisie sur le champ sans nécessité d'autres
modalités de saisine.
En droit pénal militaire par contre, se sont les
articles 233 du Code judiciaire militaire et suivants qui organisent la
question des délits d'audience. L'article 233 du texte sous examen
dispose que les personnes qui assistent à l'audience sont sans
armes. Elles se tiennent à découvert dans le respect et le
silence. Elles ne peuvent donner des signes d'approbation sous peine
d'expulsion par le président. Si elles résistent à ses
ordres, le président ordonne, quelles que soient leur qualité,
leur arrestation et leur détention dans une maison d'arrêt ou de
détention pendant un temps qui ne peut excéder quarante-huit
heures.
Si le trouble ou le tumulte fait obstacle au
déroulement normal de l'audience, les perturbateurs, quels qu'ils
soient, sont sur-le-champ déclarés coupables de rébellion
et punis de ce chef des peines prévues par le Code Pénal
Militaire, ajoute l'article 234 du Code judiciaire militaire.
Lorsqu'il y a audience foraine qui se tient sous un arbre,
à l'instar des audiences foraines sous le manguier à plusieurs
endroits du pays qui n'ont pas d'infrastructures nécessaires pour
accueillir les audiences des cours et tribunaux, ou même lorsque
l'audience se tient au bureau du Président de la juridiction ou
même dans la cour du tribunal même de la garnison de Goma, et
qu'une infraction se commet durant la tenue de l'audience, pareille infraction
doit aussi être considérée comme étant un
délit d'audience même si la loi parle de l'infraction commise dans
la salle d'audience.
Il faut donc retenir que le mot « salle
d'audience » est considéré dans son acception large car
en ce moment, sous l'arbre ou dans le bureau ou dans la cour, doit être
tenue pour salle d'audience. L'intérêt qui est
protégé ici n'est pas tant le lieu en tant que tel, mais
plutôt l'activité qui s'y tient. C'est la raison pour laquelle,
où que l'audience se tienne, toute attitude qui soit de nature à
troubler son bon déroulement est considérée comme
délit d'audience et punie en tant que tel. Le juge n'a pas alors besoin
d'être saisi par l'auditeur militaire mais il se saisit d'office.
Tous points considérés, lorsqu'un militaire
commet une infraction, principalement une infraction pénale militaire,
il peut passer par le Ministère Public, la Police Judiciaire Militaire
sous entendue avant d'être déféré devant le juge
militaire compétent. Cette formalité s'accomplit, tantôt
par la traduction directe, tantôt par la décision de renvoi. Tout
comme, il peut être jugé alors que la saisine du juge n'est pas
l'oeuvre du Ministère Public. C'est le cas de la comparution volontaire
par laquelle le prévenu accepte de couvrir le vice de forme qu'il y a
dans la saisine du juge par l'auditeur militaire et le cas de la saisine
d'office.
Tandis que dans la comparution volontaire c'est le
prévenu qui saisit en dernière analyse le juge contre
lui-même, c'est le juge qui se saisit lui-même dans la saisine
d'office. Dans l'une ou l'autre hypothèse, le Ministère Public ne
fait que se joindre à l'accusation pour la soutenir.
C'est en fonction de cette dernière analyse que nous
allons alors consacrer dans notre second chapitre l'attention sur les
perspectives d'avenir quand à la saisine du juge militaire par voie de
citation directe.
CHAPITRE II. LES PERSPECTIVES DE LEGE FERENDA RELATIVE
A LA CITATION DIRECTE EN MATIERE DE JUSTICE MILITAIRE
La justice militaire est un des services
publics de l'Etat qui sert à aider le commandement à maintenir
l'ordre et la discipline dans les rangs. Mais en tant que service public du
secteur de la justice, elle a ses propres règles d'organisation et de
compétence.
Pour ce qui est de son organisation et de sa
compétence, la loi n° 023/2002 du 18 novembre 2002 portant Code
judiciaire militaire définit l'organisation et la compétence des
juridictions militaires.
Cependant, il ne suffit pas simplement de poser des
règles d'organisation et de fonctionnement pour que le service public de
la justice puisse correctement fonctionner. Encore faut-il que les
administrés, principaux destinataires de ce service, puisse y
accéder facilement.
C'est ainsi que le législateur congolais institue les
modalités de saisine des juridictions militaires. Il instaure à
cet effet la traduction directe, la décision de renvoi émanant de
l'Auditeur Militaire près la juridiction compétente, la
comparution volontaire ainsi que la saisine d'office.
Toutefois, il convient de remarquer que toutes ces
modalités de saisine des juridictions militaires ne répondent
qu'à une philosophie, celle qui consiste à considérer la
justice militaire comme simplement un bâton du commandement.54(*) Or, considérer la
justice militaire comme simplement un bâton de commandement pousse
à affirmer que la justice militaire ne poursuit qu'un seul objectif,
celui de répondre aux ordres de la hiérarchie militaire.
Ce qui, au regard de l'histoire de la RDC, n'a
été valable que pendant un temps bien déterminé.
C'est celle de la dictature. Alors que la Constitution de la troise
République proclame l'Etat de droit en RDC et que la réforme en
cours dans l'armée, enclenchée depuis la promulgation de la loi
n° 023/2002 du 18 Novembre 2002 portant Code judiciaire militaire ainsi
que la loi n°024/2002 du 18 Novembre 2002 portant Code pénal
militaire, prennent en considération l'humanisation de la personne du
militaire et de la procédure à lui appliquer en cas de faute.
C'est la consécration de la notion des droits de l'homme dans
l'armée.
Les droits de l'homme constituent l'achèvement de
valeurs et de principes généraux et l'aboutissement d'une
évolution inscrite dans l'histoire de la philosophie, dans laquelle ils
puisent en premier lieu leurs racines. Mais ils sont aussi une conquête
et le résultat d'un processus politique historique.
L'idée de droits de l'homme, riche en
développements, demeure au départ simple : celle des
facultés d'agir reconnues à chaque individu (et, par extension
éventuelle, à des groupes d'individus), antérieurement
à et au-dessus de toute institution publique ou privée. Le seul
énoncé de cette rapide définition fait clairement
ressortir les fondements philosophiques principaux du concept, par contraste
d'ailleurs, ou en complémentarité, de la définition plus
théorique des droits fondamentaux. En toute hypothèse, une telle
approche suppose l'admission d'un certain nombre de postulats.55(*)
En effet, comment imaginer les droits de l'homme dans un Etat
où des inégalités subsistent toujours entre les
citoyens ? Comment parler d'un Etat de droit de surcroît alors que
les libertés fondamentales consacrées par la constitution ne sont
pas respectées. Comment dire que la justice militaire est un service
public de l'Etat alors que les justiciables, prioritairement les victimes, sont
interdits de voir directement le juge et de lui demander la décision de
sa compétence.
C'est autour de ces disparités que nous consacrons
l'essentiel de notre second chapitre en essayant d'analyser la
possibilité de reconnaître de lege ferenda aux
justiciables des juridictions militaires le droit de voir directement le juge
au lieu de subordonner toujours l'action publique à une
éventuelle instruction préparatoire qui peut ne pas aboutir
à un procès.
Ainsi donc, nous analyserons dans la première section
la citation directe face aux vertus de la justice dans un Etat de droit. Dans
la seconde section par contre, nous parlerons de la nécessité de
la consécration de la citation directe en droit judiciaire militaire.
Section I. LA CITATION DIRECTE FACE AUX VERTUS DE LA
JUSTICE DANS UN ETAT DE DROIT
Le droit pénal détermine les infractions et les
peines applicables aux auteurs de ces infractions. Toutes les infractions et
toutes leurs peines prévues dans ce pays doivent au préalable
être déterminées par la loi pénale. Ainsi donc, le
principe de la légalité criminelle est sans nul doute le principe
le plus fondamental du droit pénal.
La procédure pénale militaire quant à
elle prévoit les règles à suivre pour rechercher les
infractions déterminées par le droit pénal militaire,
arrêter leurs auteurs, poser les actes d'instruction, poursuivre ces
auteurs devant les cours et tribunaux jusqu'à l'obtention des
décisions judiciaires et enfin mettre ces dernières en
exécution.
Ainsi donc, pour éviter que les individus ne recourent
à la vengeance privée, le constituant a institué des
organes destinés à assurer de manière efficace la
répression de toutes les infractions commises sur le territoire national
car la voie de la justice privée ou de la justice informelle est
très dangereuse pour le développement et la
sécurité d'une nation.
Ainsi que l'indique Bayona ba-Mea,56(*) les règles de
procédure pénale viennent à coup sûr faire
éviter ces dérapages horribles et fameux car elles viennent
humaniser l'être humain, si criminel soit-il. Au niveau des relations
entre l'individu et la société, la procédure pénale
apparaît comme le thermomètre de la température
démocratique d'un Etat car c'est l'expression vivante des
libertés publiques reconnues par l'Etat aux individus.
Là où l'Etat brime l'individu, fait observer la
doctrine,57(*)l'on
constate que le déroulement du procès est rapide et secret ;
l'on constate également que les pouvoirs excessifs sont accordés
aux magistrats qui n'agissent que pour le seul intérêt, non de la
loi mais du pouvoir établi en place. L'on observe encore que la fonction
juridictionnelle est placée entièrement sous la dépendance
de l'Exécutif. L'on remarque enfin que les arrestations, les
détentions ainsi que les enlèvements arbitraires et massifs se
font quotidiennement. Tout celui qui détient une parcelle du pouvoir
politique ou militaire se sent habilité à arrêter et
à détenir, à donner des ordres, si lui ne peut pour faire
arrêter ou pour faire détenir n'importe qui, n'importe comment,
n'importe quand, n'importe où et n'importe pourquoi. Bref, tout est
orienté vers une répression exemplaire, prompte et sanglante pour
ainsi éviter que les dirigés aient voix au chapitre.
Tout ceci aboutit au dépérissement de l'Etat et
de toutes ses institutions ou du moins, l'Etat et toutes ses institutions
deviennent les armes d'oppression entre les mains des dirigeants contre les
dirigés. C'est la caractéristique essentielle de ce qu'on ne peut
hésiter de qualifier Etat jungle. Par contre, dans un Etat respectueux
de l'individu et ses droits ainsi que de toutes les lois, la justice est au
dessus de tout le monde. L'appareil judiciaire est réellement
indépendant des autres pouvoirs de l'Etat.58(*)
L'Etat de droit privilégie donc le mode juridictionnel
de règlement des conflits ; lequel se caractérise par
l'intervention en qualité du juge d'une tierce partie investie de la
fonction de dire le droit, de trancher les litiges en prenant des
décisions qui s'imposent aux parties en conflit, au besoin par la force
de la contrainte publique.59(*)
C'est donc dans cet effort de rendre effectif l'idéal
d'un Etat de droit en RDC que le législateur congolais s'est
rangé derrière le constituant pour humaniser le droit
pénal militaire. C'est d'ailleurs la vision du législateur
congolais de la loi portant Code pénal militaire.
Dans cette vision, l'important reste certes de se servir de
la justice militaire comme bâton de commandement, mais encore de
l'utiliser dans le rétablissement des équilibres sociaux. Il
s'agit donc de passer d'un juge simplement de discipline à un juge
certes de discipline mais aussi de liberté.
La liberté, comme le dit la Constitution de la RDC,
est un droit fondamental pour tous les citoyens. C'est au nom de celle-ci que
les individus agissent et c'est également au nom de la liberté
que la justice existe dans le but principal de sauvegarder les libertés
des uns face à celles des autres.
C'est toujours au nom de la liberté, mais aussi de
l'égalité que tous les citoyens ont le droit, une fois leurs
droits violés, de saisir le juge enfin qu'il puisse prendre une
décision de sa compétence les remettant dans leurs droits. Cette
revendication peut être directement ou indirectement adressée au
juge. Directement elle est faite par citation directe et indirectement par le
parquet.
Voilà pourquoi, prenant en compte l'idéal de la
RDC, celui de devenir un Etat de droit, nous nous proposons d'analyser tour
à tour les arguments en faveur de la citation directe : La citation
directe comme traduction du principe de libre accès au prétoire
ainsi que les désavantages de la citation directe en droit commun.
Paragraphe 1. La citation directe comme traduction du
principe de libre accès au prétoire
La citation a été instituée au profit
des parties civiles pour ainsi contourner les manoeuvres dilatoires des
parquets. Les articles 54 alinéa 2 et 56 alinéa 2 du Code de
procédure pénale proclament clairement et sans ambages le droit
qui appartient à la partie lésée de faire citer le
prévenu ou le civilement responsable ; l'article 56 alinéa 2
sus mentionné prévoit aussi la citation directe du prévenu
contre la partie lésée ou contre les éventuels
coprévenus qu'il a intérêt à ce qu'ils soient
entendus.
On entend par citation directe, indique Yoka Mampunga, celle
intentée par la partie civile directement contre le prévenu et
éventuellement contre les co-prévenus. Par contre, celle du
prévenu contre la partie civile qui l'a cité ou qui s'est
constituée en cours d'instance se dénomme « citation
pour action téméraire et vexatoire ».60(*) Il conviendra de noter que la
citation de la partie civile est dite « citation directe »
car cette dernière n'est pas passée par le truchement du parquet
pour que celui-ci mène une instruction préparatoire avant les
poursuites devant les cours et tribunaux ; elle a directement,
elle-même, saisi les juridictions répressives compétentes
pour connaître de son affaire qui l'oppose au prévenu.
Pour que la citation directe soit recevable devant les
juridictions répressives, il faut tout d'abord, les fais infractionnels
qui ont victimisé la partie civile doivent être établis.
C'est pourquoi cette dernière est tenue d'indiquer dans sa citation
directe ces faits infractionnels, le lieu et la date de leur commission ainsi
que le préjudice que ces faits lui ont causé. Elle doit
également évaluer provisoirement ce préjudice. Il doit
enfin y avoir un lien de cause à effet entre les faits infractionnels et
le préjudice qu'elle prétend avoir subi.61(*)
Au regard de cette définition de la citation directe,
nous devons constater qu'elle constitue une des libertés fondamentales
que le constituant a reconnu à l'ensemble du peuple, celle d'avoir un
libre accès au prétoire. Ce principe découle
essentiellement de la constitution du 18 Février 2006 mais aussi du
droit administratif. Ce dernier considère en effet la justice comme un
des services publics de l'Etat, de surcroît le service public par
excellence car sur elle repose le sort de tout le pays.62(*)
Parmi donc les principes qui gouvernent le service public, il
y a celui de l'égalité des citoyens devant les services publics
de l'Etat. Ce principe entraîne, selon René Chapus, trois
conséquences majeures : il impose l'égalité
d'accès aux emplois publics, sans discrimination en raison
particulièrement des opinions politiques du candidat. Il impose ensuite
l'égalité de traitement des fonctionnaires membres du même
corps et se manifeste encore en ce qui concerne l'égalité des
usagers des services publics. Pour ce qui est des discriminations relatives aux
possibilités de bénéficier des prestations du service, on
peut faire état de la censure d'une inégalité dans la
détermination des journaux bénéficiaires de l'information
municipale.63(*)
De ce principe, nous pouvons affirmer que tous les citoyens
étant libres et égaux devant les services publics de l'Etat, on
ne saurait interdire alors aux justiciables de saisir directement le tribunal,
un des services publics de l'Etat. Alors que les personnes civiles peuvent
saisir directement leur juge naturel, il ne se justifierait donc pas que les
militaires et toutes les personnes justiciables des juridictions militaires ne
puissent, en ce qui les concerne, avoir le droit de saisir directement leur
juge naturel.
Disons en outre que ce principe d'égalité des
usagers devant le service public tient du fait que les usagers du service
public de la justice sont égaux en droit et en dignité et
méritent une égale protection de la loi.64(*) C'est ce qui ouvre
pratiquement la voie à ce dernier principe, celui du libre accès
au prétoire. Quid alors de ce principe du droit d'accès au juge
sans entrave ni discrimination ?
1. Portée du droit d'accès au juge
Aux termes de l'article 5 de la Convention internationale sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965, la
RDC s'engage, au même titre que les autres Etats parties, à
garantir le droit de chacun devant la loi, sans distinction de race, de
couleur ou d'origine nationale ou ethnique, notamment dans la jouissance des
droits suivants : a) droit au traitement égal devant les tribunaux et
tout autre organe administrant la justice,... L'Etat qui n'accorde pas aux
ressortissants étrangers une protection juridictionnelle manque à
une obligation qui a longtemps été coutumière et qui est
devenue conventionnelle, et il commet un déni de justice
entraînant sa responsabilité internationale65(*).
Dans l'ordonnancement juridique interne congolais, cette
obligation s'est donc traduite par les articles 11 et 12 de la Constitution du
18 Février 2006 qui accordent le droit d'action à toute personne
sans distinction de nature ou de nationalité et cela par leurs
dispositions qui font de tous les êtres humains libres et égaux en
droit et en dignité. L'absence de discrimination entre les citoyens
congolais et les ressortissants étrangers est illustrée par
l'absence de l'exigence du versement par le plaideur étranger d'une
caution judicatum solvi, conformément à l'article 17 de
la Convention de La Haye de 1954 relative à la procédure civile.
2. Conditions et tempéraments au droit
d'accès au juge
En doit comparé libanais, indique la doctrine, la
faculté légale de recourir aux tribunaux est donc
inconditionnée, et la demande qui est correcte en la forme
oblige le juge saisi à statuer, sous peine de commettre un déni
de justice au sens de l'article 4 du Code, ce qui permet d'engager la
responsabilité de l'Etat du fait des actes de ses magistrats en
application des articles 741 et suivants du Code (la procédure de prise
à partie ayant été écartée par le Code de
1983). Mais cet accès au juge n'est pas illimité, et le
législateur est autorisé à poser des conditions et des
restrictions au droit d'accès au juge, sans que ceci ne constitue une
violation de ce droit fondamental. C'est ainsi que nous trouvons les conditions
de recevabilité de l'action, les taux du ressort et la sanction de
l'abus d'ester en justice qui, bien que jouant a posteriori, peut
influer sur le droit d'accès au juge.66(*)
a) Conditions de recevabilité de
l'action
Bien que l'article 58 de l'Ordonnance loi n° 82/017
relative à la procédure devant la Cour Suprême de Justice
exige du juge régulièrement saisi de trancher le fond du litige,
il n'en demeure pas moins que celui-ci doit, au préalable, statuer sur
la recevabilité de la demande. Si le droit d'accès à la
Justice est sacré, et si le juge est tenu de répondre à
toute demande qui lui est soumise, cependant n'obtient pas qui veut une
réponse au fond.
Le juge doit d'abord s'assurer de la réunion
des conditions d'ouverture de l'action en justice, qui concernent la personne
des plaideurs (intérêt, qualité et capacité),
l'objet de la demande (prétention non encore jugée) et les
délais. Ces conditions sont toutes (sauf la capacité, dont le
défaut constitue un vice de fond) sanctionnées par des fins de
non-recevoir qui conduisent le juge à déclarer la
prétention irrecevable, sans examen au fond. Ces fins de non-recevoir
jouent un rôle essentiel dans l'encadrement du droit fondamental
d'accès au juge en permettant de filtrer les demandes ; sans elles, le
droit au juge risque de « tuer le droit au juge ».
Pour ce qui est de l'intérêt, il est de principe
qu'il n'y a pas d'action sans intérêt et que
l'intérêt est la mesure de l'action. Cet intérêt doit
être personnel et direct, juridique et légitime, né et
actuel mais également actuel. Ce qui par ailleurs n'exclut pas la
possibilité de l'action collective.67(*)
En somme, au sujet de l'exercice du droit d'action
lui-même, l'étendue de ce pouvoir légal d'agir en justice
est limité par les conditions d'exercer l'action publique. C'est
notamment la théorie de l'abus de l'action, qui aboutit à
admettre qu'un demandeur pourra être, non seulement
débouté, mais aussi condamné à des dommages et
intérêts si son action est déclarée, non seulement
non fondée, mais aussi téméraire et vexatoire.
b) Taux du ressort
Le taux du ressort (renvoyant aux
dommages-intérêts et frais) ne peut pas être utilisé
pour fermer complètement la porte du prétoire, puisque
l'accès au juge de première instance est toujours possible quelle
que soit la valeur de la prétention, mieux du montant sollicité
en guise de réparation du préjudice subi. Ce sont les principales
voies de recours-l'appel et la cassation- qui peuvent être fermées
si la prétention n'atteint pas des taux fixés dans la
loi.68(*)
Ceci a pour effet de mettre en cause le droit au second
degré de juridiction qui, comme nous continuons à le voir, a
valeur constitutionnelle. Mais il faut atténuer ce propos en signalant
que la loi ouvre la voie au recours dans des cas limités relevant de la
compétence d'attribution, de la nullité du jugement, des
décisions ultra ou infra petita, etc., même
quand le taux n'est pas atteint.
Il convient en outre d'indiquer ici que la
considération des sommes d'argent tient au fait que le problème
de la partie citante n'est pas d'obtenir la condamnation pénale de la
partie citée, mais simplement d'obtenir réparation du
préjudice subi, donc d'obtenir la condamnation civile de la partie
citée car l'affaire pénale est exclusivement
réservée au MP.
c) Sanction de l'abus d'ester en justice
Aux termes de la loi, tout précisément du Code
de Procédure pénale et le Code de procédure
civile, l'abus d'ester en justice peut être sanctionné, qu'il soit
l'oeuvre du demandeur ou du défendeur. La loi rappelle
expressément que le droit d'action et le droit de la défense sont
limités par leur bon usage ; elle étend cette solution aux
demandes d'intervention volontaire ou forcée.69(*) Pour ce qui nous
intéresse, le demandeur dont la demande est rejetée peut donc
être condamné à réparation, et en outre, à
l'initiative du juge, au paiement d'une amende, si ce dernier considère
qu'il y a eu abus d'ester.
Il n'y a pas nécessairement action
téméraire et vexatoire en cas d'acquittement du prévenu
sur base de la citation directe de la partie lésée car, cet
acquittement peut être dû soit à l'extinction, en cours
d'instance, de l'action publique, laquelle extinction peut être
provoquée par la prescription, l'abrogation de la loi, l'amnistie, soit
à l'insuffisance des charges mises sur le dos du prévenu. Ainsi,
l'infraction peut avoir été commise par le prévenu mais
que la partie poursuivante ou citante peut être dans
l'impossibilité de réunir toutes les preuves concourant à
la culpabilité du délinquant.
Pour que l'action de la partie lésée soit
qualifiée de téméraire et vexatoire, il importe que soit
établi dans le chef de cette dernière une attitude
méchante tendant inutilement à nuire à l'honneur ou
à la réputation du prévenu ou à le voir
emprisonné ou condamné. Une citation directe ne peut donc
être considérée comme téméraire et vexatoire,
permettant au cité de postuler des dommages et intérêts par
conclusions prises en cours d'instance devant la juridiction de premier
degré que lorsqu'elle constitue soit un acte de malice ou de mauvaise
foi, soit une faute tellement grossière qu'elle est équivalente
au dol et qu'il en est ainsi lorsque la partie prétendument
lésée, au lieu de recourir aux tribunaux civils alors qu'elle
pouvait le faire, met inconsidérablement ou méchamment en
mouvement l'action publique, commettant alors non une erreur de droit mais une
faute lourde qu'elle ne peut imputer à son avocat, auteur de la
rédaction de la citation directe, surtout qu'elle n'a point
désavoué en lui donnant ultérieurement procuration pour
introduire acte de désistement en son nom.70(*)
La loi reprend ici la Théorie dite de l'abus des
droits71(*)
consacrée par son auteur, Louis Josserand, à l'article 258 du
Code des Obligations et des Contrats qui dispose que « tout fait
quelconque de l'homme, qui cause préjudice à autrui, oblige celui
par la faute duquel il est arrivé, à le
réparer. »72(*)
Il est certainement opportun de donner au juge le pouvoir de
sanctionner l'exercice abusif du droit d'accès à la justice, afin
de lui permettre de poser des limites qui découragent les plaideurs
malveillants qui ont techniquement les moyens de passer à travers le
tamis des conditions de recevabilité mais dont la présence dans
le prétoire ne relève pas de la Justice, mais d'une intention
malicieuse. Il ne faudrait toutefois pas que, sous couvert de sanctionner et de
prévenir l'abus, les juges en arrivent à effrayer les plaideurs
de bonne foi. La soupape de sécurité ne doit pas se transformer
en un goulot d'étranglement.
Cependant, cette position n'est pas aussi tranchée car
la simple prévision du dommage que subira l'adversaire ne constitue pas
un abus de droit, encore faut-il qu'il y ait une intention de nuire, dont la
preuve est toujours difficile à apporter.
Par ailleurs, une citation directe mal fondée peut
avoir le caractère d'une dénonciation calomnieuse. Dans ce cas,
les poursuites pénales pourront être exercées par le MP,
d'office ou sur plainte, elles pourront également être introduites
par voie de citation directe par le prévenu calomnieusement
traîné en justice par l'action originaire de la partie
prétendument lésée.
3. Entraves à l'exercice du droit d'accès
au juge
Un obstacle majeur à l'effectivité du droit
fondamental d'accès à la justice réside en RDC dans la
réglementation des domaines particuliers touchant principalement
à la paix et à la sécurité. C'est le cas de la loi
n°023/2002 du 18 Novembre 2002 qui exclut la voie de citation directe
parmi les modalités de saisine des juridictions militaires. C'est
également le cas des divers frais que doivent payer les justiciables
dès le dépôt de leur plainte jusqu'à
l'exécution de la décision judiciaire à intervenir. En
RDC, le justiciable a la certitude de payer d'abord et beaucoup, avec le simple
espoir d'encaisser un jour ... souvent lointain.
Il existe là une véritable source
législative de discrimination qui empêche une tranche importante
de citoyens d'accéder au juge. Un système d'aide juridictionnelle
mériterait d'être instauré et son efficacité doit
être vérifiée pour permettre à tout le monde, riche
comme pauvre, militaire, policier comme civil de jouir de ce droit
constitutionnel qu'est l'accès libre au prétoire.
Toutefois, il ne suffit pas de pouvoir accéder
librement au juge, encore faut-il que celui-ci soit un « bon juge »,
qu'il soit indépendant et impartial, deux qualités distinctes
d'après l'article 10 de la Déclaration universelle et le premier
paragraphe de l'article 14 du Pacte de 1966, l'indépendance constituant
une condition préalable. Ce qui entraîne une double
indépendance, à l'égard des autres pouvoirs de l'Etat et
à l'égard des parties.
Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir
législatif et du pouvoir exécutif, dispose l'article 149 de
la Constitution de la RDC du 18 Février 2006. L'article 150 dispose
quant à lui à son alinéa 2 que les juges ne sont soumis
dans l'exercice de leur fonction qu'à l'autorité de la loi.
L'indépendance du juge s'entend d'abord et surtout par rapport aux deux
autres pouvoirs de l'Etat ; elle rentre dans le cadre de la théorie de
la séparation des pouvoirs.
C'est cette indépendance que les articles 149 et 150 de
la Constitution de la RDC visent et protègent, puisque
l'indépendance à l'égard des parties semble tellement
acquise à l'aube de ce troise millénaire que le soin de l'imposer
est laissé au législateur.
Erigée par la Constitution congolaise au rang de
pouvoir au même titre que les autres pouvoirs, la Justice est en charge
d'un véritable service public. L'article 149 de la constitution lui
reconnaît son indépendance à l'égard des autres
pouvoirs, sous entendant que cette indépendance ne peut avoir d'autres
limites que celles prévues par la Constitution. La difficulté
réside dans le fait qu'à l'article 150 alinéa 3 renvoie
à une loi organique. Une loi organique fixe le statut des
magistrats. Ce renvoi ne manquant pas de compliquer les choses.
Cependant, dans la pratique, l'indépendance du juge a
plus à pâtir de l'Exécutif que du Législatif. En
effet, la carrière du juge qui, ne l'oublions pas, est un fonctionnaire,
donc un agent dépendant du gouvernement, se déroule,
depuis son recrutement jusqu'à sa retraite, à l'ombre du
ministère de la Justice et du Conseil des ministres. Sa relative
indépendance est garantie par son statut qui lui assure
l'inamovibilité prévue à l'article 150 alinéa 4 de
la Constitution. Le Conseil Supérieur de la Magistrature joue un
rôle fondamental à ce niveau. La création d'un Conseil
Supérieur de la Magistrature est considérée comme l'une
des plus importantes garanties pour protéger l'indépendance de la
magistrature au titre de l'article 152 de la Constitution ». Mais, il
est indiscutable que le poids de l'Exécutif ne peut pas rester sans
effet sur la bonne marche de la Justice et son indépendance.
Indépendant des autres pouvoirs, le juge doit
également l'être à l'égard des parties :
préalablement à l'établissement du lien d'instance, il ne
doit exister aucun lien, direct ou indirect, entre le juge et l'une des
parties. Le bandeau posé sur les yeux de la Justice n'a pas pour objet
de l'aveugler, mais plutôt de l'empêcher de regarder en direction
de l'une des parties ou d'un a priori politique ou social; la Justice n'est pas
aveugle, mais neutre. Le Code judiciaire militaire ainsi que le Code
pénal militaire ont prévu une série de situations dans
lesquelles le juge est présumé, de manière
irréfragable, être dépendant de l'une des parties. Dans ces
situations, c'est la relation externe, objective, entre le juge et l'une des
parties qui est en cause et qui touche à son indépendance, et non
pas le comportement du juge, sa pensée, éléments qui
relèvent d'une analyse plus subjective et rentrant plutôt dans le
cadre de la notion d'impartialité.
Néanmoins, il ne serait pas correct de penser que la
citation directe constitue en soi une panacée. Bien au contraire, elle
laisse la voie à certains problèmes qui sont de nature à
perturber même le citant. D'où l'intérêt
d'étudier dans notre second paragraphe les désavantages de la
citation directe en droit commun.
Paragraphe 2. Désavantages de la citation directe en
droit commun
Ainsi que nous l'avons dit, la citation directe est une voie
par laquelle la partie lésée par une infraction saute
l'étape de l'instruction préjuridictionnelle du parquet pour
saisir directement le juge en vue d'obtenir de lui la décision de son
pouvoir.
La
citation directe dans notre sens apparaît comme une sorte de limite au
principe de l'opportunité des poursuites où le magistrat se
trouvant être maître de l'action publique en recevant les plaintes,
les énonciations, vérifie la pertinence de l'affaire avant de
décider de telle affaire à parvenir au juge et de telle autre
affaire à classer. Dans le cas de la citation directe, l'action publique
est indirectement lancée par la partie lésée en
réclamation de son action civile sans se référer au
parquet ou insatisfaite à celui-ci.
Ainsi que disent Jean Vincent et Raymond Guillien, la
citation directe est un acte de procédure par lequel le ministère
public ou la victime peuvent saisir directement la juridiction de jugement en
informant le prévenu des coordonnées de l'audience.73(*)
Il faut sans doute retenir qu'en droit français,
même le ministère public peut saisir le juge par citation directe.
Il s'agit par exemple des cas de flagrance, cas qui n'ont pas besoin
d'instruction préjuridictionnelle pour établir la
culpabilité d'une personne par rapport à une infraction qu'elle
commet. En droit français donc, le ministère public, pour une
question de célérité, peut saisir directement le juge
contre un inculpé. Il devra donc à cette occasion constater
simplement la commission de l'infraction, s'informer de l'identité de
son auteur avec précision et si besoin est, l'arrêter, puis le
présenter directement au juge.
De même que le ministère public, la victime
d'une infraction peut directement saisir le juge par une procédure de
citation directe. Avant de plonger dans ses inconvénients étant
donné que son contenu a déjà été
présenté ci-haut, disons que lorsque la partie victime saisit
directement le juge, elle saute le ministère public et l'oblige par
conséquent de se joindre à son action quoique ce dernier reste
maître de l'action publique. En RDC cependant, seule la partie victime de
l'infraction peut saisir le juge par citation directe et jamais le
ministère public.
En effet, à la fin de l'information judiciaire, le
magistrat instructeur est appelé à prendre parti sur la suite
à donner au dossier de l'affaire ; lorsqu'il a fait tous les actes
d'instruction qu'il a cru utile de faire, et ne voit pas ce qu'il pourrait
faire de plus pour éclairer les faits ni la personnalité du
délinquant, il procède à la clôture de son
instruction.
L'officier du ministère public instructeur, est donc
le seul habilité à apprécier quand une cause est
suffisamment instruite et à prendre l'une de trois solutions
ci-après : la poursuite devant les cours et tribunaux, le
classement sans suite ou le règlement extrajuridictionnel dit classement
par paiement d'amende transactionnelle là où cela est permis.
Lorsqu'il aura pris l'une de ces trois solutions, il fait un
rapport à son chef hiérarchique dans lequel il fait un petit
résumé des faits suivi d'une conclusion en forme de proposition.
Etant donnée que la plénitude de l'action publique appartient au
magistrat, chef du parquet dans sa juridiction, il devra à son tour
apprécier la décision de son subalterne qui a instruit et pourra
alors soit l'approuver, soit la désapprouver. Au cas où il
approuve la décision des poursuites, il pourra alors lui ordonner de
poursuivre le détenu devant les cours et tribunaux.
Ainsi que l'on peut le constater, le ministère public
a le droit d'appréciation de l'opportunité des poursuites
pénales. Cela résulte clairement des articles 44 et 53 du Code de
procédure pénale. Il ressort de ces deux dispositions
légales que la décision de poursuivre ou de ne pas poursuivre
appartient exclusivement au Ministère Public, magistrat instructeur.
En effet, le Ministère Public est, dans notre droit,
le maître de l'action publique. C'est donc lui qui décide de
l'opportunité des poursuites ou non des infracteurs découverts
devant les cours et tribunaux. Cette règle connaît à ce
jour plusieurs exceptions dont les plus importantes sont la citation directe,
l'injonction du Ministre de la justice. C'est également le cas pour les
justiciables devant la Cour Suprême de Justice en premier et dernier
ressort pour qui il faut soit la mise en accusation dont l'initiative
appartient exclusivement au Président de la République,74(*) soit alors la mise en
accusation dont l'initiative appartient au parlement selon que le
prévoit la Constitution de la RDC du 18 Février 2006.
Cependant, le MP étant le représentant de
l'Etat, il agit au nom et pour le compte de ce dernier. Cela revient à
dire que l'action publique qu'exerce le MP appartient à l'Etat seul et
non à ses représentants que sont les OMP et autres. La
société seule ayant le droit de punir, c'est à elle seule
qu'appartient l'action qui a pour objet la punition du coupable.
La société en délègue seulement
l'exercice à des fonctionnaires, des préposés ou à
certaines administrations publiques, qui la représentent à ce
point de vue, et notamment, en règle générale, à un
corps judiciaire, institué dans ce but et désigné
collectivement sous le nom de Ministère Public. De ce principe
découlent diverses conséquences. Elles se ramènent toutes
à l'idée que les préposés du MP n'ont pas le droit
de disposer de l'action publique, soit avant de l'avoir intentée, soit
après l'avoir mise en mouvement. Seule la société,
titulaire du droit de punir, peut décider de ne pas le faire.75(*)
Son pouvoir d'appréciation n'est limité que par
soit le pouvoir d'injonction du Ministre de la justice et garde des sceaux soit
le pouvoir de citation directe de la partie civile, soit l'absence ou le
retrait de la plainte pour certaines infractions, comme par exemple le cas
d'adultère ou de grivèlerie. Il faut indiquer ici que ces deux
cas sont des infractions qui nécessitent une plainte préalable de
la victime pour qu'elles soient recevables.
C'est la raison pour laquelle la société confie
à ces fonctionnaires des moyens colossaux pour qu'ils puissent mener des
enquêtes sérieuses enfin de découvrir la
réalité des faits qui permettra à la société
qu'eux représentent de prendre la bonne décision. Telle est la
motivation de la puissance publique que l'on confie au Ministère Public
dans ses instructions préjuridictionnelles. C'est toujours la raison
pour laquelle la société tolère de moins en moins que le
MP puisse s'avouer vaincu. On ne tolère pas que le Ministère
Public puisse mener des enquêtes et ne pas aboutir aux
éléments probants. C'est essentiellement pour cette raison que
l'action publique est de l'apanage du MP qui dispose de tous les moyens pour
mener à bien l'instruction.
La citation directe constitue donc un moyen de forcer la main
au ministère public. Alors que c'est lui qui dispose de la
plénitude de l'action publique dans son ressort, alors que c'est lui qui
détermine l'opportunité de poursuivre, ce qui signifie qu'il peut
même décider de ne pas poursuivre parce qu'il estime qu'il n'y a
pas opportunité, la victime de l'infraction ou ses ayants droit peuvent
décider de forcer la main au ministère public en s'arrogeant le
droit de juger de l'opportunité de poursuites répressives. Le
ministère public qui généralement introduit l'affaire
devant le tribunal sera simplement invité à se joindre au
procès pour venir soutenir l'accusation. Comme toujours, il pourra
instruire soit à charge, soit à décharge.
Certes que cela présente d'énormes avantages
pour la partie victime de l'infraction, mais il faudra se voiler le visage pour
affirmer qu'il n'y a que des avantages à faire usage de la citation
directe pour saisir le juge.
Ainsi que nous venons de le soutenir ci-haut, le
Ministère Public, exerçant l'action publique au nom et pour le
compte de la République, dispose des moyens conséquents pour
mener l'instruction et trouver tous les éléments susceptibles de
l'aider à soutenir son accusation. Ce qui paradoxalement est loin
d'être le cas de la partie victime qui prend l'initiative de
déclencher l'action publique.
En effet, lorsque la partie victime prend l'initiative de
l'action publique, il lui revient alors de fournir tous les efforts
nécessaires pour établir la culpabilité de la partie
prévenue. C'est désormais à elle qu'incombe la charge de
produire toutes les preuves de la culpabilité du prévenu et non
au ministère public.
Or, ainsi que nous l'avons dit, c'est le ministère
public qui seul dispose des moyens de l'Etat pour mener à bien
l'instruction préparatoire. Il dispose même des
prérogatives exorbitantes de droit commun tel le droit à la
privation de la liberté, le droit de violer le secret de correspondance,
le droit de violer le domicile et par delà la vie privée d'une
personne. Le tout se fait dans l'objectif de lui permettre d'avoir toutes les
pièces nécessaires dont il a besoin pour prendre une bonne
décision sur les poursuites ou l'abandon des charges.
Cependant, toutes ces prérogatives n'étant pas
reconnues à une personne privée, il lui est difficile de trouver
les éléments nécessaires et suffisants pour soutenir ses
prétentions. Ce qui nous laisse dire qu'assez facilement la partie
civile peut assister impuissamment à un procès qu'elle va perdre
pour défaut de preuves.
Cette situation arrive lorsque la partie civile saisit le
juge par citation directe. Dans ce cas, le Ministère public qui
généralement est partie principale dans un procès
pénal, change de rôle avec cette partie civile dans le chef de
laquelle pèse désormais la charge de la preuve. Si tous les
éléments soutenant l'accusation sont présentés par
la partie victime, partie civile saisissante, le MP pourra alors se joindre
à cette accusation et la soutenir. Dans le cas contraire, le MP devra se
joindre à l'accusation mais simplement pour plaider à
décharge du prévenu.
En somme, non seulement que la partie civile court un grand
risque de perdre le procès et par conséquent de perdre ses
droits, mais aussi et surtout, elle court le risque de voir la partie
prévenue se retourner contre elle en introduisant une demande pour
action téméraire et vexatoire, laquelle pourra aboutir au
paiement des dommages et intérêts et parfois même à
la condamnation pour dénonciation calomnieuse.
En effet, lorsqu'une citation directe est mal fondée,
elle peut avoir le caractère d'une dénonciation calomnieuse. Dans
ce cas, les poursuites pénales pourront être exercées par
le Ministère Public, d'office ou sur une plainte ; elles pourront
également être introduites par voie de citation directe par le
prévenu calomnieusement traîné en justice par l'action
originaire de la partie prétendument lésée.
Il sied alors de rappeler que lorsque la partie civile saisit
le juge par citation directe, et que l'instruction de la cause démontre
que cette partie, dans le chef de laquelle pèse la charge de la preuve,
ne parvient pas à convaincre le juge, et que son action s'apparente
alors à une simple dénonciation calomnieuse, la partie
prévenue peut, par voie de conclusion, introduire la demande en
reconvention pour témérité. Elle pourra alors prendre la
mesure civile et solliciter par conséquent la réparation du
préjudice subi.
Elle peut tout autant introduire une demande civile, dans ses
conclusions, tout comme elle peut, par voie de citation directe, introduire une
plainte pour dénonciation calomnieuse. En même temps, le
Ministère Public peut également décider,
conformément à son rôle traditionnel, qui est celui de
rechercher les infractions et de poursuivre en justice leurs auteurs,76(*) saisir le juge soit sur
plainte de la partie lésée par l'action de la partie civile, soit
d'office. Les deux actions, civile et pénale, ne sont cependant pas
exclusives l'une de l'autre.
Par ailleurs, Gabriel Kilala77(*) souligne qu'une condamnation pénale ne peut
pas avoir lieu par simple voie de conclusions, sauf par comparution volontaire
du calomniateur ; autrement dit, lorsqu'en plaidant, le prévenu
conclut à l'action téméraire et vexatoire de la citation
directe, même si les faits sont infractionnels, le Ministère
Public ne peut pas requérir des sanctions pénales contre l'auteur
de cette citation, principalement la partie civile, et le tribunal ne peut pas
non plus, de son côté, prononcer des peines contre cette partie.
Dans cette hypothèse, la condamnation pénale ne
peut avoir lieu que lorsqu'interpellée sur ces faits infractionnels que
constitue la citation téméraire et vexatoire, la partie civile,
le calomniateur, renonce aux formalités de citation et accepte de
comparaître volontairement. Dans ce cas, le MP peut alors requérir
des sanctions pénales tout en requérant le renvoi des fins de
poursuites pour le prévenu originaire, compte tenu du non
établissement de l'infraction dans son chef, et le tribunal peut
maintenant prononcer des peines contre la partie civile, devenue
prévenue de l'infraction de dénonciation calomnieuse.
Notons en outre que la citation directe n'est jamais
recevable devant la Cour Suprême de Justice et même contre les
bénéficiaires de privilège de juridiction de degré
inférieur. Ces personnes bénéficient d'un régime
spécial, privilégié pour la mise en mouvement de l'action
publique à leur charge. Toutes ces personnes ne peuvent, pour les
premières, être traduites devant les cours et tribunaux, tout
particulièrement être arrêtées qu'avec l'autorisation
de l'assemblée nationale ou du sénat, et pour certains faits
qu'à la suite de la mise en accusation par le parlement réuni en
congrès : pour les secondes, qu'après l'autorisation du
Procureur Général.
Il faut observer en fin de compte que la citation directe est
une action qui permet à la victime de l'infraction d'être
rapidement rétablie dans ses droits et cela sans passer par les
péripéties du Ministère Public qui lui peut même
décider de ne pas lancer les poursuites. Certes que cette
procédure porte des avantages considérables en droit commun, mais
elle a aussi des inconvénients. Considérant cette action en droit
commun, analysons alors ce qu'il en est de la citation directe devant les
juridictions militaires.
Section II. NECESSITE DE LA CONSECRATION DE LA CITATION
DIRECTE EN DROIT JUDICIAIRE MILITAIRE
Likulia Bolongo dit que le fondement du droit pénal
militaire réside dans la nécessité du maintien d'une
façon permanente et sans relâche, d'une discipline
particulière aux forces armées et de la mise en oeuvre des moyens
propres à assurer la sécurité de l'Etat et l'unité
de la nation. Le droit pénal militaire se présente ainsi comme le
prolongement de l'action disciplinaire et le complément indispensable du
droit pénal commun car c'est lui qui impose et rétablit par la
force l'ordre au sein de l'armée lorsque les sanctions disciplinaires et
pénales prévues par le droit commun se révèlent
incapables d'assurer cet ordre.78(*)
En effet, s'il est vrai que les sanctions disciplinaires qui
sont à la discrétion de l'autorité militaire peuvent
assurer dans une certaine mesure la discipline au sein de l'armée pour
les faits mineurs ; il n'en demeure pas moins que la situation se
révèle autrement pour les infractions qui troublent gravement
l'ordre public militaire.
Par ailleurs, la procédure pénale militaire
quant à elle prévoit les voies et moyens pour constater la
commission d'une infraction relevant de la compétence des juridictions
militaires, procéder à une instruction préjuridictionnelle
suivie d'une instruction juridictionnelle et enfin les voies de recours suivies
des voies d'exécution des décisions judiciaires militaires
définitives. Ce qui nous ouvre la voie à l'étude de la
nécessité de la citation directe comme voie de saisine du juge
militaire en RDC.
Les juridictions militaires sont saisies par voie de
traduction directe, par renvoi émanant de l'auditeur militaire
près la juridiction compétente mais aussi par la comparution
volontaire du prévenu ou par saisine d'office.
Ceux qui soutiennent le rejet de la saisine d'une juridiction
militaire par citation directe font valoir le risque d'indiscipline qui peut
miner l'armée si l'on permet que des subalternes saisissent directement
le juge pour les faits qu'ils reprocheraient à leurs chefs et cela sans
passer par leur hiérarchie administrative, ni par le parquet militaire
censé travailler en étroite collaboration avec le
commandement.79(*)
Cette argumentation, bien que pertinente, s'effrite de plus
en plus devant l'évolution des mentalités et les
préoccupations de ces dernières décennies qui mettent
davantage en exergue la nécessité de protéger les victimes
de multiples violations des droits de l'homme. Certes qu'on ne peut pas dire
que l'armée est une institution démocratique, mais il y a
cependant pas de doute que les militaires et les assimilés, principaux
justiciables des juridictions militaires, sont des citoyens à part
entière et non entièrement à part qui ont droit à
la protection et aux garanties de la loi. Il convient donc de faire remarquer
qu'un militaire lésé par une infraction commise par son chef peut
valablement assigner en justice ce supérieur ou civil et la loi n'a pas
prévu d'autorisation préalable de sa hiérarchie pour la
recevabilité d'une telle action dans cette hypothèse.
Ceci nous pousse à analyser les missions de la justice
militaire avant de rentrer sur la citation directe proprement dite.
La justice militaire revêt toute son importance dans un
Etat voué à l'épanouissement, par trop jaloux de son
équilibre interne et de la suprême sauvegarde de tous ses
attributs de souveraineté. Ses missions essentielles demeurent le
maintien de la discipline au sein de l'armée et de la police nationale,
le respect de la loi militaire ou de toute autre loi du pays, la sauvegarde du
patrimoine collectif, mais encore l'harmonisation sans relâche des
rapports entre les soldats ou les policiers et la population civile dont il se
trouve être l'émanation.
Elle sert par ailleurs d'ultime rempart à
l'entité étatique en cas de péril public.80(*) Pour assumer cette noble et
délicate tâche, la justice militaire se distingue par la
célérité et l'exemplarité et rencontre partant la
mentalité photosynthétique du congolais qui, présent
à la perpétration du délit, voudrait en être
témoin de la répression pour changer également.
Dès lors, l'action de l'appareil judiciaire contribue
à la consolidation d'une société où règne
l'ordre du fait d'un ensemble de lois et règles de vie publique justes,
rationnelles et raisonnables reconnues nécessaires pour que prenne
racine toute forme de vie en commun, tant au sein de la communauté
nationale que de la nation planétaire toute entière.
Paragraphe 1. Appréciation des raisons de
l'exclusion de la citation directe en droit militaire
Clemenceau affirme que la justice militaire est à la
justice ordinaire ; ce que la musique militaire est à la musique.
Ceci n'est pas fondé. Comme dit ci-dessus, la justice est un pouvoir
comme les autres institutions de l'Etat. A ce titre, elle a la mission
exclusive de dire le droit en toute indépendance, ce qui constitue une
garantie d'impartialité en faveur de tous les justiciables, y compris
l'Etat et ses entités décentralisées.81(*)
Plusieurs raisons, militent en faveur de l'instauration de la
citation directe devant les juridictions militaires malgré son
exclusion jusqu'aujourd'hui. D'une part cette exclusion est liée soit
aux caractéristiques de l'armée ; soit au risque
d'indiscipline qui peut miner l'armée ; soit par l'ampleur des
violations des droits de l'homme.
Certes que la justice militaire est pour l'armée, ce
qu'est la musique militaire pour l'harmonie dans la troupe, mais elle a une
particularité toute simple, c'est sa mission. Pour l'essentiel, les
missions demeurent le maintien de la discipline au sein de l'Armée et de
la Police Nationale, le respect de la loi militaire ou de toute autre loi du
pays, la sauvegarde du patrimoine collectif, mais encore l'harmonisation sans
relâche des rapports entre le soldat ou le policier et la population
civile dont il se trouve être l'émanation ; elle sert par
ailleurs d'ultime rempart à l'entité étatique en cas de
péril public.82(*)
En fait, à partir du moment qu'un justiciable par
nature des juridictions militaires commet une infraction, un acte ou manifeste
un comportement ou une attitude qui trouble l'ordre public dans l'armée
ou dans la Police nationale, le mécanisme judiciaire doit être
activé pour permettre le rétablissement de l'ordre public.
Pour ce qui est de la notion de l'ordre public, disons sans
entrer dans les questions doctrinales que l'ordre public prend en
considération l'ensemble des règles morales et éthiques
qui permettent le bon fonctionnement d'une société bien
déterminée. Pour les forces armées, on peut parler de la
violation de l'ordre public dans l'armée lorsqu'un militaire, par ses
agissements, trouble l'ordre et la discipline dans les rangs et même dans
les sociétés militaire et civile toutes entières.
Le Code judiciaire militaire, au-delà du fait que la
République Démocratique du Congo a proclamé son
attachement aux valeurs universelles de respect des droits de l'homme et
essentiellement de la dignité de l'homme, n'a prévu que la
décision de traduction directe, la décision de renvoi
émanant de l'auditeur militaire près la juridiction militaire
compétente ainsi que la comparution volontaire comme voies de saisine
des juridictions militaires. A celles-ci nous ne pouvons nous empêcher
d'ajouter la saisine d'office pour les infractions commises dans la salle et
pendant l'audience.
Toutefois, la RDC s'est proclamée Etat de droit au
regard de la nouvelle Constitution de la RDC du 18 Février 2006. Et par
cette vocation, elle ne s'est pas simplement limitée à
présenter des chapelets de bonnes intentions, elle a aussi et surtout
proclamé à ses articles 11 et 12 l'égalité de tous
en droit et en dignité et l'égale protection de tous par la
justice en cas de violation des droits subjectifs.
Non seulement que la constitution a proclamé
l'égalité de tous face à la protection de nos droits par
la justice, elle a voulu que la justice soit libre, indépendante et
qu'elle soit le garant des droits et libertés des citoyens.83(*)
Or, parmi les mécanismes de saisine du juge, celle qui
permet ouvertement aux citoyens de disposer librement de ce droit de saisir le
juge, le mécanisme de saisine par citation directe, n'est pas reconnu
devant les juridictions militaires en RDC. Les raisons de cette exclusion
tiennent essentiellement aux caractéristiques fondamentales de
l'armée mais aussi aux effets de la citation de la citation directe.
A. Les caractéristiques fondamentales de
l'armée
Des nombreux penseurs ont estimé déjà que
l'armée est un corps dans lequel ne peut régner que la discipline
et l'ordre. C'est d'ailleurs au nombre de ces penseurs que nous trouvons
Napoléon Bonaparte ici repris par le général Kisempya
Sungilanga Lombe, chef d'état major général honoraire des
FARDC qui disait en son temps que la discipline est la mère des
armées.
Le règlement de discipline militaire définit la
discipline comme étant l'ensemble de règles de conduite communes
aux membres d'une communauté ou propre à un individu et
destinées à faire régner de l'ordre. En tant que
règle, la discipline n'est pas une fin, mais un moyen d'action, de
cohésion, d'organisation, susceptible d'augmenter d'efficacité de
la collectivité ou de l'individu. Elle est donc une
nécessité individuelle et collective. Par extension, la
discipline signifie aussi l'obéissance aux règles de conduite
individuelles et collectives.
Pour ce qui est de la discipline individuelle, ce code de
conduite la précise qu'elle peut être physique (les exercices
physiques réguliers par exemple pour les militaires), elle peut
être intellectuelle comme pour l'acceptation des règles de travail
ou de méthode tout comme elle est morale en ce qui est de l'obligation
de canaliser sa vie intérieure par le respect des règles de vie
et les points de vue et opinions des autres.
Cette discipline est par contre collective ou
extérieure pour divers cas : la discipline sociale, à
l'exemple de la politesse, du respect des lois...) ; le cas de la
discipline économique pour le planning, le travail à la
chaîne, etc.), la discipline politique mais aussi la discipline
religieuse qui couvre le respect des règlements du couvent, le respect
de la doctrine religieuse, etc. Il convient par ailleurs de dire que la
discipline collective devient utile et nécessaire lorsque la
société se développe et que le nombre de ses membres
s'accroît.
La discipline militaire en particulier se veut être une
obéissance voulue prompte et immédiate, fidèle et sans
réplique aux ordres du chef et aux règlements en vigueur. Elle
est d'ailleurs la première qualité du militaire et la force
principale de l'armée. Définit l'obéissance et
régit l'exercice de l'autorité ; s'applique à tous
sans distinction de rang, précise à chacun son devoir et aide
à prévenir les défaillances. Elle demeure par ailleurs la
règle qui guide chacun dans l'accomplissement d'un devoir difficile et
l'irremplaçable moyen de fortifier les caractères, d'accoutumer
les esprits à l'abnégation et de préparer les hommes
à l'action en temps de paix comme en temps de guerre.
Etre discipliné, c'est entré franchement dans la
pensée, dans les vues du Chef qui a ordonné, et c'est prendre
tous les moyens humainement praticables pour lui donner satisfaction. Pour
l'officier, l'esprit de discipline est une vertu indispensable. Etre
discipliné ne veut pas dire qu'on ne commette pas des fautes contre la
discipline. Cette définition pourrait peut être suffire à
l'homme de troupe. Mais elle est absolument insuffisante pour un Chef
placé à un échelon quelconque de la hiérarchie et
particulièrement ceux qui tiennent les premiers rangs.
Cela signifie que, dans le sens des ordres reçus et
pour cela, trouver dans son esprit par recherche et la réflexion, la
possibilité de réaliser ses ordres, dans son
caractère ; l'énergie d'assumer les risques que comporte son
exécution.
Il convient en outre de préciser que la notion de
discipline militaire ne peut nullement être dissociée de celle des
droits et devoirs du militaire car, faut-il l'indiquer, l'obéissance
manifestée par la discipline est un des devoirs de tout militaire. En
effet, le Code de Règlement de discipline militaire donne aux militaires
les devoirs ci-après : servir avec conscience et courage,
même au péril de sa vie, pour sauvegarder l'indépendance et
l'honneur de sa patrie et protéger les libertés fondamentales, la
vie et les biens de ses concitoyens ; se conformer aux prescriptions
édictées par les règlements militaires ; obéir
loyalement aux ordres de ses supérieurs lorsqu'il est commandé
pour un service ; être respectueux envers ses supérieurs,
serviable et fraternel envers ses camarades, ferme, équitable et
bienveillant envers ses inférieurs ; s'abstenir de tout acte ou
propos susceptibles de porter atteinte au moral ou au potentiel des forces
armées ; garder et contribuer à faire garder le secret
militaire surtout renseignement concernant les forces armées ;
entretenir et développer, autant que possible, ses moyens intellectuels
et physiques ; agir conformément aux principes du droit des gens et
notamment de traiter avec humanité les prisonniers de guerre et les
personnes sans défense ; respecter les moeurs et les usages locaux
et s'abstenir de tout acte ou propos de nature à blesser les convictions
religieuses d'autrui ; apporter dans sa vie, même privée,
toute la dignité nécessaire afin que soient d'autant plus
respectée l'autorité qui détient le pouvoir et le corps
auquel il appartient mais aussi de respecter et de protéger les biens de
l'Etat.
En tant que commandant, un militaire hiérarchiquement
supérieur est tout à la fois supérieur et
subordonné. Ainsi, il a des obligations générales claires
qu'il doit observer en toute circonstance et en tout lieu.
En tant que membre des forces armées, précise le
Général Etumba Longila Didier, Chef d'Etat Major
Général des Forces Armées de la République
Démocratique du Congo, le militaire doit obéir aux ordres
reçus conformément à la loi ; se comporter avec
droiture et dignité ; observer les règlements militaires et
en accepter les contraintes ; respecter les règles de protection du
secret et faire preuve de réserve lorsqu'il s'exprime, notamment sur les
problèmes militaires ; prendre soin du matériel et des
installations appartenant aux armées ou placés sous leur
dépendance ; prêter main-forte aux agents de la force
publique si ceux-ci requièrent régulièrement son aide,
éviter le clientélisme, le tribalisme, le fanatisme, le
népotisme, le trafic d'influence, le copinage, le favoritisme, la
corruption, la concussion, le clanisme, le régionalisme, etc. Ils
doivent en même temps se soumettre au caractère apolitique de
l'armée.
En tant que militaire exerçant une fonction dans son
unité, il doit apporter son concours sans défaillance ;
s'instruire pour tenir son poste avec compétence et contribuer à
la valeur collective de son unité ; s'entraîner en vue
d'être efficace dans l'action et se préparer physiquement et
moralement au combat.
En tant que chef, un supérieur a des devoirs et
responsabilités suivants : Prendre des décisions et les
exprimer par des ordres ; assumer la responsabilité entière
des ordres donnés et de leur exécution ; cette
responsabilité ne pouvant être dégagée par la
responsabilité propre des subordonnés ; exiger
l'obéissance des subordonnés. Il ne doit pas ordonner d'accomplir
des actes contraires aux lois, aux règles du droit international
applicables dans les conflits armés et aux conventions internationales
régulièrement ratifiées ou approuvées ou qui
constituent des crimes et délits notamment contre la sûreté
et l'intégrité de l'Etat ; respecter les droits des
subordonnés ; informer les subordonnés dans la mesure
où les circonstances et la conservation du secret le permettent ;
récompenser les mérites ou sanctionner les fautes dans le cadre
des attributions attachées à sa fonction ; noter ses
subordonnés et leur faire connaître son appréciation sur
leur manière de servir ainsi que porter attention aux
préoccupations personnelles des subordonnés et à leurs
conditions matérielles de vie, veiller à leurs
intérêts et, quand il est nécessaire, en saisir
l'autorité compétente.
Les devoirs du commandant ci-haut évoqués le
conduisent donc à se renseigner quotidiennement même des faits
infractionnels que les hommes placés sous son commandement commettent.
Pour besoin de renseignement, il peut les placer à la disposition du
Bureau 2, pour lui permettre de faire des enquêtes et se rassurer que la
personne au centre de ces enquêtes ne va pas fuir en même temps
l'empêcher de commettre d'autres infractions.
Si les faits dont on l'accuse sont établis, le
commandant saisit immédiatement le ministère public, auditorat
militaire, pour une instruction approfondie du dossier et une éventuelle
poursuite.
Il convient, à la lumière des
éléments précédemment évoqués, de
constater que la rigueur qu'impose le règlement militaire dans les
devoirs qu'il fait peser dans le chef des militaires sont tels qu'il est
difficile, si pas impossible qu'un militaire puisse agir par citation directe
ou même que l'on puisse agir contre lui par citation directe.
La rigueur est une vertu de l'armée qui impose que pour
de raison de discipline, les militaires ne puissent pas saisir directement le
juge et que ce dernier ne soit saisi par citation directe contre un militaire.
C'est donc grâce à la discipline que le
commandement réussit à contrôler les hommes. Celle-ci ne
peut donc, à ne s'en tenir qu'aux définitions, permettre aux
militaires de porter directement plainte contre son supérieur.
Cela n'est pas un moyen de légitimer l'impunité,
loin de là. C'est plutôt un moyen qui permette de garder à
l'esprit le corollaire de la discipline qui est la subordination
hiérarchique. Les militaires lésés ont le moyen
d'être rétabli dans leur droit, mais il ne leur est pas permis de
saisir un juge contre leurs supérieurs. Ils peuvent cependant formuler
une réclamation écrite pour demander à être
rétabli dans leurs droits. C'est donc par la voie des
réclamations que les militaires agissent pour revendiquer leur droit,
encore que ces réclamations ne peuvent nullement être collectives.
En d'autres termes, la subordination hiérarchique, est
un outil de discipline qui permet aux militaires d'obéir d'abord aux
ordres avant de formuler une quelconque objection. Ils doivent en tout temps
manifester du respect envers leurs supérieurs et ne peuvent pas porter
plainte, même devant un juge civil, directement contre leurs
supérieurs hiérarchiques. Un adjudant ne peut saisir l'auditorat
contre un sous lieutenant, un capitaine ne saurait le faire contre un major, un
lieutenant colonel contre un colonel...
De ce qui précède, il convient d'observer que
les militaires ne peuvent nullement être reçus en justice contre
leurs supérieurs. Nous pouvons alors en déduire de manière
anticipative que même par voie de citation directe, ils ne peuvent
qu'être déboutés dans leur demande.
Il faut donc retenir que toutes les fois que les militaires se
plaignent à l'auditorat contre leurs supérieurs, ils violent le
règlement militaire et peuvent donc à cet effet être puni
pour faute administrative.
Il sied tout de même de signaler que cette interdiction
des militaires de saisir le juge par voie de citation n'est pas une
manifestation de l'injustice à la faveur des officiers mais seulement un
moyen de préserver la discipline dans l'armée. En même
temps que l'on préserve la discipline, on réprime les infractions
et les fautes disciplinaires que commettent également les officiers. Le
fait de visiter la prison du Camp NGWAYI et la prison
KAKWANGURA dans la partie nord de la province du Nord Kivu,
témoigne de la rigueur qu'il y a dans la répression de crimes
commis par les officiers et militaires de rang.84(*)
Une autre caractéristique de l'armée qu'il faut
ne pas perdre de vue c'est le principe de continuité avec sa philosophie
de fonctionnement ininterrompu du service public de l'armée. En effet,
en tant que service public de l'Etat, l'armée obéit au principe
de continuité de service public.85(*)
Le service public répond, par définition,
à un besoin d'intérêt général ; or, la
satisfaction de l'intérêt général ne saurait
être discontinue ; toute interruption risque d'entraîner dans
la vie de la collectivité, les troubles les plus graves. La
jurisprudence a donc posé, indique les mêmes auteurs, que le
principe de continuité du service public ne tolère point
d'interruptions.86(*)
Il ne faut pas créer un vide dans la chaîne de
commandement, lequel vide peut entraîner une rupture dans le
fonctionnement correct et ininterrompu du service qu'est l'armée. Il
n'est pas indiqué qu'un commandant d'une unité par exemple puisse
être arrêté à la seule volonté des individus,
qui peuvent être utilisés par des personnes de mauvaise foi qui
peuvent profiter de cette brèche pour attenter à la
sécurité de l'Etat. Il ne faudrait surtout pas perdre de vue que
l'armée est un des services publics régaliens de l'Etat.
B. Les raisons tenant aux effets de la citation
directe
Ainsi que nous l'avons affirmé dans notre travail, la
citation directe est une procédure par laquelle la victime d'une
infraction relevant de la compétence des juridictions militaires saisit
directement le juge pour obtenir réparation du préjudice subi.
Par la citation directe, la victime n'a pas la préoccupation de voir le
prévenu être condamné à des peines d'emprisonnement.
Son souci reste que le prévenu soit condamné à la
réparation des dommages et intérêts. L'action publique
reste donc de la compétence exclusive du Ministère Public.
Cependant, en dépit de cet avantage que pourrait
procurer aux victimes des infractions de la compétence des juridictions
militaires la procédure de citation directe, le Code judiciaire
militaire n'a prévu dans aucune de ses dispositions la voie de citation
directe pour saisir le juge militaire. En sus des raisons avancées quant
aux caractéristiques de l'armée, la citation directe n'est pas
admise devant ces juridictions même pour ses effets.
En effet, si la victime saisit directement l'action publique,
c'est essentiellement pour qu'elle puisse obtenir de la part du juge la
décision de réparation du préjudice subi. Ce qui voudrait
dire en fait obtenir la condamnation à des dommages et
intérêts.
Or, l'article 26 du Code pénal militaire dispose que
les peines applicables par les juridictions militaires et les mesures de
sûreté sont : la mort par les armes ; les travaux
forcés ; la servitude pénale ; l'amende ; la
confiscation spéciale ; la dégradation ; la
destitution ; la privation de grade ou la rétrogradation ainsi que
l'interdiction temporaire de l'exercice des droits politiques et
civiques.87(*)
Remarquons donc qu'aux termes de cette disposition, le juge
militaire ne peut condamner aux dommages et intérêts que
conformément au droit pénal ordinaire dont l'usage ne peut
qu'être exceptionnel devant les juridictions militaires. De là, on
ne saurait alors comprendre que le juge militaire puisse recevoir directement
une action dont la finalité lui conduira essentiellement à faire
usage du droit commun.
Il faudra donc rappeler que le juge militaire est un juge de
discipline et non un juge de liberté. Il perdrait alors toute sa nature
et la raison même de son existence s'il pourrait accepter de recevoir une
action introduite devant lui par voie de citation directe car, la victime ne
peut obtenir devant lui réparation du préjudice qu'en se
constituant partie civile.
En plus de cette nature du juge militaire et des peines
prévues devant les juridictions militaires qui sont par ailleurs
incompatibles avec la voie de citation directe, il y a aussi l'autre effet de
la citation directe qui fait que l'on puisse l'exclure devant les juridictions
militaires. Il s'agit du fait que la citation directe oblige le parquet
à poursuivre.
Alors que l'auditeur militaire dispose du monopole de
l'action publique dans tout son ressort, la partie victime d'une infraction
relevant de la compétence d'une juridiction militaire peut prendre
l'initiative et saisir directement le juge. Cette saisine sera
déclarée irrégulière du fait que
l'opportunité d'actionner l'action publique est de la compétence
exclusive, sauf exception, de l'auditeur militaire. Cette exclusivité
tient au fait qu'un militaire peut détenir plusieurs informations qu'il
ne serait pas aisé de donner même dans un procès et cela
pour de raison d'Etat.
Il ne faut pas alors que le juge soit saisi sans que
l'auditeur militaire ne se soit rassuré que l'action publique ne mettra
pas en mal la sécurité et la sûreté publiques. En
plus de son incidence éventuelle sur la sécurité et par
delà sur l'action publique, la citation directe n'est pas compatible
avec la discipline militaire voulue, une discipline absolue.
On ne saurait en effet, suivant les tenants de cette
exclusion, dire que donner au militaire le droit de saisir directement son
frère d'arme favorise la discipline. Plus particulièrement,
lorsqu'un sergent peut déjà saisir par citation directe un juge
militaire contre son capitaine, il se prendra comme son semblable alors que tel
ne sera jamais le cas dans l'armée. Cette action risquerait donc de
troubler la quiétude dans l'armée en mettant en mal la discipline
qui est du reste la mère des armées.
C'est également ici l'occasion de dire que multiples
raisons ont milité à l'exclusion de la citation directe devant la
Cour Pénale Internationale. Le Statut de Rome de la CPI
prévoit dans ses dispositions que peuvent saisir la CPI soit
les Etats, le Conseil de Sécurité des Nations Unies, soit alors
le Procureur de la CPI lui-même après autorisation de la Chambre
préliminaire. Il faut retenir parmi les raisons de l'exclusion dans
cette disposition de la saisine par la partie victime de l'infraction, citation
directe, le fait qu'en droit international, les Etats font écran. Certes
que devant les juridictions régionales et sous régionales les
individus saisissent directement le juge, mais cela est dû au fait que
ces dernières sont considérées comme des juridictions du
dernier degré : lorsqu'une victime a épuisé la
procédure interne et qu'elle ne trouve pas satisfaction à sa
demande, elle peut alors saisir ces juridictions. Ces dernières jugent
simplement les Etats souverains et non les individus.
Or, devant la CPI, non seulement que seules les personnes y
sont jugées et non les Etats, mais aussi lorsque dans un Etat les
poursuites ont été entamées et qu'il y a une
décision définitive sur l'affaire, la CPI ne peut plus être
compétente, sauf exception, car elle ne joue qu'un rôle
complémentaire, mieux supplétif : c'est seulement lorsque
les Etats ne jugent pas les délinquants du droit pénal
international ou alors qu'ils organisent une mascarade judiciaire que la CPI
peut être compétente. Ces éléments
considérés, la victime des infractions de la compétence de
la CPI ne peut la saisir par citation directe.
Somme toute, la justice militaire reste dans l'organe
judiciaire de l'Etat et non plus dans le commandement militaire comme
auparavant. Certes que des hypothèses ont été vraies par
le passé faisant état des graves et horribles implications que
pourrait avoir la citation directe devant les juridictions militaires. Il faut
tout de même savoir choisir. Si l'on dit que la RDC est un Etat de droit,
il ne faudrait pas que l'on puisse l'amputer d'une de ses jambes. D'où
la raison de l'étude dans le dernier paragraphe de la justification de
l'intégration de la citation directe en droit judiciaire militaire de la
RDC.
Paragraphe 2. La justification de l'intégration de
la citation directe en droit judiciaire militaire
Ainsi que nous venons de le voir tout au
long de cette dissertation, les juridictions militaires ne peuvent être
saisies par citation directe et cela pour des raisons évoquées.
Les tenants de cette exclusion de la citation directe invoquent par exemple le
secret d'Etat qui doit être protégé même dans le
cadre d'un procès, l'influence désastreuse de la citation directe
sur la discipline militaire...
Ceux qui soutiennent le rejet de ce mode de saisine pour les
juridictions militaires font valoir le risque d'indiscipline qui peut miner
l'armée si l'on permet que des subalternes saisissent directement le
juge pour des faits qu'ils reprocheraient à leurs chefs et cela sans
passer par leur hiérarchie administrative ni par le parquet militaire
censé travailler en étroite collaboration avec le
commandement.
En dépit de ces éléments qui militent
pour l'exclusion de la citation directe devant les juridictions militaires, il
faudra retenir que la citation directe demeure la seule modalité qui
permet véritablement aux justiciables de quelque juridiction que se soit
de saisir directement le juge. Malheureusement, les juridictions militaires ne
reconnaissent pas la citation directe parmi ses modalités de saisine.
Cette situation, et même les arguments qui la
soutiennent, bien qu'ils soient pertinents, s'effritent de plus en plus devant
l'évolution des mentalités et les préoccupations de ces
dernières décennies qui mettent davantage en exergue la
nécessité de protéger les victimes de multiples violations
des droits de l'homme.
En outre, il convient de faire remarquer, indique le
magistrat Freddy MUKENDI, qu'un militaire lésé par une infraction
commise par son chef peut valablement assigner en justice ce supérieur
au civil. Et la loi n'a pas prévu d'autorisation préalable de sa
hiérarchie pour la recevabilité d'une telle action.88(*)
Cela étant, les arguments suivants justifient
l'intégration de la citation directe en droit judiciaire militaire. Pour
les étaler, la méthode dualiste nous permet d'étudier
succinctement la position du droit posé et de l'actuel projet du code de
justice militaire face à l'argument tenant aux caractéristiques
fondamentales de l'armée et les arguments tenant à la lutte
contre l'impunité et à la protection des droits subjectifs par le
juge militaire.
A. position du droit posé et de l'actuel projet
du code de justice militaire face à l'argument tenant aux
caractéristiques fondamentales de l'armée
En droit de procédure pénale
militaire, le ministère public est seul habilité à saisir
un juge des faits qui sont de sa compétence matérielle et
territoriale et cela contrairement au droit commun où même la
partie victime ou à tout le moins toute personne justifiant d'un
intérêt peut saisir le juge des faits infractionnels et forcer le
ministère public à les poursuivre.
Pour ceux qui soutiennent cet aspect de chose, la discipline
militaire, fondement d'une armée moderne, subirait un coup fatal si les
subalternes auraient la possibilité de saisir directement un juge contre
leur supérieur pour les actes que ce dernier pourrait avoir commis. L'on
estime en effet que se serait un moyen de légitimer l'insubordination et
l'indiscipline dans une société où ne peuvent
régner que la discipline e le strict respect de l'autorité
hiérarchique. Toujours dans le même sens, ils affirment que
l'armée étant un des services publics régaliens de l'Etat,
il ne serait pas indiquer de laisser à chaque personne de décider
de quand empêcher ses préposés à faire leur travail
en créant un vide dans la chaîne de commandement, lequel vide peut
s'avérer fatal contre un pays.
Cependant, une chose que tous doivent savoir, la citation
directe résiste à tous ces éléments et les surpasse
par ailleurs. En effet, les tenants de l'exclusion de la citation directe
affirment que la citation directe mettrait en difficulté la discipline
militaire, socle d'une armée républicaine. Cet idéal de la
discipline militaire ne se trouve cependant pas en contradiction avec la
répression des actes infractionnels, que ces actes soient le fait d'un
supérieur ou d'un subalterne. Le Colonel magistrat Laurent Mutata
indique dans son ouvrage de droit pénal militaire congolais que bien que
gagnée par la courbe du déclin d'autres cieux de la citation
directe, cette discipline revêt toute son importance et son
intérêt demeure entier dans un Etat voué à
l'épanouissement comme le nôtre, par trop jaloux de son
équilibre interne et de la suprême sauvegarde de tous ses
attributs de souveraineté.89(*)
Les instances judiciaires en constituent un fondement
indispensable, reflétant les aspirations profondes de la
quasi-totalité de l'opinion publique nationale, du reste convaincue de
l'efficacité de l'appareil judiciaire militaire pour le maintien de la
discipline au sein de l'armée, pour la sauvegarde du patrimoine
collectif, mais encore pour l'harmonisation sans relâche des rapports
entre le soldat et la population civile dont se trouve être
l'émanation et surtout pour servir d'ultime rempart en cas de
péril public.
De là on peut en conclure que la justice est loin
l'occasion de nier les vertus de la discipline militaire. Bien au contraire, la
justice et singulièrement la justice militaire est l'organe
indiqué pour aider le commandement à maintenir et à
rétablir l'ordre et la discipline dans les rangs. C'est la raison pour
laquelle la citation directe devrait être intégrée parmi
les modalités de saisine des juridictions militaires.
C'est essentiellement la raison pour laquelle le projet du
Code judiciaire militaire prévoit à ses articles 204 et 205 la
citation directe parmi les modes de saisine des juridictions militaires. Tandis
que l'article 204 dispose que la citation directe devant les juridictions
militaires obéit aux règles du droit commun. L'article 205
quant à lui précise que la procédure de la citation
directe ne s'applique pas aux justiciables de la Haute Cour Militaire ainsi
qu'aux magistrats militaires.
Outre cette affirmation de maintenir la discipline dans les
rangs et qu'en justice militaire, la citation directe trouve sa place devant
les juridictions militaires en ce qu'elle trouve alors toute sa raison
d'être : la justice militaire a comme mérite entre autre la
célérité de sa procédure ; la citation directe
permettrait alors de renforcer cette célérité en
épargnant le juge de la longue procédure
préjuridictionnelle en se saisissant du dossier pour ne pas laisser que
le cas fasse tâche d'huile dans la troupe.
Encore que la finalité de la citation directe reste
également de sauter la phase de l'instruction préjuridictionnelle
qui est généralement longue et de présenter le cas au juge
en temps utile pour qu'il rende sa décision. Cela est contesté
par ceux qui acceptent que la justice militaire puisse se passer de
l'instruction de l'auditorat militaire et de déférer directement
le cas devant le juge militaire en procédure de flagrance. Encore que
dans ce dernier cas, la loi autorise que toute personne puisse procéder
même à l'arrestation du présumé auteur de
l'infraction flagrante ou réputée telle.90(*)
Outre cet apport de la citation directe dans la discipline
militaire, l'on devra également constater que l'armée est un
service public régalien de l'Etat. En tant que tel, la citation directe,
contrairement à ce que d'aucun peuvent affirmer, permettrait de
maintenir le principe de continuité du service public.
En effet, de même que la doctrine est unanime que le
service public doit fonctionner de manière ininterrompue, de même
elle est unanime que le service doit fonctionner de manière
correcte.91(*) C'est
essentiellement ce deuxe aspect qui nous intéresse au plus haut chef.
Comment ne pas permettre en effet aux subalternes qui vivent quotidiennement
avec un supérieur et qui constatent dans son chef une infraction de ne
pas dénoncer directement cette infraction devant le juge ? Cela a
comme avantages essentiels de dévier les manoeuvres de l'administration,
complice de l'auditorat militaire, qui peuvent décider de ne pas
poursuivre alors que ceux qui sont sur terrain ont déjà
constaté des faits qui mettent en difficulté le fonctionnement
effectif, régulier et sans faille du service public.
Lorsque les infractions peuvent, dans le chef de leur auteur,
empêcher le fonctionnement régulier du service public, il faudra
que la personne qui, la première, est informée tienne
informé le juge et au besoin lui demander la décision de sa
compétence. En toute évidence, la citation directe est un des
moyens de maintenir le fonctionnement régulier, effectif et sans faille
du service. La mise en accusation d'un supérieur ne peut nullement
être constitutive de motif de reniement du fonctionnement régulier
du service. Cette affirmation tient au fait que lorsqu'une personne saisit le
juge par citation directe, son action n'impose pas au juge l'obligation de
l'arrêter. Il peut même décerner une citation à
comparaître.
La citation directe est donc loin des critiques qui sont
formulées à son encontre. Elle permet même de lutter contre
l'impunité et de rassurer l'effectivité du principe
constitutionnel d'égalité de tous devant la loi et la protection
de la loi par tous. D'où l'opportunité de voir dans le point
suivant les arguments tenant à la lutte contre l'impunité et
à la protection des droits subjectifs par le juge militaire.
B. Les arguments tenant à la lutte contre
l'impunité et à la protection des droits subjectifs par le juge
militaire
Dans un Etat de droit, c'est l'Etat seul qui est juge et qui
juge à travers les différents organes juridictionnels, les
services judiciaires et les auxiliaires de justice. Il ne peut en être
autrement puisque l'Etat de droit se définit notamment par la situation
qui résulte, pour une société, de sa soumission à
un ordre juridique excluant l'anarchie et la justice privée. Il proclame
le respect du droit et la garantie des droits reconnus aux citoyens. Il
consacre la prééminence de la loi, laquelle doit garantir les
libertés publiques, les droits fondamentaux de l'homme et des citoyens,
l'égalité de tous devant la loi, la protection des sujets de
droit contre l'arbitraire. Il est inséparable de l'idée de
justice, entendue fonctionnellement comme l'instance, l'institution qui dit le
droit en toute impartialité et indépendance. Ce qui, en effet,
caractérise l'Etat de droit, c'est notamment la nécessité
de recourir aux voies et moyens de droit pour assurer le maintien ou le
rétablissement de l'ordre public troublé par une infraction ou
ébranlé par des querelles entre justiciables autour de conflits,
de convoitises ou de contestations d'importance variée.92(*)
L'Etat de droit privilégie donc, et du moins en
matière pénale, le mode juridictionnel de règlement des
conflits ; lequel se caractérise par l'intervention en
qualité de juge d'une tierce partie investie de la fonction de dire le
droit, de trancher les litiges en prenant des décisions qui s'imposent
aux parties en conflit, au besoin par la force de la condamnation publique.
Cette situation engendre forcément le progrès et
le développement d'un pays et permet la consolidation de la
démocratie et de la nation. Lorsque les lois d'un Etat sont
respectées par tout le monde, les grands investisseurs s'installeront
dans ce pays. Ces investissements qui se font dans la sécurité
juridique permettront non seulement, à chacun, d'avoir du travail bien,
rémunéré, mais aussi et surtout à l'Etat, d'avoir
assez de moyens pour mener sa politique.
La RDC possède une armature juridictionnelle devant
assurer la protection des droits fondamentaux par les juges. C'est ainsi que la
constitution de la IIE République pose en son article 150 le principe
selon lequel le pouvoir judiciaire est le garant des libertés
individuelles et des droits des citoyens. Il en résulte donc que les
cours et tribunaux sont les principaux organes de protection des droits des
citoyens dans l'ordre juridique congolais même s'ils ne sont pas les
seuls.93(*)
Comme l'affirme Yao Biova Vignon, la sanction normale de la
règle de droit réside dans le recours au juge. C'est le juge qui
a le pouvoir de constater les violations de la règle de droit et le cas
échéant, de les sanctionner afin d'assurer le respect du droit.
C'est à cette condition que l'on constate que l'on est dans un
véritable Etat de droit, un Etat dans lequel tous, gouvernants comme
gouvernés, sommes soumis au droit.
Le juge a ainsi un rôle important à jouer dans la
protection de la règle de droit et partant des droits fondamentaux,
proclamés au sein de l'ordre juridique. En RDC, le pouvoir judiciaire
est un pouvoir constitutionnellement organisé dont les juridictions sont
chargées de trancher les litiges nés des rapports au sein de la
société, qu'ils surviennent entre l'administration et les
particuliers ou qu'ils soient interindividuels.
C'est dans ces deux cas de figure que la protection des droits
et libertés fondamentaux des citoyens en RDC ressort de la
compétence du juge administratif, tantôt de celle du juge
judiciaire. Ceux-ci sont donc les premiers mécanismes protecteurs des
droits, mais leur protection est assistée par celle du juge
constitutionnel, assortie des recours juridictionnels. C'est à ces
différents juges qu'est confiée la tâche ardue de la
protection juridictionnelle des droits et libertés fondamentaux des
citoyens en RDC, une tâche qui ne va pas sans rencontrer des obstacles
divers.
En matière de droits fondamentaux, le juge judiciaire a
un rôle traditionnel de gardien des libertés
individuelles des citoyens. Cette mission le conduit à
connaître essentiellement des litiges nés des rapports entre les
particuliers.
En matière de droits fondamentaux, comme le disent
Jacques Robert et Jean Duffar, la compétence judiciaire apparaît
triple au premier abord. Il s'agit, primo, d'une compétence
répressive. C'est en effet devant les tribunaux répressifs que
seront traduits tous les agents publics coupables d'atteintes aux
libertés ; Secundo, le juge judiciaire est compétent pour tout ce
qui concerne la protection des libertés dans les rapports entre les
privées. Tertio, le juge judiciaire voit affirmer sa compétence
en ce qui concerne les rapports de l'administration.94(*)
Dans l'ordre juridique congolais, concernant les violations
verticales des droits fondamentaux, le juge judiciaire intervient en premier
lieu dans la régulation des rapports qui tendent à restreindre
les libertés individuelles des citoyens. A ce sujet la Constitution de
la Troise République laisse entendre à son article 150
alinéa 1 que le pouvoir judiciaire est le garant des libertés
individuelles et des droits fondamentaux des citoyens. Il y a à ce
niveau une affirmation du rôle qu'a le juge dans la protection de ces
libertés.
Le juge militaire, à l'instar de son collègue de
droit commun, est donc, aux termes de la constitution le garant des droits et
libertés fondamentaux des citoyens. C'est encore une fois l'importance
de marteler l'opportunité qu'il y a à reconnaître aux
victimes des infractions qui relèvent de sa compétence le droit
de le saisir par citation directe.
L'exercice de l'action publique, c'est-à-dire la
faculté de saisir les cours et tribunaux répressifs et soutenir
devant eux l'accusation en vue de faire punir les coupables est la mission
dévolue essentiellement au ministère public.95(*)
Cependant, la mise en mouvement d'une juridiction de type
accusatoire peut requérir l'intervention d'un agent extérieur. La
loi bien qu'en attribuant le monopole de l'action publique au MP de
manière générale, reconnaît néanmoins
l'exercice de cette action par la partie privée et ce par la seule voie
de citation directe prévue par les articles 54 et suivants du code de
procédure pénale. Il faut signaler d'emblée, qu'en droit
procédural pénal congolais, il n'existe aucune condition
particulière requise pour l'exercice de l'action publique par voie de
citation directe: c'est le principe du libre accès au
prétoire.
La citation directe produit essentiellement deux effets :
- Elle tend à l'allocation des dommages et
intérêts à la partie victime de l'infraction. En effet, il
est normal que la partie victime puisse trouver réparation des
préjudices subis par le fait de l'infraction;
- Elle met en mouvement l'action publique et l'action civile.
La victime déclenche l'action publique même si le parquet voulait
s'abstenir de poursuivre.96(*)
Au-delà de ces effets de la citation directe, la
doctrine retient que plusieurs raisons militent en faveur de l'instauration de
la citation directe en procédure pénale militaire.97(*) Il s'agit entre autres
de : les militaires doivent être protégés au
même titre que tous les autres citoyens contre les violations de leurs
droits et libertés fondamentaux ; il y a nécessité de
bannir l'impunité en évitant de faire jouer l'adage les loups
ne se mangent pas entre eux ; le seul moyen de faire échec aux
manoeuvres du parquet est le contrôle hiérarchique. Or celui-ci a
montré ses limites et beaucoup d'affaires sont souvent classées,
laissant les victimes frustrées ; dans la plupart des cas ce sont
les civils qui sont victimes des atteintes à leur
intégrité physique et à leur patrimoine. Pourquoi leur
interdire la possibilité de saisir le juge militaire s'ils trouvent que
le parquet traîne les pieds, mais aussi l'éventualité
même d'une citation directe pourrait inciter le parquet militaire
à plus de diligence et de sérieux dans le traitement des affaires
qui lui sont soumises pour éviter de se voir forcé de suivre la
victime dans son action devant la juridiction.
Il est par ailleurs tout à fait clair que le rejet de
la citation directe procède d'une conception désuète de la
justice militaire comprise non comme faisant partie du pouvoir judiciaire mais
plutôt comme un bras, mieux comme un bâton dont dispose le
commandement pour maintenir et au besoin rétablir, à tous les
prix et sous toutes les conditions, l'ordre et la discipline dans les rangs.
L'évolution observée même dans la
nouvelle constitution, qui place la justice militaire dans le pouvoir
judiciaire et non dans les forces armées, devrait se traduire par une
évolution des textes afin de les adapter aux exigences d'un Etat
démocratique soucieux de la protection des droits de tous les citoyens,
civils ou militaires.
Comment toujours méconnaître le droit de saisir
le juge militaire par citation directe alors que la constitution dispose que...
En temps de guerre ou lorsque l'état de siège ou d'urgence est
proclamé, le Président de la République, par une
décision délibérée en Conseil des ministres, peut
suspendre sur tout ou partie de la République et pour la durée et
les infractions qu'il fixe, l'action répressive des Cours et Tribunaux
de droit commun au profit de celles des juridictions militaires...98(*)
Cette disposition constitutionnelle reconnaît la
possibilité de voir les actions des juridictions civiles être
substituées par celles des juridictions militaires. Ce qui commande de
nouveau une harmonisation des textes en matière de procédure
notamment de peur que cette opportunité offerte aux juridictions
militaires ne soit une occasion de brimer sans merci les droits et
libertés des citoyens.
La ratio legis de cet octroi de compétence
des matières de droit commun aux juridictions militaires tient compte du
moment. Il s'agit en effet du moment des troubles, moment pendant lequel il
faut impérativement tout mettre en oeuvre pour maintenir la paix et la
sécurité. C'est donc à juste titre que les juridictions
militaires qui sont caractérisées par la
célérité soient préférées aux
juridictions de droit commun. C'est même dans cet intérêt de
la célérité qu'intervient la logique de la citation
directe qui a aussi l'avantage d'épargner la justice de ces longues
instructions du parquet pendant que le besoin de rétablir la paix et la
sécurité est immédiat. Raison de plus, ainsi que nous
l'avons évoqué, que le droit processuel soit harmonisé en
RDC quant aux questions répressives.
Outre les raisons liées au rôle du
juge, les raisons liées au droit militaire comparé militent en
faveur de la consécration de citation directe. En effet, les
justiciables militaires congolais et les victimes des faits infractionnels
commis par les militaires doivent avoir une garantie de protection en
matière des droits de l'homme selon la tendance internationale. Les
blocages des poursuites des crimes graves peuvent trouver une issue par la
saisine de la cour pénale internationale conformément au statut
de Rome.
Dans d'autres cieux, le droit militaire a
évolué. Pour éviter l'ingérence dans l'instruction
des dossiers judiciaires par l'Etat Major des Armées, et d'autre raisons
liées à la bonne administration de la justice, le gouvernement
français a initié des reformes. La loi du 29 décembre 1966
a jeté des bases suivantes : d'une part, appel aux magistrats du
corps judiciaire pour assurer les fonctions judiciaires militaires ;
d'autre part, extinction pure et simple du corps des magistrats militaires.
Cette réforme présentait, entre autre les
avantages suivants : elle était conforme à la volonté
du gouvernement de civiliser la justice militaire ; elle
réglait le problème du recrutement des magistrats militaires mais
aussi elle permettait un fonctionnement plus souple de la justice militaire, le
nombre des personnels détachés pouvant être augmenté
ou diminué selon les besoins du moment ; etc.99(*)
Une autre réforme a eu lieu en 1982 et 1992 modifiant
l'article 698-2 du Code de procédure pénale permettant aux
victimes de mettre en mouvement l'action publique.
En France, la procédure pénale militaire est
proche de celle de droit commun avec l'incorporation des magistrats civils
détachés tout en restant soumis aux obligations de la discipline
générale des armées et au secret de la défense
nationale.
En Allemagne, la loi pénale militaire du 30 mars 1957
est le siège du droit pénal spécial applicable aux
infractions militaires commises par des soldats. On applique en outre le Code
pénal et le droit pénal des délinquants mineurs à
toutes les infractions non militaires et dans la mesure où ils
définissent les notions générales de
l'illégalité, de la responsabilité, de la
corréité, de la complicité, pour autant que la loi
pénale militaire n'en dispose autrement.
Les soldats sont justiciables non pas de tribunaux
militaires, mais des juridictions pénales ordinaires. Le
réquisitoire se fait par des procureurs civils. Le réquisitoire
se fait par des procureurs civils.100(*)
Dans son arrêt du 6 mars 1968, la Cour militaire d'appel
d'Israël s'est prononcée dans le dossier n° AYIN 17/68
d'après la section 157 du Code criminel. En faisant lecture de cet
arrêt, il apparaît clairement qu'un militaire avait
été cité en justice par une dame victime des attouchements
et condamné par le premier juge du Conseil de guerre de circonscription
suite à la déposition de la plaignante et à quelques
preuves indirectes.
Ces exemples ainsi que d'autres de divers pays à
travers le monde, contribuent à la mise sur pied d'une justice
pénale militaire juste basée sur l'indépendance de la
magistrature. La citation directe doit contribuer à la
possibilité de faire comparaître certains intouchables de
l'armée devant leur juge naturel.
En fin de nos développements, encore faudra-t-il noter
que tout en suggérant l'intégration en matière militaire
de cette voie de procédure, consistant à forcer la main du
ministère public à devenir malgré lui partie poursuivante,
il nous faut retenir en matière militaire les hypothèses dans
lesquelles la citation directe est irrecevable en droit commun, en l'occurrence
lorsque :
- les faits ne rentrent pas dans la compétence du
tribunal saisi;
- l'action publique est éteinte au moment de la
citation ;
- la partie civile ne remplit pas les conditions de
capacité, intérêt et qualité requises pour
introduire une action civile ;
- elle est introduite devant la Haute cour militaire, autant
que c'est le cas d'exclusion devant Cour suprême de justice en droit
commun ;
- elle met en cause une personne jouissant de privilège
de juridiction.
CONCLUSION
Le Code judiciaire militaire de la RDC prévoit parmi
les modalités de saisine du juge militaire la décision de renvoi
émanant de l'auditeur militaire près la juridiction
compétente, la décision de traduction directe, la comparution
volontaire ainsi que la saisine d'office. Ce code n'ignore cependant pas la
saisine en procédure de flagrance. Cependant, il ignore
complètement pour les justiciables des juridictions militaires le droit
de saisir ces dernières par voie de citation directe.
Ceux qui soutiennent cette position font valoir le risque
d'indiscipline qui peut miner l'armée si l'on permet que des subalternes
saisissent directement le juge pour des faits qu'ils reprocheraient à
leurs chefs et cela sans passer par leur hiérarchie administrative ni
par le parquet militaire censé travailler en étroite
collaboration avec le commandement.101(*)
Cette argumentation, bien que pertinente, s'effrite de plus
en plus devant l'évolution des mentalités et les
préoccupations de ces dernières décennies qui mettent
davantage en exergue la nécessité de protéger les victimes
de multiples violations des droits de l'homme. Certes on ne peut pas dire que
l'armée est une institution démocratique, mais il n' y a
cependant pas de doute que les militaires et assimilés, principaux
justiciables des juridictions militaires, sont des citoyens à part
entière et non entièrement à part qui ont droit à
la protection et aux garanties de la loi.
En outre, il convient de faire remarquer qu'un militaire
lésé par une infraction commise par son chef peut valablement
assigner en justice ce supérieur au civil. Et la loi n'a pas
prévu d'autorisation préalable de sa hiérarchie pour la
recevabilité d'une telle action. Dans cette hypothèse, la
juridiction de droit commun se déclarera plutôt compétente
quant à la qualité du prévenu.
Il est clair que le rejet de la citation directe
procède d'une conception désuète de la justice militaire
comprise non comme faisant partie du pouvoir judiciaire mais plutôt comme
un bras, un bâton de commandement. L'évolution observée,
ainsi que nous l'avons souligné dans le travail, fait passer
plutôt la justice militaire dans l'organe judiciaire du pays et non plus
dans le commandement militaire. Par là le juge militaire devient non
seulement juge de discipline mais aussi juge de liberté. D'où la
nécessité d'adapter les instruments juridiques aux exigences d'un
Etat de droit, Etat démocratique, soucieux de la protection des droits
de tous les citoyens, civils comme militaires.
Un autre argument qui milite en faveur de l'instauration de
la citation directe dans notre arsenal juridique militaire est d'ordre
pratique. Il paraît insoutenable de fonder le statu quo actuel
par le fait de réserver seul au parquet le rôle de mener les
enquêtes préliminaires bien fouillées. En effet, en vertu
de l'article 67 du Code de procédure pénale, le juge pénal
ordinaire dispose des pouvoirs qu'il peut exercer pendant la pré
saisine. A l'instar de son collègue de droit commun, le juge militaire
exerce aussi ces compétences. A ce point, il y a lieu d'argumenter en
faveur de l'instauration des chambres du conseil dans les juridictions
militaires. Ainsi, l'article 219 du Code judiciaire militaire donne des
pouvoirs étendus au juge militaire.
A la lumière de cette disposition, le juge dispose
déjà du pouvoir d'instruction qu'il estime utile lorsque
l'instruction préparatoire lui semble incomplète ou lorsque des
éléments nouveaux se sont révélés depuis la
clôture de l'instruction préparatoire.
A ceci, il faut ajouter la voix de la traduction directe qui
est la copie de la procédure pénale française. Le
procureur en France a plusieurs options notamment en instruisant
lui-même, en transmettant le dossier au juge d'instruction ou saisir
directement la juridiction de jugement au moyen de ce qu'on appelle la
citation directe du ministère public.102(*)
Abordant les raisons liées au rôle du juge
magistrat militaire, il convient d'indiquer que l'évolution historique
de la justice militaire dans notre pays est marquée par six
étapes principales qui sont la période du décret du 22
décembre 1888, celle du décret-loi du 8 mai 1958, du
décret-loi du 18 décembre 1964 portant Code provisoire de la
Justice Militaire, de l'Ordonnance-loi n° 72/060 du 25 septembre 1972
portant Code de justice militaire, du décret n°019 du 23
août 1997 portant création de la cour d'ordre militaire ainsi que
la période de la loi n°023/2002 portant Code judiciaire
militaire.
En analysant tous ces textes, c'est cette dernière loi
qui a accordé l'importance du rôle que doit jouer le juge
militaire. En effet, au lieu d'être un simple conseiller juridique du
siège, un simple technicien du droit au siège avec une voix
délibérative, il devient président du siège et sa
voix devient prépondérante pendant la
délibération.
Le véritable rôle du juge magistrat qui jadis
consistait à faire le souffleur, devient sous la loi
n°023/2002 du 18 novembre 2002 celui d'appliquer aux faits infractionnels
la règle de droit qui convient. En appréciant bien les faits, il
apprécie également les responsabilités afin de bien
appliquer la règle de droit.103(*)
Ce rôle prépondérant du juge magistrat
militaire devrait lui conférer alors des pouvoirs comme son
collègue civil. De lege ferenda le législateur ne
devrait plus le priver d'être saisi par voie de citation directe.
Par ailleurs, et comme déjà
développé plus haut, le droit comparé fournit une bonne
panoplie des législations consacrant la citation directe autant en droit
pénal commun qu'en droit pénal militaire.
Cependant, il sied d'indiquer enfin que cette inexistence de
la citation directe dans notre arsenal juridique militaire l'est
également dans d'autres pays anciennement démocratiques. Tel est
le cas de la loi belge qui n'offre pas la faculté à une personne
lésée par un acte qu'elle estime constitutif d'une infraction de
mettre en mouvement l'action publique devant les juridictions
militaires.104(*) Cet
exemple triste de la législation métropolitaine semble avoir
maintenu l'inspiration du législateur congolais.
Cet état de chose constitue à notre humble avis
un manquement coupable à l'instauration d'une justice pénale
équitable dans les Forces Armées. D'où le vibrant appel
que nous lançons à quiconque, décideurs essentiellement,
soucieux de l'établissement d'un véritable Etat de droit en RDC,
de tout mettre en oeuvre pour instaurer la citation directe parmi les modes de
saisine des juridictions militaires.
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7. Dossier Capt LIKITAc/Auditeur Militaire de Garnison de
Goma, MP, Pour Désertion simple.
TABLE DES MATIERES
EPIGRAPHE...............................................................................................I
DEDICACE................................................................................................II
REMERCIEMENTS.....................................................................................III
SIGLES ET
ABREVIATIONS........................................................................IV
INTRODUCTION
GENERALE........................................................................1
PROBLEMATIQUE.......................................................................................1
HYPOTHESES.............................................................................................4
INTERET DU
SUJET.....................................................................................6
METHODOLOGIE DE
TRAVAIL.....................................................................6
CHAPITRE I. MODES DE SAISINE DES JURIDICTIONS MILITAIRES DE LA
RDC...9
Section I. DE L'INSTRUCTION
PREPARATOIRE...............................................10
Paragraphe 1. Instruction policière et constatation
des infractions........................12
Paragraphe 2. Instruction préjuridictionnelle
proprement dite ou ministérielle............17
Section II. DE LA SAISINE DU JUGE
MILITAIRE...............................................24
Paragraphe 1. Voies de saisine
ordinaires....................................................26
Paragraphe 2. Voies de saisine
extraordinaires..............................................30
CHAPITRE II. LES PERSPECTIVES DE LEGE FERENDA RELATIVES A LA
CITATION DIRECTE EN MATIERE DE JUSTICE MILITAIRE.......36
Section I. LA CITATION DIRECTE FACE AUX VERTUS DE LA JUSTICE
DANS UN ETAT DE
DROIT..........................................................................38
Paragraphe 1. La citation directe comme traduction du
principe de libre accès au
prétoire............................................................................................40
Paragraphe 2. Désavantages de la citation directe en
droit commun.....................47
Section II. NECESSITE DE LA CONSECRATION DE LA CITATION
DIRECTE EN DROIT JUDICIAIRE
MILITAIRE...................................................53
Paragraphe 1. Appréciation des raisons de l'exclusion
de la citation directe en droit
militaire...........................................................................................55
Paragraphe 2. La justification de l'intégration de la
citation directe en droit judiciaire
militaire...........................................................................................64
CONCLUSION...........................................................................................73
BIBLIOGRAPHIE.......................................................................................78
TABLE DES
MATIERES..............................................................................82
* 1 Livre de GENESE, Chap 4,
Verset 8, In
* 2 BOULOC, Bernard et alii,
Droit pénal général, 19e
édition, Paris, Dalloz, 2005, p.48.
* 3 TERRE, François,
Introduction générale au droit, 6e
édition, Paris, Dalloz, 1993, p.13.
* 4 TERRE, François,
Op.cit, p.13.
* 5 LIKULIA BOLONGO, Droit
pénal spécial zaïrois, Tome I, 2e
édition, Paris, LGDJ, 1985, p.11.
* 6 MUTATA LUABA, Laurent,
Droit pénal militaire congolais, Kinshasa, Editions du Service
de Documentation du Ministère de la Justice et Garde des Sceaux, 2005,
p.11.
* 7 LIKULIA BOLONGO,
Op.cit, p.12.
* 8 Art 150 alinéa
1er de la Constitution de la RDC du 18 février 2006, In
JORDC, Kinshasa, Numéro spécial, 47e année.
* 9 AKELE ADAU, Pierre,
Cité par KALINDYE BYANJIRA, D., Civisme, développement et
droits de l'homme, Kinshasa, Ed. IDHAD, 2003, p. 1.
* 10 MBUNSU BINDU, Etienne,
De la réflexion sur le droit pénal militaire congolais,
Goma, Editions du Salon Juridique, 2010, p.43-44.
* 11 Art 214 de la loi n°
023/2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire, in
JORDC, 44e année, Numéro spécial,
2003, p.42. Etant donnée l'importance de cet outil dans notre travail,
nous ne l'indiquerons pas toujours en bas de page.
* 12 BAYONA ba-MEA, Cours de
procédure pénale, 2e graduat, Droit, UNIKIN,
1975-1976, p.15.
* 13 LIKULIA BOLONGO, Droit
pénal militaire zaïrois, Paris, LGDJ, 1975, p.125.
* 14 COHENDET M.A, Droit
public, Méthode de travail, 3e édition, Paris,
Montchrestien, 1998, p.12.
* 15 MUHINDO MALONGA, T et
MUYISA MUSUBAO, M, Méthodologie juridique, Le législateur, le
juge et le chercheur, Butembo, PUG-CRIG, 2010, p.211-212.
* 16 ALBIGES Christophe et
alii, Dictionnaire du vocabulaire juridique, 3e
édition, Paris, Litec, 2008, v° 325-326.
* 17 KILALA Pene-AMUNA
Gabriel, Attributions du ministère public et procédure
pénale, Tome 1, Kinshasa, Ed AMUNA, 2006, p.490.
* 18 Art 169 du Code judiciaire
militaire de 2002.
* 19 Art 7 du COCJ. Voir
Ordonnance-Loi n° 82- 020 du 31/ 03/82 portant code congolais
d'organisation et de compétence judiciaires, in J.O. n° 7 du
1er avril 1982.
* 20 BOULOC, Bernard et alii,
Op.cit, p.101.
Nullum crimen , nulla poena sine lege signifie qu'il
n'y a pas d'infraction ni de peine sans un texte légal. Il s'agit de la
théorie du fait prévu et puni par la loi pénale. Ce n'est
pas en effet à la conscience collective impressionnable et changeante
que doit être remis le soin de déterminer les faits contraires
à l'ordre social, mais au législateur. Il en résulte pour
le citoyen une garantie contre l'arbitraire, en ce que la police et la justice
répressive ne pourront l'inquiéter et le condamner si le fait par
lui commis, bien qu'il semble nuisible à la société, ne
tombe pas exactement sous le coup des prévisions légales.
* 21 FAUSTIN Hélie,
Traité de l'instruction criminelle, Tome IV, Paris, 1845-1960,
p.4, Cité par RUBBENS Antoine, L'instruction criminelle et
procédure pénale, Tome III, Léopoldville, Bruxelles,
1965, p.61.
* 22 KILALA Pene-AMUNA,
Gabriel, Op.cit, p.69-71.
* 23 Art 17alinéa 3 de
la Constitution de la RDC du 18 Février 2006.
* 24 MBUNSU BINDU Etienne,
Op.cit, p.39.
* 25 LIKULIA BOLONGO, Droit
pénal militaire, Tome 1er, Paris, LGDJ, 1977, p.125.
* 26 Art 187 du Code
pénal militaire.
* 27 Art 130 du Code judiciaire
militaire.
* 28 LIEUTENANT GENERAL
ETUMBA LONGILA Didier, CHEFMG des FARDC, Causerie morale avec les troupes de la
garnison de Goma, le 15 Mars 2009, Cité par MBUNSU BINDU, Etienne,
Op.cit, p41.
* 29 Art 134 du Code judiciaire
militaire.
* 30 Art 145 du Code judiciaire
militaire.
* 31 Art 142 du Code judiciaire
militaire.
* 32 Art 149 du Code judiciaire
militaire.
* 33 Art 139 du Code judiciaire
militaire.
* 34 KILALA Pene-AMUNA,
Gabriel, Op.cit, p.161.
* 35 Dossier Capt LIKITA c/
Auditeur Militaire de Garnison, MP, pour Désertion simple.
* 36 KILALA Pene-AMUNA,
Gabriel, Op.cit, p.164.
Il faut indiquer ici que si la question de l'enfance
délinquante est envisagée ici, c'est essentiellement parce que la
constitution du 18 Février 2006 dispose à son article 156 qu'en
temps d'exception ou en temps d'urgence, les actions des juridictions de droit
commun sont substituées par celles des juridictions militaires. Ainsi
donc, on devra reconnaître la compétence des juridictions
militaires même pour les enfants qui n'ont rien à faire avec
l'armée.
* 37 LUZOLO BAMBI, LESA,
La détention préventive en procédure pénale
congolaise, Thèse de doctorat, Université de droit,
d'économie et des sciences d'Aix-Marseilles, Tome II, 1996, p.38.
* 38 Art 170 du Code judiciaire
militaire.
* 39 LIKULIA BOLONGO,
Op.cit, p.69.
* 40 Article 205 du Code
judiciaire militaire.
* 41 BAYONA, BAMEA, Cours de
procédure pénale, 2e graduat, Droit, UNIKIN,
1975-1976, p.15.
* 42 KISAKA Kia-NGOY,
Procédure pénale, Cours, Deuxe graduat, Droit, UNIKIN, 1985-1986,
p.76.
* 43 Ibidem.
* 44 LIKULIA BOLONGO,
Op.cit, p.25.
* 45 MUTATA LUABA, Laurent,
Op.cit, p.6.
* 46 LE PETIT LAROUSSE, Le
petit Larousse illustré 2010, Paris, Editions Larousse, 2009,
V°1024.
* 47 YOKA MAMPUNGA,
Jean-Jacques, Codes congolais de procédure pénale,
Kinshasa, Editions YOKA, 1999, p.128.
* 48 Telle est la position de
la Cour Suprême de Justice dans son arrêt RPA 27, du 25 Juillet
1974, BA 1975, p.166.
* 49 Article 226 du Code
judiciaire militaire.
* 50 Art 214 du Code judiciaire
militaire.
* 51 Art 216 du Code judiciaire
militaire.
* 52 AKELE ADAU, Pierre,
Le citoyen-justicier, Kinshasa, ODF Editions, Décembre 2002,
p.69.
* 53 BAYONA ba-MEA et LUZOLO
BAMBI, LESA, Cours de procédure pénale, Troise graduat, Droit,
UNIKIN, 2000, p.79.
* 54 MBUNSU BINDU, Etienne,
Op.cit, p.43-44.
* 55 FAVOREU, Louis et alii,
Droit des libertés fondamentales, 3e édition,
Paris, Dalloz, 2005, p.15.
* 56 BAYONA, ba-MEA,
Op.cit, p.15.
* 57 MBUNSU BINDU, Etienne,
Op.cit, p.35.
* 58 Articles 149 de la
Constitution de la RDC du 18 Février 2006.
* 59 AKELE ADAU, Pierre,
Op.cit, p.19.
* 60 YOKA MAMPUNGA, Jean
Jacques, Op.cit, p128.
* 61 KILALA Pene-AMUNA,
Gabriel, Op.cit, p.555-558.
* 62 Art 11 et 12 de la
Constitution de la RDC du 18 Février 2006.
* 63 CHAPUS, René,
Droit administratif général, Tome 1, 15e
édition, Paris, Montchrestien, 2001, p.613-614.
* 64 Art 12 de la Constitution
de la RDC du 18 Février 2006.
* 65 N. Quoc Dinh, P.
Daillier et A. Pellet, Droit international public, Paris, L.G.D.J.,
1999, n°464, p.751.
* 66 VINCENT, Jean et
GUINCHARD, Serge, Procédure civile, Paris,
Dalloz, 1999, n°98.
* 67 LWANGO Thomas, Questions
spéciales de procédure civile, Cours dispensé en
Première Licence, Droit, ULPGL, Goma, 2009-2010, p.47.,
Inédit.
* 68 DECOCQ, André et
ESCANDE, Pierre, Juris-classeur de Procédure pénale, Editions
techniques, Paris, S.A., 1982, p.234.
* 69 RUBBENS Antoine,
Op.cit, p.147.
* 70 CSJ, 22/6/1972-RPA.5BA,
1973, p.100.
* 71 JOSSERAND, L, De
l'esprit des droits et de leur relativité, Théorie dite de l'abus
des droits, Paris, Librairie Dalloz, 1939, p.234.
* 72 Décret du 30
juillet 1888 portant `' Des contrats ou des obligations conventionnelles'',
in : B.O., 1888, p. 109.
* 73 GUILLIEN, Raymond et
VINCENT, Jean, Lexique des termes juridiques, 17e
édition, Paris, Dalloz, 2010, V°128.
* 74 Art 101 et suivants de la
Procédure devant la Cour Suprême de Justice.
* 75 GARRAUD, R,
Traité théorique d'instruction criminelle et de
procédure pénale, Tome I, Paris, Ed. Sirey et Journal du
Palais, 1907, p.87 et ss.
* 76 RASSAT,
Michèle-Laure, Le Ministère Public entre son passé et
son avenir, Paris, LGDJ, 1967, p.235.
* 77 KILALA Pene-AMUNA,
Gabriel, Op.cit, Tome II, p.570.
* 78 LIKULIA, BOLONGO,
Op.cit, p.35.
* 79 MUKENDI TSHINDA-MANGA,
Freddy, Commentaire de procédure pénale militaire, RDC,
Towards Better Military Justice, 2007, p.52.
* 80 MUTATA LUABA, Laurent,
Op.cit, p.6.
* 81 KAMBALA, MUKENDI,
Eléments de droit judiciaire militaire congolais, Kinshasa,
Editions Universitaires Africaines, 2009, p.212.
* 82 MUTATA LUABA, Laurent,
Ibidem, p.6.
* 83 Art 149 de la
Constitution de la RDC du 18 février 2006.
* 84 MBUNSU BINDU Etienne,
Op.cit, p.46-48.
* 85 RIVERO, Jean et WALLINE,
Jean, Droit administratif, 20e édition, Paris,
Dalloz, 2004, p.311.
* 86 Idem.
* 87 Art 26 de la loi n°
portant Code pénal militaire.
* 88 MUKENDI TSHINDA-MANGA,
Freddy, Op.cit, p.52.
* 89 MUTATA LUABA, Laurent,
Op.cit, p.6.
* 90 Art 1 de l'Ordonnance-Loi
n°78-002 du 24 Février 1978 relative à la répression
des infractions flagrantes.
* 91 WASSO MISONA, Joseph,
Droit administratif général, Cours, Troise Graduat, Droit, ULPGL,
Goma, 2009-2010, p.59., Inédit.
* 92 AKELE ADAU, Pierre,
Op.cit, p.19.
* 93 RUBBENS, Antoine,
Droit judiciaire congolais, T3, L'instruction criminelle et procédure
pénale, Ferdinand, Larcier, SA, Bruxelles, 1965, p. 116.
* 94 ROBERT et DUFFAR,
Droits de l'homme et libertés fondamentales, 7e
édition, Paris, Montchrestien, 1999, p.265.
* 95RUBBENS, Antoine,
Op.cit, p. 116.
* 96 SOYER, JC, Droit
pénal et procédure pénale, 9e
édition, Paris, LGDJ, 1992, p. 124
* 97 MUKENDI TSHINDA-MANGA,
Freddy, Op.cit, p.52.
* 98 Article 156 de la
Constitution de la RDC du 18 Février 2006.
* 99 GIRARD, R, L'exercice
des fonctions judiciaires militaires, In Revue de droit pénal
miliaire et de droit de la guerre, Bruxelles, 1969, p.232.
* 100GIRARD, R,,
Op.cit, p.356.
* 101 MUKENDI TSHINDA-MANGA,
Freddy, Op.cit, p.52.
* 102 STEFANI ,G et LEVASSEUR
,G, Droit pénal général et procédure
pénale, Tome III, Procédure pénale,
3e édition, Paris, Sirey, n° 294 à 597.
* 103 BUDWAGA, BYAMUNGU,
Les juges magistrats et les juges assesseurs militaires : leurs
rôles et missions, In Séminaire de formation des
magistrats militaires et des avocats de la défense, RDC, 2007,
p.18.
* 104 Chronique annuelle de
jurisprudence militaire 1955 dans Revue de droit pénal et de
Criminologie 1966-1967, pp195 et 1966, n°18 et décision de la Cour
militaire et de la Cour de Cassation avec les conclusions de Monsieur
l'Auditeur Général GILISSEN et Monsieur l'Avocat
Général à la Cour de Cassation MAHAUX, In Idem,
p.353.
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