SECTION 2 : POUR LA PREVALENCE D'UNE JUSTICE
SOCIALE
Contrairement aux enfants naturels qui peuvent librement
établir leur filiation, et bénéficier des droits
découlant de cette filiation, l'enfant adultérin se trouve
obligé de subir les mesures que la loi lui inflige en ce qui concerne sa
capacité de succéder et son droit d'être reconnu.
Les législateurs dans le contexte où ils
étaient contraints de produire les textes de loi n'ont fait que
continuellement protéger les enfants légitimes qui eux pouvaient
à leur tour être victimes injustement de l'acte posé par
l'un ou l'autre de leurs parents. Ceci a créé néanmoins
une situation totalement ambigüe, quant aux dispositions qui concernent
les enfants naturels dans une certaine mesure par ce que la loi permet de les
reconnaître et de bénéficier d'une certaine quote part en
matière successorale, par rapport au sort des enfants adultérins
qui en sont définitivement exclus.
C'est bien un point difficile à accepter puisque le
dilemme des auteurs de ces lois, devaient en même temps penser aux
intérêts de la famille légitime et à ceux des
enfants nés hors de ce cadre légal : promouvoir la famille
et établir en même temps une égalité stricte entre
enfants naturels et légitimes, sans mettre en péril la morale
collective n'est pas chose aisée, c'est certain.
Mais il faut bien pouvoir aller au-delà de ces
difficultés qui, dans le fond, sont beaucoup plus stricts que le fruit
de la morale trop souvent faillible malheureusement. Il est
préférable de mettre la société face à ses
responsabilités sans trop de ménagement ; autrement dit, la
forcer à diagnostiquer elle-même ses problèmes et à
les résoudre courageusement. Il est un fait certain que l'enfant qu'il
soit légitime, naturelle, incestueux ou adultérin, n'est pas
responsable et ne doit pas être une victime innocente de son statut.
Jusqu'à date ce débat dans la société
haïtienne n'a rien fait d'autre que de fuir les questions brûlantes
et en faire des tabous.
Le parlement haïtien devrait donc veiller à ce que
les textes soient effectivement relus et corrigés en faveur des enfants
adultérins. Les enfants adultérins, demeurent des enfants au
même titre que les enfants légitimes, et de ce point de vue, ils
ont tous autant besoin de sécurité d'une famille normale, de
parents qui puissent les reconnaître et les aimer ; ce que ne pourra
jamais leur procurer un environnement aussi discriminatoire que celui
actuellement généré par l'article 305 du code civil.
L'Etat haïtien a pour devoir et aussi les moyens d'une législation
non discriminatoire. Pour se faire, les dispositions du code civil relatives
à l'établissement de la filiation adultérine, en
l'occurrence, l'article 302 doivent être revues et rectifiées en
ce sens. C'est en effet, à ce niveau que se joue l'essentiel, c'est
-à- dire le fondement juridique de la filiation. A défaut il
faudrait tout au moins que le législateur opte pour la
légitimation par autorité de justice, ainsi d'ailleurs que son
homologue français l'a fait, car il s'agit d'une véritable
solution d'urgence pour l'enfant adultérin.
Rester indifférent à la situation actuelle de
ces enfants et appliquer le code civil avec les mêmes dispositions sans
aucune réforme adaptée au temps actuel, serait regrettable
à notre avis. Il nous semblerait plus juste que ceux- là
même qui se sont rendus coupables d'actes prohibés par la loi
soient plutôt directement sanctionnés.
II.2.1 Révisions de certaines dispositions.
Le droit civil, tel qu'envisagé dans les droits
successoraux des enfants adultérins, énonce des dispositions
discriminatoires et controversées à leur égard. Ainsi pour
une amélioration équitable et au nom du principe universel de la
non discrimination rencontrée dans divers instruments internationaux
dont la Déclaration Universelle des droits de l'Homme qui stipule
que : « Tous les Hommes naissent libres et égaux en
droits. » une révision de certaines dispositions relatives au
statut juridique de l'enfant adultérin s'impose. Si minimes
soient-elles, ces dispositions ne contribuent qu'à sa marginalisation au
sein de la communauté, car les enfants ont besoin d'un cadre non
discriminatoire pour leur protection psychologique. Il est injuste que l'enfant
né dans des circonstances indépendantes de sa volonté soit
victime de la faute de ses parents.
L'article 302 confirme la volonté des
législateurs de faire un statut inférieur à l'enfant
adultérin par rapport à celui de l'enfant naturel. Effectivement,
les termes du dit article démontre une velléité
poussée de nier tout droit à l'enfant adultérin L'enfant
constitue alors un corps étranger dont la présence perturbe la
stabilité de la famille légitime.
En conséquence pour maintenir une certaine
cohérence de l'édifice juridique, les futurs réformateurs
du droit civil devraient ajouter un alinéa dans lequel devrait figurer
comme pour la filiation naturelle des moyens légaux d'établir une
certaine égalité de la filiation adultérine avec la
filiation légitime. Nous pensons et nous le souhaitons que cette
idée puisse servir nos législateurs. En ce qui concerne les
dispositions de l'article 306, qui dispose que : « Cette
reconnaissance ne peut avoir lieu au profit d'un enfant incestueux ou
adultérin. », les mêmes possibilités
d'établir légalement la filiation naturelle consacrée
à l'article 305 devraient être appliquées également
à la filiation adultérine.
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