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Acteurs et interactions autour des ressources halieutiques du Parc National de la Salonga. Cas de l'exploitation de la rivière Luilaka en RDC

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par Billy Kambala Luadia Tshikengela
Université catholique de Louvain - Master complémentaire en développement environnement et sociétés 2009
  

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CONCLUSION GENERALE

L?étude que nous venons de faire dans le cadre de ce mémoire de Master Complémentaire en Développement, environnement et sociétés a été consacrée à l?analyse du conflit et des logiques d?acteurs impliqués dans la gestion et l?exploitation des ressources halieutiques du Parc National de la Salonga.

Notre préoccupation était de montrer que, contrairement à une gestion du parc soumise au principe de la domanialité publique, qui postule que seul l?intérêt général de la protection de l?environnement soit privilégié à la protection, le régime de gestion unilatérale étatique de type policier et la politique d?exclusion des populations riveraines de la gestion du parc par l?ICCN n?ont pas réussi à satisfaire les besoins des populations locales par rapport à leur milieu naturel. Elle n?a pas, non plus, pu empêcher les populations riveraines de s?adonner à des pratiques d?exploitation des ressources naturelles dont halieutiques qu?elles ne cessent de considérer comme ressources spoliées par l?ICCN.

Pour la vérification de nos hypothèses, nous avons eu recours à l?analyse des faits qui se sont déroulés depuis les origines de la création du Parc National de la Salonga jusqu?à ce jour, dans une perspective historique. Nous avons emprunté à Frédéric Debuyst le modèle du schéma actionnel pour analyser le système d?action et de décision des acteurs impliqués dans la gestion et l?exploitation des ressources halieutiques du PNS.

Après analyse, il s?avère que le conflit du parc (l?ICCN) avec les populations riveraines ne date pas d?aujourd?hui, mais des années 1956, avant même l?indépendance du Congo belge; date à laquelle les premiers déplacements forcés des populations indigènes ont été effectués par l?Institut pour la Conservation de la Nature au Congo (ICNC), en vue de la création du Parc National de Monkoto devenu Parc National de la Salonga en 1970.

Déjà à cette époque, l?Etat c'est-à-dire l?ICNC et les autorités du Gouvernement Central, par leurs contradictions relatives aux modes d?acquisition de l?espace, étaient incapables de répondre de manière satisfaisante au programme de travaux publics qui fut élaboré en faveur des populations indigènes (faciliter leur installation dans les nouveaux villages, en les rendant plus attrayants et plus confortables que les anciens) qu?ils ont eux-mêmes déplacé de manière forcée, déclarant libres de tout droit les terres et les vastes territoires en apparence non occupés, appartenant pourtant aux indigènes et leur servant de culture itinérante avec jachère longue et de zones de chasse et pêche indispensables à leur équilibre alimentaire.

Face à cet échec, et malgré le fait que le responsable des nouveaux villages était légalement armé pour interdire la résidence dans les terres domanialisées par les autorités, la plupart des populations indigènes déplacées avaient résisté et rejoint leurs anciennes terres, mettant en échec toute la procédure << boiteuse » instaurée par les enquêtes de vacance des terres. Celles qui étaient restées dans les nouveaux villages avaient déjoué le projet en acceptant une occupation de leurs terres par l?Etat, tout en refusant toute indemnisation et sans cession des droits indigènes (droits de chasse et de pêche).

L?enjeu de la conservation tel qu?il apparaît dans la lecture historique du processus de l?implantation de ce Parc National de la Salonga dans le territoire de Monkoto résidait dans la protection pure et simple de l?espèce de chimpanzé nain << Pan Paniscus » endémique de la RDC (précisément sur la rive gauche du fleuve Congo), par le gouvernement congolais et ses partenaires internationaux, au détriment des populations riveraines qui vivaient de leurs ressources et qui, aujourd?hui, sont non seulement pauvres, enclavées, dépourvues d?accès à cette réserve, mais aussi exclues de la gestion de celle-ci.

Il nous a semblé dès lors utile d?étudier cette politique de gestion du parc par l?ICCN pour tenter de comprendre les relations qui se sont établies entre les populations riveraines de Monkoto et les agents de l?ICCN, en particulier les gardes de parc.

Notre réflexion sur les relations de l?ICCN avec les populations riveraines de Monkoto a mis en exergue la problématique de la gestion et de l?exploitation des ressources du Parc. Nous avons montré que cette mauvaise cohabitation entre population riveraine et agents de l?ICCN est due, d?une part, à un fort sentiment de spoliation et de rancoeur chez ces populations déplacées lors des opérations de vacance de terre, à l?égard du parc et des agents de l?ICCN; et d?autre part, au comportement un peu << policier » des agents de l?ICCN, caractérisé par des exactions et des maltraitances. L?analyse qui s?en est suivie nous a permis de soutenir que le conflit du parc est généré par les autorités de l?ICCN qui ne élaborent pas des politiques de gestion du parc qui tiennent compte des intérêts des populations locales, de leurs pratiques coutumières liées aux ressources et systèmes traditionnels de régime foncier.

La gestion unilatérale du PNS par l?ICCN, couplée à l?effondrement du tissu socio-économique dans la région au cours des vingt dernières années, ont accentué la précarité socio-économique et alimentaire des populations riveraines de Monkoto. Il s?avère que, depuis les années 1980, le territoire de Monkoto a connu la destruction du réseau routier, une forte diminution du trafic fluvial, l?effondrement du secteur agricole et l?on a constaté que la dépendance des populations

aux ressources naturelles (produits forestiers non ligneux, chasse, pêche) a augmenté rapidement. Au niveau local, quelques changements sont perçus: autrefois la pêche était une activité de subsistance mais actuellement, elle s?est transformée en activité commerciale.

Face à cette précarité socio-économique, les populations riveraines de Monkoto ont fait de la disponibilité et de l?accès aux ressources, un élément clé pour leur survie, elles se sont lancées dans des activités économiques à travers la pêche commerciale pouvant servir de source de revenu. En outre, elles se sont aussi regroupées en créant des organisations et associations locales, des coopératives de pêcheurs et d?agriculteurs.

Contrairement à ce que nous avions formulé dans nos hypothèses, nous arrivons à la conclusion que les problèmes les plus importants dans ce territoire sont moins les problèmes de l?existence du parc que ceux des enclavements des populations riveraines, considérés par ces dernières comme étant un grand frein à leur développement socio-économique et limitant leur chance d?être en contact avec le monde extérieur (technologies nouvelles, informations scientifiques et communication moderne). Il est urgent que les autorités administratives commencent par désenclaver le secteur si elles désirent gérer efficacement les ressources naturelles, dont halieutiques du Parc National de la Salonga.

Autour du PNS, en général et à Monkoto en particulier, se pose la question de la cohabitation d?une logique conservationniste qui trouve son sens à l?échelle nationale et internationale et d?une logique développementaliste qui implique l?exploitation locale des ressources du parc. Ainsi pour concilier les intérêts des uns et des autres et garantir la pérennité du processus de conservation, nous suggérons la mise en place d?une approche de conservation participative et communautaire au lieu de celle protectionniste exclusive, c?'est-à-dire, une conservation des ressources naturelles « avec, et par les populations ».

C?est cette approche que l?Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN) a appelé « Community-Based Natural Resource Management ». Elle prône la prise en compte politique et économique des thèmes de la durabilité des processus de développement et des droits des peuples autochtones165.

165 U ICN/CMAP/WWF (1996) : Principes et lignes directrices sur les peuples autochtones et traditionnels et les aires protégées, in Congrès mondial de la nature sur les populations autochtones et les aires protégées, Montréal, Canada. Ces principes sont issus de la Résolution 1.53 fondée sur les recommandations du IV è Congrès mondial sur les parcs nationaux et les aires protégées (Caracas, Venezuela, 1992), qui demanda l?élaboration de politiques sur les aires protégées qui tiennent compte des intérêts des peuples autochtones, des pratiques coutumières liées aux ressources et des systèmes traditionnels de régime foncier.

Il est impératif de préconiser une gestion participative, d?impliquer les populations locales tant au niveau de la conservation qu?à celui de l?utilisation des connaissances sur l?environnement. Une telle stratégie devrait offrir des alternatives économiques aux populations concernées, par le biais notamment d?activités génératrices de revenus et l?aménagement d?infrastructures socioéconomiques, afin de favoriser le développement social et économique des populations vivant à la périphérie ou même à l?intérieur du parc et des zones protégées.

Le Parc National de la Salonga est un patrimoine collectif qui ne peut survivre qu?au travers d?un consensus général regroupant les différents acteurs (Etat, collectivités rurales, industriels, société civile, bailleurs de fonds, etc.). Une fois ces acteurs identifiés, les priorités d?interventions doivent clairement être hiérarchisées afin de promouvoir un échange direct entre tous les acteurs intéressés. Chacun des intervenants doit alors être conscient de ses droits et devoirs.

Le contexte dans lequel doivent s?opérer ces interventions nécessite la prise en compte du caractère culturel, des institutions locales, du savoir traditionnel, de la participation et de l?approche participative, des ONG ainsi que de la société civile. Si cette condition n?est pas réalisée, aucune autre gestion du PNS, aussi parfaite soit-elle, ne sera durable ni satisfaisante.

C?est en Afrique australe et notamment au Zimbabwe, en Zambie et au Botswana que des programmes pilotes d?association de communautés locales à la gestion des parcs furent lancés au début des années 1990 et servent depuis de référence pour la généralisation de telles pratiques sur l?ensemble du continent, voire au-delà. Avec la décentralisation des responsabilités politiques dans certains pays, des dispositifs de gestion durable des ressources naturelles, telle la faune et du foncier par les communautés locales se sont mis en place166.

En Afrique de l?Ouest (Burkina Faso, Bénin), ils sont arrivés jusqu?à la constitution d?unités de conservation de la faune permettant aux collectivités locales de s?organiser pour gérer les terres mises à leur disposition et percevoir des revenus liés à l?exploitation de la faune. Il en est de même au Congo Brazzaville avec le programme ECOFAC, dans le sanctuaire à gorilles de la Lossi, les ayants droit coutumiers des terroirs de chasse ont été associés à la valorisation de leurs terres dans une perspective de tourisme scientifique et de vision, en étroite collaboration avec les autorités administratives.

166 GIRAUT F. et al. (2003) Les aires protégées dans les recompositions territoriales africaines, Vè congrès mondial des parcs, Durban.

C?est également le cas au Gabon, dans la réserve de faune de la Lopé, où les terroirs villageois tels qu?exploités au moment de la préparation du plan de zonage, d?aménagement et de gestion, recouvrent intégralement la zone où les populations sont autorisées à pratiquer leurs activités167.

Ainsi, nous proposons un transfert réel de pouvoir aux populations locales et à leurs représentants par l?Etat. Une autonomie plus grande doit être donnée localement, et une véritable gestion « décentralisée » doit être mise sur pied où les prises de décision ainsi que la définition des règles de gestion émanent des populations et de leurs représentants, l?Etat ne gardant plus qu?un rôle d?orientation, autrement dit, définissant les conditions de cette gestion décentralisée. Dès lors, la gestion décentralisée implique autonomie et non indépendance, l?Etat et ses Services techniques assurant toujours la politique d?orientation et de contrôle.

Toujours sur la base d?une décentralisation, nous suggérons encore qu?à l?échelon national une véritable politique de gestion des ressources halieutiques du Parc National de la Salonga soit élaborée, laquelle ne peut intervenir que dans un cadre d?action démocratique respectueux du droit.

167 AURÉLIE, B. et V. JOIRIS (2006), Op.cit, p.6

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore