D?abord, à l?égard des gardes du parc, la
population locale dans son ensemble a une mauvaise opinion, due aux multiples
tracasseries (extorsion de matériels, instruments de pêche et de
chasse) qu?elle subit de la part de ces gardes. Cette même opinion
négative se manifeste au travers des relations qui se sont
établies entre cette population locale et les gardes de l?ICCN.
En effet, d?après la littérature, plusieurs
enquêtes qui se sont déroulées dans le paysage
SalongaLukenie-Sankuru, ont révélé la nature tendue des
relations qui existent entre les populations riveraines de Monkoto et le PNS et
ses institutions, en particulier les gardes de l?ICCN164. La figure
8 à la page suivante reprend les opinions des populations de
pêcheurs à propos de leurs relations avec les gardes du Parc.
163 WEBER et REVERERET (1993), cités par Binot A. et
Joiris V. (2006) Op.cit.
164 Ici, je fais allusion notamment aux études de WCS
2004, ILAMBU 2005, WWF 2005 et WFC 2006
Photo2: Interview de la population locale.
Focus-group homme (Rivière Luilaka) juillet 2006
Figure 8. Opinions des populations de pêcheurs
à propos de leurs relations avec les gardes de l'ICCN
Source: Traitement personnel à partir
des données de l?étude de Béné C. et al. (2006)
7
L?analyse de ce diagramme montre les mauvaises relations qui
existent entre les pêcheurs et les
gardes de l?ICCN. Dans l?ensemble
(pêcheurs migrants+locaux), la majorité des pêcheurs
(58,5%)
(migrants+locaux)
a indiqué les mauvaises relations avec les gardes du
parc, suivie de 30% ayant déclaré de bonnes
he
relations, tandis que 7,5% de cette population de
pêcheurs a déclaré avoir des très
mauvaises
relations, et seulement 3,8% pensent que leurs relations avec les
gardes de l?ICCN sont très
61%
bonnes.
45%
Quant aux pêcheurs locaux, le degré d?opinion
négative montre combien l?entente est difficile entre eux et les gardes
du parc. Plus de 80% des pêcheurs locaux (soit 71% pour mauvaises, et
9,7% pour très mauvaises), soulignent les relations négatives
entre eux et les gardes de parc contre seulement 19,3% de ceux qui jugent ces
relations positives, avec respectivement 16,1% pour des bonnes relations et 3,2
% pour des très bonnes relations avec les gardes du parc.
Chez les pêcheurs migrants, plus de la moitié
(54,5%) pensent que leurs relations avec les gardes du parc sont normales.
Parmi eux, 50% a déclaré que les relations sont bonnes et 4,5%
ont indiqué des très bonnes relations avec les gardes de parc.
Enfin, environ 45,5% estiment que ces relations sont négatives avec
respectivement 40,9% d?opinions pour de mauvaises relations et 4,5% pour de
très mauvaises relations.
En conclusion dans l?ensemble de la population des
pêcheurs c?est l?opinion négative (66% contre 34%) qui domine, et
l?on constate qu?il existe une nette différence entre pêcheurs
locaux et migrants, dans leurs opinions respectives par rapport à leurs
relations avec les gardes de parc. Les migrants ont tendance à
apprécier les relations avec les gardes du parc alors que les locaux
manifestent plus de mécontentement que les migrants dans les opinions
négatives (80,7% contre 45,5%), et moins de reconnaissance que les
migrants pour ce qui est d?opinions positives (19,3% contre 54,5%).
Cette attitude peut s?expliquer par le fait que ce sont les
pêcheurs locaux qui subissent le plus d?exactions et de maltraitance de
la part des gardes du parc. Un tel traitement ne fait qu?exacerber le
mécontentement, tandis que les migrants, pour la plupart,
fréquentent la rivière Luilaka pendant la saison (sèche)
de pêche et rentrent aussitôt la période terminée,
sans subir trop d?exactions.
Ensuite, la même opinion est exprimée à
propos du parc et de son partenaire principal (WWF) par la même
population, qui estime que l?ICCN qui interdit toute activité dans le
parc et exclut de sa gestion les populations riveraines, n?a aucun souci des
populations qui revendiquent leurs ressources, et par conséquent le
ressentiment les pousse à croire que PNS, « patrimoine mondial
» ne leur est profitable que pour accéder aux ressources
halieutiques, et que, en dehors de celles-ci, il ne prend soin que des animaux
et des plantes.
On peut constater ce mécontentement à travers
les citations ci-après qui reprennent les opinions des populations
riveraines de Monkoto, tirées d?un rapport sur l?évaluation
socio-économique au Parc National de la Salonga, septembre 2009:
· Perception du PNS par les villageois: .x C'est
un Patrimoine Mondial, mais sans aucun profit pour nous (la
population). Nous ne vivons pas les bienfaits du Parc : c'est un repas par
coeur; Le Parc est fait pour qui? Les animaux et les plantes, et non
pour les hommes »;
· Perception du PNS par un agent de l?administration: .x
Ndako eyambaka bapaya elalaka nzala te (La maison qui
reçoit beaucoup de visiteurs ne peut pas connaître la
famine), le Parc attire des étrangers »;
· Quant à l?interdiction d?exploiter les
ressources du PNS: .x Soki okitisi mwana mabele, lengela mpe biloko mosusu
ya koleisa ye (Si vous sevrez l'enfant, il faut prévoir comment le
nourrir, d'autres aliments) »;
Eleko oyo ezalaki mpo na biso kozua mbinzo ebele mpenza.
Lelo bopimeli biso yango mpe, bolingi kosilisa biso? (c'est durant
cette période que nous ramassions dans le parc des chenilles par
dizaines de sacs. Aujourd'hui, méme ces chenilles nous ont
été refusées. Est-ce notre extermination que vous
cherchez? )»;
· Avis d?un villageois sur le WWF et l?ICCN: .x Nous
ne connaissons pas le WWF, c'est l'ICCN que nous connaissons. Ils sont tous
deux à la base de notre souffrance. Ils ne nous autorisent pas à
pêcher ni chasser sur la terre de nos ancêtres, mais
eux-mêmes ne s'en privent pas »;
· Avis d?un villageois sur le WWF: .x C'est notre
ennemi ICCN qui l'a fait venir: l'ami de notre ennemi est aussi notre ennemi
».