Le plus souvent le conflit entre les riverains des aires
protégées et les gestionnaires de celles-ci, résulte tout
autant d?une concurrence entre acteurs de la conservation et du terroir pour
l?accès à l?espace et le contrôle de la ressource.
C?est ce que soulignent Guimbatan et Baguitlat: «
Toute intervention extérieure dans la préservation d'un
paysage géré par les populations locales, pour qu'elle
réussisse, doit tout d'abord tenir compte de la valeur patrimoniale de
ce paysage pour ses habitants actuels, et agir en conséquence. Sinon,
les mesures de protection prescrites risquent de susciter le
mécontentement de la population, de provoquer des différends
vouant à l'échec toute coopération, et méme de
causer à l'avenir des dysfonctions dans la gestion du paysage
protégé »154.
Face à l?irrationalité supposée des
ruraux, l?Etat colonial puis indépendant a voulu s?approprier les
ressources naturelles pour garantir une gestion « rationnelle ». Les
règles étatiques sont entrées en contradiction avec les
systèmes de règles existantes (là où elles
existaient), fragilisant ou détruisant les règlementations
antérieures. Et l?intervention publique va souvent de pair avec
l?imposition de logiques techniciennes « rationnelles » de gestion
des ressources, et une volonté, explicite ou implicite, de
contrôle étatique de ces ressources. Ces logiques s?opposent aux
représentations locales de l?espace et des ressources, et aux
règles locales régissant l?accès et l?exploitation des
ressources155.
Comme le démontre Vedeld, c?est sur base de principes
exogènes aux acteurs locaux, les règles d?accès et
d?exploitation, que sont définies d?autres instances d?autorité
(services techniques ou associations ad hoc contrôlées par
l?Etat). Ces nouvelles règles entrent ainsi en conflit avec les
règles et institutions locales, fragilisant ces dernières, sans
toutefois être capables de les remplacer par d?autres plus
efficaces156.
Comme partout ailleurs dans le paysage, à Monkoto on
constate l?absence de l?ensemble des acteurs tant dans la gestion du PNS que
dans le processus de négociation, plus particulièrement ceux,
parmi les autorités coutumières, à qui incombe les
questions essentielles et incontournables de l?accès à la terre
et à ses ressources.
154 GUIMBATAN R. et BAGUILAT Jr.T., (2006) « Malentendus au
sujet de la notion de conservation des rizières en terrasses, paysages
culturels des Philippines », Revue internationale des sciences
sociales, Vol.1, N°187, p. 63.
155 LAVIGNE -DELVILLE, Ph. (2001) Quelle gouvernance pour
les ressources renouvelables ? La gestion des ressources renouvelables dans le
contexte de la décentralisation en Afrique de l'Ouest, GRET,
Collection Etudes de l?AFD.
156 VEDELD T. (1996) « Enabling Local institutions
Building: Reinventing or Enclosing the Commons of the Sahel?» in Marcussen
ed Improved natural resource Management.
La sphère de l?autorité coutumière est
incontournable sur le terrain en matière de règles d?usage des
ressources naturelles et de gestion du foncier. Il en résulte parfois de
profondes contradictions entre les champs de l?autorité
coutumière et légale, notamment pour ce qui concerne
l?accès à l?espace et l?usage des ressources
naturelles157.
Or cette sphère est souvent contournée par les
représentants de Ministère et d?organismes de conservation, pour
qui le pouvoir coutumier présente un caractère
éclaté, acéphale, et particulièrement insaisissable
du fait que les autorités coutumières exercent leurs fonctions au
sein de systèmes politiques locaux non hiérarchisés. C?est
ce « contournement » des ayants-droit coutumiers qui est souvent
à l?origine de blocages récurrents, conflits, menaces verbales et
sabotages de la part des populations locales vis-à-vis des agents de la
conservation.
Par contre, les quelques initiatives de
concertation/négociation qui se mettent en place autour des ressources
naturelles, représentent autant d?opportunités pour les
élites locales et revêtent une dimension politique en termes de
jeux de pouvoir, dépassant largement les préoccupations des
populations locales, ces dernières étant manipulées par
leurs élites en faveur ou en défaveur d?un projet. Cette
stratégie s?interprète généralement en fonction de
pratiques politiciennes, mais également en fonction du degré de
corruption inscrit dans les pratiques quotidiennes.