Chapitre 3 ANALYSE DU CONFLIT DU PARC
Ce chapitre est consacré à l?analyse du conflit
entre PNS et les populations riveraines en territoire de Monkoto. Elle montrera
d?abord comment les populations riveraines accèdent aux ressources
halieutiques selon leur tradition. Ensuite viendront les différentes
stratégies des acteurs institutionnels utilisées pour implanter
le PNS (déplacement forcé des populations du territoire) et pour
sa protection (gestion unilatérale et non-implication de la population
riveraine dans cette gestion).
Sera également abordée la situation
économique de la région à partir des différents
événements qui ont affecté dans le passé les
changements dans l?utilisation courante des ressources naturelles, par les
populations riveraines de Monkoto et perturbé les conditions
socio-économiques des populations riveraines de ce territoire.
L?analyse s?achèvera par les réactions locales
des populations comme réponses aux actions extérieures du milieu,
c'est-à-dire aux actions des acteurs institutionnels et leurs
partenaires; la perception de la masse populaire vis-à-vis du PNS, ainsi
que la désobéissance civique et la non-reconnaissance de
l?autorité de l?organe protecteur du PNS
Enfin, la conclusion tentera de proposer un mode de gestion
que le protecteur et l?utilisateur des ressources halieutiques du PNS
accepteront en vue de diminuer le conflit qui existe déjà entre
ces acteurs et/ou prévenir un conflit qui pourra éclater suite au
manque d?un modèle négocié de gestion et d? utilisation
des ressources halieutique du PNS.
3.1. Accès aux forêts et aux ressources
locales
Rappelons que l?autorité au village est
représentée par le chef de village. Celui-ci est
désigné par le chef de groupement qui est le détenteur du
pouvoir coutumier pour tout le clan. Le chef de village est entouré des
« notables » chez qui réside le pouvoir de décider
comment la communauté doit préserver son passé et
organiser son devenir, il peut être responsabilisé par
l?administration et devient chef de localité avec pouvoir
politico-administratif. Le groupement correspond spatialement à un
ensemble des villages dirigé par plusieurs chefs de village. Quant au
chef de groupement, son autorité est coutumière; l?administration
entérine son titre en lui accordant un pouvoir
politico-administratif.
Les ménages locaux ont libre accès aux
ressources naturelles situées dans les forêts et les eaux de leur
village. Ces secteurs traditionnels comprennent également l?emplacement
précédent du village, tel que l?emplacement avant l?ère
coloniale où les gens non seulement chassent et pêchent, mais
récoltent des fruits et autres produits plantés par leurs
ancêtres. Les villageois peuvent défricher la forêt pour
leurs activités agricoles partout, à l?exception des
cimetières et des jachères d?autrui.
3.1.1. Mécanismes traditionnels d'accès aux
ressources
Comme mécanismes traditionnels d?accès, notons
que les chefs traditionnels continuent à contrôler l?accès
de la communauté à la forêt et aux ressources d?eaux
douces. Les individus des villages voisins et les étrangers souhaitant
accéder à la terre et aux ressources, doivent solliciter la
permission des autorités traditionnelles qui ont également le
pouvoir de refuser l?accès aux individus. Selon le village et la
ressource, l?accès peut être accordé avec ou sans
paiement.
Dans une étude sur les aspects
socio-économiques de l?utilisation et de la gestion des ressources
naturelles dans le paysage Salonga-Lukenie-Sankuru, les répondants aux
« focus groups » des hommes et femmes dans 10 villages de la
localité de Monkoto, ont été interviewés sur les
mécanismes d?accès pour l?agriculture, la chasse, la pêche
et la cueillette de produits forestiers non ligneux. La figure ci-dessous
montre les niveaux de restriction pour toutes ces catégories
d?accès.
Figure 6. Niveaux d'accès aux foréts et
aux ressources locales de Monkoto (10 villages)
0= accès libre, 1= permission, 2= Payement, 3= Pas
d?accès.
06
Source: Traitement personnel à partir
des données de l?étude de Colomb A. (2006)
La lecture de cette figure laisse voir que la restriction la
plus stricte pour des voisins concerne l?accès à la chasse,
suivie de l?agriculture et de la pêche. A Monkoto pour les
activités de chasse, l?accès est plus restrictif pour des voisins
que pour des étrangers. Tandis que l?accès aux forêts de
villages pour la collecte de produits forestiers non ligneux, pour l?usage de
subsistance, est libre aux voisins et aux étrangers.
Il ressort d?une étude des activités de
pêche sur les rivières bordant le PNS qu?à la question de
savoir « à qui appartient la rivière Luilaka du
côté de la rive opposée au parc », la majorité
de personnes interrogées à Monkoto (71%) avait répondu
« à tout le monde », insistant sur la nature d?accès
libre qui caractérise la ressource, tout au moins dans la perception que
les populations locales en ont.
L?Etat Congolais, responsable de jure de ces ressources, n?est
cité qu?en deuxième position avec seulement un quart (25%) des
réponses150.
Quant à l?accès aux zones de pêche
(rivières et étangs), la plupart des personnes interrogées
affirment que l?accès à la rivière Luilaka (cours d?eau
principal) est libre (99% des réponses) alors que l?accès aux
étangs se fait après demande d?autorisation (92% des
réponses), la plupart de temps, aux propriétaires ou au chef de
village.
En général, ces propriétaires sont des
descendants des premiers habitants des villages environnants ayant
découvert et s?étant approprié les étangs en
question, le plus souvent la demande de permission s?accompagne du payement
d?un droit d?accès (généralement une partie de capture
comprise entre 10% et 30%). Ces droits d?accès sont également
perçus lorsque les étangs se trouvent du côté du
parc.
Les conflits sont aussi possibles avec les droits
d?accès traditionnel. Notons que les populations locales acceptent et
respectent ces règles locales qui régulent de facto
l?accès aux étangs privés. Ainsi toute modification des
réglementations doit se faire en tenant compte de l?existence de droits
coutumiers ancestraux régulant l?accès aux étangs
privés si l?on veut éviter tout conflit avec le droit
d?accès traditionnel., il y a une forte cohésion de la population
locale vis-à-vis du respect de ces règles; laquelle
cohésion doit être observée à chaque fois que la
possibilité de négocier se présente.
150 BÉNÉ C. et al. (2006). Op.cit.
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