La cacaoculture est, depuis 1920, principalement
pratiquée par des producteurs sur des parcelles de petites dimensions
à l'ombre de la forêt (Gokowski et Dury, 1999). Pendant
les défriches qui précèdent l'installation, certains
arbres sont régulièrement conservés (fruitiers,
espèces médicinales, espèces ligneuses) pour assurer un
ombrage léger aux jeunes cacaoyers et pour leurs valeurs socio
économiques (Jagoret et al., 2009). Le même auteur
souligne que pendant le développement de la cacaoyère, les
producteurs introduisent dans le système plusieurs espèces
fruitières (palmiers, orangers, safoutiers, colatiers, etc.) qui se
développent en association avec les cacaoyers et les espèces
forestières conservées à l'origine. Trente-huit et 47 %
des producteurs plantant Dacryodes edulis le font par exemple avec
respectivement quatre non fruitiers et quatre fruitiers (Sonwa et al.,
2002). En plus de l'ombrage, ces arbres procurent des services et des
revenus. Les producteurs gèrent dans les agroforêts à base
de cacao des produits forestiers non ligneux (PFNL) comme Dacryodes edulis,
Irvingia gabonensis et Elaeis guinensis, des bois d'oeuvre de
haute valeur comme Terminalia superba et Chlorophora excelsa;
des fruitiers exotiques comme Persea americana, Mangifera indica, Citrus
spp et des plantes médicinales comme Alstonia boonei. Tous
ces arbres jouent un rôle essentiel dans le quotidien des producteurs.
La cacaoculture est une activité de première
importance économique et sociale pour le Cameroun (Todem, 2005). Sur le
plan économique, le cacao et le café sont les principaux produits
agricoles d'exportation (Bernard, 2003). Les trois quarts de la production
nationale de cacao sont exportés en fève et le reste est
exporté après transformation industrielle. Cependant, depuis
près d'une vingtaine d'années, les producteurs vivent des
changements dus au contexte économique provoqués par la
conjugaison de plusieurs facteurs au nombre desquels :
· la chute brutale des cours mondiaux (qui commence
dès 1986) et les limites du système de stabilisation des prix
;
· la libéralisation de l'économie en
général et de la filière cacao en particulier ;
· le démantèlement du dispositif
coopératif au profit de nouveaux modèles associatifs dont les
effets bénéfiques pour les producteurs tardent à se
manifester.
En 1989, le cours du cacao (250 FCFA/ kg) est de
moitié de sa valeur en 1985 (435 FCFA) et ces prix vont se maintenir
jusqu'en 1994, date à laquelle la dévaluation du FCFA va
contribuer à les faire remonter. Cette crise a ainsi fortement
réduit la contribution de la cacaoculture à la croissance
économique et au bien-être des agriculteurs. La conséquence
majeure est l'appauvrissement de plus en plus accentué des producteurs
qui, malgré le relèvement des prix du kilogramme (kg) au cours
des dernières années, assistent impuissants à la baisse de
leurs revenus (CTS, 2001). Face aux diminutions de revenu engendrées par
la crise cacaoyère et ses conséquences, dans certaine zone comme
la Lékié, la forte densité de population rend
l'accès aux terres difficile. Ainsi, de plus en plus souvent, les
producteurs n'ont pas la possibilité d'agrandir leurs plantations au
sein de leurs terroirs traditionnels pour contrer la baisse des prix par une
augmentation de la production (Massein, 2000).
Si on s'intéresse à présent aux prix
payés aux producteurs, on voit que la crise ne les atteint qu'à
partir de 1989, grâce au système de stabilisation qui était
alors en vigueur dans le pays. En application d'un décret
présidentiel daté du 1er septembre 1989, le prix du
cacao passe de 435 FCFA /Kg à 250 FCFA/Kg. Le cacao représente
à cette époque une part très importante du revenu des
producteurs, car le cacaoyer est depuis longtemps la principale culture de
rente dans la région du centre du Cameroun. A cause de la situation
d'incertitude qui prévaut depuis 1989 et de l'absence de
visibilité des exploitants (les prix d'achat du cacao marchand fluctuent
d'une semaine à l'autre), nombreux sont également les producteurs
de cacao qui ont
introduit dans leurs cacaoyères des arbres fruitiers
dans le but de diversifier les productions (Dury, 1999).
Si de nombreuses études ont été
réalisées dans le domaine des agroforêts à base de
cacaoyers, rares sont celles qui prennent en compte les revenus des arbres
associés aux Systèmes Agroforestiers à base de cacao
(SAFC), de l'importance accordée à chaque espèce
associée dans le système, de l'importance accordée au
cacao dans le système, et les stratégies de gestion des
agroforêts par les producteurs suite aux variations de prix du cacao
marchand.