Les contraintes de l'action humanitaire dans les situations de conflits armés: cas de la Côte d'Ivoire( Télécharger le fichier original )par Trazié Gabriel LOROUX BI Université de Cocody- Abidjan - Diplôme d'études supérieures spécialisées en droits de l'homme 2006 |
Section 2 : la dérive de l'aide humanitaire et l'impactl'évolution politique sur les contraintes humanitairesLa distribution de l'aide en Côte a connu des dérives, elle a été utilisée très souvent à des fin personnelles (paragraphe 1) heureusement que l'écoulement du temps a permis de faire face à ces contraintes (paragraphe 2) Paragraphe 1 : L'aide humanitaire comme ressources économiquesLa situation humanitaire ivoirienne ne s'est pas écartée de ce qui a été décrié partout dans le monde en guerre143(*). La cupidité et l'amoralité des hommes ont pris le dessus dans la gestion de l'aide destinée à ceux qui en avaient besoin. Elle a été tantôt utilisée comme moyen de contrôle des milices et des civils (A) tantôt comme un moyen de prédation économique (B). A : L'aide comme moyen de contrôleToute action humanitaire de masse appelle toujours à une distribution massive de l'aide aux sinistrés. Mais entre le projet de distribution et la réception par les victimes, existe un très grand écart qui est pour la plupart géré avec opacité ou légèreté. La plupart du temps l'aide n'arrive pas et cependant si elle devait arriver, c'est par le biais de certaines entités qui s'en servent pour atteindre des buts souvent dénués de toute morale. Alors que pour les humanitaires, continuer à soulager au maximum les souffrances des populations sans pouvoir autant devenir l'instrument des autres acteurs est le défi essentiel qui s'impose aujourd'hui. Ne plus fournir une aide massive et sans contrôle, ayant de fortes chances d'être captée, est une première réponse à ce défi. Même si la mise au point des techniques d'aides comme entre autres l'évaluation précise des besoins et le contrôle après distribution, s'avèrent théoriquement efficaces, que peuvent bien faire ces humanitaires ténus par les principes du DIH ? Peut être que les humanitaires doivent définir un périmètre de responsabilité pour chacune des situations dans lesquelles ils sont amenés à intervenir. Ce n'est qu'ainsi qu'ils pourront peut être remplir leurs devoirs et par cela seul faire entendre la voix des victimes, défendre leur droit à la vie, à la sécurité et la reconnaissance, à moins que cela ne s'apparente à une ingérence humanitaire qui sera mal interprétée. Le risque pour les humanitaires est alors de devenir des "sous-traitants de la puissance publique" ou de ses milices144(*). Se développe ainsi une pratique de l'humanitaire d'Etat, qui tend à paraître comme un nouvel outil de sa politique. L'aide humanitaire, qui en principe doit être considérée comme un phénomène conjoncturel145(*), est devenue un phénomène structurel, conséquence de la défaillance des mécanismes de sécurité collective des acteurs du conflit et des humanitaires. Cette défaillance s'explique par le manque d'engagement des acteurs ainsi que de la mise en place systématique d'accords de paix adaptés qui, souvent, ne proviennent pas d'un processus dynamique interne mais sont imposés de l'extérieur et favorisent souvent l'impunité146(*). Face a tant d'intrigues on se pose la question selon laquelle à qui profite l'aide humanitaire ? Les techniques de l'aide humanitaire doivent être révisées pour que celles-ci ne soient pas dévoyées mais restent au contraire fidèles aux principes qui la guident. L'étude de la situation particulière de l'ouest ivoirien a montré comment l'aide humanitaire peut être détournée subtilement de ses objectifs et de ses cibles et comment elle peut être instrumentalisée aussi bien par le gouvernement, la rébellion et les milices avec l'allure d'une véritable prédation économique. * 143 Il est fait allusion au détournement de l'aide humanitaire au Kosovo et dans bien d'autres pays * 144 La situation à l'ouest illustre bien ce tableau noir. Les milices pro gouvernementales d'auto défense (celles dirigées par Mao Glofiéï, Pasteur Gami et autres) recevaient régulièrement des vivres des autorités gouvernementales et des cadres de la région. Pour avoir à leur solde les enfants soldats et certaines populations, elles confisquaient toutes l'aides convoyées par l'Etat aux sinistrés et aussi celles convoyées parles humanitaires afin d'avoir le contrôle total de la zone. * 145 Commentaire de Véronique Lassailly-Jacob Géographe, in Les paradoxes de l'aide alimentaire dans les camps de réfugiés en Afrique, Université de Poitiers http://fig-st-die.education.fr/ http://www.hcci.gouv.fr/ on parle de aide humanitaire parce qu'une situation économique sociale est devenue difficile à vivre * 146 Les accords de Marcoussis pour la partie gouvernementale lui ont été imposés, ce qui a motivé son manque de sincérité dans l'application. Cf. L'adresse du Chef de l'Etat pour présenter les accords de Ouaga. |
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