Les contraintes de l'action humanitaire dans les situations de conflits armés: cas de la Côte d'Ivoire( Télécharger le fichier original )par Trazié Gabriel LOROUX BI Université de Cocody- Abidjan - Diplôme d'études supérieures spécialisées en droits de l'homme 2006 |
Section 2 : L'atmosphère d'insécurité du fait des acteursLa caractéristique première de la rébellion reste par nature le non respect du droit et partant de l'effondrement de l'Etat de droit. On retourne alors à l'état de nature, dans la jungle où l'autorité de l'Etat n'existe quasiment plus. Ce qui aboutit ainsi à une situation sécuritaire délétère. La sécurité des personnes et des biens qui relevait du devoir de l'Etat reste dévolue aux bénéficiaires sans véritable capacité en la matière. D'où une insécurité totale tant au niveau des civils (paragraphe 1) que du personnel humanitaire (paragraphe 2). Paragraphe 1 : L'insécurité des populations civilesLa situation sécuritaire délétère depuis le déclenchement de la crise a plongé les civils dans une insécurité sans précèdent. Cette insécurité est à double vitesse : en zone gouvernementale elle se traduit par des exécutions sommaires qui échappent au contrôle de l'Etat (A) pendant qu'en zone rebelle elle se caractérise par sa totalité (B) A : Les exécutions sommaires qui échappent aucontrôle de l'Etat
La sécurité des citoyens incombe à l'Etat de Côte d'Ivoire pour ce qui est de tous les individus vivant sur son territoire national. C'est du moins ce qui ressort de la constitution ivoirienne du 1er août 2000107(*). Ce devoir de l'Etat envers les citoyens est assuré en tout temps selon les prescriptions des lois internes et internationales auxquelles la Côte d'Ivoire a fait adhésion108(*). Mais la situation toute particulière qui prévaut depuis le 19 septembre 2002 a conduit les NU à s'investir dans cette action de protection aux cotés de l'Etat. C'est ainsi que La résolution 1464 du Conseil de sécurité des Nations unies du 4 février 2003 a autorisé «les États membres participant à la force de la CEDEAO en vertu du Chapitre VIII, de même que les forces françaises qui les soutiennent, à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la liberté de circulation de leurs personnels et pour assurer, sans préjudice des responsabilités du Gouvernement de réconciliation nationale, la protection des civils immédiatement menacés de violences physiques à l'intérieur de leurs zones d'opérations et en fonctions de leurs moyens...». Cela s'est cependant avéré insuffisant puisque les tueries et les exécutions sommaires ont doublé en ce qui concerne le nombre de victimes. Pour lutter contre ce phénomène, le gouvernement a instauré des couvres feu dans les zones sous son contrôle. C'est précisément aux heures de ces couvres feu que la plupart de ces crimes ont été commis. Ainsi par exemple, le 31 octobre 2002, Tehe Emile, Secrétaire Général du Mouvement Populaire Ivoirien (MPI) est enlevé à son domicile et est retrouvé mort le lendemain criblé de balles, à proximité de la forêt du banco à Abidjan. Mais avant, à M'Bahiakro, le 12 octobre 2002, Cissé Adama, Commissaire politique du RDR succombe des coups et blessures reçus lors de la perquisition de son domicile par des éléments des forces de l'ordre. Le 06 novembre 2002, quelques jours seulement après l'annonce de l'appartenance de Louis André Dacoury Tabley au MPCI, son frère cadet le Dr Benoît Dacoury Tabley, est enlevé sur son lieu de travail et est retrouvé mort sur la route d'Anyama. Par ailleurs, c'est le représentant du Consul du Mali, Touré Bakary, qui est enlevé et retrouvé mort dans un marécage à Labia le 25 octobre 2002. A cela il faut ajouter l'assassinat en pleine ville (Plateau) du journaliste Jean Hélène et la disparition du journaliste Gui André kieffer le 16 avril 2004. L'ampleur des crimes a poussé le gouvernement à créer par décret présidentiel en juillet 2004 pour assurer la sécurité à Abidjan une nouvelle force de sécurité d'environ 1700 hommes appelé Centre de Commandement des Opérations de Sécurité (CCOS). Cette unité plutôt que d'assurer la sécurité des civils au regard de ses attributions a crée l'insécurité au sein de la population même si le gouvernement soutient qu'elles ont eu lieu dans le cadre de la lutte contre la criminalité de droit commun109(*). La république brûle il faut la défendre, c'est dans ce cadre que la Fédération Scolaire et Estudiantine de Côte d'Ivoire (FESCI), s'est crut obligé de commettre des exactions notamment des actes de torture et des viols sur des étudiants perçus comme étant des partisans de l'opposition et même sur d'autres civils. Il en a été de même avec les milices progouvernementales qui ont semé la terreur au sein de la population. C'est le cas de l'ouest où les éléments du Pasteur Gami et Maho Glofiéi ont terrorisé toute la population du Moyen Cavally. Toute cette situation a fait régner une atmosphère de terreur extrême et de suspicion généralisée. Certaines personnes en profitent pour régler de vieux comptes personnels, d'autant plus facilement qu'une catégorie précise de personnes est, de par son appartenance politique et/ou son origine, considérée sans preuve comme « assaillant » potentiel. Il en a été de même en zone rebelle. * 107 Aux termes de l'article 6 de la constitution ivoirienne, « L'Etat assure la protection des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées » * 108 Certains Etats avec la Côte d'Ivoire, à la conférence de Niamey se sont proposés en cas de conflit armé, de faciliter l'accès aux civils en cas de besoin et d'assurer leurs sécurité, c'est du moins ce qui ressort de cette Conférence sur le droit international humanitaire pour la protection des populations civiles en cas de conflit armé en Afrique Niamey, 18-20 février 2002 point 14 de la déclaration finale * 109 Rapport d'Amnesty International sur la Côte d' Ivoire pour l'année 2005 |
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