b. Un outil soumis à un ensemble de
contraintes
Au sens pratique, l'évaluation se heurte
à un ensemble de contraintes, à commencer par les délais
qui lui permettent de s'inscrire efficacement dans un processus de
décision. Il s'agit ensuite de la pertinence du modèle, de la
transparence de la démarche ainsi que de la crédibilité
des résultats. Les questions posées doivent être
traitées dans leur intégralité et les réponses
communiquées dans un langage compris et accepté par l'ensemble
des parties impliquées. Au final, l'évaluation doit conduire
à des recommandations donnant lieu à des perspectives, à
travers la diffusion d'un document de vulgarisation destiné à
informer des politiques envisagées et des enjeux qu'elles
impliquent.
Emettre un jugement de valeur peut correspondre
à des intentions très différentes : certifier d'un niveau
de performance (évaluation sommative qui correspond au rating), faire
état d'une évolution (évaluation pronostique) ou
réguler des défaillances (évaluation formative qui
correspond au benchmarking). Il s'agit des trois grandes fonctions de
l'évaluation (Mommen [1999]). Ce processus dépasse la notion de
mesure et consiste en une progression d'étapes que Hadji regroupe dans
un même schéma, pour expliquer le passage du concept de mesure
à celui d'évaluation (cf. encadré 5).
Encadré 5 : Frontière entre les dimensions
de mesure et d'évaluation
Zone frontière
Contrôle
Evaluation appréciative
Interprétation
Pôle mesure
Mesurer
Estimer
Apprécier
Comprendre
Pôle évaluation
Avec
référent prédéterminé
Sans
référent prédéterminé
Description quantitative de la réalité
Régulation critique
Source : Hadji [1992], p. 2.
L'auteur délimite clairement les deux
pôles par une zone frontière et montre que l'évaluation
n'est que l'étape finale d'un processus impulsé par la
volonté de mesurer. La première étape est l'estimation et
consiste en l'attribution d'un nombre sur la base d'un référent
construit dans le cadre de l'étude. La seconde étape est
l'appréciation sur la base d'un référent qui
diffère selon la situation et les contraintes de l'étude (ce qui
introduit davantage de subjectivité). La dernière étape
est la compréhension et suppose l'interprétation d'une
réalité. Nous retrouvons donc les trois fonctions de
l'évaluation reprises sous un angle dynamique en vue d'établir un
ordre chronologique.
Plus proche de l'estimation que de la mesure, c'est
finalement la note qui va permettre de dépasser la zone
frontière. La question est cependant de savoir si les résultats
d'une telle analyse sont justes aux deux sens du terme, c'est-à-dire
exacts (justesse) et équitables (justice). Or, vouloir traduire la
valeur de l'objet évalué par une note sousentend l'expression
d'une préférence. Le pôle mesure renvoie donc pleinement
aux notions de sélection et de classement, alors que le pôle
évaluation s'inscrit dans une logique de compréhension. En somme,
il s'agit de comprendre le fonctionnement de l'objet évalué afin
d'adopter la stratégie la plus à même de le motiver dans
l'atteinte de ses objectifs.
Dans la pratique, l'évaluation permet
d'établir un diagnostic (potentiel de base et aptitudes), de
façon à pronostiquer les chances de réussite d'un projet.
Elle permet aussi de contrôler le niveau de réalisation des
objectifs ainsi que le niveau de compétence acquis. Ainsi
définie, l'évaluation est à la fois une opération
de lecture orientée de la réalité et un moyen de
régulation. Elle concourt à placer l'objet évalué
au centre du système de représentation et à ajuster son
évolution de manière à concorder avec les exigences de son
environnement. Par conséquent, à partir du moment où un
processus de rating ou de benchmarking est pensé comme une
activité d'appui à la concrétisation de projets
(politiques économiques ou programmes de réforme),
l'évaluation devient un mode de compréhension, voire un outil
d'aide à la décision.
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