2.1.3 Le tahr
Les deux espèces fossiles qui ont peuplé la
France sont Hemitragus cedrensis et Hemitragus bonali. Au
début du Pléistocène moyen c'est H. jemlahicus
qui migre depuis l'Asie (Tibet) donnant naissance à une nouvelle
espèce H. bonali. La période du Riss constitue une
période de transition avec la disparition d'H. bonali et
l'apparition d'H. cedrensis. C'est au début du Riss III que
l'on identifie Hemitragus cedrensis. Au cours de l'interglaciaire du
OIS 5e on assiste à une raréfaction de cette espèce,
à peu près à la même époque où C.
ibex commence à s'installer dans la région
(Crégut-Bonnoure, 2002). Les deux espèces seraient-elles
rentrées en compétition ? Le stade isotopique 5 marque la
disparition du tahr dans la région provençale et en France. Il
semble donc peu probable que celui-ci soit présent dans l'assemblage du
gisement de Pié Lombard qui se situe durant la période
d'expansion du genre Capra et d'extinction du genre
Hemitragus. Cependant si cette espèce est identifiée
à Pié Lombard il s'agirait vraisemblablement d'H.
cedrensis.
2.1.4 Capra et/ou Hemitragus ?
Nous allons d'abord vérifier à l'aide de
critères morphologiques si Hemitragus est présent dans
la collection. En prenant en compte la situation géographique du site
(les AlpesMaritimes) et la période (OIS 5) pendant laquelle a eu lieu
l'accumulation osseuse, nous allons effectuer une comparaison morphologique
entre Capra ibex et Hemitragus cedrensis.
Il n'est cependant pas impossible que Capra caucasica
est aussi fait partie du cortège faunique de cette région
à cette époque, mais là aussi certains critères de
distinction morphologique permettent d'écarter cette
éventualité. En effet chez C. ibex la P2 est
biradiculée et le métaconide de la P3 dilaté ; alors que
chez C. caucasica la P2 est triradiculée et le
métaconide de la P3 rarement dilatée (Crégut-Bonnoure,
2002). A Pié Lombard toute les P2 sont biradiculée à
l'exception d'une seule dent triradiculée, probablement une
originalité individuelle et le métaconide de la P3 est
dilaté.
En synthétisant les données publiés par
P. Fernandez (2006) et E. Crégut-Bonnoure (1992, 2002, 2005-2006)
concernant les critères morphologiques de distinction entre Capra
ibex et Hemitragus cedrensis, nous sommes en mesure de juger de
l'absence ou de la présence d'Hemitragus dans la collection
(fig. 6 et 7)
2.1.4.1
Dentition supérieure
Hemitragus cedrensis :
P2/
M1/
- Racine en position mésio -linguale plus
développ
é et avance du côté linguale
- Racine de la face distale
peu étendue
M3/
- Dent parfois triradiculée.
- Echancrure vestibulo-
linguale diagonale
marquée (1)
-
Face vestibulaire le parastyle et le
mésostyle dessinent un « V » (3)
- Présence d'un renflement baso-linguale
du lobe distal
- Obliquité baso-linguale
de la surface du
lobe distal marquée
3
Face vestibulaire
Face occlusale
1
Capra ibex :
P2/
M1/
-
Racine linguale en position nettement
mésiale et un peu moins de la moitié du lobe
distal
-
Racine distale volumineuse
M3/
-
Développement important du lobe de l'aile
métastylaire (4)
-
Obliquité de la surface du lobe distal
modérée
- Dent biradiculée.
-
Face mésiale très échancrée
au niveau de la couronne (2)
2
Face linguale
Face linguale
4
Figure 6
: Critères de distinction morphologique entre
Capra ibex et Hémitragus cedrensis pour la dentition
-Bonnoure, 2002 et 2005-2006).
supérieure (d'après Fernandez 2006 et
Crégut
2.1.4.2 Dentition inférieure
Hemitragus cedrensis :
|
Capra ibex :
|
P/3
-
-
|
Sillon vestibulo- linguale marqué
Présence d'un renflement basal
modéré de
l'entoconide et du paraconide du lobe distal en
face vestibulaire
|
P/3
- Sillon vestibulo- linguale peu profond
- Présence d'un renflement basal sur le
bord
distal marqué
|
P/4
- - -
-
|
Absence d'un renflement basal du lobe distal
Dilatation du métaconide limitée
Entoconide très peu visible
Sillon distal peu visible
|
P/4
- - -
-
|
Présence d'un renflement basal du lobe
distal Dilatation du métaconide
marquée
Dilatation de l'entoconide réduit
Sillon distal large et obliquité marquée
de la surface linguale du lobe distal v ers le milieu
de la dent
|
M/1
-
|
Sur la face linguale présence d'un
creusement vers la base de la couronne (1)
1
Face linguale
|
M/1
-
|
Absence de creusement en face linguale
Face linguale
|
M/3
-
|
Le bord distal du dernier lobe est étroit
dans sa partie supérieure (2) et présente un
renflement dans sa partie inférieure (3)
2
3
Face vestibulaire
|
M/3
-
|
Le bord distal du dernier lobe est épais
sur toute sa hauteur (4)
4
Face vestibulaire
|
Figure 7
: Critères de distinction morphologique entre
Capra ibex et Hémitragus cedrensis pour la dentition
-Bonnoure, 2002 et 2005-2006).
inférieure (d'après Fernandez 2006 et
Crégut
Les vestiges dentaires de Pié Lombard sont clairement
de type Capra ibex. Notamment d'après l'observation des
particularités morphologiques des P2 et M3 supérieures et des P4,
M1 et M3 inférieures. Les clichés photographiques des tableaux
ci-dessus représentent le matériel dentaire des caprinés
de Pié Lombard. Certains critères ont été plus
discriminants que d'autre, comme par exemple la présence chez Capra
ibex d'une aile métastylaire plus développée sur les
M3, d'un sillon distal plus large sur les P4, ou encore de l'absence
d'un creusement vers la base de la couronne sur la face linguale des M1.
Cependant durant le OIS 5 de part et d'autre du Rhône,
deux sous espèces de C. ibex ont été
identifiées (Crégut-Bonnoure, 1992) : C. ibex cebennarum
et C. ibex ibex. Le premier a été identifié
à l'ouest du Rhône dans les gisements des Pêcheurs
(Ardèche), à la Sartanette (Gard) et à Mialet (Gard) et
présente un morphotype dentaire différent de celui de son
contemporain C. ibex ibex. La différence morphologique se situe
au niveau des molaires avec un raccourcissement des deux premières
molaires et un développement de la troisième chez C. ibex
ibex. Cette différence prouve certainement l'absence
d'échange est-ouest de l'axe Rhodanien. (Crégut-Bonnoure,
2002)
Les comparaisons métriques effectuées entre les
dents de Capra (sur des individus adultes) de l'abri Pié
Lombard et de la grotte des Pêcheurs montrent que la longueur et la
largeur occlusale maximale sont nettement supérieures chez Capra
ibex cebennarum de la grotte des Pêcheurs que chez Capra
ibex de l'abri Pié Lombard pour les dents jugales
définitives supérieures (fig.35 et 36). Pour les dents jugales
définitives inférieures on observe que la longueur occlusale est
supérieure chez Capra cebennarum mais elle est beaucoup moins
marquée que sur les dents supérieures alors que la largeur
occlusale est quasiment comparable avec cependant une très
légère supériorité pour les dents de la grotte des
Pêcheurs (fig. 37 et 38). En d'autre terme, cette comparaison soutient
l'existence à cette époque (OIS 5) de deux morphotypes :
Capra cebennarum qui occupe un territoire à l'ouest du
Rhône et qui, d'après les études morphologiques et
métriques, semble posséder une dentition plus robuste que son
voisin Capra ibex ibex qui évolue à l'Est du
Rhône. Le bouquetin de Pié Lombard est vraisemblablement Capra
ibex ibex.
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