3. Archéozoologie : Structure de la
population
3.1 Taphonomie
L'objectif principal de l'étude taphonomique du
matériel dentaire de Pié Lombard est l'examen de traces
éventuelles d'activités anthropiques. Le matériel dentaire
n'est pourtant pas le support le plus diagnostic pour déterminer le
degré et la fréquence de l'action humaine sur l'assemblage
faunique. Les ossements se prêtent plus volontiers à cette
étude : traces de découpes, types de fracturations, taux de
fracturation, action du feu...
L'activité potentielle qui peut être
repérée sur le matériel dentaire est, entre autre, la
récupération de la moelle osseuse contenue dans le canal
mandibulaire. Dans ce cas on peut observer des traces d'impacts et une
fracturation typique de forme hélicoïdale sur la mandibule. Les
racines des dents sont en générales fracturées au moment
de la percussion. Mais cette activité n'est pas pratiquée de
manière systématique, elle dépend à la fois des
besoins nutritionnels humains, de l'état de santé
de l'animal tué ainsi que du moment oücelui-ci a
été exploité par l'homme. Mais à Pié
Lombard, rien n'indique que les animaux ont
été chassés par les humains puis
transportés à l'abri. Les hommes ont pu profiter de la
présence d'animaux déjà morts pour récupérer
certaines parties encore comestibles.
L'étude des mandibules (11) et des maxillaires (11), ne
révèle pas de traces explicites de fracturation ou de
découpe. La partie incisive du corps mandibulaire n'est jamais
présente et seule une mandibule a été retrouvée
avec sa branche mandibulaire (fig.43). Cette séparation n'est pas
forcément d'origine anthropique, la partie incisive du corps
étant plus cartilagineuse et donc plus fragile. Lorsque la partie
molaire du corps a disparu on ne remarque aucune trace de fracturation due
à une percussion, ni aucun point d'impact. De plus les racines des dents
semblent plus endommagées par des processus post dépositionels
que par une réelle fracturation. Pour les fragments de maxillaires,
seule une partie du processus palatin et du corps maxillaire sont encore
présents. Comme pour les mandibules, l'os incisif a disparu (fig. 44)
Les racines des dents isolées ne portent pas de traces
évidentes de fracturation. Elles sont souvent entières et
semblent indiquer que la dent s'est déchaussée de manière
naturelle (ni fracturation anthropique, ni piétinement). Enfin de
nombreuses séries dentaires ont été retrouvées sans
corps mandibulaire.
![](Etude-des-dents-de-caprines-de-l-ensemble-mousterien-de-l-abri-Pie-Lombard-Alpes-Maritimes-31.png)
Taux de fragmentation du NRDT
9%
24%
67%
Pour résumé : peu de séries dentaires
retrouvées avec leurs corps mandibulaire ou maxillaire, un assemblage
composé presque exclusivement de dents isolées, des racines peu
ou pas endommagées (fig.45) ; suggèrent une longue exposition
à l'air libre. En effet l'action du weathering (Behrensmeyer, 1978) qui
désigne les altérations liées aux conditions
météorologiques, semble avoir eu un impact sur la conservation du
matériel (fissuration longitudinale). Même si on ne peut pas
estimer de manière précise la durée de l'exposition,
celle-ci a été suffisante pour que le dessèchement du
crâne entraîne le déchaussement des dents.
Une fois la dent isolée de son corps osseux elle
devient plus sensible aux processus post-dépositionels. Le pourcentage
de fragmentation est de 33% du NRDT (nombre de dents total). Il prend en compte
les fragments déterminables et non déterminables. Nous avons
séparé en deux catégories les restes fragmentés.
Une première catégorie regroupent les fragments
déterminables soit 26% du nombre de reste fragmenté et 9% du NRDT
(molaire ou prémolaire, dent inférieure ou supérieure),
avec dans la plupart des cas une séparation de la dent au niveau de la
zone interlobaire, la structure du lobe reste entière ou quasi
entière. La deuxième catégorie est composée des
restes non déterminables soit 74% du nombre de reste fragmenté et
24% du NRDT, dont la structure qui perd sa cohésion se débite en
plaque. Nous avons aussi intégré dans cette catégorie les
fragments de moins de 1cm, qui ne sont pas nombreux (fig.15).
La fragmentation dépend aussi de l'âge et du
stade d'usure. On remarque donc sur le matériel de Pié Lombard un
degré de fragmentation inégale entre les jeunes individus dont la
structure dentaire est plus fragile (pas de racine et cohésion moins
dense entre les lobes due à une faible usure et qui peuvent se
séparer plus facilement) et les adultes possédant une racine
fermée et une structure dentaire plus compacte. Ce biais taphonomique
peut avoir des répercussions importantes pour l'étude des profils
de mortalité. Même si une sousreprésentation des jeunes
individus ne peut pas être uniquement due à un biais taphonomique,
il convient de rester prudent sur les interprétations.
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