7.2.3. Retour sur l'approche de recherche
utilisée
La recherche a été conduite suivant l'approche
systémique en partant du fait que le sujet étudié est
d'une certaine complexité (Lhoste, 1984; Landais 1992 &
1994 ; Daget & Godron, 1995). Cherchant à voir comment les hommes et
leurs animaux (système social) influaient sur l'état des
ressources naturelles (système naturel ou fourrager) et comment ils
s'adaptaient aux nouvelles conditions qui en résultaient, l'option
choisie nous paraissait judicieuse. Il est constant, en effet, que la
végétation et les ressources naturelles en général
réagissent à l'exploitation animale et que le bétail
s'adapte, à son tour, au nouvel état ainsi créé
(Grouzis, 1982 ; Daget & Godron, 1995). Il faut préciser que le
fonctionnement et la dynamique de l'élevage ne peuvent être saisis
que si ceux-ci sont replacés dans le contexte - entendu comme l'ensemble
formé par les ressources naturelles ainsi que les pratiques et
représentations des hommes - où ils s'opèrent. Pour
aborder cette réalité que représente ce socio -
écosystème ou système
éleveur-troupeau-environnement (Djenontin, 2010), l'approche
pluridisciplinaire s'imposait et les compétences que nous avions au
début de cette thèse se sont avérées insuffisantes.
Il faut rappeler que nous sommes zootechnicien à la base et que, pour
"passer la frontière" (Jollivet, 1992 in Djamen, 2008) de cette
discipline, il nous a fallu nous former en télédétection
et cartographie/SIG et parfaire nos connaissances en écologie
appliquée.
Ainsi donc, nous avons utilisé une batterie de
techniques et d'outils complémentaires qui s'appuient sur des
méthodes de diagnostic participatif et d'évaluation des
ressources pastorales.
L'intérêt de l'approche participative de
diagnostic utilisée c'est qu'elle mobilise les acteurs, permet de mettre
à jour des réalités ou connaissances qui, autrement,
seraient passées sous silence, elle jette, en outre, les bases d'une
relation de confiance entre les acteurs du processus de recherche. Sans compter
que lorsque le processus participatif est bien conduit, il permet
d'économiser en temps et en ressources pour des résultats presque
aussi intéressants que ceux qu'auraient générés des
dispositifs expérimentaux plus lourds. Ainsi, par exemple, nous n'avons
pas décelé de grands écarts entre les
représentations des éleveurs sur leurs milieux et leur calendrier
pastoral saisonnier par rapport à la réalité pratique
révélée par les analyses écologiques de terrain
ainsi que le suivi des troupeaux au pâturage; les éventuels
écarts étaient d'ailleurs révélateurs des
contraintes qui se posent aux éleveurs, ce qui permet d'identifier les
obstacles au fonctionnement "normal" du système.
L'approche telle que nous l'avons mise en oeuvre, demande
à être complétée pour permettre d'aller jusqu'au
bout de la logique qui la sous-tend. Le suivi de troupeau, s'il a permis de
comprendre que les choix des sites par les éleveurs et leurs troupeaux
se faisaient de manière raisonnée et bien souvent rationnelle, il
ne permet cependant pas de rendre compte de l'efficacité desdits choix.
En effet, des mesures de performances zootechniques (état corporel, gain
ou perte de poids ou d'autres productions) permettent d'établir
l'état nutritionnel (Dumont et al. 2001) des troupeaux et de
répondre à cette préoccupation qui constitue finalement le
but ultime des éleveurs. Une analyse comparée des performances
des animaux suivant les options opérées par chaque éleveur
ou groupe d'éleveurs, pouvait renseigner sur l'état des
différentes unités pastorales fréquentées par les
troupeaux (Lhoste et
al. 1993 ; Daget & Godron, 1995 ; Kagoné,
2000 ; Djenontin, 2010) et permettre de contourner la difficulté
posée par les méthodes directes d'estimation des charges.
D'après Boudet (1978), Lecrivain et al. (1993), Daget &
Godron (1995) et Kagoné (2000), les essais de charge avec bétail
permettent d'améliorer les estimations directes (mesure de biomasse) des
capacités des pâturages. Les auteurs font observer que quand le
gain de poids des animaux compense la perte de poids, les parcours sont en
situation stable et les animaux couvrent juste leurs besoins d'entretien. Si
par contre, le rapport entre la perte et le gain de poids est supérieur
à un (perte nette), cela traduit une situation de surcharge desdits
parcours. Inversement, s'il est inférieur à un (gain net), cela
indique que les charges sont inférieures aux capacités des
pâturages. Par ailleurs, le comportement alimentaire des animaux pouvait
être affiné en s'intéressant à la composition
botanique des prises alimentaires, au rythme de prise, aux quantités
ingérées, etc. (Kagoné, 2000). En outre, il apparait
nécessaire de procéder à l'évaluation du fourrage
aérien et des résidus culturaux fortement exploités en
vaine pâture où mis en stock et redistribués en
période de soudure ; ceci dans le but de mieux préciser la
situation fourragère locale en période sèche. Cependant,
le fait de ne l'avoir pas fait à ce stade signifie que les
capacités de charge ont été sous-estimées, ce qui
dans l'absolu n'est pas mal dans une approche de gestion durable qui commande
la prudence.
Ces aspects sont pris en compte dans nos projets de recherche
futures.
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