WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Ressources fourragères et représentations des éleveurs, évolution des pratiques pastorales en contexte d'aire protégée. Cas du terroir de Kotchari à  la périphérie de la Réserve de biosphère du W au Burkina Faso

( Télécharger le fichier original )
par Issa Sawadogo
Museum national d'histoire naturelle de Paris (ED 227) - Docteur du museum national d'histoire naturelle spécialité physiologie et biologie des organismes  2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

3.4.2. Les systèmes extensifs

3.4.2.1. L'élevage sédentaire

L'élevage sédentaire est pratiqué par les groupes socioculturels autochtones (les Gourmantchés) ou anciennement installés (les peuls sédentaires). Ce type d'élevage est présent dans la zone depuis bien longtemps. Benoit (1998) et Santoir (1998 & 1999) signalent sa présence dès le début du siècle dernier. Les caractéristiques de cet élevage, qualifié aussi d'agropastoral, sont différentes d'un groupe socioculturel à l'autre.

Chez les autochtones gourmantchés, agriculteurs traditionnels, les troupeaux étaient initialement de petite taille et constitués essentiellement de petits ruminants dont la garde se faisait surtout en saison pluvieuse et au piquet. L'intégration des bovins dans les exploitations s'est opérée lentement avec le temps et s'est accélérée avec les sécheresses qui ont suscité des échanges entre éleveurs peuls et agriculteurs gourmantchés sous-forme de troc (bétail contre céréales) et l'adoption de la mécanisation agricole (il fallait des boeufs de trait) plus récemment grâce à la généralisation de la cotonculture. En 1989, 25% de bovins et 10% de petits ruminants étaient détenus par les autochtones (Santoir, 1999). Ces taux ont dû évoluer de nos jours avec le coton. Cette culture, en procurant des revenus importants aux agriculteurs à partir de la fin des années 90, leur a permis d'accroitre leur cheptel composé essentiellement à l'origine de Berbaji33 et de Gurmaji (zébu introduit par les peuls sédentaires) ou des produits de leur métissage (Gurmaji x Berbaji).

Les Peuls sédentaires ou semi-sédentaires, les Gurmaabe selon l'appellation de Santoir (1998), se sont installés dans la zone à la suite d'un long processus migratoire soutenu par les crises climatiques successives qu'ont connu les régions sahéliennes. Ces éleveurs

33 La plupart des termes locaux ici utilisés pour désigner les ethnies et les races animales sont de Santoir (1999). Dans la suite du présent manuscrit notamment dans les chapitres V & VI, beaucoup de termes de ce genre reviennent. Dans ce cas, leur transcription suit les normes proposées par Olivier de Sardan (2003).

migrants se sont adonnés à l'agriculture, certains pour la première fois (Santoir, 1998), à laquelle ils restent de nos jours fortement attachés. On sait en effet qu'à la suite de sécheresses et famines, les groupes pastoraux qui ont perdu une grande partie de leur bétail se fixent ainsi à proximité d'espaces cultivés (Bonfiglioli, 1990). Dans le terroir de Kotchari, les Peuls sédentaires continuent d'être fortement engagés dans l'élevage qui constitue d'ailleurs leur principale activité. La taille des troupeaux est variable, elle est liée au rythme de reconstitution d'un cheptel qui avait été presqu'entièrement décimé. Ce cheptel est en général plus nombreux que celui des troupeaux gourmantchés, mais il est courant que, dans ces élevages, certains animaux soient confiés en gardiennage par des agriculteurs (constat fait également par Lhoste et al. (1993)), des fonctionnaires ou des commerçants locaux. Les troupeaux sont à l'origine composés majoritairement de Gurmaji mais on rencontre aussi des Kiwali34, des Jaliji (race originaire de Torodi et du Nigéria), des Gudali (venant de Sokoto au Nigéria) et des Boboroji. Par ailleurs, c'est au sein de ce groupe de Peuls que les grands éleveurs gourmantchés recrutent leurs bergers salariés. En effet, Santoir (1999) fait observer que « le bétail est confié par les Gurmance à leurs Peuls et le confiage demande que Peuls et Gurmance se connaissent et aient cohabité pendant un certain temps ».

Encadré III-1. La sédentarité des pasteurs : entre reconstitution des forces et voyage sans retour

La question de la sédentarisation des éleveurs pasteurs est un sujet qui fait débat de nos jours, après avoir été expérimentée sans succès au début des indépendances (Boutrais, 1994). En effet, les tenants de cette solution arguent du fait qu'il y a bien des éleveurs pasteurs aujourd'hui sédentarisés ou que de toute façon l'espace étant en manque cette alternative s'imposerait d'elle-même. On peut toutefois se demander si la sédentarisation évoquée en est réellement une et, si c'est le cas, si elle est définitive. La question sous-jacente est de savoir à partir de quelle durée d'installation on peut commencer à parler de sédentarité ? Plusieurs exemples montrent que la sédentarité des pasteurs est vécue comme un mal être par les principaux concernés. Bonfiglioli (1990) et Santoir (1999) abordent la question en mettant l'accent sur la complexité du sujet pour lequel toute réponse doit être nuancée. Le premier auteur, s'intéressant aux mouvements des communautés pastorales de l'Afrique sahélienne après les crises alimentaires de 1973 et de 1984 (Woodabe du Niger, Touareg du Mali et du Niger, arabes Missiriye du Tchad, Maures de Mauritanie) ou à une crise de peste bovine survenue dans un lointain passé (Woodabe du Nigéria), qualifie les phases de sédentarisation observées au sein de ces peuples « d'agropastoralisme d'attente ». Pour lui en effet, cette sédentarité provisoire ou de transition des pasteurs survient après des pertes importantes du cheptel, et elle vise juste à permettre, par la fixation des habitats, la réduction des mouvements et la pratique de l'agriculture, d'assurer la survie du groupe et de reconstituer le cheptel ainsi perdu avant de reprendre, en temps opportun, la liberté. La sédentarité apparait alors comme une stratégie de survie. A ce propos, Baroin (2003) et Dongmo (2009) évoquent

34 Cette race bovine a été introduite dans la zone par les peul Siwalbe (ou Kiwabe) (un lignage relevant du grand groupe d'éleveurs Woodabe aussi appelés Mbororo originaires du Nigeria qui se sont installés après les indépendances dans les terroirs de Kotchari et de Mardaga.

des stratégies d'adaptation au contexte écolimatique et socioéconomique. Ces observations sont corroborées par les constats faits par Santoir (1999) qui s'est intéressé au processus d'occupation de l'espace Gurmance par les Peuls Gurmaabe dans l'Est du Burkina. L'auteur note un recul de la sédentarité peule dans la Tapoa dès après 1985, puisque beaucoup de Peuls qui s'y étaient installés à la suite des différentes sécheresses sont repartis vers leurs régions d'origine mais surtout vers l'étranger. Il avait, en effet, observé que, parmi les familles recensées dans la zone entre 1983 et 1986, seulement 39 % d'entre elles étaient restées sur place ou à proximité. Finalement cette sédentarisation reste relative et entrecoupée de déplacements plus ou moins longs. Ceci amène Boutrais (1984) à considérer que chez lez peuls, on rencontre rarement une immobilisation complète, ce que confirment Lhoste et al. (1993) qui constatent que « les pasteurs forcés de changer de mode de vie après la disparition de leur troupeau tentent de reprendre leur vie nomade, après avoir reconstitué leur cheptel ».

Il existe cependant un noyau plus ou moins important de Peuls initialement pasteurs qui ont « réussi » leur sédentarisation en devenant agropasteurs notamment dans le sud-ouest du Niger (Bolé et Gosso par exemples ; Riegel, 2002) et dans la partie sud de la Tapoa (communes de Tansarga et Logobou), en particulier à Kotchari. Raimond (1999) a noté une tendance à la sédentarisation d'éleveurs dans certains terroirs du bassin du lac Tchad dans un contexte de surcharge animale des parcours. Ces éleveurs qui s'adonnent à l'agriculture, intensifient leurs élevages grâce à l'embouche bovine et ovine. Ce type de sédentarisation a été qualifié « d'agropastoralisme de sécurité » ou de « voyage sans retour » par Bonfiglioli (1990), il est l'aboutissement d'une crise chronique et s'opère généralement par un changement radical (changement dans les races comme l'a observé Boutrais (1984) au Nord Cameroun et au Nord Côte d'Ivoire), qui n'est pas toujours positivement assumé puisqu'il ne résulte pas toujours d'un projet réfléchi mais relève plutôt d'une logique de survie.

63

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote