Section 6.04 IV.2. Etat des connaissances sur les
modèles de productivité des écosystèmes
forestiers.
Les modèles de production forestière sont l'un
des plus anciens types de modèle et remontent au
19ième siècle avec les premières tables de
correspondance qui cherchaient à prédire la production en
fonction de paramètres dendrométriques. Actuellement, la
révolution informatique permet de simuler la production des individus ou
des formations végétales.
Les indices sur le site comme la hauteur dominante ou
l'âge sont le plus souvent relevés. La plupart de ces
modèles cherchent à tenir compte de la relation complexe entre la
densité des arbres et leur croissance en diamètre et en hauteur.
Ce type de modèle est largement appliqué à
l'échelle de l'individu et certains chercheurs prennent en compte la
mortalité pour mieux affiner leur prévision.
i) Pendant les trente dernières années,
plusieurs modèles ont été développés pour
analyser différents aspects du cycle du carbone y compris la dynamique
de la végétation en relation avec les stocks de carbone.
L'estimation de la PPN (Productivité Primaire Nette) est au centre de la
plupart de ces modèles. Du fait des limites techniques et des
contraintes environnementales (facteurs et mécanismes terrestres), les
approches ont été diversifiées. Les analyses les plus
simples ont exploré les relations linéaires empiriques entre la
PPN et des paramètres telle que la température, les
précipitations utiisées dans le modèle de Miami. A l'autre
extreme, nous avons les modèles biochimiques comme TRIFFID et BIOME3
plus complexes (modèles de processus).
Ces modèles biogéochimiques ont
été testés en comparant des résultats de simulation
à des paramètres observables comme la croissance ligneuse sur une
période de temps relativement courte (~ 5 ans). Cette adéquation
entre les résultats des simulations et la croissance des arbres, suppose
une bonne évaluation de la photosynthèse, de la respiration, de
l'allocation de carbone dans les différentes parties de l'arbre et du
processus de renouvellement des tissus (Waring et Running, 1998).
ii)
Le défi lié aux modèles forestiers
réside en général sur leur capacité à bien
reproduire les perturbations des écosystèmes. Ces perturbations
étant complexes et non linéaires. Les différences dans la
plupart des modèles résident dans l'élaboration de
sous-modèles introduisant l'utilisation de feux, de coupes de bois ou
d'une longue sécheresse.
iii)
iv) Malgré leurs différences, les
résultats obtenus à partir de ces modèles sont
relativement proches sur les tendances, mais divergent sur l'ampleur des
modifications de biomasse. Il est relativement difficile de détailler
les différences entre les modèles. Un des problèmes
majeurs de la modélisation est l'harmonisation des paramètres
utiisés et la standardisation des variables tels que l'humidité,
la vitesse du vent, le type de sol, la distribution de la
végétation, etc., (Adams et al., 2004). D'autres
différences dans l'approche sont aussi notées sur la
caractérisation des types de sols et des catégories de
végétation, notamment sur la nomenclature et les critères
retenus à cet effet. Aussi, les modèles utilisent-ils un taux de
carbone global qui varie entre 280 ppmv à 360 ppmv. Ce qui a
entraîné des différences dans la prédiction qui
varient de 40 - 80 GtC par an. Beaucoup d'incertitudes accompagnent ainsi ces
résultats à cause des variations interannuelles, des
données secondaires lacunaires (sur le plan spatial et temporelle) ou
dispersées.
La comparaison des modèles ne doit pas se limiter donc
à la confrontation des résultats, mais considérer aussi
l'examen de leur structure interne pour voir les forces et les faiblesses des
sous-modèles en particulier, ceux qui permettent de
générer la PPN des écosystèmes.
Selon la structure, il existe deux grands groupes de
modèles : les modèles biogéographiques
(corrélation) et les modèles biochimiques (basés sur des
bilans de carbone). Les deux sont souvent désignés sous le terme
de modèle biogéochimique. Les modèles
biogéographiques comme BIOME et ALBIOC utilisent un quadrillage pour
renseigner les variables du climat pour chaque cellule de la grille afin de
déterminer le nombre et les types de plantes qu'on peut y rencontrer.
Les biomes et les écosystèmes sont ainsi présentés
comme des combinaisons particulières de types de plantes. Les
modèles biochimiques (exemple : TRIFFID) quant à eux,
considèrent une constante distribution des types de plantes. Les
processus biochimiques comme la photosynthèse et la respiration sont
simulés en fonction du climat local, du taux de CO2
atmosphérique, de la radiation photosynthétique active, de
l'humidité du sol et des précipitations. Les
modèles biochimiques peuvent simuler les changements de la
densité et de la productivité végétale. Le tableau
19 présente une synthèse non exhaustive des modèles
existants.
Tableau 19. Synthèse sur quelques
modèles utilisés pour la simulation de la croissance des
végétaux. Source Adams et al. (2004), modifiée
par cette étude.
Types de modèle
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Description
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Avantage
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Limites
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1. Modèle de Miami (Leith, 1975)
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Empirique
Biogéographique
Basé sur les types de plante
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~Bonne estimation de la PPN
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Limites sur la prédiction de la PPN
Ne considère pas les changements de la
végétation
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2. Modèle dit `n- factor'
(Post et al., 1997; King et al., 1997. )
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Combinaison de l'approche empirique et celui dit du `n-factor'
en ajoutant un facteur de fertilisation en C sur le modèle 1 ; 30 types
fonctionnels de plantes sont considérés sur des cartes de
distribution. Allocation proportionnelle de C dans les différentes
parties de la plante (F, B, R).
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~Bonne estimation de la PPN
Introduction d'un facteur K1 (0.6) pour pondérer la PPN
par le taux de fertilisation en carbone.
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Ne considère pas la photosynthèse C4
La signification du facteur K1 n'est pas expliquée
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3. Modèle dit `n- factor'
(Polglase et Wang, 1992)
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Biogéochimique
Plusieurs types de végétation 10 biomes, le climat
et la
productivité caractéristique sont
considérés. Pondération par un facteur de croissance qui
prend en compte la fertilisation en C.
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Prend en compte les changements de densité de la
végétation.
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Problème sur le facteur de croissance biotique
Difficile d'utiliser ce modèle pour des endroits à
température saisonnière très variable
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4. Modèle dit `n- factor'
(Lenton, 2000)
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Quasi-biogéochimique
La photosynthèse= f (température et du C
atmosphérique)
La respiration = f(température et teneur en C de la
végétation).
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~Bonne estimation de la PPN pour les climats avant
l'ère industrielle.
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La biochimie de la plante n'est pas modélisée
explicitement. Absence de lien entre la photosynthèse et la teneur en C
de la plante. Une constante photosynthèse même si la
végétation est différente.
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5. (Svirezhev et Bloh, 1997; 1998)
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Quasi-biogéochimique
Similaire à 4, mais le potentiel maximum de PPN est pris
en compte en introduisant la réponse à la température, le
stress
hydrique, la fertilisation et la compétition
intraspécifique.
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Utilisable pour une investigation
qualitative.
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Limite sur la confusion
entre la fertilisation en CO2 et la compétition,
utilisation prudente.
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5. Modèle TRIFFID -Cox (2001)
Simple
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Biochimique-biogéographique (hybride). Les changements
sur la densité et la distribution de la végétation, la
photosynthèse et de la respiration. Pondération par le stress
hydrique ; prise en compte des plantes C4 ; types de
végétation considérés.
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Relativement bon, et prend en compte la dynamique biochimique et
physiologique.
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TRIFFID-Cox. Très complexe à utiliser, le
modèle simple est plus abordable mais pèche par la
considération d'un seul type de végétation
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6. DEMETER
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Quasi-biogéochimique- biogéographique. 16 types
fonctionnels de plantes. Le taux potentiel de photosynthèse est
calculé en modifiant la photosynthèse maximum par un facteur
linéaire qui traduit la réponse à la température.
La respiration et la photosynthèse C4 sont prises en compte.
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???
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Température constante, absence du facteur de fertilisation
en CO2 ni la compétition entre plantes
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Types de modèle
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Description
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Avantage
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Limites
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7. BIOME 3 (Prentice et al.,
1992; Haxeltine et Prentice, 1996a; b)
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Biogéochimique-biogéographique (hybride). 7 types
de végétation. Distribution des plantes = f(limite thermique
maximum) ; prévoit les herbes dans tous les écosystèmes.
Calcul la photosynthèse f(l'éclairement, Rubisco, conductance
stomatale). La photosynthèse C4, la phénologie en fonction de la
température et du stress hydrique, la compétition
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PPN optimisé en fonction du LAI.
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Modèle très complexe, les types de
végétation sont différenciés par un seul
paramètre et la dimension physiologique domine.
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8. CENTURY 5.437 (Woomer et al.,
2001)
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Modèle Ecosystème : COS, MOS ; Croissance des
plantes (herbacées ou ligneux) ; NPP ; C=f(température, pmm, type
de sol, utilisation des terres). Sous- modèle de croissance des plantes.
Tient compte du rapport C/N et de la décomposition de la M-O. Prend en
compte N, P et S en plus du C.
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Très large utilisation, différents
écosystèmes, optimisé pour différents facteurs
biotiques et abiotiques. Adapté aux savanes.
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Beaucoup de paramètres, complexe, modèle plus
adapté pour les sols et la végétation.
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9. 3PG (CSIRO) (Landsberg et Waring, 1997)
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Modèle Biophysique. Simulation mensuelle utilisant la
moyenne de la RPA, moyenne journalière du déficit hydrique,
températures extrêmes, précipitations
mensuelles, capacité de rétention en eau du
sol.
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Simule la PPN, la biomasse sur pied et dans le sol.
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Requiert des informations pas facilement accessibles.
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10. CASS (CRC) (Roxburgh, 2004)
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Modèle déterministe. Simulation de carbone des
écosystèmes en tenant compte de la PPN et des facteurs de
perturbation, feux, coupe, changement occupation / utilisation des terres.
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Flux de carbone dans l'écosystème et
libération CO2 dans l'atmosphère.
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Facile, transparent et flexible.
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11. PNET (Aber et al., 1996)
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Modèle biogéochimique sur la dynamique
forestière.
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Flux de carbone, de nitrate dans les écosystèmes
forestiers.
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Les écosystèmes du modèle sont de type
tempéré et boréal.
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12. DNDC (EOS, UNH)
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Modèle déterministe.
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Flux de carbone et d'azote en milieu agricole et sols
cultivés.
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Ne s'applique qu'en milieu agricole.
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13. SARRA-H (Baron et al., 1996)
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Modèle empirique.
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Simulation de la croissance des plantes et de la
productivité des cultures.
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Ne s'applique qu'en milieu agricole.
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NB. COS (carbone Organique du Sol), MOS (Matière
Organique du sol), (Productivité Primaire Nette), C/N (Rapport carbone
azote), N (Azote), P (Phosphore), S (soufre), C (carbone),
Il est difficile de dire qu'un modèle est meilleur
qu'un autre. Un modèle doit être utile en fonction des objectifs
qu'on se fixe et de la dose de subjectivité et d'imprécision dans
le processus de modélisation. Le cycle de vie d'un modèle est le
suivant : les objectifs initiaux déterminent sa structure, les objectifs
se précisent, s'étendent et la structure initiale s'y adapte,
etc. Les objectifs et la structure ont des relations hiérarchiques
puisque le système a un contexte (haut, objectifs) et des
mécanismes (bas, structure). L'essai d'évaluation des
modèles dans les paragraphes qui suivent, n'est pas une
appréciation technique, mais plutôt une analyse de leur
portée opérationnelle.
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