CHAPITRE 2 :
LE DIAGNOSTIC DES RISQUES
Les IC font partie des agents économiques qui sont en
contact quotidienne de risques qui entravent leur fonction principale de
collecte des dépôts et d?octroi de crédit. L'environnement
bancaire est très instable et très vulnérable face aux
différentes fluctuations de la sphère monétaire. Face
à ces différentes perturbations les IC sont de plus en plus
menacées par une diversité de risques nuisant à son
activité et à sa position sur le marché financier.
Toute IMF est vulnérable aux risques auxquels elle est
exposée. Même avec un processus efficace de gestion des risques,
elle ne peut les éliminer complètement. Mais elle peut et doit
réduire de façon significative leur vulnérabilité
car étant parfois la cause de faillite dans certains cas.
Le risque n?est pas un mal en soi, il faut comprendre par ce
concept qu?il est l?exposition à une forte probabilité de perte.
Et de toutes les relations de crédit, le risque de non remboursement ne
peut être écarté, même si les IMF savent parfaitement
analyser les informations fournies par les emprunteurs, même si la
stabilité des relations de clientèle facilite
l?appréciation du risque et mme si des garanties ont été
prises, la problématique de défaut de l?emprunteur n?est jamais
nulle. Ainsi lorsque l?insolvabilité se manifeste, la banque subit des
pertes qui peuvent compromettre sa pérennité.
Au Sénégal, chaque IMF élabore sa propre
politique de gestion des risques grâce à des experts dans la
matière. Cette politique leur permettra de réduire au maximum la
probabilité de perte qui pourrait en découler.
Les risques courus par les IMF sont souvent classés
suivant leurs domaines en risques de types institutionnels, des types
opérationnels, en risques de gestions financières et enfin en une
catégorie de risques externes.
Pour une étude beaucoup plus adaptée aux
difficultés que rencontre la majeure partie des IMF du
Sénégal, nous allons étudier le problème du
recouvrement de crédit qui appartient à la famille de risques
opérationnels ainsi que la gestion de la liquidité bancaire issu
des risques de gestions financières. L?étude particulière
de ces deux types de risque suivra celle introductif de l?évaluation des
risques dans un cadre plus large.
SECTION I : IDENTIFICATION ET EVALUATION DES RISQUES
A : DEFINITION DE RISQUES
Le risque est une exposition à un danger potentiel,
inhérent à une situation ou une activité. Mais
réduire le danger et réduire le risque sont deux choses
distinctes. La réduction des risques est une démarche
archaïque par rapport à celle de la réduction des
dangers.
Le sens commun fait la confusion entre un danger et un
risque. Un risque ou un danger, dans l'acception
anthropique la plus commune, est une situation susceptible d'altérer
gravement l'intégrité physique d'une personne. On dit par exemple
que l'on court le risque De ne pas être remboursé
lorsqu'on prête sans études préalables, mais que l'on
se met en danger lorsqu'on ne recouvre pas nos créances.
Le danger ou le risque engendre la peur et
incite à la prudence, y faire face nécessite du courage ou
parfois de l'inconscience.
Le risque peut être défini suivant une acception
technique et entrepreneuriale et suivant une définition scientifique.
Dans le domaine de la sécurité industrielle, le
risque se définit comme l'existence d'une probabilité de
voir un danger se concrétiser dans un ou plusieurs scénarios,
associée à des conséquences dommageables sur des biens ou
des personnes.
Le niveau de risque se quantifie alors par la
combinaison linéaire des multiplications entre la probabilité
d'occurrence de chaque scénario et l'amplitude de la gravité des
conséquences du scénario associé.
Acception Entrepreneuriale
Le risque est ici la coexistence d'un aléa et
d'un enjeu. Lorsqu'une personne prend un risque, elle entreprend une action
avec un espoir de gain et/ou une possibilité de perte :
- aléa : les conséquences de l'action entreprise ne
sont pas totalement prévisibles ;
- enjeu : il y a espoir de gain et/ou crainte de perte.
On peut appliquer ce concept dans la gestion d'entreprise ou la
finance :
- aléa : on ne peut pas prédire totalement
comment va évoluer le marché, quelles seront les innovations
techniques, comment vont évoluer les besoins des clients,
- enjeu : le gain espéré est un retour sur
investissement, un maintien ou une progression de l'activité (prendre
des parts de marché) ; la perte peut être une absence de retour
sur investissement, une baisse d?activité.
Définition Scientifique
Daniel Bernoulli7, en 1738, apporte la
première définition scientifique : « le risque est
l'espérance mathématique d'une fonction de probabilité
d'événements ». En termes plus simples, il s'agit de la
valeur moyenne des conséquences d'événements
affectés de leur probabilité. Ainsi, un événement
e1 a une probabilité d'occurrence p1 avec une
conséquence probable C1 ; de même
7 Spécimen theoriae novae de mensura
sortis
un événement en aura une
probabilité pn et une conséquence
Cn, alors le risque r vaudra
r = p1·C1 + p2·C2
+ ... + pn·Cn ?pi·Ci.
Le produit pi·Ci est appelé valeur de
l'aléa i.
Cette définition implique, pour le calcul du risque, la
connaissance d'une suite statistique d'événements ou pour le
moins une estimation approchée ou subjective des diverses
plausibilités (probabilités supposées) et des
conséquences des aléas imaginés, lorsque l'on ne dispose
pas d'historiques d'événements et que malgré cela on
souhaite évaluer un risque.
Si l'on a fait une analyse exhaustive, alors, toutes les
situations ayant été identifiées, on a
?pi = 1 et donc
Le risque est donc le barycentre des événement,
ou, pour prendre une métaphore tirée de la physique, il
apparaît comme le centre de gravité des conséquences des
événements pondérés par les probabilités
d'occurrence.
On notera avec intérêt que le risque est la somme
des aléas et que le produit de la fréquence et de la
gravité souvent évoqué ne représente nullement le
risque mais seulement la valeur d'un aléa déterminé
La difficulté est souvent de chiffrer les
probabilités pi et les conséquences Ci. Cela
est simple dans certains cas, par exemple pour les jeux de loterie, il est
en revanche plus compliqué de chiffrer la probabilité
d'occurrence d'événements
rares ou d'événements probables mais n'ayant
jamais eu lieu (domaine innovant), et de chiffrer les conséquences en
général : quelle chiffre mettre derrière une blessure, un
décès, une atteinte morale, une pollution de l'environnement ?
En définitive, connaissant les différentes
définitions du risque, l?IMF devra ensuite pouvoir les identifier et
bien les percevoir dans son milieu.
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B : IDENTIFICATION ET PERCEPTION DE RISQUE
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On a vu que la sensation de risque est un
phénomène très subjectif, voire irrationnel, lié
à la façon qu'a un individu de percevoir une situation dans son
environnement, ce qui dépend pour une bonne part du capital culturel de
l'individu et de ses intérêts. Ces perceptions diffèrent
d'un individu à un autre. Il peut d'ailleurs exister un décalage
d'appréciation entre les dirigeants et les employés, ces derniers
ayant une vision nécessairement plus opérationnelle.
Différents facteurs peuvent entrer en ligne de compte pour entraver la
perception collective d'une situation : des raisonnements fallacieux, des
sophismes, des biais cognitifs (illusion, ...) qui, selon les cas, peuvent
être conscients ou inconscients.
Pour que la perception du risque ne soit pas entravée
par ces phénomènes, il est tout-à-fait souhaitable que
l'entreprise mette en place un dispositif de veille, de manière à
détecter les signaux faibles le plus tôt possible.
La perception du risque porte dans un premier temps
essentiellement sur les facteurs de risque (ou périls). Le dispositif de
veille doit prévoir un partage des signaux perçus pour en valider
les traits principaux.
Ainsi, la gestion du risque, ou la prise de risques
calculés, réduit la probabilité de réaliser des
pertes et minimise le degré de la perte au cas oil
celle-ci arriverait. La gestion de risque implique la prévention des
problèmes potentiels
et la détection anticipée des problèmes
réels quand ceux-ci arrivent. En tant que telle, la gestion des risques
est un processus continu à trois étapes8:
2- Concevoir et
mettre
en oeuvre les contrôles
actuelles et futures
1- Identifier les
vulnérabilités
pour mitiger les risques
3- Suivre l'effectivité
des contrôles
Figure 1: Processus de Gestion des Risques à
trois étapes
Identifier les Vulnérabilités :
Avant de gérer des risques au sein d'une organisation, il est important
d?identifier au préalable les faiblesses, limites et menaces actuelles
et potentielles de l?organisation. Un aspect important de gestion de risques
est de prévoir les risques probables de l'organisation à court,
moyen et long terme.
&10IvoUL17It17PIttrI 17In17oeXvII 17dIs 17TyAPII
17TI 17cUtrôlI1 17:17Une fois que l?IMF ait identifié ces
points vulnérables, elle peut concevoir et mettre en
8
MANUEL DE GESTION DES RISQUES EN MICROFINANCE,
Craig Churchill et Dan Coster
exécution des mesures de contrôles afin
d?amoindrir ces risques. Les responsables des IMF devraient pouvoir adapter les
différents systèmes de contrôle à leur typologie
particulière ainsi qu'à leur environnement. Par exemple, le
recours préalable à une garantie physique peut représenter
une solution alternative pour minimiser les risques sur créances dans un
environnement financier particulier alors que la caution solidaire peut
être un recours approprié dans d'autres environnements.
Suivre l'efficacité des systèmes de
contrôle en place : Les IMF doivent pouvoir suivre et
apprécier son degré de fonctionnalité et son
efficacité. Les outils de suivi consistent avant tout en un tableau de
bord d'indicateurs de performance que les Directeurs et Administrateurs doivent
établir et suivre afin de s'assurer de la bonne gestion de l?IMF.
Cette procédure de gestion de risques à trois
niveaux est un processus continu en raison notamment de la grande
variabilité de la vulnérabilité dans le temps. Egalement,
les risques varient sensiblement selon l?étape de développement
de l?institution. Une IMF avec 2.500 emprunteurs va connaître des
défis différents d?une organisation avec un portefeuille de 25.
000 clients.
En tant que participants dans une nouvelle industrie, les IMF
ne peuvent pas se permettre de se laisser aller à l?autosatisfaction si
elles veulent éviter d?être surprises par des innovations, la
concurrence et les nouvelles réglementations et bien d?autres facteurs.
17
Parallèlement à l?analyse de l?état
actuel de l?organisation, la gestion des risques implique également
l?utilisation des méthodes d?anticipation des changements probables dans
l?environnement interne et externe dans le court, moyen et long terme. Puisque
personne ne peut prédire avec exactitude l?avenir, il est
recommandé d?utiliser différents cas de figure ou
hypothèses, des plus optimistes, raisonnables aux pessimistes sur
chacune des trois périodes précédemment décrites.
Quoiqu'il soit inconfortable d'envisager également le
pire des scénarios dans cet exercice, la gestion des
risques suppose une approche conservatrice dans l'estimation des
résultats.
Il est très important de noter que les IMF ne pourront
pas complètement échapper à l'ensemble des risques
auxquels elles sont exposées. Tout effort d'anticipation et de gestion
de l'ensemble des risques potentiels générerait d'importants
coûts d'opportunité et exposerait ainsi l'IMF à d'autres
catégories de risques. La gestion de risques requiert également
la recherche d'équilibre approprié entre les coûts
engagés et l'efficacité du système de contrôle,
ainsi que leurs effets nets sur la clientèle et le personnel de
l'IMF.
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C: EVALUATION DES RISQUES
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L'évaluation des risques est le facteur
déterminant de toute prise de décision. Elle est bien trop
souvent intuitive dans nos actions de tous les jours, mais gagne à
être formalisée dans le cadre d'un projet industriel qui comporte
une dimension financière.
Donc le risque apparaît comme l'un des défis
actuels des dirigeants pour le définir, le mesurer et le gérer
pour améliorer la performance. On note en général quatre
types de risques : institutionnels, opérationnels, externes et de
gestion financières. Bien que notre travail soit essentiellement
axé sur deux catégories de risques (le recouvrement de
crédit et la gestion de la liquidité) appartenant respectivement
aux risques opérationnels et aux risques de gestion financière,
il serait important d?avoir des notions sur l?ensemble des risques que peuvent
courir les IMF.
RISQUES
INSTITUTIONNELS
OPERATIONNELS
RISQUES
RISQUES DE GESTION
FINANCIERE
RISQUES EXTERN ES
Figure 2: Catégories des Risques en Micro
finance
i. RISQUES INSTITUTIONNELS
Le succès d'une institution de micro finance est
défini comme la capacité de cette dernière à
fournir, de façon indépendante, des services financiers à
un nombre important de personnes à faibles revenus, et ce de
façon durable. L?évaluation des risques par rapport à
cette définition expose l?organisation à trois niveaux de risques
institutionnels : risques liés à la mission sociale, risques
liés à la mission commerciale et risque de dépendance.
ii. Risques Externes
Bien que les directeurs et les gérants des IMF aient
moins de contrôle sur les risques externes, ils doivent néanmoins
évaluer les risques externes auxquels ces dernières sont
exposées. Une institution de micro finance peut disposer d'un personnel
et d'un système de gestion et de contrôle très performant,
mais elle pourrait cependant être confrontée à
d?énormes problèmes provenant de son environnement. Les risques
externes échappent le plus souvent au contrôle
interne de l?IMF concernée, cependant il est
nécessaire que ces risques soient perçus comme des défis
auxquels l?IMF doit faire face au risque d?être exposée à
de faibles performances.
iii. Risques Opérationnels
Le risque opérationnel est la
vulnérabilité à laquelle est confrontée l?IMF dans
sa gestion quotidienne ainsi que la qualité de son portefeuille (risque
de crédit), le risque de fraude et le vol (risque de
sécurité).
iv. Risques de gestion financière
La vulnérabilité financière d?une IMF se
résume aux risques réels subis par ses emplois (actifs ou
patrimoine) ou ses ressources (passifs ou dettes). Elle est composée de
risques liés aux taux d?intérêts, des risques de
liquidité et risques de change avec les devises
étrangères. En plus l?inefficience et l?intégrité
du système font aussi parti de ces types de risques de gestion
financière.
En fin, il serait important de noter que la direction et le
conseil d?administration d?une IMF doivent considérer chacun des risques
comme des points vulnérables. C?est leurs responsabilités
d?évaluer le niveau d?exposition de l?institution aux risques,
d?hiérarchiser les domaines les plus vulnérables et de s?assurer
qu?un système de contrôles des normes est mis en place pour
minimiser les risques de l?IMF. Dans la section suivante, nous nous
imprégnerons dans le but même du sujet à savoir comprendre
le recouvrement de crédit et la gestion de la liquidité
bancaire pour mieux réduire leur
vulnérabilité dans les IMF du Sénégal.
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