1.3 Stratégies et politiques mises en oeuvre
dans le secteur agricole pour la réduction de la faim au
Bénin.
Plusieurs politiques et stratégies ont
été mises en oeuvre non seulement en vue de dynamiser le secteur
agricole, mais également d'assurer la sécurité alimentaire
de la population béninoise. En 1991, le Bénin publie sa Lettre de
Politique de Développement Rural (LPDR). La publication de cette lettre
est suivie de la mise en oeuvre de plusieurs initiatives, dont le Programme de
Restructuration des Services Agricoles (PRSA). A travers ce programme, le
gouvernement béninois a redéfini les différentes
prérogatives des acteurs du secteur. De plus, dans le souci
d'alléger les tâches de l'Etat, le Gouvernement s'est
désengagé de certaines activités commerciales au profit du
secteur privé. L'implication directe de ces nouvelles mesures
était une plus forte présence du secteur privé dans
l'organisation des producteurs, le commerce des intrants agricoles, la
production et la commercialisation des semences pour les cultures. Cependant,
ce programme a été incapable de résoudre les questions
de
financement et de conseil agricole dans le secteur. Face
à cet échec, un programme de restructuration des Centres d'Action
Régionale pour le Développement Rural (CARDER) a vu le jour. Il
avait pour objectif la création de Centres Régionaux pour la
promotion Agricole (CeRPA) en remplacement aux CARDER. Là aussi, les
résultats n'étaient pas à la hauteur des attentes. En
effet, les CeRPA nouvellement créés souffraient de profonds
dysfonctionnements internes dus aux problèmes de financement. En 1999,
le gouvernement avec l'appui du Fonds International pour le
Développement Agricole (FIDA) a mis en oeuvre le Projet de
Micro-financement et de Commercialisation (PROMIC). Le principal objectif du
projet est donc de mettre en place un processus de développement
durable, qui permette d'accroître la production vivrière et les
revenus ruraux, de lutter contre la pauvreté et l'exode rural. Le projet
visait principalement les départements du Borgou, de l'Atacora et le
département du Zou. En 2000 la LPDR sera révisée et
transformée en Déclaration de Politique de Développement
Rural (DPDR 2000). Dans cette déclaration, le gouvernement a
ajusté la précédente lettre et adopté de nouvelles
orientations pour le développement du secteur agricole et
l'amélioration de l'alimentation et de la nutrition des populations. En
2001, le gouvernement a mis en oeuvre le Programme de Développement de
la culture des Racines et Tubercules (PDRT). Le programme a pour but de
renforcer la compétitivité des racines et tubercules
béninoises sur le marché intérieur comme à
l'étranger et augmenter ainsi de façon durable le revenu des
ménages ruraux pauvres. Concrètement, il s'agit (i)
d'améliorer les rendements des petits producteurs de racines et
tubercules grâce à l'adoption de pratiques viables et
respectueuses de l'environnement (ii) d'éliminer les principales
contraintes qui pèsent sur la production en encourageant
l'activité des groupements locaux de villageoises et en les incitant
à se regrouper pour constituer des associations de commercialisation
(iii) de renforcer les moyens disponibles au plan local pour analyser et
résoudre les problèmes que pose le développement des
racines et tubercules. Ce programme a eu plusieurs impacts positifs notamment
en ce qui concerne l'amélioration des conditions de vie et de travail
des bénéficiaires. En effet, le PDRT a permis une
amélioration considérable du rendement au niveau des producteurs
(22,20 t/ha contre 7,83 t/ha au démarrage du Programme et 18,27 t/ha
contre 9,79 t/ha respectivement pour le manioc et
l'igname). En 2006, le Programme d'Appui au
Développement Rural (PADER) démarre ses activités sur
l'ensemble du territoire national avec pour objectif principal l'augmentation
des revenus des ménages ruraux. Ce programme est conçu pour
garantir une continuité dans les activités des projets PAGER et
PROMIC et les consolider. Il développe des
complémentarités avec les programmes en cours, le PDRT et le
Programme d'Appui au Développement Participatif de la Pêche
Artisanale (PADPPA). Le gouvernement a mis en place en 2007, pour
répondre à la crise alimentaire, le Programme d'Urgence d'Appui
à la Sécurité Alimentaire (PUASA). Les interventions
retenues dans le cadre de ce programme visent à relancer les productions
vivrières à cycle court. Les résultats de ces
interventions ont permis de faire passer le taux d'accroissement annuel de la
production vivrière de -4,3% en 2007 à 39,5%20 en
2008. D'autres mesures ont été prises telles que le suivi
rapproché des producteurs, l'accélération de travaux
d'aménagement et de mise à disposition de semences, d'engrais et
de crédits producteurs. En 2011 le gouvernement a mis en place le Plan
Stratégique de Relance du Secteur Agricole (PSRSA). Le PSRSA met
l'accent sur l'équation Faim-Agriculture-Pauvreté à
travers les trois défis pour l'agriculture béninoise à
l'horizon 2015 ; il s'agit de (i) La couverture des besoins alimentaire et
nutritionnel de la population : le secteur agricole doit assurer la couverture
des besoins alimentaire et nutritionnel sans cesse croissants des populations
(13 millions d'habitants d'ici 2015) ; (ii) L'amélioration de la
productivité et de la compétitivité du secteur agricole et
rural pour assurer l'accroissement des revenus des producteurs agricoles, la
satisfaction des besoins non alimentaires (soins de santé,
éducation et autres), ainsi que la contribution du secteur à la
croissance de l'économie nationale et (iii) l'amélioration de
l'attractivité de l'activité agricole et du milieu rural par la
création des conditions requises dans les différentes zones
agro-écologiques du Bénin permettant de rendre l'agriculture
attrayante, d'améliorer les conditions d'emploi et d'existence en milieu
rural et de stabiliser les forces vives, notamment les jeunes et les femmes. En
effet, ces mesures incitatives contribuent grandement à la
réalisation de l'OMD 1 : Eliminer l'extrême pauvreté et la
faim en libérant les populations des effets
20 Rapport National sur le Développement Humain
(RNDH), 2010-2011.
Réalisé par Hamis O. Alladé
BADAROU & Ruben B. DJOBGENOU | ENEAM, 2011
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négatifs de la faim et de la malnutrition, et constituent
une base solide pour la croissance économique et le
développement.
En dépit de toutes les stratégies et politiques
mises en oeuvre dans le secteur agricole pour réduire la faim au
Bénin, la situation semble se détériorer davantage. La
figure 4 montre la situation alimentaire au Bénin en 2008 et en 2009.
Figure 4: Insécurité alimentaire au
Bénin en 2008 et 2009
Proportion des ménages en
insécurité alimentaire et à
risque d'insécurité alimentaire
33,60%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
2008 2009
12%
13,20%
21,60%
Ménages en insécurité alimentaire
Ménage à risque d'insécurité alimentaire
Source : AGVSAN 2009, INSAE EMICoV-suivi
2010
La figure ci-dessus montre clairement que la situation
alimentaire de la population béninoise s'est dégradée
malgré la relative hausse de la production des aliments de base. En
effet, la proportion des ménages en insécurité alimentaire
a presque triplé, passant de 12% à 33,6% (34,6% en milieu rural
et 32,2% en milieu urbain) tandis que la proportion des ménages
exposés au risque d'insécurité alimentaire est
passée de 13,20% à 21,6%21.
Par ailleurs, la situation nutritionnelle des enfants de moins
de cinq ans est tout aussi préoccupante. En 2009, sur le plan
national, environ 14.1% des enfants de moins de cinq ans souffraient
d'insuffisance pondérale sous sa forme modérée et 2.5%
sous la
21INSAE EMICoV-suivi 2010
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Réalisé par Hamis O. Alladé BADAROU
& Ruben B. DJOBGENOU | ENEAM, 2011
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forme sévère22. La figure n°5
montre la situation nutritionnelle des enfants de moins de cinq ans selon le
département.
Figure 5: Prévalence de la malnutrition
aigüe, chronique et de l'insuffisance pondérale au Bénin en
2009
25
20
35
30
15
10
5
0
Prévalence de la malnutrition chronique,
aigüe et de l'insuffisance pondérale par
département
Malnutrition aïgue Malnutrition chronique Isuffisance
pondérale
Source : INSAE EMICoV-Suivi, 2010
La figure ci-dessus indique que les départements de
l'Alibori (21,2%), l'Atacora (20,9%), le Mono (20%), le Plateau (17,8%) et le
Zou (18,1%) sont les plus affectés par l'insuffisance pondérale.
Par ailleurs, on dénombre dix (10) départements pour lesquels la
malnutrition chronique sévit dans des proportions qui vont
au-delà des 20% de la population ; il s'agit des départements de
l'Alibori, de l'Atacora, de l'Atlantique, du Borgou, de Couffo, de Mono, de
l'Ouémé, de Plateau et du Zou.
22L'insuffisance pondérale chez les enfants de
moins de cinq ans se mesure par l'indice poids-pour-âge. Pour chaque
enfant de la population étudiée dont on a mesuré le poids
et dont on connait l'âge, on compare la valeur observée du poids
de l'enfant par rapport à la médiane (ou parfois la moyenne) de
la courbe de distribution du poids des enfants de la population de
référence de même âge. Cet indice peut s'exprimer en
pourcentage de la médiane (ou la moyenne) de la population de
référence, ou bien s'exprimer en unités d'écart
type (ET) de cette même population de référence. Dans le
cas où il s'exprime en unités d'écart type (ET), la forme
modérée de l'insuffisance pondérale se caractérise
par un indice poids-pour-âge se trouve entre -2,99 ET et -2ET de la
population de référence. La forme sévère de
l'insuffisance pondérale se caractérise par un indice
poids-pour-âge inférieur à -3 ET de la population de
référence.
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