3. LES CONDITIONS MORALES DE LA DEMOCRATIE
La démocratie constitue un modèle politique
universellement applicable, car chargé des valeurs universelles comme
celles de liberté, d'égalité, de justice,
d'équité, du respect de la dignité humaine etc. Elle est
le regne de la raison. Etant toujours un processus inachevé, la
démocratie a besoin des hommes vertueux, des hommes capables de
transcender leurs égoismes, des hommes respectueux de la
légalité, de leurs concitoyens et enfin des hommes animés
de bonne volonté au sens kantien du terme.
En un sens chacun d'entre nous doit se conduire en homme de
devoir, quelqu'un qui s'oblige envers lui-meme et envers les autres. Et le
premier devoir que nous avons envers les autres, c'est d'abord de les respecter
dans leur personne et dans leur dignité, c'est aussi nous conduire en
citoyens loyaux, respectueux de la communauté et de ses lois et
reglements :
1.1 Du respect d'autrui : l'esprit de tolérance
La démocratie pour reprendre les termes de Tourraine
"n'est possible que si chacun reconnait a l'autre comme soi-meme, une
combinaison d'universalisme et de particularisme"31. Autrement dit,
la démocratie doit reconnaitre a chaque composante sociale les memes
droits et les memes devoirs au-dela de toute autre considération
liée a l'appartenance a une communauté politique, religieuse,
ethnique, etc. : nul ne doit etre exclu du jeu politique.
L'esprit démocratique est, par ailleurs, incompatible
avec la non reconnaissance et le non respect des différences
spécifiques liées au sexe, au culte, a la culture, a la langue,
etc. La démocratie tend a favoriser une sorte de synthese des
particularités, pour créer une certaine unité dans la
diversité. Cela passe par un esprit de tolérance entre les
différentes communautés politiques, entre les différents
groupes d'intérêts en vue du consensus nécessaire a la paix
civile et a l'épanouissement de tous.
31 Alain Tourraine, Qu'est-ce la
démocratie, Fayard 1994, p 9.
Le respect de l'autre commence necessairement par sa
reconnaissance comme egal a soi en droits et en dignite. Cette reconnaissance
mutuelle est une condition indispensable et meme prealable a une vie politique
democratique.
En somme, la democratie constitue ainsi une maniere
d'être et de savoir vivre ensemble, avec nos differences, afin d'edifier
un monde de plus en plus ouvert a la plus grande diversite possible des
citoyens.
1.2. De la loyaute
Synonyme de droiture, de fidelite, la loyaute est la vertu de
celui qui, en toute circonstance, a l'egard de soi-meme comme a l'egard
d'autrui, se conduit en homme honnete. Elle se traduit par le respect d'un
contrat auquel on souscrit et elle est aussi source de confiance entre
differentes volontes particulieres. La loyaute suppose aussi une resistance a
ses inclinations egocentriques.
La loyaute concerne egalement l'action publique, l'action
institutionnelle notamment. Elle est donc un principe moral qui doit nous
guider dans notre vie aussi bien privee que publique. Nous aurons ainsi a
analyser la portee de ce concept et au niveau des citoyens et au niveau des
responsables d'institutions.
1.2.1 La loyaute au niveau des citoyens comme
gouvernes
Dans un systeme democratique, la loyaute est avant tout une
fidelite envers la legalite republicaine et a l'egard de l'Etat comme forme
consciente de la vie en commun des hommes. La democratie n'etant pas un regime
de force ou de terreur, il est celui qui fait confiance a la volonte
raisonnable du citoyen et a son sens du devoir. Cette volonte peut etre
identifiee au patriotisme qui grandit chez le citoyen le sens du devoir et du
respect des institutions.
La loyaute chez le citoyen est un atout, elle englobe ses
rapports avec l'Etat et avec ses concitoyens. Elle est ce par quoi, on peut
reconnaitre un homme de bonne moralite. Un citoyen loyal est celui qui sait
mettre l'inter:t general au dessus de ses inter:ts particuliers. A l'egard de
ses concitoyens, "il les reconnaitra comme des êtres moraux et qui le
reconnaitront comme tel, ceux envers lesquels il devra, pourra et voudra
observer une loyaute, non d'obeissance forcee a des lois qu'il n'approuve pas,
ne comprend pas, ne vit pas, mais une loyaute d'amitie et de confiance
raisonnables"32.
32 Eric Weil, Philosophie politique, J Vrin,
Paris 1974, p 251.
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