Soonckindt-Chauchard Sabrina
Ecole de Journalisme et de Communication de Blagnac
Mémoire de Diplôme supérieur de Journalisme
Année 2010-2011
Les médias, vecteurs d'une image
négative
et stéréotypée des musulmans
:
mythe ou réalité ?
Sous la direction de M. Philippe Cazenave.
SOMMAIRE
I) L'ISLAM DANS LES MEDIAS : UNE THEMATIQUE QUI PREOCCUPE : 3
1) Musulmans, juifs et chrétiens, tous égaux face
aux médias? 3
2) Un sujet qui fait parler de lui : 9
2-1) Journalistes, sociologues, penseurs et chercheurs se
passionnent : 9
2-2) Des particuliers de plus en plus mobilisés et
indignés : 12
3) Des auteurs qui s'alarment : 14
3-1) La Nouvelle islamophobie de Vincent Geisser :
14
3-2) La République du mépris et Le
Voile médiatique de Pierre Tevanian : 15
3-3) L'islam imaginaire de Thomas Deltombe : 16
4) Des musulmans qui se sentent «
stéréotypés » : 26
4-1) Une vision médiatique des musulmans qualifiée
de « stéréotypée », problématique et
« négative » : 26
4-2) Un sentiment d'inégalité et d'aggravation du
phénomène : 28
II) MYTHE DE LA NEUTRALITE, ENVIRONNEMENT ET CONDITIONS DE
TRAVAIL DU JOURNALISTE : 31
1) Médias et politique, les liaisons dangereuses : 32
1-1) Une collusion forte avec la sphère politique : 32
1-2) Illustrations du phénomène : le cas de Ni
putes ni soumises et les débats sur le voile et la
laïcité : 39
2) Le mythe de la neutralité journalistique : 44
2-1) La neutralité du journaliste, une utopie dangereuse
: 45
2-2) Une profession hermétique et peu
représentative de la société française : 53
2-1) Le choix des invités et intervenants, un aspect
crucial souvent négligé : 55
3) Le journaliste, un homme comme les autres : 63
3-1) Des défauts bien humains mais préjudiciables
a l'objectivité: 63
3-2) Etude de cas : le dossier spécial islam de Marianne
ou l'illustration de l'influence journalistique inconsciente : 67
4) Les nouvelles conditions de travail du journaliste : entre
business, sensationnalisme et manque de temps : 79
4-1) Toujours plus d'informations mais toujours moins de temps et
d'argent pour la traiter : 80
4-2) Séduction du public, infotainment et
simplification à outrance : 84
4-3) La course au scoop, le sensationnalisme et les sujets «
vendeurs » : 88
III) L'INFLUENCE MEDIATIQUE, UN PHENOMENE QUI N'EST PAS SANS
CONSEQUENCES : 91
1) Un malaise palpable : 92
1-1) Des musulmans irrités et blessés par la vision
de leur religion dans les médias français : 93
1-2) Des musulmans enfermés dans des catégories
stéréotypées sur lesquelles ils ont peu de
prise : 95
1-3) L'affaire Anders Breivik : un emballement médiatique
révélateur: 103
2) Des pratiques médiatiques qui influent sur les
relations sociales : 110
2-1) Une opinion publique anxieuse modelée par les
médias : 110
2-2) Communautarismes et crispations identitaires : des risques
plausibles ? 115
2-3) Une réalité plus nuancée : 121
3) Une stigmatisation médiatique qui s'ajoute a des
difficultés déjà présentes : 123
3-1) Des arabo-musulmans moins bien payés et
discriminés : 123
IV) UN SUJET COMPLEXE AUX MULTIPLES FACETTES: 130
1) Un islam fondamental aphone qui se fait usurper son
identité : 131
1-1) Un islam jugé à tort comme despotique et
contraire aux « valeurs » occidentales : 132
1-2) Un islam sans « pape » : 136
2) Des contextes européens et mondiaux favorables a une
vision anxiogène de l'islam : 140
2-1) Une Europe en quête d'identité, anxieuse face
a un islam a forte personnalité : 140
2-2) Le 11 septembre, date charnière dans le traitement
médiatique mondial de l'islam: 143
3) La France et son passé colonial : une histoire
compliquée : 147
4) Le fait religieux, un sujet difficile à traiter de
manière générale : 152
4-1) La religion dans les
médias, entre sélection de l'information et convictions
personnelles: 153
4-2) La formation des journalistes, une piste à creuser :
154
GLOSSAIRE 159
BIBLIOGRAPHIE 161
Articles et production professionnels
(rédigés par des journalistes ou spécialistes):
161
Enquêtes et rapports thématiques:
168
Livres : 169
Conférences, colloques, débats :
169
Thèses, mémoires : 170
Productions web et articles d'amateurs : 171
ANNEXE 1 174
ANNEXE 2 180
ANNEXE 3 : 189
ANNEXE 4 : 194
Parler d'islam est sujet sensible.
Aborder sa
représentation dans l'espace médiatique, encore plus.
De tout
temps des sujets clefs, comme celui de l'islam actuellement, se sont vu
affublés d'une
portée totalement disproportionnée au
regard de leur envergure réelle.
Emblématiques des tensions
traversant la société de leur époque, ils
déchaînent les passions ; à
l'image des dissensions
inédites qui ont traversé la société
française pendant l'affaire Dreyfus.
Ces thématiques, pourtant
banales au demeurant, ne laissent personne indifférent. Chacun
semble
avoir son avis sur la question, les débats sont virulents et certains
semblent même en
faire une affaire personnelle.
Dans tout ce
processus, les médias, toujours à l'affftt de l'air du temps,
jouent un rôle
important.
Ainsi, une des grandes questions qui agite lecteurs, auditeurs
et téléspectateurs est la suivante :
Les médias
véhiculent-ils une image négative ou
stéréotypée des musulmans ?
C'est ce à quoi ce mémoire se propose de
répondre humblement, en développant quatre
aspects du sujet
:
I) Cette thématique a-t-elle une réelle
existence? A quel point est-elle importante ?
II) Quelles
caractéristiques du journalisme peuvent influencer ce
phénomène ?
III) Quelles en sont les
conséquences?
IV) D'autres facteurs entrent-ils en jeu en plus du
journalisme?
A la frontière permanente entre mondial et local,
passé et présent, visible et invisible, doutes et
certitudes
la thématique de la représentation de l'islam dans les
médias français est aussi
complexe que passionnante.
-Surtout ! ne parlons pas de l'affaire Dreyfus !
_Ils en ont parlé...
Le célèbre dessin de Caran d'Ache (Le
Figaro, 14 février 1898) illustre un repas de famille avant et
après que la discussion a porté sur
l'affaire Dreyfus.
Caricatural, ce dessin montre néanmoins parfaitement comment certains
sujets divisent la société et déchaînent les
passions
de manière parfois disproportionnée.
I) L'ISLAM DANS LES MEDIAS : UNE THEMATIQUE QU PREOCCUPE
:
Ainsi, avant d'entrer dans le vif du sujet, il paraît
évident, et surtout nécessaire, de poser les bases de ce qui va
suivre et donc de faire le point sur la représentation actuelle de
l'islam dans les médias français. Ce premier chapitre est
là pour poser les fondations des chapitres suivants, en
démontrant en quoi il est légitime, aujourd'hui, de s'interroger
sur le traitement médiatique de l'islam en France.
Pour cela, quatre questions essentielles forment la trame de cet
état des lieux.
La première question abordée est évidemment:
le traitement médiatique de l'islam est-il différent de celui
réservé aux deux autres grandes religions ?
La deuxième question porte sur la présence du
sujet de ce mémoire dans la sphère publique : des personnes
ont-elles déjà abordé le sujet du traitement
médiatique de l'islam en France ? Ce sujet fait-il l'objet
d'interrogations tant chez les spécialistes que chez de simples citoyens
? En bref, le sujet de ce mémoire a-t-il une existence suffisamment
forte pour être régulièrement évoqué et objet
d'interrogations?
La troisième question cherche à déterminer
si le traitement médiatique de l'islam en France fait l'objet d'ouvrages
littéraires poussés et documentés ?
La quatrième et dernière interrogation va chercher
du côté des principaux intéressés puisqu'elle se
demande ce qu'en pensent les musulmans eux-mêmes.
1) Musulmans, juifs et chrétiens, tous
égaux face aux médias?
« L'islam, dont la pratique "
socialement
repérable " est une aubaine pour les médias,
semble
encore loin de son " intégration médiatique ".
»
Maria Lafitte, journaliste.
S'interroger sur une inégalité de traitement
médiatique entre les religions c'est toucher un point sensible. Avancer
que les médias n'offrent pas de traitement égalitaire des trois
grandes religions peut en choquer plus d'un. Cette réaction est bien
légitime, puisqu'à première vue il semblerait que le
christianisme soit autant critiqué que l'islam ou le judaïsme.
Quand on a en tête les sketches des Guignols de
l'info sur Canal+ ou les caricatures de Plantu dans Le Monde, on
peut avoir l'impression que « tout va bien » en la matière et
qu'il n'y a pas une religion qui se fasse plus critiquer, ou plus
encenser, qu'une autre. Pourtant, beaucoup de professionnels et de particuliers
ressentent un malaise concernant la couverture médiatique de l'islam en
France. Beaucoup en sont convaincus : l'islam est majoritairement
représenté de manière négative dans les
médias. Mais peu arrivent concrètement à définir ce
qui leur fait ressentir ce malaise. Et ce n'est pas étonnant car, quand
l'on s'y intéresse, l'on s'aperçoit vite de la subtilité
du phénomène, observable uniquement à travers les choix de
termes, d'images et de sujets effectués par les journalistes.
En effet, ce n'est qu'en étant attentif, et non passif,
face à l'information que l'on remarque les incohérences, les
approximations et les défauts dans le traitement médiatique de
l'islam. Nombres d'analyses pertinentes et documentées sont d'ailleurs
disponibles en la matière (NDA : cf. partie I) 2-1 et I) 3 du
présent mémoire) mais les exposer toutes ici serait inutile
et prendrait trop de temps. C'est pourquoi nous allons plutôt nous
attarder sur quelques exemples particulièrement emblématiques.
Le premier exemple, exposé par Pierre Tevanian dans
La République du mépris, met en parallèle la
couverture médiatique de deux faits divers et illustre parfaitement le
comportement qu'ont majoritairement les médias vis-à-vis des
actualités impliquant des musulmans.
En juillet 2003, un fanatique juif, prénommé
Raphaël Schoeman, menace de mort treize personnalités qu'il juge
trop « pro-palestiniennes ». Il prétend agir au nom de tous
les juifs, mais aucun journaliste ne donne crédit à ses
élucubrations. Personne ne l'associe à « tous les juifs
». A juste titre, l'intéressé est qualifié d'individu
isolé, irresponsable et délirant. A aucun moment on ne
considère qu'il représente vraiment l'ensemble des juifs.
En revanche, quand un jeune musulman orléanais menace
de mort M. Redeker (NDA : un professeur de philosophie toulousain qui avait
publié une tribune assez controversée intitulée «
Face aux islamistes, que doit faire le monde libre ? » dans
l'édition du 19 septembre 2006 du Figaro) par mail en septembre
2006, les médias semblent (en majorité) se
désintéresser de sa personnalité et considérer,
qu'effectivement, il agit au nom de l'islam et des musulmans, notamment puisqu'
« une fatwa [aurait] été prononcée ". Pourtant,
jusqu'à ce jour, aucune autorité musulmane n'a jamais
appelé au meurtre de Robert Redeker.
On peut donc remarquer que, dans deux situations similaires,
la question de l' « incarnation " religieuse ne se pose pas de la
même manière. Quand un jeune homme juif, isolé et
dérangé, profère des menaces de mort, le fait qu'il soit
représentatif de tous les juifs n'effleure l'esprit de personne. Il n'en
va pas de méme concernant un jeune musulman. En quoi pourtant ces deux
personnes sont-elles différentes ? En quoi le fanatique musulman
serait-il plus représentatif de sa communauté religieuse que le
fanatique juif ?
Pour Pierre Tevanian, qui commente l'affaire Redeker, les
choses sont claires : on est passé « du combat contre un
individu de vingt-cinq ans, qui a eu le tort de proférer des
menaces de mort, à un combat contre l' " islamisme " et contre la
complicité passive " des musulmans " dans leur ensemble. "
A propos de l'affaire Redeker, on remarque également,
si on la place en parallèle avec l'affaire Dieudonné (NDA :
cet humoriste français, musulman, est assez controversé pour
ses prises de position provocatrices et antisémites qui lui valent
depuis les années 2000 une réputation sulfureuse qui a fait
chuter sa carrière jusqu'au quasi point mort) que, là
encore, il y a une différence de traitement médiatique entre
l'islam et le judaïsme. En effet, quand les propos anti-juifs et
antisionistes de Dieudonné suscitent un tollé et une
réprobation générale, les propos anti-musulmans de
Redeker, pourtant tout aussi extrêmes, sont vus comme une «
manifestation courageuse " et « politiquement incorrecte » de la
liberté d'expression, parfois même ils sont admirés.
De son côté, Alain Gresh, directeur adjoint au
Monde diplomatique et auteur de plusieurs livres sur le Proche-Orient,
fournit dans son article, « A propos de l'islamophobie ", une
analyse intéressante de l'inégal traitement médiatique
entre islam et christianisme. Après une brève introduction sur la
liberté d'expression, il écrit « D'autres publicistes
s'indignent : on aurait le droit de critiquer le pape Jean-Paul II et l'islam
serait au-dessus de tout jugement !
Mais cela est-il vrai ? Bien sûr, on peut trouver
des caricatures insultantes du pape, mais l'image globale qui se dégage
du personnage est-elle vraiment négative ? On a
célébré récemment le vingt-cinquième
anniversaire du pontificat de Jean-Paul II et les éloges ont très
largement dominé ; pourtant, au même moment, un documentaire de la
BBC révélait que des envoyés spéciaux du Vatican
envoyés en Afrique expliquaient aux populations que le
préservatif ne protégeait pas contre le sida ! Imaginons un
instant l'inverse : un haut dignitaire musulman ayant envoyé des
missionnaires pour tenir le même discours ; peut-on imaginer un instant
que les médias français donneraient de ce personnage,
indépendamment de ce prêche, une image positive ? ".
Cet extrait illustre parfaitement en quoi l'inégal
traitement médiatique des religions, en France, est difficilement
évident pour l'esprit. Et en effet, celui-ci relève tellement de
subtilités et de choix dans la mise en exergue de telle ou telle
information qu'il est difficile de le percevoir concrètement dans sa
mise en action.
Ici, Gresh compare religion chrétienne et musulmane et
constate que la religion musulmane souffre clairement d'un traitement
médiatique négatif et différencié, mais la
comparaison est transposable avec la religion juive. Par exemple, imaginons un
instant un reportage sur un groupuscule extrémiste juif qui se serait
établi dans une banlieue quelconque. Si à un moment le reportage
sous-entend que ledit groupuscule, du haut de sa cinquantaine
d'adhérents, constitue une menace à la sécurité
nationale, il est probable que nombre de téléspectateurs se
diraient « - Ce journaliste exagère, il monte quelque peu son sujet
en épingle ". Pourtant, concernant l'islam et les musulmans, nombre de
sujets similaires fleurissent dans les JT et tout le monde semble prendre cela
au sérieux. Aussi, c'est en procédant à ce genre de
comparaison que l'absurdité du traitement médiatique de l'islam
saute aux yeux.
Il existe nombre de groupes religieux extrémistes, dans
chaque religion, et, à juste titre, personne n'en fait état dans
l'actualité. Mais concernant les religieux extrémistes musulmans
c'est une toute autre histoire. Comme si finalement, les minorités
religieuses musulmanes avaient plus de propension à s'avérer
dangereuses que les minorités religieuses juives ou
chrétiennes.
En matière de religion dans les médias
français on a affaire à une fausse impression
d'égalité. C'est ce que confirme d'ailleurs un sondage Ifop,
réalisé au lendemain du 11 septembre 2001 qui démontre
que, de méme qu'il y a dix ans, les adjectifs à connotation
négative restent majoritaires dans le discours médiatique sur
l'islam. La seule différence étant qu'aujourd'hui les adjectifs
semblent « moins choisis ".
Un autre phénomène, tout aussi symptomatique que
les précédents, est l'inégalité de traitement
médiatique des actes à caractère raciste selon qu'ils
touchent des victimes juives ou musulmanes.
En effet, depuis le début des années 2000, les
profanations de sépulture, incendies de lieux de culte et agressions
physiques de juifs et musulmans se multiplient. A ce propos, la Commission
nationale consultative des droits de l'homme parle d'ailleurs d'une
véritable « intolérance à l'égard de l'islam
".
De son côté l'Etat français semble
réagir de manière assez inégale selon que l'agression
concerne juifs ou musulmans. C'est ce que rapporte un article intitulé
«Antisémitisme, islamophobie l'inégal traitement
médiatique " (SaphirNews, 7 juin 2004), où Nadia
Ben Othman écrit qu' « à l'inverse de la ferveur et de
l'empressement qui caractérisent les manifestations de solidarité
à l'égard de la communauté juive lorsqu'elle est victime
d'actes racistes, une sorte d'inertie, de laxisme, voire d'omerta plane sur le
monde politique lorsqu'il s'agit d'évoquer les mémes incidents
qui touchent les musulmans. " Selon elle les réactions gouvernementales
sont tout bonnement « quasi inexistantes [ou] timides et discrètes
" alors qu'elles « sont nombreuses et promptes à s'exprimer
lorsqu'il s'agit d'expulser un imam ou de stigmatiser le foulard. [...] ".
Ce comportement, concernant ici la classe politique, est assez
similaire finalement à celui qu'ont les médias, ce qui laisse
encore une fois penser que les religions ne bénéficient pas
toutes du même traitement médiatique dans la France d'aujourd'hui.
Et effectivement, il semblerait que les musulmans, contrairement aux juifs ou
aux chrétiens, fassent régulièrement l'objet dans les
médias, de questionnements concernant leur « allégeance ",
leur « sédition " ou encore leur citoyenneté. Cette remise
en question quasi permanente de la citoyenneté des musulmans, pourtant
français au même titre que tout un chacun, peut certainement
être qualifiée comme procédant d'une certaine
stigmatisation. Certains comme Pierre Brechon et Jean Paul Willaime
n'hésitent d'ailleurs pas à parler d'« une certaine
diabolisation de l'islam " (Médias et religions en miroir).
A la lumière de ces exemples caractéristiques,
l'on peut émettre de très sérieux doutes quant à
une soi-disant égalité de traitement entre les différentes
religions dans les médias français. De manière assez
systématique, l'islam est plus enclin à faire l'objet d'amalgames
et à être vu comme une religion monolithique dont les adeptes
auraient tous plus ou moins la même pensée et les mêmes
envies.
Evaluer le traitement médiatique des religions n'est
pas chose aisée, certes, mais un regard critique couplé à
une attention toute particulière au vocabulaire et au choix des sujets
permettent d'y voir plus clair. L'inégalité se trouve alors tant
dans la qualité que dans la quantité. Si la religion juive semble
assez peu présente en termes de quantité dans les médias,
les articles et reportages qui la concernent sont en revanche assez positifs.
La religion chrétienne, plus présente médiatiquement,
affirme majoritairement sa présence médiatique à travers
des émissions dédiées comme la messe du dimanche matin
retransmise en direct. Son temps de présence médiatique est donc
majoritairement positif, puisque c'est elle-même qui s'exprime
directement. La religion musulmane, en revanche, bénéficie de la
plus forte couverture médiatique en termes de quantité dans les
actualités, mais les sujets abordés sont très largement
négatifs à son encontre.
Ce constat, d'un islam médiatiquement à part
comparé aux autres religions, est actuellement partagé par de
plus en plus de monde. Particuliers, professionnels s'interrogent de plus en
plus sur ce que beaucoup n'hésitent déjà plus à
qualifier de « stigmatisation » de l'islam.
2) Un sujet qui fait parler de lui :
« L'islam est posé chez nous comme
un
problème »
Roland Pfefferkorn, sociologue.
Loin du simple fruit d'une réflexion personnelle ou
isolée, la question du traitement médiatique de l'islam en France
contemporaine interroge de plus en plus spécialistes comme citoyens.
2-1) Journalistes, sociologues, penseurs et chercheurs se
passionnent :
« L'islam est posé chez nous comme un
problème », « Islam, médias et bidonnages ou
la vision monolithique fantasmée », « Monde musulman,
médias et préjugés », etc., voici quelques
titres, parmi de nombreux autres, introduisant des travaux de professionnels
des médias ou des sciences sociales.
L'apparition, assez récente, de cette question comme
objet d'étude dans plusieurs corps de métiers laisse penser que
le traitement médiatique de l'islam est une problématique qui
prend de l'ampleur. Débordant sur quasiment toutes les sphères de
la vie publique, sociale et politique, cette thématique passionne nombre
de professionnels. Sociologues, chercheurs et autres penseurs semblent y
prêter une attention accrue ces dernières années. Certains
en ont même fait leur cheval de bataille.
C'est le cas de cet aumônier musulman, Abdelhak Eddouk,
qui déclare lors d'un débat (Valeurs Actuelles,
édition du 20 janvier 2011) que les musulmans sont mal perçus
dans leur ensemble par la faute des médias qui « n'évoquent
l'islam qu'à travers des situations problématiques ou dramatiques
» et « qu'on ne présente [...] l'islam qu'à travers les
thèses d'une minorité radicale, qui ne représente pas du
tout la communauté musulmane. »
De son côté, Marc Cheb Sun, journaliste
autodidacte, explique à de nombreuses reprises dans ses articles que les
analyses livrées par les grands médias concernant l'islam et les
musulmans, manquent de discernement. Pour lui, il y a beaucoup d'amalgames, de
confusions et, de manière générale, il y a création
médiatique d'une catégorie de musulmans uniforme et «
enfermante ".
Mais il n'y a pas que les musulmans eux-mémes qui
s'intéressent à la couverture médiatique de leur religion.
Roland Pfefferkorn par exemple (chercheur au sein du laboratoire «
Cultures et sociétés en Europe " au CNRS et enseignant en
sociologie à l'Université) dénonce avec vigueur et
conviction les facteurs qui mènent à cette « méfiance
" envers les musulmans.
Pour lui, plus qu'un simple phénomène
médiatique, l'« islam est posé comme un problème " de
manière générale dans la société, et en
particulier par la classe politique et le gouvernement actuel. Ses recherches
démontrent « une alliance politico-médiatique, qui va bien
au-delà de la France, pour alimenter un sentiment anti-musulman et
anti-arabe.".
Partant de cette même impression tenace mais
difficilement « prouvable » que l'islam n'est pas un objet
médiatique comme les autres, plusieurs colloques et débats sont
organisés chaque année. A l'image du 4ème
colloque du célèbre Institut Avicenne de sciences humaines (IASH)
de Lille qui réunit les 7, 8 et 9 juin 2010 plus de deux cent
spécialistes afin de chercher des solutions pour corriger l'image
dégradante de l'islam et des musulmans dans les médias.
Journalistes, chercheurs, islamologues, théologiens, imams,
académiciens. .tous s'accordent à dire que « l'heure est
grave " en la matière. De ce colloque l'on retient un constat
unanimement partagé : les médias européens font des
islamistes « une chaude matière à forte valeur
ajoutée politique [et] commerciale à servir à leurs
lecteurs ".
Laurent Muchielli, chercheur au CNRS, partage ce constat dans
La violence des jeunes : peur collective et paniques morales au tournant du
20ème et du 21ème siècle. Il y
explique que le fruit de ses recherches l'amène à affirmer que
les médias sont complètement à incriminer, si ce n'est
dans l'origine, alors dans le développement et l'amplification de la
peur par rapport à l'islam. Mais, selon lui toujours, cette «
incrimination est [...] trop générale et trop exclusive pour
être satisfaisante [car] elle invite à tort à
considérer " les médias " comme un univers clos, quand il s'agit
au contraire d'un monde social perméable, influençable voire
même manipulable. " Subtil dans son analyse, ce chercheur touche
là un point capital : le traitement médiatique de l'islam est un
phénomène extrémement complexe car il s'inscrit dans
plusieurs sphères (politique, sociologique, religieuse,
médiatique, etc.).
Ce postulat, tout bonnement essentiel à la
compréhension du sujet est cependant souvent occulté. Pourtant,
il permet d'intégrer un paramètre majeur du traitement
médiatique de l'islam : sa complexité.
Il permet de comprendre que, sans analyse attentive, il est
difficile de percevoir en quoi les médias participent à une
certaine stigmatisation, malsaine, de l'islam et des musulmans. Aussi,
comprendre que l'islam dans les médias ne se résume pas
qu'aux médias c'est faire un grand pas. Car chercher à
expliquer le traitement médiatique de l'islam en ne parlant que des
médias revient finalement à tenter de résoudre une
équation à dix variables en n'en utilisant que deux, c'est
absurde.
Dans la même lignée, Mouna Hachim (femme de
lettres, écrivaine et chroniqueuse marocaine docteur en
littérature française) pense qu' « A tort ou à
raison, de manière implicite ou manifeste, tous les sujets sensibles
mènent désormais à l'islam dans les médias »
et que l'on assiste à une « simplification outrancière des
phénomènes religieux et culturels [...] aboutissant au
renforcement des stéréotypes et des amalgames ».
Pour elle aussi, les médias français
contemporains procèdent à une « mise en oeuvre
journalistique réductrice » qui jongle avec les extrêmes dans
un style racoleur.
Ces quelques exemples de professionnels,
dénonçant un traitement médiatique contestable de l'islam,
sont disponibles par centaines et tendent à augmenter chaque jour un peu
plus. Or si un nombre, aussi important, aussi croissant, de spécialistes
critiquent le traitement médiatique majoritaire actuel de l'islam, c'est
bien qu'il y a effectivement un problème.
Ce constat très largement partagé par ces
experts, permet d'enterrer définitivement la thèse selon laquelle
la stigmatisation de l'islam dans les médias est une simple vue de
l'esprit, ou encore que les musulmans ont tendance à se placer en
sempiternelles victimes.
D'ailleurs ces conclusions, les experts ne sont plus les seuls
à les partager. De plus en plus de particuliers, anonymes et autres
bloggeurs les expriment. Autrement dit, le constat effectué jusque
là par une élite privilégiée (qui a le temps
d'analyser, de décortiquer et de réfléchir) est
désormais de plus en plus partagé par les citoyens.
2-2) Des particuliers de plus en plus mobilisés et
indignés :
Il suffit de rentrer les mots clefs « islam,
médias » dans n'importe quel moteur de recherche pour constater que
de nombreux citoyens s'interrogent, débattent et se mobilisent sur la
question de l'image médiatique de l'islam en France.
Sur les réseaux sociaux comme le désormais
célébrissime Facebook, fleurissent des groupes proposant des
intitulés tels que « Pour que les médias [...]
arrétent de faire peur et de mentir aux gens ", « Le vrai visage de
l'islam, pas celui des médias ", « Pour que les médias
arrêtent de salir l'islam ", ou encore « Contre l'association
d'islamiste à terroriste ", etc.
A noter que, dans chacun de ces groupes, dans la partie «
description ", les médias sont systématiquement
incriminés. Qualifiés de « manipulateurs " et «
mensongers " il leur est également reproché d'être
manipulés par le monde politique.
Plus largement, sur les forums et salons de discussions
virtuels on retrouve un même engouement pour ce sujet. L' « islam
médiatique " semble déchaîner les passions et ce, quelle
que soit la tranche d'age puisque, méme les ados en discutent. Beaucoup
s'interrogent : « Que pensez-vous du traitement de l'islam dans les
médias ? " (
Bladi.net), « Pourquoi les
médias ont pris l'islam et les musulmans pour cibles ? ", «
Pensez-vous que les médias donnent une mauvaise image de l'islam de
France ? " (Yahoo
Questions.fr) et d'interminables
sujets de discussions sont disponibles sur Internet (« La diabolisation de
l'islam par le biais des médias", « L'islam présenté
par les médias et le vrai islam ").
En revanche, si l'on tape les mots-clefs « juifs,
médias ", il n'y a aucun sujet similaire. Personne ne semble remettre en
cause le traitement médiatique de la religion juive. C'est même
plutôt le questionnement inverse qui apparaît (NDA : par
exemple « Pourquoi y-a-t-il autant de juifs dans les médias ?
").
Par ailleurs, l'entrée « chrétiens,
médias " ne permet de retrouver aucune critique particulière
concernant le traitement médiatique de la religion chrétienne.
Pour conclure, il apparaît donc que seul l'islam fasse
l'objet d'autant d'interrogations concernant son traitement médiatique.
Adultes, jeunes, musulmans, non musulmans, les individus semblent
s'intéresser en masse au sujet. Plus qu'un simple constat
effectué par des experts chevronnés, on assiste aujourd'hui en la
matière à un véritable débat public.
La question de la représentation que font les
médias français de l'islam est donc une question qui a une forte
existence dans la sphère publique et privée, chez les
particuliers autant que chez les professionnels. Bien plus qu'une simple
idée ou rumeur populaire, la critique de la couverture médiatique
française de l'islam et des musulmans est aujourd'hui produite et
validée par des experts crédibles et documentés qui
appuient leurs conclusions sur des analyses rigoureuses et impartiales.
De leur côté, depuis les années 2000, des
auteurs issus de divers horizons ont même trouvé en ce sujet,
matière à rédiger des ouvrages de centaines de pages.
3) Des auteurs qui s'alarment :
« Je ne suis pas du tout fasciné par l'islam.
Ce
qui m'intéresse davantage c'est en quoi et comment,
dans la
société française, l'islam est utilisé,
fabriqué
et instrumentalisé à d'autres fins. Et cela
nous
concerne tous collectivement. "
Thomas Deltombe, journaliste.
En ce début de XXIème siècle,
riche en affrontements géopolitiques, la question de la
représentation que les médias offrent de l'islam semble avoir
cristallisé nombre de tensions. Sous-tendue par de multiples
phénomènes connexes, cette question est complexe, transversale,
et en cela elle nécessite des centaines de pages d'exposé.
C'est à cette tâche que se sont attelés
quelques auteurs français qui, unanimement (et en s'appuyant sur un
travail de recherche parfois colossal) dénoncent un traitement
médiatique stigmatisant, voire islamophobe, de la religion musulmane en
France. Voici un bref résumé des travaux de trois d'entre eux,
reconnus comme des spécialistes du sujet.
3-1) La Nouvelle islamophobie de Vincent Geisser :
Dans cet ouvrage de cent vingt-deux pages, l'auteur, chercheur
à l'Institut de recherches et d'études sur le monde musulman au
CNRS, s'interroge sur la responsabilité des médias dans la
diffusion et la banalisation de l'islamophobie au sein de la
société française. Après avoir analysé le
contenu de nombreux articles et émissions, Geisser s'interroge et
retient « une impression de scepticisme médiatique assez
communément partagé dans les rédactions. "
Partageant l'idée que l'islam est vu, dans la plupart
des médias, comme une religion « dangereuse [qui] représente
une menace pour la France et ses valeurs », Geisser propose dans La
nouvelle islamophobie une investigation et une critique sur cette
islamophobie à la française. Xénophobie de l'extrême
droite, « offensive des intégristes de la laïcité
», etc., pour l'auteur, aujourd'hui la peur du musulman aurait
remplacé l'ancienne peur de l' « arabe ».
Sans détours, Vincent Geisser dénonce cette
« nouvelle islamophobie », qui constitue pour lui bien plus qu'un
simple phénomène populaire, un véritable
phénomène médiatico-intellectuel qui se propage
principalement par le biais des « leaders d'opinions
(éditorialistes, philosophes, écrivains, universitaires, etc.
» Adepte de l'analyse de terrain, Geisser note également que les
musulmans, tels qu'ils sont mis en scène dans les médias, sont
loin de ressembler aux musulmans que croisent les professionnels qui
s'intéressent au sujet.
Pour lui, comme pour d'autres, c'est encore une fois la
simplification du discours médiatique qui a permis de tels amalgames.
3-2) La République du mépris et Le Voile
médiatique de Pierre Tevanian :
Professeur de philosophie et coanimateur du collectif Les
mots sont importants, Pierre Tevanian propose dans La
République du mépris une déconstruction des
clichés actuellement véhiculés par les médias sur
les musulmans. Dépeignant les liaisons entre sphère politique,
médias et élites intellectuelles, l'auteur dénonce la
construction d'un « bouc émissaire » : « le jeune issu de
l'immigration postcoloniale et de culture musulmane ».
D'après lui, sous couvert de débats sur la
laïcité ou l'insécurité, s'exprime donc un racisme
qui, peu à peu se transforme en véritable « culture du
mépris ». L'idée principale qui sous tend son ouvrage est
celle du « deux poids, deux mesures ». En effet, pour lui «
pourraient être multipliés à l'infini » les exemples
d'actes qui, selon qu'ils soient commis par un musulman ou par un non musulman,
ne reçoivent pas du tout le même accueil médiatique. Le
problème se logerait dans le fait qu'une violence sexiste, du
prosélytisme ou encore des propos antisémites venant d'un
musulman sont quasi-systématiquement interprétés comme
« représentatifs », « symptomatiques » des
caractéristiques que l'on attribue caricaturalement aux musulmans dans
les médias (patriarcat, machisme, obscurantisme, radicalisme, etc.).
Le problème viendrait donc, pour Tevanian, d'une
généralisation, d'une construction caricaturale et imaginaire du
musulman.
Focalisant cette fois-ci uniquement sur le débat sur le
voile, Pierre Tevanian décrit, dans Le Voile médiatique,
les rouages politico-médiatiques qui ont, selon lui, permis
à cette question de prendre une place hors de proportion dans le
débat public.
Expliquant que le foulard occasionnait des « contentieux
de plus en plus rares et facilement résolus ", il s'interroge sur les
raisons qui ont pu conduire, finalement, au vote d'une loi entraînant la
déscolarisation de centaines d'élèves. Ces raisons sont
pour lui simples : il s'agirait d'une invention des journalistes et des
politiques qui auraient construits là une « fausse question ".
S'appuyant uniquement sur des informations chiffrées et
des études rigoureuses, ses ouvrages proposent une réflexion
argumentée et un regard cru sur le monde médiatique, ses liaisons
avec la sphère politique et son mode de fonctionnement.
3-3) L'islam imaginaire de Thomas Deltombe :
Certainement parmi les auteurs ayant effectué les plus
importants efforts de recherches sur le sujet, Thomas Deltombe propose dans
L'islam imaginaire une analyse de l'évolution et de la
construction médiatique française de ce qu'il qualifie de «
véritable islamophobie ".
Après avoir visionné et passé au crible
les journaux télévisés et les principales émissions
consacrées à l'islam sur les chaînes de
télévision nationales de 1979 (NDA : date du début de
la révolution iranienne) à 2005, l'auteur conclut à
un « durcissement progressif " qui a conduit à « identifier
l'" islam imaginaire " des médias à des formes de moins en moins
cachées de rejet de l'autre... ". En plus de proposer des exemples
concrets et précis qui jalonnent l'histoire médiatique de ces
trente dernières années, Deltombe rappelle les contextes
historiques et sociaux concomitants, permettant ainsi à ses lecteurs une
vue globale de la situation.
Journaliste, diplômé de l'Institut
d'études politiques de Paris et titulaire d'un DEA d'histoire
contemporaine (NDA : dont le présent sujet était le
thème d'application), Thomas Deltombe produit un travail qui a
l'avantage de répondre aux exigences de la déontologie
journalistique.
Intraitable sur le point de la sémantique, l'auteur
explique (NDA : cf. l'interview ci-dessous) que, selon lui, c'est le
fait de parler des choses qui les fait exister, en ce sens « ce sont [...]
les mots qui ont créé la communauté musulmane ». Pour
lui, l'impact des mots, répétés
quotidiennement dans les médias, est déterminant et
participe à modeler la réalité.
Entre représentations fantasmées, course à
l'audience et stigmatisation, il montre comment le petit écran a
fabriqué un « islam imaginaire ».
Mais plutôt que d'en parler à sa place, le mieux
est encore d'écouter l'auteur lui-même. L'interview ci-dessous
nous livre tous les détails de sa pensée sur le sujet (NDA :
la quasi intégralité de cette interview est volontairement
retranscrite ici afin de ne pas déformer les propos de l'auteur ou de
leur faire perdre de leur intérêt).
Interview
L'islam imaginaire de Thomas
Deltombe
Thomas Deltombe, journaliste, diplômé de
l'Institut
d'études politiques de Paris et titulaire d'un DEA
d'histoire contemporaine s'est particulièrement
spécialisé
sur la thématique de l'islam en tant que
représentation
médiatique. Dans son livre L'islam imaginaire,
il explique
comment, depuis la révolution iranienne de 1979
à nos jours, les médias ont participé à construire,
de toutes pièces, une image bien particulière de l'islam. Suite
à un titanesque travail d'analyse des principaux JT et émissions
relatives à l'islam, il conclut qu'aujourd'hui, les médias font
recouvrir au terme " islam " des réalités bien plus vastes que
celle de la religion en elle-même.
En tant que journaliste, vous auriez pu vous
intéresser à beaucoup de thèmes, or celui de l'islam
semble avoir particulièrement retenu votre attention, pourquoi
?
« C'est un peu un concours de circonstances. J'ai
toujours eu cette vocation par rapport au journalisme, et déjà
avant de le devenir je voulais réfléchir sur le journalisme. J'ai
donc fait un DEA sur l'histoire des médias et mon thème
d'application c'était la façon dont, historiquement, les
médias ont parlé de l'islam.
Je trouvais ce thème intéressant, j'avais
déjà pris des cours sur l'histoire de l'islam, et au cours de la
réalisation d'une enquête sociologique sur l'islam dans une ville
de banlieue parisienne j'entendais souvent des musulmans me dire « - On
parle de nous comme ci... », « - Les médias disent que...
». Donc je me suis dit qu'il serait intéressant de voir ce qu'il en
était vraiment. C'est donc une thématique intéressante,
pas forcément en soi, mais dans ce qu'elle révèle du
fonctionnement des médias, des politiques, des rapports de pouvoir au
sein de la société française et de pleins d'autres
problématiques. Je ne suis pas du tout fasciné par l'islam. Ce
qui m'intéresse davantage c'est en quoi et comment, dans la
société française, l'islam est utilisé,
fabriqué et instrumentalisé à d'autres fins. Et cela nous
concerne tous collectivement. »
Diriez-vous clairement qu'aujourd'hui, en France, le
traitement médiatique de l'islam est « problématique »
ou « anormal » ?
« Tout dépend ce que l'on entend par "
problématique " ou " anormal ".
Problématique, ça c'est clair vu la passion
qu'il y a autour de tout ce qui concerne l'islam, ou qui a l'air, de concerner
l'islam. Là c'est sür qu'il y a un problème.
Concernant la " normalité ", oui, on peut dire que le
traitement médiatique de l'islam s'inscrit dans une certaine
normalité. Il découle de toute une série de
mécanismes de fonctionnement des médias, de la politique et de
l'histoire coloniale française. Donc je ne sais pas s'il est normal,
mais en tout cas il est logique.
En revanche, on peut dire qu'il est anormal dans la mesure
où il est inégalitaire. D'un point de vue moral, il est anormal
que l'on traite les musulmans comme ça. Le problème c'est que
nous sommes dans un pays de tradition catholique, or la religion catholique est
institutionnalisée et centralisée et les journalistes essaient de
calquer ce modèle sur l'islam. En cherchant à interviewer un imam
comme ils le feraient avec un évêque, ils ne font que tirer des
conclusions d'une discussion avec un interlocuteur non légitime. L'islam
n'ayant pas de clergé, le journaliste ne sait pas quel interlocuteur
interroger. Du coup ce n'est pas l'institution qui va s'imposer à lui,
mais c'est lui qui va imposer à la religion musulmane ses
interlocuteurs, c'est lui qui va inventer le clergé musulman. Or un
représentant musulman ne représente que son association ou sa
mosquée, non pas l'ensemble des musulmans. C'est là qu'il y a un
côté anormal dans la façon dont est traité l'islam
en France. Les journalistes croient qu'il suffit d'appeler n'importe quel
représentant de mosquée et qu'ils en tireront une parole
légitime, or c'est archi faux.
Etant donné qu'il n'y a pas de hiérarchie,
l'interlocuteur qu'ils ont eu ne représente que luimême, son
institution ou son association, mais certainement pas l'islam. Il est essentiel
que les journalistes comprennent cela.
Les musulmans ne sont pas tous les mêmes, donc les dires
d'un musulman ne sont pas représentatifs de la pensée de
tous les musulmans. Là, historiquement et clairement, les
journalistes ont failli à leur mission. Ils n'ont jamais compris cela.
»
Pensez vous que ce soit un phénomène
majoritairement conscient ou inconscient ?
« Je pense, en me basant sur le nombre de reportages que
j'ai visionnés, que c'est inconscient. La plupart des journalistes ont
envie de bien faire, mais ils adoptent des automatismes de pensée et des
automatismes professionnels qui font qu'ils ne se posent pas les bonnes
questions. Ils reproduisent le modèle qu'on leur a toujours
montré sur les écrans de télévision. Du coup, ils
vont appeler quelqu'un dans une mosquée sans se rendre compte que ce
quelqu'un ne représente rien d'autre que lui-meme. C'est donc une forme
d'inconscience très largement répandue, sauf chez quelques
journalistes militants qui, eux, propagent une islamophobie consciente.
»
En quelques phrases ou mots, comment
résumeriez-vous la représentation contemporaine de l'islam et des
musulmans dans les médias français?
« L'islam est pour moi un instrument utilisé par
toute une partie des élites dominantes de la société
française pour aborder des problématiques beaucoup plus larges
que l'islam en luimême. Le problème c'est la définition, la
distinction permanente entre musulmans modérés et radicaux. Ce
portrait effectué est voulu comme représentatif de la
société française. On définit deux types de
musulmans, les bons et les mauvais. On instaure deux types d'islam : le bon,
celui des Lumières, de la Mosquée de Paris, des centres-villes,
et le mauvais, celui des banlieues, de la périphérie. En un mot
donc, la représentation de l'islam dans les médias
français dominants, (*) c'est une instrumentalisation du concept
"islam". On assiste à toute une démonstration idéologique
de ce que devrait être la société française. On
instrumentalise l'islam, consciemment ou inconsciemment, pour faire passer des
messages et définir la France: ce qu'elle n'aurait pas due etre avant,
ce qu'elle ne devrait pas etre aujourd'hui et ce qu'elle ne devrait pas etre
dans l'avenir. »
Quels sont, d'après vous, les
stéréotypes les plus souvent véhiculés par les
médias concernant l'islam et les musulmans ?
« Le stéréotype le plus courant c'est
l'idée que tous les musulmans sont les mêmes, et donc qu'il y a
une communauté musulmane. Les journalistes, très majoritairement
dans les médias de masse, considèrent que tous les musulmans ont
un point commun : le fait d'être musulman, et que cela suffit à en
faire une communauté. Ce fait l'emporte sur tous les autres. Or, moi par
exemple je chausse du 42 et cela ne me met pas dans une même
communauté que tous les gens qui chaussent du 42. C'est une analogie qui
montre bien l'absurdité du phénomène mais, encore une
fois, entre le musulman turc, qui habite à Strasbourg qui vient
d'arriver en France et un français dont les arrières
grands-parents sont algériens, qui habite à Périgueux et
qui ne parle pas arabe, cela n'a rien ou très peu à voir. C'est
en cela un stéréotype très problématique.
Le second stéréotype le plus répandu
serait la séparation de cette " communauté musulmane ",
imaginaire à mon avis, entre des modérés et des radicaux.
Ce qui est complètement absurde puisque cela relève du pur jeu de
langage. Qui définit ce qui est radical et ce qui ne l'est pas ?
L'exemple de Tariq Ramadan est en cela édifiant puisqu'à un
moment il est vu comme un modéré, à un autre comme un
radical. Alors qui change ? Tariq Ramadan ou le regard qui est porté sur
lui ? »
Selon vous, les médias couvrent-ils de
manière similaire les sujets relatifs à
l'islam
comparativement à ceux relatifs au christianisme ou au
judaïsme ? Y a-t-il une égalité
de traitement médiatique entre les
différentes religions ?
« Il y a une inégalité c'est sür. Mais
cette inégalité s'exprime à travers trois
phénomènes principaux. Elle est à la fois historique, tout
simplement par rapport à la prégnance de la tradition catholique
en France, mais également raciale, raciste dans le sens où
derrière tout un vocable médiatique se cache en fait un public :
les arabes. Il y a là un construit social que de nombreux écrits
sociologiques décrivent.
Enfin, un troisième phénomène vient
compléter le tableau, c'est la question de la représentation
sociale au sein même des médias. La majorité des musulmans
faisant partie, très majoritairement, de couches sociales
défavorisées, il y a une inégalité de fait. En
effet, dans des médias de masse qui fonctionnent grâce à
des couches dominantes de la société française, on
retrouve des journalistes qui n'ont rien de commun avec la plupart des
musulmans en terme social, du coup ils vont avoir beaucoup de mal à les
comprendre.
Etant étrangers aux classes populaires, les
médias de masse n'arrivent pas à être à
l'écoute de celles-ci. Ils n'ont aucune proximité avec ces
classes populaires, et n'y ont d'ailleurs aucun intérêt. Patrick
Champagne explique cela très bien dans ses travaux (NDA : dans
lesquels il explique en quoi les journalistes de télévision
participent à la construction de phénomène sociaux et
effectuent un véritable travail de construction des malaises, notamment
en stigmatisant les banlieues quasi exclusivement médiatisées
à travers des phénomènes marginaux).»
D'après vous, quels seraient les facteurs
principaux qui expliqueraient qu'un traitement médiatique
spécifique soit réservé à l'islam?
« La première chose, c'est que chacun d'entre nous
est le produit d'une histoire culturelle. On répercute donc
forcément les rapports de force sédimentés par l'Histoire.
Intuitivement, la plupart d'entre nous a une impression d'exotisme par rapport
à l'islam, chez les producteurs médiatiques, comme chez les
consommateurs. Donc le premier facteur pour moi c'est le produit de l'Histoire,
et notamment de la culture coloniale.
La deuxième chose c'est le fonctionnement des
médias en lui-même. Dès les années quatrevingt le
secteur des médias a changé économiquement, on a
changé de façon de produire l'information. On constate une
rapidité de plus en plus grande de l'information et des modes de
financement qui ont évolué. On a de plus en plus de
publicité, de moins en moins d'interventions du public, une recherche du
sensationnalisme, etc. Tous ces facteurs conjugués font que l'on parle
de plus en plus rapidement et en réfléchissant de moins en moins,
et notamment sur le sujet de l'islam dans la société
française. Du coup on surfe de plus en plus sur les
stéréotypes et sur cette sédimentation culturelle et
idéologique que l'on a eue auparavant.
Enfin, le troisième aspect à mon avis, c'est
l'instrumentalisation de cette thématique de l'islam dans le champ
politique français. De la méme manière que des patrons de
médias vont parler de l'islam pour faire monter l'audimat, des hommes
politiques comme Charles Pasqua, Philippe de Villiers ou André Gerin
vont parler de l'islam pour faire monter leurs scores électoraux, pour
récolter des voix avant les élections. Je parle des politiques
car il y a une collusion assez forte entre les milieux dominants politiques et
les milieux dominants médiatiques. »
Quels types de réactions rencontrez-vous
concernant vos travaux sur la représentation de l'islam dans les
médias?
« Les gens qui m'invitent, m'écoutent ou
m'interrogent sont dans l'ensemble plutôt d'accord avec l'idée de
base que j'exprime. Je pense que la plupart des gens aujourd'hui sont d'accord
avec le postulat d'un problème dans le traitement médiatique de
l'islam.
Beaucoup de journalistes m'ont d'ailleurs
félicité et les réactions sont souvent plutôt
positives. Et, comme j'ai toujours tendance à prouver ce que je dis, on
me fait rarement des reproches.
Il y a une réaction qui avait été
intéressante á ce propos, c'est celle de David Pujadas (NDA :
que l'auteur "attaque pas mal dans son livre" (sic)) qui était
invité avec moi chez Schneidermann (NDA : émission
Arrêt sur image d'octobre 2005) et qui a finalement refusé de
venir, certainement car cela l'aurait pris en défaut et allait le
remettre en cause, lui, sa déontologie, etc. Etant donné que
j'appuie toujours mes propos sur des archives, les gens préfèrent
souvent s'armer de silence face à cela. »
Si vous deviez citer l'exemple qui vous a le plus
frappé concernant la thématique de la relation entre islam et
médias français, lequel serait-il ?
« Il y en a plein, ils sont souvent tous plus choquants
les uns que les autres. Par exemple le dernier dossier de Marianne
(NDA : cf. partie II) 3°)b) du présent
mémoire), les productions de Sifaoui, ou encore les reportages
bidonnés de Pujadas. D'un point de vue professionnel, politique,
juridique, moral et de tous les points de vue, c'est vraiment scandaleux. Quand
on découvre des entretiens bidonnés avec des témoins
payés, ou quand on découvre des scénarios de reportage
écrits à l'avance on ne peut qu'être choqué. Ce
genre de choses ce n'est pas du journalisme, c'est de la propagande. Donc, oui,
malheureusement en la matière, les exemples sont nombreux, ça
n'arrête pas.»
D'après vous, un traitement anxiogène de
l'islam dans les médias français peut-il avoir
particulier ?
« C'est plutôt d'une construction d'un islam
anxiogène dont il faudrait parler. Par exemple, de mon point de vue, je
ne sais pas ce que c'est l'islam, je ne prétends pas le savoir ni dire
si c'est une religion "bonne" ou "mauvaise", en réalité l'islam
en lui-même m'intéresse assez peu. Ce qui m'intéresse c'est
la façon dont on traite, dont on construit l'islam. Avant méme de
qualifier l'islam, on le crée. On l'invente, on modèle l'image
d'une communauté musulmane. Le terme de communauté musulmane et
toute l'imagerie qui va avec est apparu dans les années 80, le fait d'en
parler l'a fait exister. Du coup des gens qui, jusqu'au milieu des
années quatre vingt, ne se considéraient pas forcément
comme musulmans, qui ne s'étaient jamais posés la question quant
à leur appartenance à une communauté, tout d'un coup
s'entendent dire, à chaque fois qu'ils allument la télé,
« -Toi tu fais partie de la communauté musulmane ". Tout cela rend
la personne prisonnière de cette représentation. Or cette
communauté musulmane n'existe pas, tous les sociologues le
démontrent.
Ce sont donc les mots qui ont créé la
communauté musulmane, il y a eu une stigmatisation. S'il n'y avait pas
eu ce phénomène, on n'aurait pas aujourd'hui une division de la
population avec les musulmans d'un côté et les non musulmans de
l'autre. A partir du moment où cette communauté musulmane a
été constituée, dans le langage et dans les médias,
des gens y ont répondu en se présentant comme
modérés alors que cette catégorie a été
créée de toutes pièces. Tout d'un coup s'est mis à
exister une catégorie qui n'existait pas auparavant. C'est un
phénomène réellement passionnant d'observer comment des
catégories qui sont au début purement verbales, purement mentales
et endogènes en arrivent à devenir réelles et
exogènes. Le champ politico-médiatique découpe la
réalité selon ses propres critères, selon ses propres
idées et cela a des conséquences. Cela induit un changement de
comportement chez les gens. La télévision, petit à petit,
a créé les idées de quartiers, de violences urbaines. Ces
mots ont créé une réalité, ont créé
des catégories qui ensuite agissent. Asséner sans arrêt
à des gens qu'ils sont comme ceci ou comme cela et qu'ils forment une
catégorie modèle le comportement de ces gens. Le sociologue Erwin
Goffman dans Stigmates explique très bien cela, comment la
stigmatisation fait intérioriser et incorporer aux gens des attitudes en
accord avec ladite stigmatisation. On crée donc finalement des
personnages sociaux."
Votre livre L'islam imaginaire est paru il y
a plus de 6 ans maintenant. Avez- vous remarqué, depuis, un changement
dans le comportement des médias face à l'islam ?
« Non, c'est la même tendance
générale, la stigmatisation de l'islam. Il y a toujours une
construction d'un islam imaginaire, mais cela devient de plus en plus subtil.
Par exemple, le terme d'"islamisme" semble être de moins en moins
utilisé, plus désuet. A la place, les journalistes vont
préférer des termes comme jihadiste, mais au final la
tendance reste la même.
La seule évolution notable est l'instrumentalisation
croissante de l'islamophobie par l'extrême droite. On a donc deux
processus, le premier qui est une tendance á reconnaître
l'islamophobie, et le second qui est une limitation de cette reconnaissance. En
disant que c'est uniquement l'extreme droite qui est islamophobe, on
évite une remise en cause plus globale et plus complexe de la
société et des médias dans leur ensemble. On assiste
á une certaine forme de refoulement qui empêche de traiter le
problème á la racine.»
Que répondriez-vous à ceux qui accusent
votre ouvrage d'ftre « orienté idéologiquement »
?
« Dès que l'on se prononce on édicte
forcément un point de vue. J'assume la façon dont je traite le
sujet et ses conséquences. Donc, oui, en ce sens, mon ouvrage est
orienté idéologiquement. Mais si l'on entend par "orienté
idéologiquement" dans un but politique ou malhonnête, alors
là non. J'ai clairement argumenté chacune de mes pensées,
mais encore une fois, tout dépend des termes que l'on utilise et de la
définition que l'on en fait. Il s'agit donc plutôt là
d'interprétations sans arguments. On en revient toujours au même
phénomène : tout dépend de la connotation que l'on met
dans les mots. »
Quand on s'intéresse à la relation
médias/islam, on remarque que c'est un sujet sensible, qui divise et qui
semble éternellement voué à être vu par le prisme
des opinions personnelles de chacun. Malgré tout, pensez-vous qu'il soit
possible d'avoir une analyse totalement impartiale du traitement
médiatique de l'islam ?
« Cela rejoint ce que je viens de dire. Faire des choix,
c'est déjà etre partial, et ces choix se font par rapport
á notre histoire personnelle. Donc "voué á être vu
par le prisme des opinions personnelles", je dirais non car ce sont là
des histoires de rapports de force (qui s'affrontent dans la
société française) plus que d'opinions personnelles.
On rejoint donc là cette croyance de
l'objectivité dans les médias. Les journalistes qui se pensent
objectifs se nient eux-mêmes dans leur propre cerveau. Aujourd'hui, ce
que l'on entend par objectif c'est quand on présente du pour et du
contre. Woody Allen illustre parfaitement ceci en définissant
l'objectivité journalistique comme "10 minutes pour Hitler, 10 minutes
pour les juifs". Or c'est complètement absurde, le positif et le
négatif font partie d'un tout, c'est logique. Du coup, cela s'apparente
davantage à de la propagande. Je pense que celui qui fera le moins de
propagande, c'est celui qui sait qu'il ne peut pas être objectif. Le
monde des médias est un monde factice de certitudes, de faux- semblants,
où la pression est telle que l'on est souvent obligé de se
conformer à l'avis dominant.»
*NDA : L'auteur précise au cours de la discussion
qu'à chaque fois qu'il parle de « médias » il entend
par là les médias de masse, les médias les plus populaires
et dominants comme la télé. Il ne s'agit donc pas là de
généralisations sur les médias, mais plutôt
d'expression de phénomènes et de tendances majoritaires que l'on
retrouve dans les médias les plus lus, regardés ou
écoutés.
Enfin, en plus de ces quelques ouvrages de
référence sur le sujet, sont disponibles : L'islam dans les
médias : comment les médias et les experts façonnent notre
façon de considérer le reste du monde de Edward-W Saïd,
mais également Islam, médias et opinions publiques.
Déconstruire le choc des civilisations du collectif Islam et
laïcité ainsi que de nombreux articles de spécialistes en
libre consultation sur le web.
Ces livres aux analyses poussées et documentées
sont la confirmation qu'en plus d'être digne d'intérêt, le
thème de la représentation de l'islam dans les médias est
passionnant. Sujet épineux, imposant d'argumenter preuves à
l'appui, il pousse ceux qui s'y intéressent à déconstruire
les rouages de la machine médiatique afin de mieux voir ce qui s'y
cache.
Concordant aux théories de ces auteurs, le sondage
réalisé au cours de ce mémoire auprès des musulmans
français, indique que la majorité d'entre eux ne se sent
effectivement pas très bien perçue par les médias de
l'Hexagone...
4) Des musulmans qui se sentent «
stéréotypés " :
« On se retrouve
stéréotypés"
« Tous les musulmans sont mis dans le
même sac... "
Deux jeunes musulmanes anonymes ayant
répondu
au sondage de ce mémoire.
La question du regard des médias sur l'islam ne pouvant
être traitée sans s'intéresser à l'avis des
musulmans eux-mêmes. Ce mémoire propose donc un sondage empirique
inédit (cf. annexe 1), dont les résultats apportent quelques
éclairages sur l'opinion des jeunes musulmans français à
propos du traitement médiatique de leur religion.
4-1) Une vision médiatique des musulmans
qualifiée de « stéréotypée ",
problématique et « négative " :
Réalisé entre le dix octobre 2010 et le dix
septembre 2011, ce sondage pose onze questions qui ont pour but de cerner le
ressenti des musulmans sur la vision que peuvent donner les médias
français de leur religion, et des musulmans en général.
Répondant aux critères de la méthode des
quotas (NDA : cette méthode consiste à s'assurer de la
représentativité d'un échantillon en lui affectant une
structure similaire à celle de la population de base), il peut donc
être considéré comme représentatif des jeunes
musulmans (NDA : tranche d'âge 18/50 ans) français dans
leur diversité. Les répondants proviennent des quatre coins de la
France, de couches socioprofessionnelles diverses et pratiquent leur religion
à des degrés variés (NDA : également
respectés autant que possible dans leur proportions sachant que, 41% des
musulmans français sont croyants et pratiquants, 34% sont seulement
croyants, 25% vont à la mosquée , 71% jeûnent pendant tout
le Ramadan et que 32% boivent de l'alcool de temps à autre selon un
sondage réalisé par Marianne en mars 2011.)
Les 110 répondants sont exclusivement des musulmans
(croyants et/ou pratiquants) de nationalité française. Leur
âge moyen étant de 29 ans, et l'âge moyen de la population
française étant de 40,1 ans en 2010 (cf. la
dernière étude de l'INSEE « Age moyen et âge
médian de la population "), l'on peut dire que ce sondage
représente plutôt l'opinion des « jeune musulmans
français " (tranche d'age 18/50 ans). Le plus jeune répondant est
âgé de 18 ans et le plus vieux de 49 ans.
Les critères de validité pour la
représentativité d'un sondage étant la
variété géographique et socioprofessionnelle, ainsi qu'un
nombre de répondants supérieur à cent, celui-ci peut donc
être considéré comme représentatif des musulmans
français âgés de 18 à 50 ans.
Toutes les réponses ne seront pas
révélées d'emblée ici, puisqu'utilisées au
fur et à mesure du mémoire pour en illustrer les propos. Ceci
étant, quelques unes illustrent parfaitement la manière dont les
musulmans français qualifient, ressentent le regard des médias
sur leur religion et ses fidèles.
En effet, à la question « Le regard des
médias français sur les musulmans, aujourd'hui, en France,
constitue-t-il pour vous un "problème" ? ", 74 % des personnes
interrogées répondent « oui ".
Ensuite, quand on demande si « L'image que
véhiculent les médias français sur les musulmans " est
plutôt positive ou plutôt négative, 99 % des musulmans
interrogés répondent que l'image véhiculée par les
médias sur les musulmans est « plutôt négative " et 84
% d'entre eux affirment que « les musulmans de leur entourage pensent en
majorité comme [eux] ". On voit donc clairement que le regard que posent
les médias français sur l'islam et les musulmans est perçu
comme plutôt problématique et négatif par la
majorité des musulmans eux-mêmes. Méme si ce sondage ne
présente pas l'avis de toutes les tranches d'ages des musulmans
français, le malaise est perceptible. Quand 99 % des sondés
répondent que, pour eux, l'image des musulmans, telle qu'elle est
véhiculée actuellement dans les médias français,
est négative, on ne peut décemment nier la force de cette
impression collective. C'est à cette impression, partagée par les
musulmans mais aussi par de nombreuses autres personnes, que ce mémoire
fait écho. Le but étant ici de chercher à comprendre
comment et pourquoi nous en sommes arrivés là.
D'ailleurs, pour préciser un peu plus cette
pensée, 43 % des répondants qualifient « la vision des
médias sur l'islam et les musulmans » de
stéréotypée, 35 % la trouvent ignorante, 11 % la trouvent
raciste et 10 % la trouvent orientée. En revanche, seuls 2 % la trouvent
pertinente et 0 % la trouvent juste ou objective.
En premier lieu, on constate que, parmi les réponses
proposées, ce sont systématiquement les réponses à
connotation négative qui sont très majoritairement choisies. Les
deux idées qui sont le plus partagées chez les musulmans
français âgés de dix-huit à cinquante ans, sont donc
que les médias donnent une vision stéréotypée et
ignorante des musulmans.
De plus, 45 % estiment que l'influence des médias est
forte, voire très forte (39 %). Il y a donc au final 84% des jeunes
musulmans français qui pensent que, cette vision négative et
stéréotypée de l'islam a, en plus, un impact sur l'opinion
publique.
Les premiers résultats de ce sondage laissent donc
penser que les musulmans français euxmêmes ont des choses à
dire et des reproches à adresser aux médias dans leur
façon de couvrir les actualités relatives aux musulmans.
4-2) Un sentiment d'inégalité et
d'aggravation du phénomène :
Concernant l'égalité de traitement des religions
dans le système médiatique français, 91 % des
répondants affirment clairement que pour eux « les médias
français ne traitent pas de la méme façon un sujet
d'actualité impliquant un musulman comparé à un sujet
impliquant un chrétien ou un juif ». De manière nette, les
jeunes musulmans ressentent donc une inégalité dans le traitement
médiatique des trois principales religions. La réponse franche et
massive apportée à cette question constitue un argument
supplémentaire à l'idée développée dans la
toute première partie de ce mémoire, selon laquelle, aujourd'hui
en France, les médias ne traitent pas équitablement l'islam, le
judaïsme et le christianisme. Bien que l'on puisse reprocher aux musulmans
de ne pas être objectifs dans l'appréciation de la couverture
médiatique de leur religion, on ne peut mettre de côté un
sentiment aussi majoritairement partagé sans en tirer quelques
conclusions.
Il semblerait donc que, comme les auteurs et
spécialistes cités précédemment, les musulmans
français de la tranche 18/50 ans trouvent majoritairement que la vision
des musulmans dans les médias français est empreinte de
stéréotypes, de négativité, et qu'elle fasse preuve
d'un traitement médiatique différent de celui
réservé aux autres religions.
Enfin, 67 % des répondants pensent que le regard des
médias français a tout de même évolué ces
dernières années. .mais de manière plutôt
négative (66 %). Il semblerait donc, pour ces derniers, que la situation
aille plutôt en empirant qu'en s'améliorant.
Mais si les chiffres sont importants et apportent un certain
éclairage, l'aspect émotionnel l'est tout autant. Il permet de
mieux comprendre comment les musulmans eux-mêmes vivent et ressentent le
regard des médias français sur leur religion et ses adeptes.
Voici quelques morceaux choisis des réponses libres apportées
à la question « Le regard des médias français sur les
musulmans, aujourd'hui, en France, constitue-t-il pour vous un
"problème" ? Si oui, pourquoi ? " :
« Les médias ont une vision très
négative des musulmans. Le plus souvent [...] ils se permettent de
critiquer sans connaître, ils restent sur leurs préjugés,
ce qui est le comble pour des journalistes !! "
« On nous fait passer pour des étrangers, les gens
nous regardent comme des étrangers, malgré que l'on fasse partie
intégrante de ce pays, notre pays. "
« Les médias créent une espèce de
hantise qui se ressent dans la vie quotidienne, le musulman a l'impression
qu'il doit sans cesse se justifier plus que les autres, et au bout d'un moment
c'est très pesant. "
« [Le regard des médias français sur les
musulmans constitue un problème car] d'un fait particulier, il fait une
règle générale. Se permettant d'aborder des sujets dont
ils n'ont aucune connaissance, [...] ils en oublient leur éthique
journalistique. "
Ces quelques témoignages, simples et sans détours,
reflètent ce que ressent une partie des musulmans français.
Spécialistes, simples citoyens ou jeunes musulmans, ils
sont nombreux à dénoncer un mauvais traitement médiatique,
en France, des actualités relatives aux musulmans et à l'islam.
Mais alors, si tant de personnes dressent un constat aussi négatif,
comment en est-on arrivé là? Est-ce le fonctionnement interne des
médias français qui est à l'origine du problème
?
Est-ce que ce sont les journalistes eux-mêmes ?
Les médias peuvent-ils se retrouver influencés ou
manipulés par des sphères qui leurs sont étrangères
et qui auraient intérêt à modeler une image
médiatique de l'islam ?
Enfin, tout cela peut-il avoir des conséquences ?
II) MYTHE DE LA NEUTRALITE, ENVIRONNEMENT ET CONDITIONS
DE TRAVAIL DU JOURNALISTE :
L'islam et les musulmans semblent être des sujets à
part dans les médias français. Pour comprendre comment un tel
phénomène a pu prendre autant d'ampleur, il est nécessaire
de s'intéresser de plus près à ce qui se passe au sein
méme des rédactions.
Liaisons avec la sphère politique, limites du concept de
« neutralité journalistique » et nouvelles conditions de
travail, nos médias sont plus que jamais sous pression et cela a des
conséquences.
Des informations toujours plus nombreuses, un débit
toujours plus rapide, une concurrence toujours plus féroce, un public
toujours plus blasé, voici quelques-unes des nombreuses contraintes
auxquelles les professionnels de l'information doivent faire face
aujourd'hui.
A travers une analyse profonde de ces quelques aspects de la
production journalistique, cette deuxième partie se propose d'expliquer,
comment l'environnement et les conditions de travail du journaliste peuvent
contribuer à un mauvais traitement des actualités relatives
à l'islam.
1) Médias et politique, les liaisons dangereuses
:
« Les hebdomadaires généralistes sont
moins
les suppôts d'une "pensée unique" que les vecteurs
de
combats politiques et sociaux qui, il est vrai, se
rejoignent souvent sur le
dossier de l'islam. "
F.Aubenas, M. Bensayag, La fabrication de
l'information. Les journalistes et
l'idéologie
de la communication.
1-1) Une collusion forte avec la sphère politique :
Sur la question du traitement médiatique de l'islam et des
musulmans, impossible de passer outre l'aspect politique.
« De l'endogamie entre médias et politique en
France " (
Oumma.com), « Quand politique et
médias font bon ménage " (RMC), « Journalisme et
politique : tous les médias sont-ils de droite ? " (ACRIMED),
« Les médias comme facteur de pouvoir dans la politique "
(rapport du Sénat), ces titres d'articles, tous plus évocateurs
les uns que les autres, montrent à quel point les relations, parfois
ambiguës, entre sphère médiatique et sphère politique
font couler de l'encre.
D'ailleurs, chaque année apporte avec elle son lot
d'affaires et de scandales, révélant au grand jour les liaisons
étroites qu'entretiennent certains acteurs médiatiques avec le
milieu politique.
Pour Nabila Ramdani, journaliste indépendante, la
mauvaise image de l'islam n'est pas « récupérée par
les politiques », ce sont eux qui la créent. Interviewée par
Frédéric Taddeï à l'occasion des «
Veillées du ramadan » organisé par l'Institut des cultures
d'islam à Paris, elle ajoute même que notre gouvernement actuel
est, selon elle, « particulièrement habile à jeter des mots
[et] des provocations [...] qui enflamment, [...] notamment par rapport aux
banlieues » qui sont « associées à la
criminalité, au chaos social » le tout « appuyé
d'images chocs de femmes en burka.» Pour elle, clairement, forces
politiques et médiatiques marchent main dans la main, les secondes
donnant de la France l'image que souhaitent les premières.
L'idée est intéressante, mais il semble
difficile, si ce n'est impossible, de déterminer exactement les rapports
de force qui s'expriment entre médias et politiques. Ces relations,
informelles et souvent cachées du grand public, sont de l'ordre du
discret, de l'invisible, voire de l'intime. Ainsi, plutôt que de chercher
qui de l'oeuf ou de la poule, il vaut mieux s'intéresser au degré
d'intimité qu'entretiennent homo politicus et homo mediaticus.
Dans la même veine, René Naba (NDA : ancien
responsable du monde arabo-musulman au service diplomatique de l'agence France
Presse et ancien conseiller du directeur général de
RMC/Moyen-Orient, chargé de l'information) affirme que le
journalisme et la politique sont deux métiers « jumeaux » et
qu'« à force d'observer la politique, les journalistes finissent
par succomber à la tentation de s'engager dans le combat politique
». Cette relation, qu'il qualifie d'endogamique, s'est d'après lui
accentuée au 21ème siècle. Et, à « force de
suivre au plus près les hommes politiques », les journalistes
auraient commencé à « épouser leurs idées
», cessant ainsi « d'être [des] observateur[s] critiques de la
vie politique pour se muer par synergie, [...] en amplificateurs des
idées de [leur] partenaire politique».
Pour ce spécialiste, il y a clairement une trop grande
proximité entre médias et politiques, idée qui est
largement partagée par nombre d'observateurs du monde
médiatique.
Un dessin extrait du blog Alternative-Europe
caricaturant les liens entre médias et politique.
En effet, quand on prend la mesure des capacités
d'influence de ces deux sphères sur l'opinion publique, on ne peut que
s'inquiéter de leur éventuelle alliance ou complicité.
S'il n'est pas question de faire preuve ici d'un esprit complotiste, il est
certainement prudent aussi, en la matière, de se garder de tout
angélisme. Tout simplement parce qu'une influence, même minime,
des pouvoirs politiques sur les médias est forcément
préjudiciable à une production journalistique honnête.
De fait, comme le rappelle Laurent Muchielli, chercheur au
CNRS, les médias sont un « monde social perméable,
influençable voire même manipulable » et non pas un «
univers clos », comme l'on peut avoir tendance à l'imaginer.
Bien souvent vus comme les seuls responsables dans l'origine
et le développement de la peur par rapport à l'islam, les
médias ne sont en réalité qu'un rouage d'une machine. Les
accuser d'être les seuls responsables de l'image, plutôt
négative, dont souffre l'islam actuellement, reviendrait à
procéder d'une généralisation abusive. A ce
stade-là de la réflexion, c'est tout naturellement que se pose la
question de l'influence politique.
Or, en la matière, il ne semble pas que la France soit
aussi exemplaire qu'elle veut bien le laisser paraître. Se
prévalant régulièrement de son avant-gardisme et de sa
place de leader en matière des droits de l'homme, elle est pourtant loin
d'être première de la classe quand il s'agit du droit de la
presse. En 2010 en effet, elle est classée 44ème (sur
178 pays) en matière de liberté de la presse.
Ce résultat, obtenu par l'ONG Reporters sans
frontière, prend en compte pour l'élaboration de sa notation des
critères comme l'existence de menaces indirectes, la censure ou encore
les pressions judiciaires qui s'exercent sur les journalistes. La plupart des
critères pris en compte pour l'établissement de ce classement
concernent directement ou indirectement des pressions politiques. Ainsi, le
fait que la France soit assez éloignée des premières
places du classement ne témoigne pas d'un contexte politique
extrémement favorable à la liberté de la presse.
Même les Etats-Unis, appliquant pourtant le Patriot Act (NDA :
loi anti-terroriste visant à une réduction de certaines
libertés fondamentales des citoyens dans le but de faciliter la
recherche de terroristes) devancent la France de 24 places.
Commentant ce classement, RSF explique qu'en 2010 l'hexagone a
confirmé son « incapacitéà renverser la tendance
» et que de nombreux incidents se répètent chaque
année : « violation
de la protection des sources, concentration des médias,
mépris et [...] impatience du pouvoir politique envers les journalistes
et leur travail, convocations de journalistes devant la justice. »
D'ailleurs, depuis 2004, la France n'a cessé de chuter dans ce
classement, passant ainsi de la 26ème place en 2003, à
la 43ème place en 2010.
Un dessin satirique de Pancho à propos des rapports entre
politique et chaînes de télévision publiques.
Dans cette relation d'amour/haine qui unit médias et
politiques, il semblerait que ce soit les politiques qui aient, en quelque
sorte, aujourd'hui gagné la partie. En effet, situation inédite,
la plupart des périodiques et des émissions audiovisuelles font
désormais partie de grands groupes tels que Bolloré,
Lagardère ou Dassault, réputés être très
proches du pouvoir en place.
Cette situation, terreau fertile de la censure et de
l'autocensure, est jugée par beaucoup comme extrémement nuisible
au bon exercice du métier de journaliste. Concernant l'image
médiatique de l'islam, et plus largement du Proche-Orient, ces
influences peuvent évidemment avoir des répercussions. Pour
Schmuel Trigano, sociologue et philosophe spécialiste du judaïsme,
on assiste aujourd'hui à une « action perverse de la classe
politicomédiatique » dans la déformation du Proche-Orient et
des musulmans. Une action qui irait selon lui jusqu'à imposer une «
recension fausse des évènements, au point même de
"corriger" ce qui ne se conform[e] pas à la vulgate que l'on v[eut]
asséner » (La Démission de la République,
p.45/46).
De son côté, Mediapart (NDA : journal en
ligne réputé pour son regard critique et sa ligne
éditoriale indépendante), dans un article intitulé
Pourquoi la France rejette-t-elle son islam ? explique que « ce
n'est pas la première fois dans l'Histoire qu'un gouvernement cherche un
bouc émissaire » et que « nos hommes et femmes politiques
sembleraient avoir trouvé un coupable idéal,
préférant entretenir [...] " le sentiment permanent d'une
insécurité qui mêle les risques de la crise et du
chômage à ceux du verglas ou du formamide pour faire culminer le
tout dans la menace suprême de l'islamiste terroriste ". »
D'ailleurs, les journalistes eux-mêmes ne cachent pas
subir une certaine pression du politique. Dans un sondage du Conseil
Sondage Analyses, réalisé en 2007 auprès des
journalistes français (cf. annexe 2), 5 % estiment que ce qui
porte le plus atteinte à la qualité de leur travail est la
pression politique. Un chiffre qui pourrait paraître dérisoire si
l'on ne tenait pas compte du fait que 10 % des journalistes pensent que c'est
la censure de leur supérieur et 6 % l'autocensure, qui porte le plus
atteinte à la qualité de leur travail. Dans cette part de «
censure » qui s'applique, on peut supposer qu'une partie concerne des
pressions ou des peurs relatives au monde politique. Mais, suppositions
à part, il reste tout de même 5 % de journalistes français
qui estiment que les pressions politiques sont le principal frein à la
qualité de leur travail, ce qui est déjà
intolérable.
Ce sondage nous livre deux autres données
étonnantes : 12 % des journalistes n'ont pas l'impression d'exercer leur
métier librement et 17 % des journalistes pensent que le manque
d'indépendance et le clientélisme (défaut fâcheux
quand il s'agit de clientélisme politique et que l'on connaît les
discours peu ou prou islamophobes de certains partis) font partie des
défauts principaux de leurs pairs. Il paraît assez
surréaliste d'imaginer que presque un quart des journalistes du «
pays des droits de l'homme » ne se sentent pas libres dans l'exercice de
leur métier. C'est pourtant le cas aujourd'hui.
Enfin, un autre aspect essentiel à prendre en compte
dans l'analyse de la relation politicomédiatique est mis en exergue par
Vincent Geisser dans La Nouvelle islamophobie : celui de l'histoire
politique des journaux.
Selon lui, les journaux, en fonction de leurs tendances
idéologico-politiques, tendraient à présenter une certaine
image de l'islam. Ainsi, des hebdomadaires comme L'Express ou Le
Point « plutôt à droite sur l'échiquier
politico-médiatique " se cantonneraient à « une vision
exclusivement sécuritaire des enjeux de l'islam » qu'ils
transmettraient de manière subtile et nuancée « par les
éditoriaux et les montages iconographiques " plus que par « le
contenu des articles ou des dossiers ". De leur côté les news
magazines marqués à gauche comme Le Nouvel
Observateur ou Marianne auraient, eux, tendance également
à « véhiculer une vision sécuritaire des enjeux de
l'islam de France », mais en semblant plutôt s'axer sur « la
défense des minorités musulmanes menacées : femmes
maghrébines soumises à la loi des hommes, intellectuels
algériens victimes du terrorisme, "musulmans laïques" incompris par
les pouvoirs publics et jeunes filles de banlieues victimes du nouvel ordre
moral islamiste. "
D'après cette théorie du sociologue et
politologue Vincent Geisser, les « filiations idéologiques "
traditionnelles des journaux auraient donc un fort impact dans leur
façon de représenter l'islam. Ainsi, l'islam n'y serait vu
qu'à travers le prisme de la ligne éditoriale du journal. Une
pratique qui, fatalement, est nuisible à une production journalistique
en accord avec une « neutralité " minimale
généralement avancée comme « souhaitable ".
Un dessin du caricaturiste Large faisant un parallèle
entre l'autocensure journalistique et la guillotine.
Cette analyse conduit à s'interroger sur le
degré de neutralité réalistement applicable par le
journaliste dans l'exercice concret de sa profession. Si des journaux aussi
renommés que Le Nouvel Observateur ou L'Express, se
voulant pourtant respectueux de la déontologie journalistique, ont du
mal à respecter cette dernière, pourquoi continue-t-on
d'entretenir le mythe d'une neutralité journalistique ?
Se parer du manteau de la neutralité n'a qu'un avantage
en journalisme : celui de conserver la confiance d'un lectorat avide d'une
objectivité chimérique, en laquelle il ne croit que parce qu'on
lui en suggère l'existence.
Ainsi, sous couvert de cette prétendue
objectivité, certains journalistes expriment des idées politiques
qui ne seraient somme toute pas condamnables si elles ne se cachaient pas sous
un vernis de neutralité.
En définitive, médias et politiques sont bien
plus liés que le spectateur lambda ne peut l'imaginer. Et, si le fait
d'exprimer une opinion politique n'est absolument pas blâmable en soi, ce
qui l'est c'est de ne pas dire, au moment où on l'exprime, que l'on ne
présente là qu'un point de vue. Cette problématique de la
neutralité journalistique et des mythes qui l'entourent sera par
ailleurs traitée plus en profondeur dans la partie II) 2 de ce
mémoire.
Toutes ces caractéristiques du journalisme,
méconnues du grand public, modèlent l'agenda médiatique,
au point de parfois focaliser sur des acteurs ou des faits de
société ayant concrètement une importance mineure.
1-2) Illustrations du phénomène : le cas de
Ni putes ni soumises et les débats sur le voile et la
laïcité :
En effet, que penser d'organisations comme Ni putes ni
soumises qui, outre leurs bonnes intentions, ont, comme le rappelle
Tevanian (La République du mépris) «
bénéficié, à une vitesse déconcertante, d'un
accès quasi illimité aux grands médias, et d'un immense
soutien politique et financier de la part des pouvoirs publics " alors que,
« dans le même temps, d'innombrables associations beaucoup plus
anciennes, expérimentées et ancrées dans les quartiers,
tentaient en vain de se faire entendre et soutenir ".
Aussi, le problème ne réside pas tant dans le
fait que le gouvernement et les médias mettent en avant une association
plutôt que d'autres, mais plutôt dans le fait que l'organisation en
question présente une vision bien arrêtée de la
réalité. Cette réalité, pour Ni putes ni
soumises est, comme l'avance Tevanian, celle d'une France divisée,
à deux visages. D'un côté « la France " laïque,
républicaine, moderne, égalitaire et émancipée "
qui est blanche de peau, qui vit dans les centres-villes et qui
bénéficie des acquis du combat féministe ». De
l'autre, « la France des " quartiers ", soumise à la " loi de la
cité ", mélange de machisme traditionnel hérité de
parents immigrés et d'intégrisme musulman promu par les " grands
frères " ".
Or, dans cette conception du monde « c'est bel et bien
toute une population qui se trouve stigmatisée et renvoyée du
côté du mal " et « on a beau dire que les
"intégristes" ne représentent pas "l'immense majorité des
musulmans, respectueux de la République", à la minute
d'après on parle de la tyrannie des "grands frères" dans leur
ensemble, ou de l'"omerta" qui règne sur les viols collectifs, autrement
dit, d'une complicité de l'ensemble de l'entourage. "
Encore une fois, et suite à ce constat, on ne peut que
s'interroger sur les rapports de force existant entre médias et
politiques. Si une association, qui n'est pas forcément la mieux
placée pour se faire la porte parole des problèmes des banlieues,
est présentée comme telle dans les médias, c'est bien
qu'il y a une faille quelque part.
Ni putes ni soumises, à la base totalement
inconnue et fraîchement implantée, est parvenue en quelques mois
à jouir d'une présence médiatique démesurée
et à être présentée comme le porte-étendard
de ce qui se fait de mieux en matière d'action sociale dans les «
quartiers ".
En l'occurrence, il semblerait qu'avoir
bénéficié d'un soutien politique ait été
gage de visibilité médiatique. Gela ramène donc à
deux hypothèses : soit les politiques étant par nature
médiatiquement visibles, ont, en apportant leur soutien à
l'association, braqué les projecteurs sur elle ; soit les politiques, en
ayant une influence sur les médias, ont réussi à imposer
leur poulain sur la scène médiatique.
Le problème étant, dans tous les cas, que cette
organisation en connivence avec le politique soit désormais, dans l'oeil
des téléspectateurs, l'interlocutrice unique sur les sujets de la
banlieue ou des violences faites aux femmes. A partir de là, il devient
facile d'imaginer comment un parti politique peut instrumentaliser une cause
sensible aux yeux du public, et donc, potentiellement génératrice
de voix.
Goncernant la polémique du voile, beaucoup affirment
que c'est une « fausse question ". C'est le cas de l'essayiste et militant
associatif Pierre Tevanian qui se demande dans Le Voile médiatique,
un faux débat si la question du voile à l'école n'a
pas « été inventée par les journalistes et les
politiques " ?
Selon lui, les termes du débat ont été
posés de manière tellement vague et confuse que l'on est
rentré dans une discussion sans fin, hors de propos, « autoris[ant]
un climat général de racisme anti-musulman " et surtout,
occultant complètement les conséquences possibles, comme
l'exclusion scolaire.
« Personne, en tout cas, n'a jamais soutenu qu'il fallait
exclure et déscolariser les fashion-
victims qui,
en se "sapant " ou en se maquillant ou en se décolletant "trop",
"aliénaient" leur
subjectivité au "culte de la beauté".
Comment dès lors, interpréter cet excès de
zèle
herméneutique lorsqu'il s'agit d'un foulard, que ce
foulard est dit "islamique" et qu'il est
porté par des descendants
d'immigrés ou de colonisés ? Comment nommer autrement que
par
le mot racisme cette n-ième inégalité de traitement,
toujours au détriment des mêmes ? »
Pierre Tevanian, La République du
mépris
Or, en premier lieu, le rôle du journalisme n'est-il pas
de faire preuve de pertinence ? Les nombreux journalistes, les nombreuses
rédactions relayant sans relâche cette actualité durant
presque une année entière, sans réussir à en
expliquer clairement les tenants et les aboutissants, ont-ils fait preuve de
cette pertinence ?
Pour Tevanian, c'est là le coeur du problème :
la façon dont médias et politiques « ont imposé
l'idée [...] absurde selon laquelle la présence de quelques
élèves portant un foulard dans certaines écoles
était en soi problématique ». D'ailleurs, son jugement est
sans appel, puisque pour lui « ce sont bien les grands médias qui
ont élevé « le voile [...] au rang de "problème de
société" authentique », non pas forcément de
manière consciente mais simplement en « multipli[ant] les
émissions ou les articles [...] consacrés au sujet ». En
effet, les sondages réalisés à la même
période montrent que les préoccupations des Français
étaient bien loin de cette « problématique » du voile.
En revanche comme premières préoccupations l'on retrouvait le
chômage, le système social et le pouvoir d'achat,
thématiques clefs sur lesquelles les gouvernements successifs cherchent
sempiternellement à détourner l'attention du public.
« La priorité à droite »
Caricature
réalisée par Large le 27 janvier 2010
De leur côté, certains politologues
spécialistes de l'islam, comme Olivier Roy, pensent que des
débats tels que celui du voile à l'école ou de
l'identité nationale n'ont en réalité qu'un seul but :
celui de séduire un certain électorat.
Poussant la réflexion encore plus loin, Alain Gresh
(journaliste et auteur de plusieurs livres sur le Proche-Orient) défend
que la stigmatisation d'une religion au travers de débats publics peut
également servir de prétexte à la justification de budgets
militaires élevés, ou de certaines décisions
politiques.
Au fond, l'ultra-médiatisation de débats comme
celui sur le voile et les ascensions fulgurantes de certaines organisations
comme Ni putes ni soumises illustrent parfaitement les relations de
bon voisinage qu'entretiennent médias et politiques. Bien d'autres
exemples ont déjà été fournis en la matière
c'est pourquoi point n'est besoin de s'attarder plus sur le sujet. En revanche,
il faut le noter, la collusion entre les médias et la sphère
politique est un aspect clef de la thématique de l'image de l'islam dans
les médias français.
Dessin satirique (réalisé par Large) mettant en
avant l'absurdité du débat instauré sur l'identité
nationale.
Outre les relations pour le moins nébuleuses
qu'entretiennent parfois journalistes et politicien(ennes), il y a un aspect
encore plus important à prendre en compte dans la thématique que
nous traitons : celui de la capacité du professionnel de l'information
à faire preuve d'un esprit le plus impartial possible.
2) Le mythe de la neutralité journalistique :
« Quand un journaliste prétend s'épargner
le
travail qui consiste à demander comment se structure le
sens
commun, il se condamne à trouver systématiquement dans
le
monde les modèles qu'il y projette, à faire passer sa
vision
préconçue des choses avant le réel de la
situation ».
F.Aubenas, M. Bensayag, La Fabrication de
l'information.
Les journalistes et l'idéologie
de la communication.
En 2010, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA)
est saisi pour juger plusieurs cas de reportages dénoncés comme
irrespectueux de la déontologie journalistique. « Un
été dans la cité » de 66 minutes sur
M6 et « Peur dans la cité » diffusé dans
l'émission 7 à 8 sur TF1 sont condamnés
pour « non respect de la pluralité des points de vue », «
dramatisation excessive de la vie dans les banlieues » et mise en avant
« disproportionnée sur la violence et l'insécurité
». En cette occasion, le GSA a tenu à rappeler que les
stigmatisations auxquelles procèdent
certains reportages ont des graves conséquences, dont la
« cristallisation [...] des malaises quitraversent la
société française ». En peu de mots, le GSA
résume parfaitement la portée, à court comme à long
terme, d'un laisser-aller dans le respect de la déontologie
journalistique.
Estimant qu'il est urgent de modifier les comportements
médiatiques vis-à-vis de la « banlieue » et de la
soi-disant « menace islamiste », cet organe régulateur du
paysage audiovisuel français en a profité pour réaffirmer
son engagement en tant qu'arbitre des médias. Mais si le GSA tape de
temps à autre sur les doigts de certains journalistes, le
problème de la neutralité journalistique reste entier.
En effet, s'il est bien une thématique sur laquelle
devraient se pencher nombre de professionnels de l'information, c'est celle de
la neutralité et de ses limites d'application.
Passionnant dans son étude, le mythe de la
neutralité journalistique (car c'en est un) nous emporte au coeur du
plus important chaînon de la machine médiatique : le journaliste
luimême.
Naviguant entre fantasme et réalité, cette seconde
partie du présent chapitre a pour but de déconstruire le mythe de
la neutralité journalistique en en explorant les moindres recoins.
2-1) La neutralité du journaliste, une utopie
dangereuse :
Il est crucial d'appréhender en quoi la
neutralité journalistique relève de la chimère, de
l'utopie. Premièrement, parce que cela permet de prendre du recul et de
réattribuer à chaque chose sa réelle importance.
Deuxièmement, parce que cela conduit à développer un
esprit critique envers une représentation médiatique que l'on a
trop souvent tendance à considérer comme vérité
absolue. Troisièmement, parce que c'est un aspect de nos médias
dont on parle assez peu malgré leur omniprésence.
En premier lieu, ce qui rend cette neutralité
impossible c'est tout simplement la sélection de l'information.
Effectivement, décider de mettre en avant une information plutôt
qu'une autre c'est déjà prendre parti.
Jean-Paul Willaime, dans son article Les médias et
les mutations contemporaines du religieux (In: Autres Temps. Cahiers
d'éthique sociale et politique. N°69, 2001. pp. 64-75.),
illustre parfaitement ce phénomène. A la question « Les
médias sont-ils jamais fidèles à une réalité
sociale quelle qu'elle soit ? » il répond que ces derniers «
sélectionnent logiquement [...] dans le flux continu de la vie des
sociétés et des individus, pour en offrir des traits pertinents
à ceux qui lisent, écoutent ou regardent » et précise
que « même un événement suivi en continu durant des
heures [...] ne saurait être rendu dans "toute" sa réalité
complexe et innombrable ». De ce fait, bien souvent, l'individu qui a
vécu un évènement sur place et en direct peut souvent
remarquer une différence notable entre ce que lui a vu et ressenti et ce
que le reportage dédié à l'évènement laisse
paraître.
Par cette remarque il ne s'agit nullement de critiquer le
travail des journalistes, mais bien au contraire de faire comprendre en quoi
une information, comme tout récit, comme tout compte rendu, comme toute
expérience, n'est en fait rien de plus que le point de vue de la
personne qui y était, au moment où elle y était ; et ce
méme si cette dernière est capable d'un maximum
d'objectivité.
Il est indéniable qu'un reportage, quel qu'il soit, et
méme réalisé dans le plus grand respect de la
déontologie, ne reste qu'un point de vue au sens propre du terme. Il ne
nous montre, ne nous propose que l'angle de vue dont ont eux-mêmes
bénéficié les journalistes. Un exemple caricatural de ce
phénomène s'exprime à travers les photos de presse que
l'on a pu voir dans les journaux le lendemain de la chute du dictateur irakien
Saddam Hussein. Représentant des citoyens irakiens en train de renverser
la statue de l'ex-dictateur trônant place Fedaous à Bagdad, ces
photos, selon l'angle de vue que l'on propose, montrent deux
réalités tout à fait différentes.
Une première photo, en plan serré, donne
l'impression d'une foule nombreuse et confuse se pressant contre la statue.
Une deuxième photo, en plan plus large et en
plongée, montre une foule plus clairsemée qui en
réalité ne touche pas la statue
mais se contente de la
regarder.
Le journaliste peut donc, en orientant son point de vue dans
telle ou telle direction, donner des formes différentes à la
réalité. Ce que voit le journaliste de près peut avoir une
tout autre forme vu de loin. Telles les peintures réalisées sur
les courbes du toit arrondi d'une chapelle, la réalité de l'image
est ainsi bien différente selon l'angle duquel on observe.
Représentation mise à plat d'une image du Christ
qui ne devient cohérente que sur support conique. Gravure extraite de
La
Perspective curieuse. Magie articielle des effets merveilleux de
l'optique par la vision directe de Jean-François
Niceron,
Paris, 1638.
De même, le légendage effectué par le
journaliste a son importance.
Etienne décida de quitter la pièce
Georges referma doucement la porte de la chambre
Un dessin ayant pour but de mettre en exergue l'importance de la
légende dans la compréhension d'une photo.
L'information, au moment où elle est diffusée
à son public, n'est donc déjà plus réellement
« neutre ». D'abord sélectionnée parmi de nombreuses
autres, elle est ensuite rapportée par un observateur qui n'en montre
que certains aspects.
Patrick Champagne, sociologue réputé, qualifie
ce phénomène de « travail de construction ". Dans un article
intitulé Le Traitement médiatique des malaises sociaux,
il explique que toute l'honnêteté du monde ne saurait
empêcher l'information d'être une « construction de la
réalité ». Or cette construction de l'information,
pratiquée par tous les médias, ne l'est pas au même
degré partout. Et c'est bien pour cela qu'il est nécessaire de
rester attentif et vigilant.
Pour en revenir à l'islam, Deltombe lui, pense que ce
filtre de sélection cité plus haut est, dans le cas de l'islam,
« encombré de fantasmes " et que sa « force [réside]
dans ce qu' [il] ne montre pas ".
Un observateur outre-Atlantique du monde médiatique,
Gilles Gauthier (professeur en information et en communication à
l'université de Laval au Québec) avance que le journalisme
contemporain tend de plus en plus à se détacher d'une approche
rationnelle et raisonnée pour dériver vers « l'expression de
conviction et le moralisme ".
En plus de n'être pas une science exacte, le journalisme
contemporain aurait donc, de surcroît, tendance à se faire
moralisateur. Mais comme conclut Gilles Gauthier, la « rationalité
argumentative " peut aider à « mettre en échec [cette]
subjectivité ".
Ainsi, pour inverser la tendance il serait nécessaire
que les journalistes restent rationnels et argumentent chacun de leurs propos.
Malheureusement, l'on constate quotidiennement le manquement de certains
journalistes à cette obligation et particulièrement concernant
les actualités touchant à l'islam ou les musulmans.
C'est ce que dénonce Mouna Hachim (femme de lettre
marocaine) dans plusieurs articles dont Islam, médias et bidonnages,
ou la vision monolithique fantasmée. Pour elle, il n'y a pas de
doute, les médias français procèdent à une «
simplification outrancière » concernant l'islam et il serait bon de
« s'interroger sur les méthodes d'investigation d'une certaine
presse dont le souci semble moins de témoigner d'une
réalité que d'appuyer des clichés
préétablis, posant [ainsi] la délicate question des
manipulations de l'opinion par idéologie. "
Et elle n'est pas la seule à déplorer ce
phénomène et à établir ce constat.
Régulièrement, des colloques sont organisés dans le but de
réfléchir et de débattre sur la représentation de
l'islam et des musulmans dans les médias. Ce fut le cas, par exemple, du
colloque international sur « l'image du monde musulman dans les
médias occidentaux " intitulé « entre partialité et
impartialité » organisé en janvier 2002, suite à la
dégradation de l'image médiatique de l'islam due aux attentas du
11 septembre.
Observant la même tendance, Acrimed, observatoire des
médias connu et reconnu, reproche régulièrement aux
médias français de procéder à un traitement trop
partial des actualités relatives à l'islam. Ce fut le cas en
janvier 2004, avec un article de Dominique Pinsolle (journaliste pour Le
Monde diplomatique et docteur en histoire) intitulé «
Les médias et les Français musulmans : ce ne sont
pas des terroristes, mais...".
Constatant que « les grands médias actuels ont la
fâcheuse tendance d'exprimer des opinions interchangeables tout en se
faisant les champions du " pluralisme " et du " débat
démocratique" », l'auteur met l'accent sur le fait que ce n'est pas
un phénomène sans conséquences puisque les « opinions
[~], à force d'être rabâchées, finissent par
s'imposer comme relevant du sens commun ". Par là, ce journaliste nous
met en garde sur les dérives possibles d'une pratique journalistique
biaisée sur le long terme.
Mais si les réflexions ci-dessus touchent en plein coeur
le journalisme dit « d'information ", elles n'abordent pas la
problématique du journalisme d'opinion.
Car, si la « rationalité argumentative » peut
s'appliquer à certaines formes de journalisme, l'est-elle
également dans des exercices comme celui de l'édito ou du billet
d'humeur ?
En ce sens, cet article apporte une réflexion
intéressante. Concernant les éditorialistes, qui sont par essence
« autorisés " à exprimer leurs opinions dans leurs papiers,
Pinsolle dit qu' « ils sont libres parce qu'ils s'affranchissent autant
que possible d'un contact effectif avec les faits », qu'« ils sont
pluralistes parce qu'ils disent à plusieurs voix à peu
près la même chose », mais qu'au final « ils satisfont
la liberté d'expression de quelques-uns au détriment du droit
à l'information du plus grand nombre [...] ".
Illustrant ses propos, le journaliste cite des extraits
d'éditorialistes prolifiques comme Bernard Guetta ou Claude Imbert, qui,
respectivement, ont affirmé que l'islam « est
hypnotisé [...] par une tentation de la violence que d'autres ont connue
avant lui " (L'Express, 6 septembre 2004) ou encore que « Le
nazisme, le communisme appartinrent au Mal occidental, nés qu'ils
étaient dans l'abîme d'un coma démocratique [alors que]
l'islamisme vient d'ailleurs, [que c']est un bloc du passé de
l'humanité, figé dans son age théocratique, dans son refus
des temps modernes, commencés chez nous, il y a quatre ou cinq
siècles " (Le Point, 2 septembre 2004).
Et effectivement, quand un journaliste mélange travail
et opinion personnelle, le résultat n'est pas toujours du plus bel
effet. Ce fut le cas du reportage La Cité du mâle
déprogrammé par Arte une heure avant sa diffusion (puis
finalement diffusé quelques temps plus tard après quelques «
retouches " de circonstance).
Consacré au machisme dans les cités, ce
reportage est dénoncé par une des journalistes qui a
participé à sa création, Nabila Naïb, (NDA :
principalement chargée de trouver des témoins) qui le
juge trop « caricatural ". Montant au créneau, cette
dernière fustigeait le reportage dans les médias avant même
sa diffusion.
Expliquant que les commentaires apposés en
postproduction sont en total décalage avec la réalité
aperçue sur le terrain (NDA : les termes « milice de quartier
» et « fascisme ordinaire » ayant été choisis pour
désigner des adolescents de 14 ans considérant qu'une fille n'a
pas à sortir en jupe ou en short dans la rue), elle a
annoncé vouloir se désolidariser totalement du travail
effectué sur ce reportage, jugeant malhonnête le grand
écart réalisé entre la réalité qu'elle a
constatée et l'image finale qu'en donne le reportage après
montage.
Ce genre d'exemple illustre toute la fragilité et toute
la difficulté de l'application stricte de la déontologie
journalistique, qui voudrait idéalement une retranscription des faits
sans modification idéologique. Tout cela conduit à une question
simple concernant l'exercice journalistique : quelles sont les limites de
l'objectivité ?
Par exemple, une partie des actualités touchent
à la politique ou à des entreprises, or ces entités ne
s'expriment qu'au travers de plans de communication bien
réfléchis et parfois complètement mensongers. Par
conséquent, relayer le discours de ces entreprises et de ces hommes
politiques de but en blanc, n'est-ce pas procéder à une forme de
collusion ? Le relais « passif » de ce type d'information ne sert-il
pas au contraire ces entreprises ou ces partis politiques ? Ne sert-il pas tout
simplement à diffuser plus largement leurs idées ?
Si la parole était donnée à tout le monde
et répartie équitablement, l'on pourrait répondre que non,
que chacun est entendu et que les médias ne servent pas le discours de
l'un plutôt que de l'autre. Malheureusement, la réalité est
bien différente et tous ceux qui n'ont pas encore acquis une
notoriété médiatique, sont finalement invisibles. Ainsi,
les médias procèderaient à une amputation de la
réalité en ne relayant les discours que de certains acteurs de la
vie publique, laissant ainsi assez peu de place aux autres.
Ce choix, cette sélection à opérer, parmi
la multitude d'actualités est inévitable. Les médias ne
peuvent décemment pas relayer tout ce qui se passe dans un pays. Mais
diffuser passivement les discours d'entités déjà
puissantes en occultant celui des 90 % restantes, est-ce vraiment cela
l'actualité ?
Cette épineuse question illustre à elle seule toute
la difficulté qu'il y a à appliquer l'objectivité en
journalisme.
Encore une fois, sans tomber dans une paranoïa de
l'alliance médiatico-économico-politique, on peut tout de
méme souvent déplorer l'absence d'analyse journalistique
pertinente, le journalisme semblant aujourd'hui être réduit
à sa plus simple expression : celle de relais neutre de l'«
information ". Par conséquent, sans rentrer dans le débat sur le
rôle du journaliste (NDA : doit-il être un relais « neutre
» ou doit-il être un « analyste »), tout cela conduit
à une deuxième question :
Le journaliste souhaitant absolument être « neutre
" (sachant que la neutralité absolue dans l'exercice journalistique
n'existe pas comme expliqué ci-dessus) ne devient-il pas une simple
« caisse de résonance » des discours que l'on lui sert ? et,
par conséquent, une trop grande prégnance du journalisme dit
« neutre» n'est-elle pas in fine plus dangereuse que
salutaire ?
Si l'on devait apporter une réponse à cette
question l'on pourrait avancer que, concernant des actualités «
apolitiques " et très factuelles, un relais le plus neutre possible de
l'information sera souhaitable et, concernant les informations relatives
à la politique ou à la communication d'entreprise, l'idéal
serait de pouvoir capter ces discours de manière brute puis de
multiplier ensuite les analyses critiques afin d'éviter une croyance
trop aveugle en un discours qui a été préparé pour
séduire ou convaincre.
Pierre Tevanian dans sa République du mépris
illustre très bien cette nécessité quand il
évoque l'interview de Nicolas Sarkozy réalisée le 7
décembre 2005 sur France 3. Au cours de cette entrevue, celui qui
était alors ministre de l'intérieur, demandait que l'on laisse
« les historiens faire [le] travail de mémoire " sur le
passé esclavagiste et colonial, ce à quoi les journalistes
présents (NDA : Jean-Michel Blier et Audrey Pulvar) «
n'ont pas [eu] l'à propos de lui demander s'il préconis[ait] la
méme retenue et le méme silence des non historiens en ce qui
concerne la Shoah."
Pour toutes ces raisons, croire en l'utopie d'une
neutralité journalistique est dangereux. Croire que le journaliste est
un surhomme (NDA : au sens strict comme au sens nietzschéen du
terme), capable d'une partialité absolue, pousse à croire
aveuglément en ce qu'il nous présente, or, il est
préférable de comprendre le rôle de témoin qu'il
exerce pour mieux en cerner les failles et les limites. Et si ce qui est pire
qu'une information biaisée c'est justement l'absence d'information,
alors le spectateur, lecteur ou auditeur se doit de faire preuve de sens
critique.
Par ailleurs, en plus d'être fondamentalement
impraticable, cette neutralité journalistique est mise à mal par
d'autres facettes du métier du journalisme comme
l'homogénéité socioprofessionnelle.
2-2) Une profession hermétique et peu
représentative de la société française :
Un homme, blanc et cadre supérieur : voici le portrait
robot du type de personnes qui occupent plus de 80 % du temps de nos programmes
télévisés.
Ges résultats, obtenus par le GSA suite à une
étude portant sur plus de 600 heures de programmes diffusés aux
heures de grande écoute (toutes chaînes gratuites confondues) sont
accablants.
Dans le monde de la télévision, tout est
disproportionné et rien ne représente la réalité.
En effet, seulement 13 % des personnes visibles à l'écran sont
considérées comme « non-blanches », il n'y a que 36 %
de femmes et 13 % de la population n'est pas cadre supérieur.
Le monde des médias, et plus précisément
du journalisme, est un milieu souvent pointé du doigt pour son
homogénéité sociale assez prononcée. Interviewant
plusieurs spécialistes du monde musulman à l'occasion des «
Veillées du Ramadan " (organisées en août 2010 à
l'Institut des cultures d'islam à Paris), Frédéric
Taddeï pose la question « Quelle est l'image de l'islam dans les
grands médias français ? ". En réponse, Nabila Ramdani,
journaliste indépendante, avance qu'« il y a très peu de
diversité dans les grand médias, ce qui fait que l'on a un point
de départ qui est tout à fait biaisé et non
représentatif de la diversité de la France [alors qu'en Grande
Bretagne par exemple] c'est tout à fait différent ". Elle
décrit le milieu du journalisme français comme «
extrêmement fermé ", « élitiste " et «
représentatif du même groupe social », expliquant qu'au cours
de sa carrière, en tant que musulmane, elle a eu beaucoup de mal
à s'y intégrer.
S'exprimant juste après elle, Véronique Rieffel,
directrice de l'Institut des cultures d'islam, constate que « la
représentation de l'islam dans les médias est une
représentation blanche " mais ajoute que pour elle, « rien de
nouveau » puisqu'au 21ème siècle, « on est
toujours dans ce que l'on appelle l'" orientalisme ", c'est-à-dire la
construction de l'Orient par l'Occident ".
Plus généralement, elle considère que
« l'islam traité par les médias » est un « islam
imaginaire qui se construit et s'alimente lui-même ». Goncernant les
musulmans de France, elle reprend une citation de Marx qui pour elle exprime
parfaitement leur "situation médiatique" : « Ils ne peuvent pas se
représenter eux-mêmes alors ils doivent être
représentés. »
Pour finir, elle avance que les journalistes aux noms à
consonance arabe sont en réalité utilisés comme «
sorte de caution » de ce « discours orientaliste ».
Les musulmans eux-mêmes ressentent également
fortement cette tendance, cette carence de mixité. C'est d'ailleurs ce
que nous confirme un sondage réalisé par le site Internet
Fleur d'islam en août 2001, révélant que 64 % des
musulmans considèrent que c'est à la télévision que
la présence musulmane fait le plus défaut (14 % pour la presse
écrite, 10 % pour la radio et 7 % sur Internet).
Ces nombreux constat d'échec de la diversité
à la télévision ne restent pas lettre morte. Gertaines
instances et organisations tentent tant bien que mal d'y remédier. Le
CSA notamment, a mis en place des programmes pour intégrer de la
diversité dans le recrutement et instaurer une certaine «
égalité des chances » dans l'accès aux concours des
écoles de journalisme (notamment en faisant des partenariats avec des
zones d'éducation prioritaire (ZEP)). En effet, les barrières
à la diversité socioculturelle dans le milieu professionnel
journalistique sont, selon le GSA, les frais de scolarités
élevés et l'inégalité des chances. Ont donc
été mises en place certaines mesures pour tenter de limiter
l'actuelle homogénéité socioprofessionnelle chez les
journalistes. En partenariat avec certaines écoles de journalisme, le
GSA a également fait intégrer dans les programmes des modules
portant sur la banlieue, l'immigration et l'histoire urbaine afin
d'améliorer le futur traitement médiatique de ces zones.
Pour sa part, le célébrissime sociologue Pierre
Bourdieu propose une analyse éclairante de ce phénomène
que cite Pierre Tevanian dans Le Voile médiatique : « Les
grands médias, explique-t-il, peuvent très bien dire tous la
même chose, ou du moins promouvoir la même vision du monde social,
sans se concerter.
Ils peuvent très bien relayer servilement la vision des
dominants sans recevoir d'ordres, de consignes ou d'argent pour cela,
simplement parce qu'ils y sont poussés par une série de logiques
sociales, parmi lesquelles : l'homogénéité sociale et
"ethnique" dans le recrutement des journalistes qui se traduit par une
homogénéité des habitus, des préjugés, des
références culturelles et politiques ; le formatage
idéologique réalisé par les écoles de journalisme ;
l'urgence de l'agenda médiatique, qui rend difficile le temps de la
réflexion, de la remise en question des préjugés ou de la
vérification des « informations " et de leurs sources ; et enfin
les logiques de marché : [...] recherche de l'audimat, [...]
sensationnalisme, [...] mimétisme et [...] surenchère ».
Finalement, l'information que relaie le journaliste n'est donc
pas neutre puisque sélectionnée et anglée. Ensuite elle
peut s'empreindre des préjugés de celui qui la communique. Enfin
elle s'exprime au travers d'un univers absolument pas représentatif de
la population française. Le cheminement que réalise l'information
« brute » jusqu'à l'oeil du spectateur est donc long et
semé d'embüches. De plus, une fois cette information
diffusée, il reste encore la part d'analyse qui y est consacrée
et, là aussi, nos médias ont parfois tendance à
pécher par négligence.
2-1) Le choix des invités et intervenants, un aspect
crucial souvent négligé :
En effet, comme le précise Dominique Pinsolle dans
Le Monde diplomatique, les « opinions [~] à force
d'être rabâchées finissent par s'imposer comme relevant du
sens commun ". Et c'est exactement le risque encouru lorsque les journalistes
font du mimétisme, de la surenchère et du sensationnalisme des
critères de choix concernant les personnalités qu'ils
invitent.
En sélectionnant sans cesse le même type
d'intervenants, en invitant sempiternellement les mêmes
personnalités à s'exprimer (parfois plus pour ce qu'elles vont
susciter de fort que pour la pertinence réelle de leur opinion), bref en
orientant cette sélection, les journalistes participent à la
manipulation de l'information.
Comme vu précédemment, l'information, une fois
sélectionnée est présentée sous un angle et, une
fois l'impératif de sa couverture passé, le débat
s'engage. A ce stade, l'information a donc perdu de sa teneur en passant par
plusieurs filtres.
Organiser des débats au cours desquels aucun avis ne
serait censuré permettrait en revanche de rééquilibrer un
peu la balance. Tout simplement en présentant au spectateur des angles
sous lesquels il ne s'était pas forcément figuré
l'information.
Concernant l'islam, les médias ont souvent tendance
à appliquer, en matière d'invitations, une politique assez
critiquable. C'est ce que décrit Geisser dans La Nouvelle
islamophobie, où il distingue trois phénomènes
caractéristiques du comportement des médias quand il s'agit
d'organiser des débats sur l'islam.
Tout d'abord, l'intervention très rare des musulmans
eux-mêmes. Et quand intervention il y a, on remarque que ce sont souvent
les mêmes personnalités qui sont présentes, soigneusement
sélectionnées selon certains critères, et souvent en
conformité avec le discours médiatique dominant. Le peu de
musulmans intervenants dans les médias en tant qu'invités ou
experts sont donc souvent les mêmes et expriment, peu ou prou, des
opinions assez similaires entre elles.
La seconde tendance observable est la propension de la plupart
des grands médias à n'évoquer que les études allant
dans le sens de l'« idéologie dominante » par rapport à
l'islam (c'est-àdire celle d'un islam tour à tour
conquérant, irréformable, moyenâgeux, etc.).
Enfin, la dernière tendance consiste en la
médiatisation d'ouvrages sur l'islam qui ne sont pas forcément le
fait de spécialistes, mais qui souvent se conforment à l'«
idéologie dominante », alors que parallèlement certains
ouvrages documentés et à la rigueur scientifique tombent dans un
oubli total.
Pour exemple, Geisser cite le cas de l'ouvrage La
République de l'islam. Entre crainte et aveuglement de
Jeanne-Hélène Kaltenbach et Michèle Tribalat. Ayant
bénéficié d'une très large médiatisation et
de critiques majoritairement élogieuses, cet ouvrage ne fonde pourtant
ses théories sur aucune enquête de terrain. Parallèlement,
La France des mosquées, ouvrage du journaliste du
Monde, Xavier Ternisien, a été quasiment absent de la
scène médiatique alors qu'il propose le résultat
d'investigations rigoureuses.
Geisser voit en cela les conséquences de la
volonté d'une « simplification à outrance » des
journalistes qui préfèrent « "transformer [d]es puits
d'interrogations en tas de certitudes" [...] au lieu de remettre en cause
[leur] grille d'analyse ».
De ce fait, des thèses totalement infondées, voire
racistes, en sont arrivées aujourd'hui à être très
présentes sur la scène médiatique.
A l'image de celle de Pierre-André Taguieff (sociologue
et politologue très médiatisé) qui considère
l'islam comme homogène, irréformable et dangereux dans le sens
où une minorité d'« extrémistes " peut tout à
fait submerger la majorité des autres musulmans par ses idées. En
ses termes cela donne : « Ce qui peut s'observer, et qui est fort
inquiétant, c'est la multiplication des zones d'équivocité
où sont indéterminables les frontières entre islam et
islamisme. Or ces zones [...] sont aussi des zones de basculement, où
les convictions peuvent se traduire en mobilisations violentes ou en actes
terroristes. C'est là une caractéristique remarquable de l'islam
contemporain. "
Cette thèse, en plus d'être infondée,
stigmatisante et de générer de la peur, est pourtant
très
régulièrement évoquée par son auteur
lorsqu'il est invité sur les plateaux télé, à la
radio oüdans les journaux. Ainsi, Taguieff expose,
rabâche au plus grand nombre ses idées qui,
finalement, ne reposent que sur sa propre opinion et ne se
basent sur aucune étude sérieuse ou aucune enquête de
terrain de sa part. Ce qui est regrettable, ce n'est donc pas tant que l'on
laisse s'exprimer les opinions, même les plus radicales, car cela
relève du droit d'expression le plus fondamental ; non, ce qui est
regrettable c'est que les débats sur l'islam se voient
systématiquement monopolisés par des points de vue tels que ceux
de Taguieff dont la personnalité « booste " certainement les
audiences, mais dont les idées ne se basent sur aucune étude
sérieuse. Par là même, la monopolisation quasi
systématique des temps d'antenne par des opinions majoritairement
hostiles et anxiogènes vis-à-vis de l'islam, ne permet pas
d'équilibrer le débat et participe à influencer l'opinion
publique en ne lui présentant implicitement que des avis assez
négatifs ou normés.
Pour Vincent Geisser, ces pratiques médiatiques quant
au choix des invités s'apparentent à un « jeu de
rôles, dans lequel les partitions des acteurs sont soigneusement
réglées à l'avance " avec en sus des « héros
et [d]es antihéros musulmans ".
D'ailleurs, ayant particulièrement fouillé la
question, il définit dans son livre une catégorie bien
particulière parmi ces invités : celle des « experts de la
peur ".
Grossièrement, cette expression désigne la petite
intelligentsia de géopoliticiens, historiens et autres penseurs qui ne
voient la « question de l'islam » qu'au travers de thèses
alarmistes.
Parmi eux il compte Antoine Sfeir (journaliste
franco-libanais), Alexandre Del Valle (essayiste et docteur en
géopolitique), Pierre-André Taguieff (sociologue, politologue et
historien) ainsi qu'Antoine Basbous (politologue libanais) et
Frédéric Encel (essayiste et géopolitologue).
Pour l'auteur de La Nouvelle islamophobie, clairement,
ces « experts de la peur » procèdent à la «
promotion et à la banalisation de l'islamophobie » en « se
parant des apparences de scientificité et du "réalisme de
l'expertise" » ce qui « diffuse une idéologie du
soupçon. » Déplorant le fait que toute personnalité
médiatique « se doi[ve] d'avoir un discours "responsable" sur
l'islam et les musulmans au risque d'être taxé par ses pairs
d'islamophilie ou d'angélisme. », il pointe du doigt quelques-uns
des nombreux obstacles qui s'érigent devant celui qui compte s'exprimer
en toute liberté sur le sujet de l'islam. C'est qu'en effet une chape de
plomb semble peser sur toutes les opinions en dissonance avec la pensée
médiatique majoritairement admise concernant l'islam.
Pour mieux comprendre les conséquences de ce
phénomène, et le point auquel nous en sommes arrivés
concernant l'image de l'islam dans les médias français, voici
quelques citations exposant la pensée de personnalités
considérées dans les médias comme des spécialistes
de l'islam (extraits compilés originellement par Vincent Geisser dans
La Nouvelle islamophobie) :
René MARCHAND, dans La France en danger d'islam, p.116
:
« Il faut répéter : l'islam est, de naissance,
de nature, génétiquement fondamentaliste. Et ce fondamentalisme
se base en grande partie sur le caractère ordinaire de son
prophète fondateur, l'historicité dans laquelle la religion est
née, l'authenticité indéniable de son "donné
scriptuaire", la rationalité avec laquelle celui-ci a été
enregistré. »
« L'islam est réduit à une essence
maléfique, dont tous ses fidèles, depuis la
révélation prophétique, seraient les porteurs et les
propagateurs dans le monde entier. »
R.Cukierman, Au risque de déplaire, Le
Monde, 11 février 2002 :
« La France républicaine hésite à
reconnaître son échec dans l'intégration scolaire et
sociale des jeunes beurs [...] Il me déplaît [de voir] les
graffitis [...] les insultes antijuives [...] le danger le plus immédiat
[...] vient [...] désormais de quelques fanatiques islamistes ou de
quelques individus isolés qu'on appelle délicatement des jeunes
voyous de banlieues. »
Alexandre Del VALLE, dans Le Totalitarisme islamiste à
l'assaut des démocraties, p.105.
« Sous le signe de la progression polymorphe de ce nazisme
du XXIème siècle, la nouvelles xénophobie
islamiste universelle trouve désormais de puissants échos dans
les "banlieues de l'islam" d'Occident [...] Des banlieues
inconsidérément données en pâture par les dirigeants
occidentaux aux prédicateurs de la haine islamiste, où juifs et
chrétiens ne peuvent plus vivre en sécurité. »
Si des phrases similaires étaient publiées,
qualifiant le christianisme ou le judaïsme de
« nazisme du XXIème siècle »,
son auteur serait très certainement conspué et vivement
critiqué dans les médias. En l'occurrence, cette phrase a
été prononcée envers l'islam et son auteur est toujours
régulièrement invité sur les plateaux télés
où il fait l'objet de critiques souvent assez positives voire
élogieuses. Pour Thomas Deltombe, journaliste et essayiste, « ces
analyses à l'emporte-pièce ne [semblent] gêne[r] aucunement
la plupart des journalistes des chaînes de télévision.
»
Vincent Geisser propose une autre explication concernant le
« comportement » de ces « experts de la peur ». Selon lui,
« par la spécificité de leurs thèmes d'études
[...] et les sollicitations publiques dont ils sont fréquemment l'objet
[...], les géopoliticiens sont particulièrement exposés
aux courants anxiogènes qui traversent nos sociétés
occidentales [ce] qui les condui[t] souvent à épouser
consciemment ou inconsciemment des analyses parfois douteuses sur l'immigration
en général, et sur les populations de culture musulmane en
particulier. »
Ceci dit, ces « experts » ne sont pas totalement les
seuls à s'exprimer puisqu'on les retrouve souvent accompagnés
d'une « caution musulmane ». En effet, sont apparues sur la
scène médiatique ces dernières années, des
personnalités issues de divers horizons et se prétendants
expertes sur le sujet de l'islam du simple fait de leur appartenance à
cette religion.
On peut citer par exemple Aziz Sahiri (ancien adjoint au maire
de Grenoble de 1989 à 1995), Farid Smahi (conseiller régional du
Front national en Île-de-France) ou encore Rachid Kaci (membre de
l'UMP).
Souvent engagées politiquement, ces
personnalités sont quasi exclusivement invitées à
intervenir dans les médias en tant que musulmans, pour s'exprimer sur le
sujet de l'islam. Parées de cet « attribut », il
apparaît qu'il leur soit plus facile de critiquer violemment les
musulmans et l'islam, sans avoir à prendre des pincettes ou sans risquer
de se faire accuser de racisme. Or, si ces derniers étaient des
islamologues leur avis aurait du poids, mais le fait qu'ils soient simplement
des musulmans ne fait pas d'eux, ipso facto, des spécialistes
de l'islam. Et c'est là que, encore une fois, l'on se retrouve
confronté aux problématiques de déontologie
journalistique. Inviter au cours d'une émission une personnalité
musulmane en présentant ses propos au méme niveau que celui d'un
expert est somme toute très critiquable en matière de
déontologie.
Fait encore plus grave, c'est la crédibilité de
ces « experts " qui est parfois leur talon d'Achille. A l'image d'un
Pierre-André Taguieff dont la thèse du « réveil des
instincts communautaires " chez les jeunes Arabo-musulmans révèle
de nombreuses failles. En effet, selon l'analyse de Philippe Corcuff, il semble
que Taguieff « dès qu'il établit des liens entre la
judéophobie islamiste et la montée (effective) de
l'antisémitisme en France " prenne « davantage de libertés
à l'égard des indices empiriques » et qu' «
emporté par la logique de l'amalgame, l'analyste rigoureux de
l'essentialisme raciste (NDA : l'essentialisme consiste en la
réduction de l'ensemble des membres d'une communauté à une
essence négative) devien[ne] lui-même essentialiste [à
l'égard [...]des jeunes d'origine maghrébine]. "
Pourtant très médiatisée, la
validité de cette thèse de Taguieff est, au regard de la
réalité, plus que discutable. D'après Geisser, aucune
analyse récente et aucuns chiffres ne tendent à prouver une
augmentation particulière du nombre d'actes de violence
antisémites. Pour lui, c'est donc « au nom de conceptions
sécularistes se proclamant ouvertement modernistes et universalistes que
certains acteurs en viennent à dénoncer les dangers de
l'islamisation de la société française, tout en se
défendant d'adhérer à un discours [...] antireligieux ou
islamophobe. "
Selon lui, la faute des journalistes et autres experts
réside dans le fait de qualifier
systématiquement les musulmans comme une
communauté homogène, une sorte de bloc oü « chaque
élément est censé entretenir des connexions avec les
autres ".
Or une telle vision des choses ne peut que constituer une
« porte ouverte à tous les amalgames et dérapages possibles
". Ainsi, « le jeune musulman paisible de la mosquée de Bordeaux ou
la jeune fille voilée d'un collège lillois dev[iennent] les
éléments visibles d'un ensemble faisant problème,
[ce] qui légitime pleinement que l'on entretienne à leur
égard une forme de suspicion permanente, sous couvert de " vigilance
républicaine ". A ce moment là, « le glissement du combat
idéologique contre l'islamo-terrorisme à l'islamophobie devient
possible. "
L'auteur en appelle par là à une réflexion
objective et documentée sur l'islam, réflexion qui permet de
s'éloigner d'une vision manichéenne résultant souvent
d'une certaine paresse intellectuelle ou d'une instrumentalisation effective de
la réalité.
Dans cette tendance à l'exagération
médiatique dès qu'il s'agit d'islam, on peut citer le cas Redeker
(NDA : philosophe français auteur d'une tribune virulente
vis-à-vis l'islam parue dans Le Figaro du 19 septembre 2006 qui
lui a value de nombreuses critiques et plusieurs
menaces de morts anonymes), un fait rare et
isolé, que les médias ont pourtant
présentécomme « la règle ".
Selon Pierre Tevanian, s'il est bien normal, à travers
ce cas extreme, de s'attacher à défendre la liberté
d'expression, il faut envisager cette dernière « sous toutes ses
dimensions ". « Robert Redeker doit avoir le droit d'exprimer son
islamophobie sans être menacé de mort, mais tous ceux, musulmans
ou non, qui veulent exprimer le dégoût que leur inspire cette
islamophobie doivent aussi pouvoir le faire, ce qui suppose qu'on leur en
laisse non seulement le droit, mais aussi la possibilité
matérielle [et] qu'on leur accorde par exemple un certain
accès aux principaux médias. "
A l'occasion de cette polémique, l'étouffement
des idées à contre courant de l'idéologie
médiatiquement dominante en matière d'islam était plus
visible que jamais. Par exemple, au cours de l'émission « Ce soir
ou jamais » d'octobre 2006, le cinéaste Romain Goupil, signataire
de l'« Appel du Monde " (NDA : pétition organisée par le
journal Le Monde en faveur de Robert Redeker) empêcha
littéralement le sociologue Jean Baubérot de parler en
l'interrompant sans cesse.
Lorsque ce dernier le lui fit remarquer, et réclama, pour
lui-même, un peu de cette « libertéd'expression "
que Goupil défendait si ardemment pour Robert Redeker, le
cinéaste rétorqua sans se démonter « Eh bien, oui, je
ne suis pas tolérant avec les complices des intégristes ! ".
Cette phrase caricaturale, illustre parfaitement la mouvance
qui s'exprime envers toute opinion médiatiquement minoritaire concernant
l'islam. Une personne qui est contre les menaces de mort
proférées envers Redeker, mais qui trouve toutefois que ce
dernier a été raciste dans ses propos est-elle donc «
complice des intégristes » ?
Le cas Redeker a mis en lumière bien d'autres
phénomènes médiatiques édifiants sur le dossier de
l'islam. Par exemple concernant les critères de « sélection
» des sujets d'actualité. En effet, entre 2003 et 2006 ce ne sont
pas moins de treize personnes (dont Alain Lipietz, José Bové,
Eyal Sivan, Xavier Ternisien, etc.) qui ont reçu des menaces de mort
pour leurs prises de position plutôt hostile par rapport à
Israël. Leur situation, similaire à celle de Robert Redeker n'a
pourtant pas mobilisé les médias. Ces treize cas ont fait l'objet
(sur plusieurs années) de 17 dépêches et 11 articles, quand
en seulement un mois l'affaire Robert Redeker donnait lieu à 68
dépêches et 102 articles.
A la lumière de cet exemple, l'on peut s'interroger sur
les raisons d'une telle partialité. Quoi qu'il en soit, ce type de
pratique montre encore une fois à quel point l'islam semble être
un sujet vendeur.
Procédant au même constat que Vincent Geisser,
Thomas Deltombe ajoute que le choix des invités traduit également
une perpétuation de l'image d'une « population française
divisée ». Participant à la formation de deux camps, cette
fâcheuse habitude médiatique de placer, d'un côté les
musulmans et de l'autre les non musulmans lors des débats
médiatiques en rapport avec l'islam, entraîne la formation de deux
camps et pérennise les généralisations par rapport aux
musulmans.
3) Le journaliste, un homme comme les autres :
« Les journalistes ne sont pas moins imperméables
que
n'importe qui aux clichés, aux simplifications,
aux
idées reçues ou aux fantasmes. Ils ont
simplement le pouvoir
de les reproduire ou les
amplifier, la plupart du temps sans même
en
avoir une conscience claire. »
Nathalie Dollé, journaliste.
Comme vu précédemment, beaucoup de facteurs
peuvent diminuer la « neutralité » de base d'une information.
De manière consciente, pour des raisons politiques ou moralistes, le
journaliste peut présenter l'actualité sous un angle choisi.
Mais, outre cette manipulation volontaire (et condamnable), un
autre phénomène influe sur le traitement de l'information:
l'inconscient du journaliste. Dans le cas des actualités relatives
l'islam, cette inconscient a un rôle prégnant, notamment parce
qu'il fait appel à des stéréotypes profondément
ancrés sur lesquels l'individu n'a pas toujours prise.
3-1) Des défauts bien humains mais
préjudiciables à l'objectivité:
En effet, un journaliste peut se tromper ou orienter son
information sans méme s'en rendre compte, ce en toute bonne foi. Une
personnalité plutôt pacifique et positiviste peut avoir tendance
à ne faire ressortir que le bon et à occulter le sombre, le
mauvais. A l'opposé, une personnalité plus réactionnaire,
se prévalant de réalisme, va chercher sans cesse ce qui ne va
pas. Or, concernant l'image médiatique de l'islam, l'un comme l'autre
comportement lui est préjudiciable.
Là où les premiers ne voient que du bon, les
seconds ne voient que du mauvais et ainsi de suite. S'installe alors un cycle
manichéen où chaque débat devient stérile.
Concernant l'islam et les musulmans, il semblerait souvent
qu'il faille « choisir un camp ». Comme si toute pensée
nuancée était preuve, soit d'une « faiblesse d'engagement
face à une menace vis-à-vis des valeurs républicaine
», soit d'une « mollesse à la défense d'une partie de
la population complètement opprimée ».
Le sujet de l'islam semble raviver dans l'esprit de beaucoup
des peurs profondément ancrées relatives à la perte
d'identité, à l'oppression des femmes, ou encore au poids de
l'ascétisme religieux. Dans un pays comme le nôtre, qui a acquis
durement grâce à des combats sociaux, les droits des femmes et un
détachement complet du religieux avec l'Etat, cela peut se comprendre.
Mais quand cela influe sur le respect de la déontologie journalistique
ce n'en est pas excusable pour autant.
Or, quand il s'agit de musulmans, d'islam, de voile ou de
pratiques religieuses l'on déplore souvent ce genre de comportement chez
les professionnels de l'information. Plus que d'autres sujets, la «
présence musulmane en France » fait l'objet d'une couverture
médiatique biaisée, à la fois consciemment (comme vu
précédemment) et inconsciemment.
Souvent issu d'une certaine impulsivité ou d'un
traitement de l'information trop émotionnel, l'orientation inconsciente
d'une information par le journaliste est forcément dommageable. Par
définition, cette manipulation inconsciente n'est pas maîtrisable,
en cela il est difficile de la blâmer.
Certains comme Vincent Geisser pensent toutefois que ce
phénomène est largement accentuéen France par une certaine
« paresse intellectuelle » au sujet de l'islam. Interrogé sur
le
caractère conscient ou inconscient des «
maladresses [médiatiques] discréditant les musulmans », il
répond qu'il « ne croit pas que cela soit fait consciemment »
et qu'il pense « que les personnes qui développent [...]
actuellement [des campagnes sur l'islam] sont sincères, [qu'] elles ne
veulent pas de mal à l'islam. »
Selon lui, « au-delà de la phobie, il y une sorte
[de refus de l'intellectuel français à] comprendre [que l'on]
critique, [que l'on] brasse de la peur, [que l'on] en fait des livres et [que
l'on] renonce à la compréhension pour tomber dans une paresse
intellectuelle qui fausse le jugement. »
D'ailleurs, les journalistes eux-mêmes reconnaissent ne
pas être exempts de défauts. Dans le sondage réalisé
par l'institut Conseil sondage analyses (cf. annexe 2) cité
précédemment, les journalistes s'expriment également sur
les défauts qu'ils jugent les plus couramment répandu dans leur
profession. L'on y apprend donc que 31 % des journalistes pensent que
l'arrogance, la suffisance et la prétention sont les trois plus gros
défauts de leurs collègues. Suivis de près par le suivisme
et le conformisme (29 %), le manque d'indépendance, la complaisance et
le clientélisme (17 %) ainsi que le manque de rigueur/sérieux et
la non vérification des sources (16 %).
Tous ces défauts, quand on les met en relation avec le
traitement médiatique de l'islam qui nous intéresse ici, peuvent
se révéler générateurs de conséquences
extrêmement graves. En effet, l'arrogance, la suffisance et la
prétention ne sont-ils pas des freins à la remise en question des
préjugés? Le conformisme, lui, n'est-il pas le ferment du
panurgisme et de la fermeture d'esprit? Le clientélisme et le manque
d'indépendance ne peuvent ils pas pousser à modeler l'information
en ne voyant que les bénéfices que cela apporte sans penser aux
conséquences ? Enfin, la non vérification des sources, peut
être le pire des défauts en journalisme, n'est-elle pas la porte
ouverte à la calomnie, aux insinuations et à la propagation des
rumeurs ?
A ce propos, il faut noter également que 30 % des
journalistes pensent qu'« en matière d'éthique et de
déontologie, les journalistes français font mal leur travail
".
Clairement, le journaliste est donc soumis à des
influences qui le dépassent et qui diminuent ses capacités
d'impartialité. Ainsi, une information qui par essence, ne peut
être totalement neutre car elle résulte d'un témoignage, va
en plus subir un « remodelage " opéré par l'inconscient du
journaliste. Encore une fois donc, le lecteur, auditeur ou
téléspectateur doit garder ce fait en tête afin de mieux se
prémunir des influences qui peuvent s'opérer sur lui, ou tout
simplement afin de réaliser que ce qu'il voit dans les médias
n'est qu'un reflet parmi d'autres de la réalité.
C'est non sans un certain humour que René Naba
procède au même constat dans son article « Les
journalistes, nouveaux acteurs des relations internationales » (
Oumma.com, 18 août 2009)
dans lequel il distingue deux catégories de journalistes : les «
journalistes de légende » (en voie de disparition) qui «
vivent leur mission comme un sacerdoce » et les « journalistes de
brocante » ou « crypto-journalistes », attirés par le
prestige de la fonction et les avantages qu'elle procure. Pour Naba,
effectivement, cette seconde catégorie de journalistes travaille comme
des « fonctionnaires », appliquant « [stricto sensu] les
règles de la profession [...], sans éléments de
pondération ou d'évaluation » et veillant à « un
équilibre formel de l'information dans une sorte d'équidistance
indifférenciée, oubliant que l'équité consiste
à travailler inégalement une situation inégale. »
Ainsi, selon lui, cette tendance se traduit par « une transmission de
communiqués sans états d'âmes particuliers, sans jugement
de valeur ».
Même le plus consciencieux des journalistes oriente donc
inconsciemment, par sa pensée ou ses actes, les informations qu'il
transmet à son audience. Si cela découle de défauts bien
humains, que l'on ne saurait lui reprocher, cela n'en reste pas moins de la
manipulation d'information. Aussi, résolument, il apparaît
nécessaire que le public conscientise cela en gardant
perpétuellement à l'esprit que le journaliste est un être
humain comme un autre, et en désapprenant les discours qui veulent le
convaincre de l'existence d'une neutralité journalistique.
Répandre et entretenir le mythe d'une neutralité journalistique
n'arrange dans le fond que ceux qui veulent en retirer un certain pouvoir. Car
une personne qui ne voit dans la production médiatique que
vérité pure, sans réaliser que cette dernière est
forcément déformée, est tout à fait
réceptive aux discours que l'on veut lui servir. Et perpétuer
l'idée d'une espèce de neutralité journalistique quasi
divine revient finalement à prohiber toute remise en question, à
annihiler toute réflexion relativiste.
Les médias sont des outils de pouvoir et par là
même ils sont convoités et courtisés par ceux qui y voient
l'opportunité d'influencer des millions de citoyens, d'électeurs
ou de consommateurs. Comprendre cela, c'est se préserver de certaines
influences et par là, protéger son libre arbitre.
3-2) Etude de cas : le dossier spécial islam de
Marianne ou l'illustration de l'influence journalistique inconsciente :
Pour illustrer la notion d'influence journalistique
inconsciente développée ci-dessus, voici une étude de cas
portant sur le dernier dossier en date « spécial islam » de
Marianne. Co-rédigé par Eric Conan et Martine Gozlan, ce dossier
s'intitule « France/Europe. Pourquoi l'islam fait peur ? »
(cf. annexe 4) et il est paru dans l'édition spéciale du
14 au 20 mai 2011.
Etude de cas : le dossier spécial islam de
Marianne :
ou
l'illustration de l'influence journalistique
inconsciente :
La couverture du numéro de Marianne
proposant un dossier spécial islam
C'est le terrible engrenage que connaît l'Europe depuis
quelques années [...]
«
l'islam inquiète une part de plus en plus importante
des Européens [...] et partout des extrémismes se lèvent
qui prétendent avoir la solution. [...]Le journaliste allemand Patrick
Bahners, éditorialiste au Franckfurter Allgemeine Zeitung vient
de les qualifier de " semeurs de panique "... ». C'est par ces mots que
débute ce dossier « spécial islam " de Marianne,
paru le 14 mai 2011.
Les premières pages nous brossent le portrait d'une
Europe inquiète face à l'islam, et au sein de laquelle « de
nombreux agitateurs [...] profitent des peurs que suscite l'islam en les
inscrivant dans un scénario inquiétant. "
Cette introduction, très critique vis-à-vis de
ces « semeurs de panique " en tous genres laisse penser que l'on va
trouver dans ce dossier une enquête poussée et documentée
permettant de comprendre, effectivement, « pourquoi l'islam fait peur ".
Or une analyse minutieuse de ce dossier ainsi qu'un travail de recherche sur
ses auteurs, permettent de mieux comprendre comment, alors qu'ils se proposent
d'expliquer les peurs liées à l'islam, les auteurs
réussissent à faire tout le contraire.
Au lieu de désamorcer ces soi-disant « peurs ", ce
dossier semble au contraire ne vouloir faire qu'une chose : les raviver, en les
citant une à une, sans les contredire ni en démontrer, pour
certaines, le caractère infondé. Tout en utilisant un champ
lexical extrêmement négatif relativement à l'islam, Eric
Conan et Martine Gozlan se contentent de lister les reproches faits à
cette religion.
L'impression finale pour le lecteur est celle d'un islam qui fait
peur, d'un islam barbare, rétrograde, qui ne changera jamais et qui
d'ailleurs ne le souhaite pas.
Cette représentation de l'islam est intéressante
à analyser. Elle est l'archétype méme de l'image que nous
présentent les médias occidentaux de l'islam ces dernières
années.
« Cette représentation de l'islam [...]
est l'archétype même de l'image que nous
présentent les
médias occidentaux de l'islam ces dernières années.
»
L
es onze pages d'introduction au dossier ne dérogent pas
à cette tradition médiatique puisqu'elles contiennent quasi
exclusivement des propos négatifs envers la religion musulmane. Cela
n'aurait pas été critiquable si les auteurs avaient
cherché par là à
« lister " les peurs des Européens
vis-à-vis de l'islam. Or, Eric Conan et Martine Gozlan semblent
reprendre à leur compte ces « peurs ", les énonçant
comme des vérités et cherchant sans cesse à les valider.
On retrouve rarement des expressions du type « les Espagnols reprochent
ceci " ou « les Français, eux, ont plutôt peur de cela ",
non, les auteurs se contentent d'édicter comme des vérités
leurs opinions sur l' « échec du multiculturalisme " à
l'européenne. Egrenant des propos alarmistes sur l'islam, ils induisent
l'idée que ce qu'ils sont en train de décrire constitue les
« peurs de l'Europe ".
Par exemple, sur les deux premières pages, le lecteur
peut lire que la « société multiculturelle » voulue par
l'Allemagne a « échoué, totalement échoué "
car elle « pêchait par optimisme " , que « ... de nombreux
citoyens français de religion musulmane » sont dans l'espace
de « dar-al-islam " en France, c'est-à-dire que «
le pays dont ils sont citoyens devient ipso facto, pour eux, terre d'islam
» et donc que « Les musulmans qui vivent en France doivent [...]
pouvoir appliquer les règles de la charia ». Enfin, il est
écrit que « les sociétés libérales
constitu(ent) [...] des lieux confortables pour le néofondamentalisme,
ses réseaux et ses militants » et que l'on va voir
s'« ériger lentement mais sûrement une
société en marge des communautés nationales
».
Comment le lecteur, après avoir lu ces deux pages, peut il
ne pas ressentir une certaine anxiété vis-à-vis de la
religion musulmane et de ses pratiquants?
Après avoir constaté l'« échec
» d'une politique souple et optimiste envers l'islam, on explique au
lecteur que les musulmans voudraient appliquer les lois coraniques en France et
que, justement, nos pays européens constituent un terreau fertile pour
le néofondamentalisme musulman.
Cet enchaînement d'idées a-t-il pour but de nous
amener à penser qu'il faut mettre en place des politiques fermes face
à un islam conquérant, rigoriste et réfractaire à
toute concession ? Dans tous les cas, il est indéniable qu'ici, le choix
des journalistes dans l'enchaînement des idées
génère chez le lecteur un sentiment de peur vis-à-vis de
l'islam. Cet effet, méme s'il n'était pas désiré
par les auteurs, produit quand méme ses fruits et illustre parfaitement
comment de simples choix, méme minimes, dans la rédaction d'un
article ainsi que des éléments qu'il contient peuvent influer sur
la perception qu'en aura le lecteur.
Contrairement à cette idée d'un islam
conquérant, le sondage spécialement commandé par
Marianne dans le cadre de ce dossier, indique que la majorité
des musulmans de France ne sont pas pratiquants. En effet, seuls 25 % iraient
à la mosquée et 64 % se sentent même « plus proche(s)
du mode de vie et de la culture des Français " que de celle « de
(leur) famille ". Autrement dit, on semble loin d'une pratique fervente et
radicale de l'islam chez la majorité des musulmans français. Se
côtoient donc, au sein même de ce dossier, des contradictions
flagrantes entre la représentation que se font les journalistes de
l'islam de France et la réalité illustrée par le sondage
jouxtant leur propos.
« Par définition, une minorité
devrait moins " inquiéter ", pourtant, avec la question de
l'islam,
et particulièrement ici, c'est le contraire qui semble se produire.
»
T
outefois, la vision de l'islam exposée dans ce dossier
n'est pas totalement manichéenne. Conan et Gozlan semblent vouloir faire
preuve de nuance et apposent de temps à autre une touche d'optimisme.
Par exemple, à la page 98, les auteurs reconnaissent
(malgré tous les propos cités ci-dessus) que les «
islamistes » ne sont ni plus ni moins qu'une « minorité
bruyante » et qu'ils ont été « trop souvent entendus
d'une oreille favorable [...] au détriment d'une majorité de
musulmans respectueux des lois ». Mais alors, pourquoi, à leur
tour, les journalistes n'ont-ils de cesse de vouloir alerter sur des pratiques
qui ne sont en réalité que celles d'une minorité qui, ils
le reconnaissent, n'est pas du tout représentative de la majeure partie
des musulmans ? C'est un peu comme si l'on consacrait un dossier aux
minorités chrétiennes radicales en les présentant
implicitement comme représentatives de la majorité des
chrétiens.
Par définition, une minorité devrait moins
« inquiéter », pourtant, avec la question de l'islam, et
particulièrement ici, c'est le contraire qui semble se produire. Quand
il s'agit d'islam, de manière assez générale ces derniers
temps, c'est souvent les minorités qui font couler de l'encre et qui
« font peur ".
Contrairement aux minorités juives ou
chrétiennes, les minorités musulmanes sembleraient avoir le
possible pouvoir de « contaminer " le reste des musulmans «
modérés " par leurs idées extrémistes. Cette
idée, en plus de n'être basée sur aucune preuve, stigmatise
l'islam en le présentant comme une religion qui, malgré la
modération prouvée de ses membres, devrait continuer
d'inquiéter.
A
u paragraphe suivant est écrit que « le vrai
problème », de l'Europe (donc implicitement de la France), « .
.face aux extrémistes », c'est qu'elle ne défend plus ses
valeurs fondatrices : « l'humanisme ", « la laïcité " et
« l'universalité des droits
de l'homme ".
Premièrement, en quoi ces valeurs européennes
seraient-elles menacées si, comme l'indique le propre sondage
commandé par Marianne, la majorité des musulmans se sent
proche de ces méme valeurs (c'est-à-dire « du mode de vie et
de la culture des Français ") ? Deuxièmement, les auteurs
souffriraient-ils d'amnésie quand ils sous-entendent que la France
(incluse dans l'Europe dont ils parlent) ne défend pas ses valeurs de
laïcité ? Ce débat a pourtant
bénéficié, en France, d'une surmédiatisation assez
inédite. Cette « affirmation de valeurs ", chère à
nos auteurs, a bien eu lieu et certainement pas de manière
étouffée ou peu visible. Sujet d'actualité pendant des
mois entiers et successifs, le débat sur la laïcité a
indéniablement bénéficié d'une couverture
médiatique importante et étendue. La théorie des auteurs,
selon laquelle les pays européens ne défendent plus leurs valeurs
fondatrices, semble donc quelque peu bancale.
La suite de l'article propose une appréciation ouverte
et non dissimulée des « modernistes " du Coran qualifiés de
« courageux ". Parmi ces « modernistes " se trouve notamment M.
Soheib Bencheikh, Grand mufti de Marseille. Ce dernier, dont la pensée
se résume à une représentation dyadique de l'islam de
France (opposant les « musulmans modérés " aux «
intégristes dangereux ») ne dispose en outre d'aucune assise
cultuelle dans l'agglomération marseillaise et n'a par là aucune
légitimité de « représentation ".
Cette appréciation non dissimulée montre, encore
une fois, à quel point, sous couvert de « neutralité
journalistique », les opinions personnelles des auteurs forgent en
réalité l'article.
U
n peu plus loin est écrit que « les versets
violents et discriminatoires " du Coran « sont incompatibles " avec les
valeurs européennes, or il est de notoriété publique que
dans les écrits chrétiens (et juifs) on trouve également
des propos, si ce n'est
identiques, en tout cas similaires dans la violence. En voici
quelques exemples tirés du Nouveau Testament :
«Je vous le dis, on donnera à celui qui a,
mais à celui qui n'a pas on ôtera même ce qu'il a. Au reste,
amenez ici mes ennemis, qui n'ont pas voulu que je régnasse sur eux, et
tuez-les en ma présence» (Luc 19:16-27)
«Quand tu t'approcheras d'une ville pour l'attaquer, tu
lui offriras la paix. Si elle accepte la paix et t'ouvre ses portes, tout le
peuple qui s'y trouvera te sera tributaire et asservi.
Si elle n'accepte pas la paix avec toi et qu'elle veuille
te faire la guerre, alors tu l'assiégeras. [...] tu en feras passer tous
les males au fil de l'épée. Mais tu prendras pour toi les femmes,
les enfants, le bétail, tout ce qui sera dans la ville, tout son butin,
et tu mangeras les dépouilles de tes ennemis que l'Éternel, ton
Dieu, t'aura livrées. [...] Mais dans les villes de ces peuples dont
l'Éternel, ton Dieu, te donne le pays pour héritage, tu ne
laisseras la vie à rien de ce qui respire" (Deutéronome
20:10-17).
Ces parties oubliées du Nouveau Testament ne semblent
étrangement pas faire réagir autant que les fameux hadiths du
Coran.
Avancer que certains versets du Coran sont incompatibles avec
les valeurs européennes c'est déjà considérer que
tous les musulmans suivent ces versets à la lettre. A ceux qui diront
que la différence entre l'islam et le christianisme c'est que
l'application du Coran est demandée dans tous les aspects de la vie
quotidienne, et que les musulmans sont « plus proches " de leurs textes
religieux que les chrétiens, on peut simplement citer les chiffres du
sondage de Marianne révélant que seulement 41% des
musulmans français sont pratiquants. En effet alors, pourquoi
s'inquiéter aussi vivement des « versets violents " du Coran si la
majorité des musulmans semble ne pas vouloir les appliquer à la
lettre ?
« ...pourquoi s'inquiéter aussi
vivement des "versets violents" du Coran si la majorité des
musulmans
semble ne pas vouloir les appliquer à la lettre ?
»
U
ne phrase, page 101, résume parfaitement cette
ambivalence de pensée véhiculée tout le long du dossier :
« On peut s'inquiéter de ce noyau résiduel (NDA : la
minorité de musulmans se sentant plus proche de sa « culture
familiale " que du « mode de vie
Français ") rétif à
l'intégration, mais on peut aussi considérer qu'il est, somme
toute, plutôt modeste. ".
Poursuivant, les auteurs reconnaissent que le radicalisme
religieux n'est que le fait d'une minorité et que le problème
vient en réalité des« pouvoirs publics " qui «
écoutent plutôt les ultras ". Selon eux, « l'habitude a
été prise en France d'avaliser trop souvent la conception
communautaire des fondamentalistes.". La faute serait donc aux politiques.
Cette pensée est reprise quelques pages plus loin, dans
la partie spécialement consacrée à la France. Dès
la lecture du chapeau qui interroge : « Par intimidation, la France
oublierait-elle ses principes fondamentaux ? ", le ton est donné.
Sans vouloir accuser cette phrase de dénoter un parti
pris, on peut tout de même s'interroger sur la qualité d'une
investigation journalistique, qui se base sur des a priori. Se lancer dans une
enquête en cherchant à vérifier une idée
préconçue ne revient-il pas quelque peu à piper les
dés ?
N'est il pas préférable, en matière de
déontologie journalistique de se poser une question en étant
prêt à entendre toutes les réponses et nuances possibles
qu'elle implique dans son traitement ?
Encore une fois, tout semble se rapporter à la
déontologie et à l'éthique du journaliste,
thématique qui décidemment, semble être le point
névralgique des problématiques relatives au traitement
médiatique de l'islam en France.
La page d'introduction du dossier
A
u paragraphe suivant, Eric Conan et Martine Gozlan accusent
Tariq Ramadan, au cours du débat sur le voile à l'école,
de servir le « projet habile " de diabolisation de la laïcité.
Cette affirmation, en plus de relever du jugement subjectif, insinue que M.
Ramadan (NDA : censé représenter l'islam
radical) a un projet « habile ", sous entendu « rusé ",
et quelque part un peu « fourbe ".
Cette évocation de la « fourberie » de
l'islam reprend implicitement l'idée d'un islam qui avancerait
masqué pour mieux servir ses intérêts (thèse
régulièrement avancée par les « antiislam " ou
islamophobes avérés).
Sans s'attarder sur cette phrase indéniablement
partiale, on pourrait rétorquer aux auteurs que M. Ramadan peut tout
simplement être contre cette volonté de réformer une
laïcité française qui, dans ses textes fondateurs n'insiste
ni ne précise, à aucun moment, les tenues vestimentaires
autorisées ou non chez les élèves.
L
e paragraphe qui suit, intitulé « But militant ",
nous informe sur le fait qu'en France l'islam aurait réussi, par
intimidation, à bénéficier « de la part de l'Etat, de
faveurs et d'entorses à la laïcité qui n'ont pas
été accordées aux autres religions. ".
Pour argumenter en ce sens, il est premièrement
avancé le cas des mosquées financées par « de
nombreuses municipalités " (en infraction avec la loi de 1905) «
dans le but "d'aider l'islam" ".
Il est indéniable que la loi de 1905 interdit
formellement le financement de tout édifice religieux puisque, comme
elle l'énonce « La République ne reconnaît, ne salarie
ni ne subventionne aucun culte. ". En revanche, ne peut-on pas envisager que
financer la construction d'une mosquée c'est tout simplement prendre en
compte une nouvelle partie de la population française qui, puisqu'elle
est récemment arrivée, ne peut bénéficier de lieux
de cultes numériquement suffisants à une pratique décente
? N'est-il pas un peu facile de demander aux musulmans de subir ce que ni
chrétiens, ni juifs n'auront jamais à subir, à savoir le
manque de lieux de cultes ? Ne serait-il pas logique, en un sens, de
reconnaître qu'en 1905 cet état de fait ne pouvait nullement
être imaginé ? Et que, reconnaître aujourd'hui ce
problème, et le prendre en compte n'est pas contraire à la
laïcité mais simplement conforme aux idées de la
République (qui veulent que les citoyens soient libres et égaux
en droit). Financer la construction de mosquées c'est justement peut
être éviter que des musulmans se retrouvent à prier dans la
rue et soient alors accusés d'« invasion " ou encore d'«
exhibitionnisme religieux ".
Il est important de se demander ce qui est
préférable : une entorse à la loi de 1905 permettant une
« mise à égalité » des citoyens dans
l'accès à la pratique cultuelle et un apaisement des tensions ?
Ou un respect total de la loi 1905 entraînant des tensions dans la
population et un sentiment de marginalisation chez les musulmans ?
« ...l'islam aurait réussi, par
intimidation, à bénéficier "de la part de l'Etat de
faveurs et
d'entorses à la laïcité qui n'ont pas
été accordées aux autres religions."
»
Le premier argument des auteurs pour dénoncer ces «
privilèges " accordés en France à l'islam est la pratique
de certaines dérogations à la loi pour la construction de lieux
de cultes.
Or, comme le dit justement le député--maire UMP
de Woippy (Meurthe-et-Moselle) il serait peut être
préférable et judicieux de «...commencer par traiter
l'inégalité dans laquelle les musulmans se trouvent quant aux
conditions matérielles de l'exercice du culte ".
Au cours d'une interview qu'il accorde à Europe 1, ce
dernier déclare :
« La loi 1905 ne dit pas seulement "pas d'argent pour
les cultes" mais elle dit "pas d'argent pour les cultes sauf pour les lieux de
cultes construits avant 1905", c'est-à-dire la quasitotalité des
lieux de cultes catholiques protestants, israélites que l'on continuera
ad vitam aeternam de financer avec l'argent public. Et aux musulmans on leur
dit " -Ben écoutez vous n'étiez pas là en 1905 alors
débrouillez-vous tout seuls ou faites-vous payer vos mosquées par
l'étranger. " Alors qu'on leur demande en même temps
d'édifier un islam de France. C'est injuste et c'est totalement
paradoxal. [...]J'ai vu des musulmans prier dans la rue, c'était indigne
pour eux [...] (alors) qu'elle était la réponse ? Ce
n'était bien slir pas d'interdire la prière dans la rue !
D'ailleurs j'ai une procession de la St Eloi, une fois par an, par les
catholiques, et je ne vais pas l'interdire non plus. »
« Aucun musulman ne prie dans la rue par plaisir ou
par provocation, mais par manque de place, par manque de salles. Donc il suffit
qu'ils puissent construire des salles [où] ils puissent tenir.
»
L'argument des auteurs semble donc assez facilement
discutable. Certes, il y a une dérogation à la loi, mais quand il
y a, à la base, une situation de forte inégalité, vouloir
la régler revient-il à procéder à l'octroi de
« privilèges » ou à la résolution
d'inégalités ?
Le deuxième argument avancé par les auteurs en
faveur de leur théorie est celui du mari musulman qui a fait annuler son
mariage, car il s'est estimé floué quand il a découvert
que son épouse n'était pas vierge.
Cet argument relevant du fait isolé, n'est pas, par
définition, valable ; à moins que la généralisation
de cas uniques soit devenue un nouveau mode d'argumentation.
Ce fait divers est encore moins définissable comme un
« privilège » accordé à l'islam par l'Etat
français, puisqu' à aucun moment le fait de prononcer la
nullité relative d'un mariage pour « Erreur dans la personne ou sur
les qualités essentielles de la personne" (tel que le définit
l'article 180 alinéa 2 du Code civil) ne relève d'un quelconque
privilège accordé à l'islam. Les « qualités
essentielles » que l'ont peut attendre de son époux/se étant
par définition subjectives, la virginité peut donc en faire
partie. Le fait que cela soit un critère de choix influencé par
la religion de l'intéressé ne peut empécher la
reconnaissance de sa légitimité sous ce simple
prétexte.
A ce propos, Nadine Morano (alors secrétaire d'Etat
à la famille), a judicieusement rappelé que « ce qui a
été jugé par le TGI de Lille ne porte pas sur la
virginité ou non, mais sur le vice du consentement du conjoint. [...] Il
ne faut pas qu'il y ait un mélange avec les religions. [...] Là
on dit (que) c'est une famille musulmane, mais je connais aussi beaucoup de
familles catholiques pratiquantes où cet élément reste
(...) un atout ".
Encore une fois, l'argument des journalistes en faveur de leur
thèse ne tient pas la route et semble même, ici, relever du hors
sujet.
Le troisième argument avancé dans ce dossier, en
faveur de la thèse d'un islam « privilégié " par
l'Etat français par rapport aux autres religions, est celui des «
carré musulmans " dans les cimetières.
Les auteurs considèrent que l'autorisation à la
création de « carrés musulmans " (c'est-à-dire de
« regroupement des sépultures de défunts de confession
musulmane ") est la marque de « faveurs [...] qui n'ont pas
été accordées aux autres religions ", or ils reconnaissent
dans le même paragraphe que ce privilège a également
été accordé aux juifs ! Les auteurs se contredisant
eux-mêmes sur ce point, il ne semble donc pas nécessaire de devoir
démontrer en quoi leur argument s'auto invalide.
Pour terminer sur cette même thèse des auteurs,
le dernier argument avancé est celui des dérogations
accordées aux imams pour l'abatage rituel des bétes lors du
Ramadan. Certes, ce dernier argument est « valable » (dans le sens
où c'est effectivement un privilège accordé), mais il faut
se rappeler qu'il est entouré de trois autres arguments discutables,
voire nuls.
L'idée que veulent nous véhiculer les
journalistes dans ce paragraphe est, rappelons-le, celle d'une France «
molle " face à un islam qui obtient beaucoup de privilèges par
« intimidation ". Or, sur quatre arguments avancés en faveur de
cette thèse, deux sont nuls et un est discutable. On peut donc, encore
une fois, douter soit de la qualité du travail d'investigation des
journalistes, soit de leur capacité à mettre leurs
préjugés de côté.
M
alheureusement, à la lecture de ce dossier on
s'aperçoit que ce procédé est récurent chez les
auteurs. En effet, on le retrouve un peu plus loin, en faveur cette fois ci
d'une thèse sur la « dissymétrie " entre les devoirs de
mémoire juifs et musulmans.
Selon eux, donc, il existe une islamophilie (engouement pour les
valeurs de l'islam) en la matière.
Premièrement, il est avancé qu'il règne
« toujours (un) tabou [...] sur la compromission d'une partie des
dignitaires de l'islam, dont le grand mufti de Jérusalem, ralliés
à Hitler ". Pour ces deux journalistes, donc, le fait que des
dignitaires musulmans, étrangers et minoritaires, soient «
ralliés à Hitler», et que personne n'en parle, est la preuve
d'une « dissymétrie en matière de devoir de mémoire "
en France.
On peut se demander en quoi le fait de ne pas parler dans les
médias d'une minorité de religieux, étrangers de
surcroît, est une menace au devoir de mémoire français
relatif à la Shoah? Il existe un nombre infini de sujets à
aborder dans l'exercice de l'activité journalistique donc, par
définition, des sujets minoritaires comme celui-ci, qui se
déroulent à l'étranger, sont forcément
relégués au second plan voire pas du tout traités. Les
journalistes traitent en priorité les actualités locales et
nationales, c'est une des règles de base à appliquer pour capter
l'attention du public. D'innombrables autres sujets sont également
absents de la scène médiatique, et personne ne semble y voir par
là l'expression d'un « tabou " pour autant.
« D'innombrables autres sujets sont
également absents de la scène médiatique, et
personne
ne semble y voir par là l'expression d'un " tabou " pour autant.
»
P
lus loin encore, les auteurs s'offusquent que la
déclaration d'un imam affirmant que « la dominance masculine est un
invariant transculturel " ne soit pas condamnée, alors que les essais
d'Eric Zemmour (de confession juive) prônant le machisme culturel sont
taxés de sexistes. Pour eux c'est, là encore, la
preuve d'une « dissymétrie " dans le traitement effectué
envers juifs et musulmans.
Dans cette vision des choses, il n'est à aucun moment
envisagé que cette différence de traitement soit due au fait que,
Zemmour étant médiatiquement très célèbre,
ses propos génèrent plus de « buzz » que ceux d'un imam
assez peu présent dans les médias. Ou encore que, tout
simplement, les propos de cet imam relèvent de la simple constatation
que, dans toutes les sociétés, on peut observer une tendance au
machisme. Un constat similaire à celui effectué en son temps par
un grand maître de la sociologie : Pierre Bourdieu, qui, sans être
taxé de sexisme, effectuait simplement une constatation empirique.
Pour achever leur argumentation sur la «
dissymétrie » existante entre juifs et musulmans en France, les
auteurs déplorent que « personne ne s'indigne » concernant la
parution de l'ouvrage Le licite et l'illicite dans l'islam (NDA :
ouvrage qui propose de présenter de manière simple aux musulmans
occidentaux ce qui se fait ou ne se fait pas dans la pratique de l'islam).
Get ouvrage, certes parfois violent et extreme dans ses propos, n'est pas pour
autant en lui-méme la preuve d'une inégalité de traitement
en France envers les juifs comparé aux musulmans. Ce livre est tout au
plus la preuve que la censure ne s'applique pas en France et que la
liberté d'expression est respectée, même dans le cas de
propos extrêmes.
En effet, chaque année paraissent de nombreux ouvrages
religieux extrémistes (et ce pour toutes les religions) alors, pourquoi
devrait-on condamner cette liberté d'expression quand elle concerne la
religion musulmane ? En quoi la publication d'un livre religieux musulman
extrémiste est la preuve que la France procède à du
favoritisme envers l'islam?
Bref, encore une fois dans ce dossier, les arguments
avancés par les journalistes en faveur de leur thèse,
s'effondrent à la première analyse. Il est par ailleurs
regrettable que ces derniers s'entêtent à vouloir masquer tout
cela sous une apparente déontologie journalistique et neutralité
de l'analyse.
P
our conclure sur cette étude de cas, l'article de
Marianne, qui nous annonçait une enquête sur «
Pourquoi l'islam fait peur », semble en fait ne chercher qu'à
reprendre des thèses assez négatives concernant l'islam. Certes,
on y présente ce qui, dans l'islam,
fait peur en Europe, mais les journalistes ne cherchent pas
à creuser les raisons de ces « peurs » ni à les
expliquer. Ils ne procèdent au final qu'à une simple
énumération de tous les reproches et de toutes les
polémiques relatifs à l'islam.
L'impression en fin de lecture concernant l'islam est
très anxiogène: si l'on suit l'idée des journalistes, on
retient l'image d'une France mollassonne face à un islam radical et
fourbe qui réussit la prouesse d'allier minorité numérique
et toute-puissance.
On peut donc légitimement s'interroger. Ce dossier de
Marianne ne renforce-t-il pas, au final, les peurs et les
préjugés déjà présents vis-à-vis
l'islam ?
Quand bien méme ce dossier voudrait soutenir la
thèse d'une « menace islamiste », planant sur l'Europe et la
France, la majorité des arguments avancés étant
discutables, voire nuls, sa validité deviendrait alors très
contestable. Cette thèse, si elle s'avérait vraie, aurait
certainement offert plus d'arguments « de poids » aux auteurs.
Sans vouloir vilipender Marianne (qui produit ici un
travail assez représentatif de nombres de dossiers déjà
parus dans la presse français sur le sujet), on peut en revanche
s'interroger sur la capacité des médias à fournir des
travaux documentés sur l'islam et ses expressions réelles, mais
également sur la capacité des journalistes à mettre de
côté leurs opinions personnelles.
En effet, quand on sait que qu'Eric Conan a pour habitude
d'exprimer une opinion bien tranchée par rapport à l'islam (
n'hésitant pas, par exemple, à comparer la « montée
de l'islam " aux « débuts du communisme du temps de Lénine
") mais également à procéder à des attaques
ad-hominem (cf. entre autres son article « Alain Badiou, la star de la
philosophie française est-il un salaud ? ") ou encore à
lancer de fausses accusations (dans L'Express « spécial
vins " de 2007 il accuse les viticulteurs bordelais de « payer leur
distillation avec l'argent du contribuable », alors qu'en
réalité les viticulteurs bénéficient de
crédits remboursables sous 3 ans) , on peut se demander pourquoi la
rédaction de Marianne a décidé de lui confier,
à lui particulièrement , cette tâche d'un dossier sur
l'islam ? Tâche qui nécessite sans nul doute rigueur d'analyse et
impartialité.
De méme, sa corédactrice, Martine Gozlan, semble
également, particulièrement s'intéresser au sujet de
l'islam, puisqu'elle couvre le Moyen-Orient depuis les années 90, en
tant que grand reporter, et qu'elle a écrit plusieurs livres sur l'islam
dont Pour comprendre l'intégrisme islamiste, Le sexe
d'Allah et L'islam de la République.
Dans Le sexe d'Allah, par exemple, elle a
été vivement critiquée pour y avoir exprimée ses
opinions personnelles en les faisant passer pour de l'information objective.
Dans cet ouvrage, en plus d'une méthodologie discutable, elle exprime
des contres vérités et s'autorise des jugements de valeurs
faisant fi de la réalité du genre « Il nous importe peu de
savoir si les hadiths sont faibles ou forts " (considérant, que, de
toute façon ils seront appliqués par tous les musulmans, ce qui,
nous l'avons vu plus haut, est faux) qui cautionnent par la suite les
raisonnements qu'elle exprime dans son livre.
Au vu des productions journalistiques respectives d'Eric Conan
et de Martine Gozlan et de leur parti pris manifeste au sujet de l'islam, on
peut effectivement se demander pourquoi Marianne n'a pas jugé
bon de sélectionner d'autres rédacteurs pour son dossier ?
Si l'on ne peut pas reprocher aux journalistes, quels qu'ils
soient, d'avoir des préjugés, car c'est humain, on peut en
revanche leur reprocher d'avoir produit ici un travail dans lequel ils n'ont
manifestement pas réussi à se détacher totalement de ces
derniers. On en revient donc à la sempiternelle question de la
capacité du journaliste, en tant qu'être humain subjectif et
faillible par nature, à assurer la neutralité dont il
prétend faire preuve. Car c'est bien là le coeur du débat
: quand des journalistes font preuve, de manière aussi flagrante, d'une
incapacité à l'impartialité dans le traitement de
l'information, ne devraient-ils pas en avertir le lecteur au
préalable?
Pour conclure cette partie, consacrée à
l'influence de l'inconscient du journaliste sur son travail, on peut tout
simplement réaliser un parallèle entre le journalisme et
l'ensemble des autres professions. En effet, quand un chirurgien rate une
opération, par exemple, ou quand un boulanger fait trop cuire sa
fournée de pain, ils en voient immédiatement les
conséquences. Le premier peut se voir intenter un procès et le
second subit les remarques de ses clients mécontents. En revanche, en
matière de journalisme, sauf faute grave, tout est beaucoup plus flou.
En effet, comment apprécier ou évaluer les retombées d'une
faute professionnelle ou d'un manquement à la déontologie ?
Comment définir les limites quand il s'agit de mots, d'expressions ou de
nuances ténues de langage ? Et parmi le flot d'articles, de reportages
et d'interviews qui paraissent chaque jour, comment être sür de ne
pas laisser passer d'« erreurs » ?
Au regard du principe de la liberté d'expression est-il
tout simplement souhaitable, ou tout simplement possible d'imposer des limites
? Voilà la vraie problématique.
Le journaliste, en tant qu'être de pensée, ne
peut être réduit dans l'expression de cette dernière. En
revanche, c'est à lui de s'efforcer de respecter les règles de
déontologie. S'il souhaite exprimer une opinion, il se doit d'avertir
d'une manière ou d'une autre son lecteur qu'il exprime là une
opinion et non un fait. Présenter une opinion comme une illustration de
la réalité, ou déformer la réalité par son
opinion, sans en informer le public, relève évidemment de la
malhonnêteté. Dans le cas inverse, le journaliste qui
prétend montrer un fait au public devrait s'efforcer de ne pas
être guidé par son opinion personnelle. Etre prêt à
entendre tout ce qu'il est possible d'imaginer pour le retranscrire ensuite le
plus justement possible au public, le journaliste doit donc
particulièrement veiller à prendre le temps d'appréhender
tout ce qui touche à son sujet, d'en aborder le plus de facettes
possible et de recouper au maximum ses sources.
Ainsi, ce n'est qu'à force d'ouverture d'esprit et de
remise en question constante que le journaliste pourra, lorsqu'il rencontre des
faits en inadéquation avec sa pensée personnelle, regarder et
rapporter le tout sans déformation ni dissimulation.
En réalité, l'idéal déontologique
voudrait que le journaliste rapporte les faits dans toute leur nuance. C'est
pour cela qu'il est indispensable qu'il prenne le temps de maîtriser son
sujet, d'enquêter dessus et donc, que l'on lui en donne les moyens. Or,
malheureusement, le fonctionnement des médias contemporains, entre
business, sensationnalisme et manque de temps, ne favorise pas vraiment
cela.
4) Les nouvelles conditions de travail du journaliste :
entre business, sensationnalisme et manque de temps :
« La forme devient ainsi plus importante que
le contenu.
Ce qui est recherché, c'est l'effet plus que les
faits. Cette
approche [...] crée cependant un effet de sélection
de
l'information en fonction des besoins du médium. Il en va
de
même pour la couverture médiatique du religieux. »
Alain Bouchard, chargé de cours en
sciences
religieuses et président du Conseil de la
société québécoise
pour l'étude des
religions.
30 % des journalistes français considèrent que
leurs conditions de travail sont insatisfaisantes, et 68 % pensent que
l'exercice de leur métier a évolué plutôt
négativement (sondage CSA réalisé en 2007, cf.
annexe 2).
Des chiffres peu étonnants au regard des
évolutions qu'a subi le monde des médias ces dernières
décennies. Dominés par la télévision, la presse, la
radio et le web s'alignent sur les techniques qui ont fait le succès du
petit écran. Prégnance de l'image, formats courts et
rythmés, etc., les mutations structurelles des médias ont induit
une accélération de la production de l'information et par
conséquent du temps d'enquête du journaliste.
Tout va plus vite, plus fort et cela souvent au
détriment de la qualité. Les professionnels euxmêmes
reconnaissent le phénomène, et aujourd'hui un journaliste sur
trois pense que ses pairs font mal leur travail en matière de
déontologie et d'éthique (cf. annexe 2).
Ce nouveau siècle a vu naître avec lui des nouvelles
pratiques médiatiques.
A ce sujet, Alain Bouchard, spécialiste
québécois en sciences religieuses, rapporte une anecdote tout
à fait emblématique. Un jour qu'il attend pour une interview dans
les bureaux d'une chaîne de télévision, son regard est
« attiré par une feuille plastifiée ". Listant les
critères attendus d'un bon reportage, le document se présente de
la manière suivante :
1. Impact : images significatives et percutantes.
2. Ambiance : son ambiant pour vivre l'émotion.
3. Implication : reporter en action sur le terrain.
4. Histoire : le texte colle aux images.
5. Clarté : langage simple, phrases courtes.
Etonné, Bouchard constate que les apparences, plus que
le fond, semblent être prioritaires. En effet, quatre critères sur
cinq correspondent à la « mise en scène » de
l'information : les images doivent êtres marquantes, l'émotion
doit transparaître, le journaliste doit se montrer « en action "
comme pour justifier sa légitimité et théâtraliser
son travail, enfin le style du texte doit être le plus simpliste
possible.
A elle seule, cette vulgaire feuille plastifiée
résume les nouvelles conditions de travail des journalistes qui, entre
business, sensationnalisme et manque de temps sont tour à tour victimes
ou bourreaux de l'information.
4-1) Toujours plus d'informations mais toujours moins de
temps et d'argent pour la traiter :
Paradoxalement dans notre monde hypermédiatisé,
s'il y a bien une voix que l'on n'entend pas souvent c'est celle des
journalistes. En effet, ces « artisans » de l'information pratiquent
un métier dont les conditions d'exercice sont assez méconnues du
grand public. Précarité, pressions économiques des
annonceurs et manque de temps pour enquêter sont le lot quotidien de
beaucoup de professionnels de l'information. Ces dernières
années, plus que jamais, le journalisme est « sous pression ".
Avec toujours plus d'informations à traiter et toujours
moins de temps et d'argent, les journalistes doivent désormais faire
vite, bien et rentable.
Cette souffrance professionnelle ressort clairement dans le
sondage « Le moral et le jugement des journalistes sur leur
métier et leur profession » paru en 2007 (cf. annexe
2). 44 % des journalistes y déclarent que ce qui nuit le plus à
la qualité de leur travail c'est l'insuffisance de moyens
matériels et humains, l'insuffisance de temps (41 %), la pression
économique (rentabilité, annonceurs, etc.) (38 %), et enfin de la
précarité des statuts (24 %).
De plus, 90 % pensent que la concentration des médias
(NDA: c'est-à-dire la fusion entre les entreprises de presse et les
industries de la communication et de la culture qui forment alors des grands
groupes comme Lagardère ou Dassault en France) constitue
également une menace pour l'évolution du journalisme.
Un dessin satirique de l'artiste et journaliste Eliby (P-A.
Lebonnois de son vrai nom) caricaturant les relations entre la presse
et
l'argent.
Clairement donc, les journalistes s'inquiètent pour
l'avenir de leur profession et semblent déplorer des conditions de
travail où actualité rime plus avec quantité qu'avec
qualité.
Et ce nouveau mode de fonctionnement, préjudiciable
à tout type d'information, l'est particulièrement quand il s'agit
d'islam ou de religion en général.
Ces sujets délicats et complexes nécessitent que
l'on prenne le temps pour les expliquer et pour les relayer. Le temps pour les
expliquer, mais le temps aussi pour en comprendre les tenants et les
aboutissants, souvent complexes et reliés à des faits historiques
dont le spectateur n'a pas forcément connaissance.
Alain Gresh, journaliste français et spécialiste
du Proche-Orient, pointe du doigt les conséquences de ce nouveau
fonctionnement médiatique dont les limites et les défauts sont
particulièrement visibles quand il s'agit de parler d' « islam
». Comme il l'écrit « quand un journaliste, à la
télévision, dit « l'islam », il ne dit rien du
tout [...], il a l'impression qu'il dit quelque chose et le spectateur a
l'impression qu'il a compris quelque chose, [mais] de quoi parle-t-il ? De la
religion ou de la civilisation ? De l'islam aujourd'hui ou de l'islam du
VIIème siècle ? De l'islam indonésien ou de
l'islam algérien, de l'islam égyptien ? ". Y voyant l'expression
d'un symptôme « lié au fonctionnement des médias ",
Gresh poursuit en avançant qu'« un journal
télévisé, compte tenu de la manière dont il
fonctionne, [ne permet pas de] passer cinq minutes à expliquer ce dont
[on] parle » et qu'il y a des « chances pour que le journaliste ne
[le] sache pas lui-même ». Décrivant les dangers d'un tel
empressement, il affirme que « si l'on n'essaye pas de développer
une vision complexe de ce dont on parle, en prenant en compte l'histoire,
l'espace et le temps, on restera enfermé dans une vision très
schématique. "
Vincent Geisser, dans La Nouvelle islamophobie,
procède exactement à la même réflexion et
explique, plus largement, que « la remise en question du travail des
journalistes sur le dossier " islam " ne peut être isolée a priori
des remarques récurrentes adressés généralement aux
logiques de fabrication du discours médiatique : absence de
spécialisation thématique, irrégularité du suivi
des dossiers, autocensure, etc. ".
Ainsi, ce n'est pas la supposée islamophobie de
certains journalistes qui est en cause dans le traitement médiatique
partial de l'islam, mais plutôt l'ignorance et le manque de connaissance
du sujet, qui est alors traité sans « distance critique ".
A ce propos, un journaliste chargé de la rubrique
religion d'un grand quotidien, déclare qu'effectivement, « les
journalistes qui [font] l'effort d'investir sur le sujet " islam ", de se
documenter [et] d'enquêter [...] se comptent sur les doigts d'une main
».
La plupart se contentant, selon Geisser, de « se parer
des apparences d'une certaine érudition musulmane », qui ne serait
en fait qu'une « illusion de rigueur [instrumentalisée] au service
d'une thèse quasi unique : celle de la menace permanente
».
Pour ce sociologue et spécialiste de l'islam,
clairement, le travail qu'effectuent la plupart des journalistes sur l'islam
est une « sorte de bricolage "savant" » et de «
syncrétisme pragmatique instrumentalisé pour substituer
l'imaginaire au réel».
Dessin de Kristian représentant la caricature du
journaliste
moderne débordé et multitâches.
Mais à cette pression temporelle, qui a des effets
dramatique sur la qualité de l'information, il s'ajoute une autre
contrainte de poids: la contrainte économique.
Que ce soit en termes de rentabilité et de gestion des
coûts, ou de pression des annonceurs, cette pression du financier
modèle les comportements des acteurs médiatiques. Dans
L'islam imaginaire, Thomas Deltombe, journaliste, constate
également que le fonctionnement des médias a changé, qu'il
s'est fait « plus commercial ».
Sur ce point, le sociologue Patrick Champagne propose une
analyse éclairante expliquant que « le champ journalistique est
traversé par une contradiction fondamentale », qui veut que «
plus une information est de haut niveau [...], plus son audience est restreinte
». Or, qui dit audience restreinte dit rendement financier restreint.
Dans cette logique, le journaliste est alors contraint de
produire et de présenter une information de la manière la plus
simpliste possible. Ce principe, qui ne s'appliquait originellement qu'aux
journalistes de télévision, soumis à la contrainte de
l'image et du temps d'antenne compté, a désormais «
contaminé » l'ensemble des supports d'information et participe
à générer une situation « d'urgence permanente
», guère favorable aux investigations poussées et
documentées.
Cette agitation permanente cache en fait une seule et
même préoccupation : la séduction du public. Car en effet,
ce nerf de la guerre, ce « saint Graal » est à l'origine de
bien des comportements que l'on reproche aujourd'hui aux médias.
4-2) Séduction du public, infotainment et
simplification à outrance :
En effet, si l'on assiste ces dernières années
à un rapprochement significatif entre information et divertissement ce
n'est que dans un but : faire de l'audience, attirer des lecteurs ou
auditeurs.
Ainsi, Thomas Deltombe, en visionnant tous les reportages,
toutes les émissions et tous les principaux JT français
consacrés à l'islam de 1975 à 2005, a perçu ces
mutations et ce mélange des genres croissant. N'épargnant ni les
chaînes privées, ni les chaînes publiques, cette nouvelle
logique de l'information se veut donc divertissante et populaire, à
l'image de ce que les anglo-saxons appellent l'infotainment (NDA :
mélange entre les termes « information » et «
entertainment », qui signifie divertissement). Fort de son
succès, cet infotainment est désormais appliqué
aux formats traditionnellement qualifiés de sérieux, dans le but
qu'ils attirent davantage de public.
Pour être rentable, un journal, une émission, une
rubrique est donc condamné à plaire. Mais la séduction
consistant souvent à présenter la vérité sous un
jour qui plaît ou qui flatte, est-il possible de séduire sans
déformer la réalité ?
L'actualité et l'information étant devenus des
produits de consommation comme les autres, ils doivent se faire « vendeurs
», et pour cela se conformer un minimum au lectorat qu'ils souhaitent
atteindre. Entre deux feux, le journaliste doit donc constamment tenter de
reporter au mieux la réalité des faits tout en faisant en sorte
que ces faits soient « attractifs ", le tout en conformité avec la
ligne éditoriale (souvent politisée). Ce fait en tête, l'on
comprend mieux comment la distorsion de l'information est une pratique qui a pu
devenir monnaie courante en journalisme.
Pour plaire à ce fameux public, un des ressorts
principalement utilisé aujourd'hui est l'affect, l'émotionnel.
Or, en la matière, les analyses ou les décryptages poussés
n'ont jamais été très forts. Du coup, comme l'explique la
journaliste Nathalie Dollé, les médias et « la
télévision en particulier [deviennent des] miroir[s]
déformant[s] et grossissant[s] " qui simplifient et qui caricaturent.
Poussés par ce besoin permanent d'offrir du
divertissement à leur public, les rédactions pratiquent la
simplification à outrance. La retranscription de la
réalité dans toute sa complexité est devenue «
has been ".
Dollé pense que c'est parce que cette recherche «
réclame des connaissances profondes [...] [et] du temps de travail
» qu'elle se fait de plus en plus rare. D'après elle, il serait
désormais plus confortable pour les journalistes d'asséner des
certitudes douteuses plutôt que d'adopter une position «
médiane » et de reconnaître que rien n'est totalement noir ou
blanc. En effet, cette position médiane, très «
inconfortable " car induisant le risque de ne pas plaire, est inenvisageable
dans une profession dont la rentabilité économique se base
justement sur la séduction.
C'est bien là que se situe tout le problème :
les médias n'existent que parce qu'ils plaisent, que parce qu'ils
trouvent leur public. Or, s'ils s'entêtent à aller dans le sens
inverse de la volonté de ce public, comment peuvent-ils survivre ? Les
journaux, les radios et la télévision sont les obligés de
leurs spectateurs. Alors où est le juste milieu entre faire plaisir et
ne pas renier son éthique ? A quel moment, le journaliste se
détourne de sa fonction première pour devenir un amuseur ou un
clientéliste ? Doit-on y voir la naissance d'un nouveau type de
journaliste hybride, multitâches ? Et finalement, un tel type de
journaliste mérite-t-il vraiment encore l'appellation de journaliste
?
Peut être que dans notre société
contemporaine, le journaliste proposant des sujets sérieux,
poussés et pas forcément « aguicheurs », est
voué à rester cantonné à un public minoritaire. A
l'image de chaînes comme Arte et France 5, dont le credo culturel assure
la réputation mais qui ne dépassent pourtant jamais certains taux
d'audience. A l'image, peut-être, d'une société où
les apparences, le divertissement et l'amusement prennent le pas sur tout le
reste, le journaliste qui ne cherche pas à plaire ou amuser risque tout
simplement d'être condamné à n'attirer que le peu de public
intéressé par ses propos.
Encore plus radical, René Naba, dans son article
Les Médias comme véhicule d'une idéologie dominante
(
Oumma.com, 18 septembre 2007)
affirme que l'information, dans cette logique d'infotainment, est
devenue « un excipient comme un autre dont le but n'est pas d'informer
mais d'attirer l'attention et de véhiculer des messages publicitaires
». Ainsi, l'information serait détournée de son but premier
afin « d'attirer assez l'attention pour faire passer le vrai produit : la
publicité. »
Enfin, Mouna Hachim, femme de lettres et écrivaine
marocaine, dotée de son regard extérieur, constate et regrette
profondément « la reproduction d'une certaine grille d'analyse
[...] qui revient comme un leitmotiv sur la fièvre islamiste
menaçante ».
Comme l'on vient de le voir, nombreux seraient les
médias à ne plus hésiter à adopter un style «
plutôt racoleur ». Et quand cela s'applique à l'islam, de
manière récurrente, le port du voile est présenté
comme symbole d'archaïsme et celui du bikini comme label de
modernité. Voilà à quel genre de raccourcis dangereux peut
mener la simplification à outrance.
Un montage tout à fait représentatif du
manichéisme entourant les débats relatifs à l'islam.
En la matière, Mouna Hachim estime donc que l'on peut
clairement soulever la question d'une mise en oeuvre journalistique
réductrice qui a « l'avantage d'attirer le chaland " mais qui a, en
contrepartie, une fcheuse tendance à caricaturer à l'excès
une société en réalité bien plus complexe.
Afin de démontrer l'absurdité de nombre
d'analyses journalistiques réalisées sur l'islam, elle
écrit qu'il « est à la portée de tout le monde
d'opposer des visions antagonistes ". Pour mieux illustrer son propos, elle
explique que « si l'on décide de réaliser un reportage sur
Paris axé uniquement sur l'opposition entre le luxe fastueux et la
misère noire [...], on peut [...] reproduire l'ambiance des
résidences de Neuilly [et] le faste des magasins des grandes marques
[puis aller] tâter [...] le pouls du Neuf-Trois [et faire] une visite
guidée dans le surréaliste quartier de bidonvilles peuplé
par des Roms sur l'autoroute », mais qu'au final aura-t-on donné
« l'image la plus juste de Paris? "
Dans la même veine, Fouad Bahri, journaliste parisien,
explique dans son article Glissements de sens et raccourcis
médiatiques (
Zaman.com, 14 avril 2011) que
les journalistes ont tendance, dans cette vague de simplification à
outrance, à procéder à des « glissements
sémantiques », et ce particulièrement quand il s'agit
d'islam et de musulmans. D'après ce journaliste, le fait que « pour
le citoyen lambda, la frontière entre islam, islamisme et terrorisme est
ténue [voire] inexistante " est certainement la résultante d'une
« médiatisation forcenée, répétant et
imbriquant inlassablement les mêmes mots pour qualifier une
communauté aisément identifiable ".
On l'aura compris, nos médias modernes ne sont pas
exempts de défauts et les pressions qui les assaillent participent
à la formation et à la pérennisation de pratiques souvent
déplorables. Ainsi, dans un effet « boule de neige », la
concurrence pousse à l'empressement, qui luiméme entraîne
la réduction du temps d'enquête des journalistes, ce qui aboutit
à un mauvais traitement de l'information ; le manque d'argent, ou la
volonté d'en gagner plus, conduit à faire passer la
séduction du public avant la déontologie ou le bon sens ; enfin,
la volonté de capter l'attention du public stimule une envie de toujours
faire plus fort, plus impressionnant, plus sensationnel que le voisin,
engageant ainsi les journaux, les chaînes et les stations dans une course
féroce au scoop.
4-3) La course au scoop, le sensationnalisme et les sujets
« vendeurs " :
Pour Thomas Deltombe, qui a longuement observé le
comportement des médias français face à l'islam et aux
musulmans, est apparu dans le courant des années 2003/2004 l'image
médiatique d'un « islam jeune ", « sympathique " mais
malheureusement toujours autant stéréotypé.
En effet, dans le monde des médias, la roue tourne,
rien ne dure et, à l'image des acteurs, des sujets autrefois
boudés peuvent devenir en peu de temps des coqueluches. L'islam serait
donc devenu un sujet « banckable " (NDA : entendre par
là « rentable », banckable étant une expression
contemporaine qui désigne les acteurs en vogue du moment empochant de
gros cachets), un sujet « qui fait vendre ".
La preuve de cela ? C'est tout simplement que, quand il s'agit
d'islam ou de musulmans, les médias ont fortement tendance à
«monter leurs sujets en épingle " et à accorder facilement
du crédit à des thèses peu fiables ou minoritaires. Et
pour quelles raisons une rédaction risquerait-elle de mettre en cause sa
réputation ou son image, si ce n'est celle d'être sure de faire un
maximum d'audience ?
Ainsi, l'islam, en plus de souffrir d'une image
médiatique assez négative, se retrouve enfermé dans un
« succès » qui l'empêche de sortir des
stéréotypes que l'on lui a imposé. N'attirant que par le
côté caricatural et spectaculaire qu'on lui prête (violence
aux femmes, terrorisme, extrémisme religieux, etc.), toute
théorie allant dans un sens plus « positif ", ou
dénonçant cette création médiatique d'un islam
fantasmatique, ne trouve que rarement écho.
Ce qui semble attirer et faire vendre a souvent tendance
à se rapprocher du malheur, du spectaculaire, de tout ce que l'on peut
présenter au spectateur de sensationnel ou de sordide. Et tout cela lui
permet de focaliser un instant davantage sur cet « autre » que l'on
lui présente comme « mauvais " plus que sur sa propre existence.
Comme l'exprime justement Nathalie Dollé dans son
article Musulmanes et journalistes : entre malentendus et gâchis. Et
maintenant on fait quoi ? (
Islamlaïcité.org, 23
mai 2007), « il faut garder à l'esprit que les médias de
presse, et la télévision en particulier, s'intéressent
avant tout « aux trains qui n'arrivent pas à l'heure »,
c'est-à-dire aux « accidents ", à « l'extra-ordinaire "
et tout cela forme la célèbre « actualité ".
Dans la même idée, Mohammed Sifaoui, journaliste
à la déontologie plus que controversée, produit tout de
méme un point de vue intéressant sur le sujet puisqu'il affirme
que l'islam et ses dérives occupent une grande place dans les
médias français parce que l'on a trouvé en eux « une
minorité bavarde, agissante et médiatiquement
intéressante. La majorité [des musulmans de France] qui n'inscrit
pas la question religieuse au sein de ses préoccupations
n'intéress[ant] pas grand monde."
Le journaliste Laurent Testot, travaillant pour la revue
Sciences Humaines, a également repris (dans un article
résumant la conférence où M. Sifaoui a prononcé la
phrase ci-dessus) le cri du coeur d'un reporter qui explique que l'on demande
davantage aux journalistes de « mettre en scène les peurs que
véhicule l'image de l'islam [plutôt] que ce qu'il est
réellement, d'où la surexposition, par exemple, des
problèmes liés au voile. "
Ces divers témoignages de professionnels qui
évoluent au coeur de la machine médiatique permettent
d'entrapercevoir ce que certaines rédactions sont prêtes à
faire pour vendre plus de numéros ou faire plus d'audience.
S'avançant encore plus loin dans la réflexion
quant à ce genre de pratiques, Patrick Champagne (sociologue) explique
clairement que l'attrait du sensationnalisme peut « conduire à
tronquer l'information [et] à fabriquer de faux
évènements, [voire] à pousser [d]es jeunes à
commettre des actes délictueux sous l'oeil des caméras ».
D'après lui, cette caractéristique, plutôt initialement
propres aux médias audiovisuels, s'est étendue à
l'ensemble des supports médiatiques qui, par le jeu de la concurrence,
s'influencent les uns les autres, s'espionnent et se chipent les
idées.
Pour ce sociologue, « le problème des banlieues
» est l'exemple archétypal de ce que les médias peuvent
construire en marquant les esprits par des informations « sommaires ",
« caractérisée[s] par le goût du sensationnalisme " et
concernant les problèmes de société ; « on [ne] voit
ceux-ci qu'à travers les incidents et les situations de crise " puisque
« les journalistes sont incités à aller chercher les aspects
les plus spectaculaires [...] plus que les causes qui sont souvent invisibles.
"
Clairement donc, pour lui, cette « évolution du
traitement de l'information a des conséquences", et non des moindres.
Ce chapitre, destiné à mieux comprendre les
contraintes pesant sur le monde médiatique, et particulièrement
sur les journalistes dont les nouvelles conditions de travail sont parfois
difficilement conciliables avec un respect total de la déontologie,
brosse le portrait d'une profession en crise. Le business, le
sensationnalisme et le manque de temps sont donc également partie
prenante à l'édification de cette image caricaturale et
fantasmatique que donnent aujourd'hui les médias de l'islam et des
musulmans.
Vincent Geisser dans La Nouvelle islamophobie se pose la
question « Existe-t-il en France une "islamophobie intellectuelle" [
?]».
D'après lui, « si l'on entend par "islamophobie
intellectuelle " des procédés, des modes et des registres
spécifiques, distincts des autres manifestations de l'islamophobie
ordinaire, la réponse serait plutôt négative. [...] En
revanche, si l'on entend par "islamophobie intellectuelle " une
responsabilité particulière des intellectuels français
dans la diffusion et la légitimation d'un certain nombre de
préjugés sur l'islam, force est d'admettre que la réponse
à notre question initiale est plutôt positive. »
Cette définition, à la fois précise et
réaliste, permet de comprendre une partie de l'origine du
problème. En fait, si dans les médias l'islam semble souffrir
d'une image stéréotypée, c'est qu'une tendance
systématique à l'amalgame et à la simplification à
outrance s'est démocratisée ces dernières
années.
Plus qu'une réelle islamophobie volontaire et
généralisée de la part des journalistes français,
il s'agirait plutôt d'une synergie entre l'influence de la sphère
politique, les convictions personnelles, et de nouvelles conditions de travail
qui auraient conduit à présenter une image de l'islam qui n'est
en rien représentative de la réalité.
Cette vision de l'islam, binaire, simpliste et faisant preuve
d'un manque chronique de nuance dans l'analyse n'est pas sans suite. En premier
lieu, ce sont bien évidemment les musulmans eux-mêmes qui en
ressentent les effets, mais plus largement, c'est toute la population qui est
touchée par ce phénomène. Dans notre société
où les médias occupent une place prépondérante,
comment croire qu'un tel comportement médiatique serait resté
sans conséquences?
III) L'INFLUENCE MEDIATIQUE, UN PHENOMENE QUI N'EST PAS
SANS CONSEQUENCES
Les mots et les images, on vient de le voir, ont un pouvoir.
Fort de celui-ci, les médias influencent l'opinion de millions de
téléspectateurs, lecteur ou auditeurs. Consciemment ou
inconsciemment, ils véhiculent des images, des idées et des
théories qui viennent ensuite s'insérer dans le débat
public. Par là-même, les médias ont de fortes
responsabilités. En choisissant de mettre en avant tel ou tel fait
d'actualité, ils orientent le regard de la majeure partie de la nation
vers l'objet de leur choix.
Les thématiques sur lesquelles ils décident de
se focaliser font soudainement l'objet d'une attention toute
particulière (qui s'amenuise généralement en méme
temps que s'amenuise l'intérêt médiatique). Ainsi, tout ce
qui se trouve hors du champ médiatique et de sa couverture à
tendance à être considéré comme inexistant ; car
invisible aux yeux de la plupart des individus. A tort, ceci conduit souvent
à considérer que le temps de présence médiatique
d'un phénomène et son étendue réelle sont
proportionnels. Comme si, parce que l'on parle souvent d'un fait dans les
médias ce ne peut qu'être parce qu'il a une grande importance dans
la réalité.
Or, comme le chapitre précédent le
décrit, les règles du « jeu médiatique " poussent par
nature à mettre l'accent sur l'inhabituel, le marginal, le remarquable ;
parfois même en dépit de toute conscience professionnelle. Cela,
la majorité du public l'ignore ou ne peut se le figurer tant il a une
confiance aveugle en la « neutralité » et le sérieux de
ceux sensés l'informer.
De nos jours, l'un des sujets très présents dans
les médias est l'islam, et les premiers à ressentir les effets de
cette focalisation médiatique sont bien sûr les musulmans
eux-mêmes (qu'ils soient d'ailleurs réellement croyants ou pas).
Car en effet, les termes « islam " ou « musulman » tels
qu'employés dans le discours médiatique cachent souvent des
significations bien plus étendues que leur sens strict.
Rattachés à de nombreux
stéréotypes, l'« islam " et les « musulmans " des
médias ne ressemblent que de très loin à l'islam et aux
musulmans de la réalité. Malgré tout, la majeure partie de
l'opinion publique reste réceptive au discours médiatique et ne
semble pas vraiment être consciente de cet état de fait.
Un dessin satirique de l'américain Donald Addis
illustrant le pouvoir des médias sur l'esprit des spectateurs.
1) Un malaise palpable :
« Le " milieu " musulman (considéré par
beaucoup comme
l'incarnation de l'archaïsme, du sexisme,
de
l'antisémitisme, etc.) est isolé du reste de la
population,
c'est-à-dire, en langage médiatique, d'un «
nous » exclusif
censé incarner la modernité, la
modération, la tolérance »
Thomas Deltombe, journaliste.
1-1) Des musulmans irrités et blessés par la
vision de leur religion dans les médias français :
Comme l'indiquent très nettement les résultats
du sondage réalisé au cours de ce mémoire (cf.
annexe 1), les musulmans souffrent du regard que les médias
français portent sur leur religion. En effet, à la question
« Comment ressentez-vous, comment vivez-vous le regard des médias
français envers l'islam et les musulmans? ", 41 % ont répondu
« il m'énerve ", 23 % « il me blesse " et 19 % « il
m'attriste ".
En majorité, les musulmans français croyants,
âgés de 18 à 50 ans, sont donc plutôt
énervés du regard que portent les médias sur leur
religion.
Par ailleurs, 49 % des répondants déclarent ne
pas se sentir à l'aise aujourd'hui, en France, en tant que musulmans.
Nous avons donc, aujourd'hui en France, près de la moitié des
jeunes musulmans qui sont gênés et incommodés uniquement en
raison de leur appartenance religieuse.
Et quand plus de la moitié de ces 49 % affirment que
c'est en partie à cause de l'image que les médias peuvent donner
d'eux qu'ils ne se sentent pas à l'aise en tant que musulmans, l'on
mesure les conséquences de l'influence médiatique.
Au final, d'après ce sondage, ce sont donc environ un
quart des musulmans français qui déclarent tout bonnement ne pas
se sentir à l'aise dans leur pays, à cause de l'image que donnent
les médias de leur religion. Cela peut paraître mineur comme
phénomène, puisque cela concerne « seulement " un quart des
musulmans mais, premièrement nous allons le voir, bien d'autres
phénomènes viennent se greffer à celui-ci et,
deuxièmement, est-ce bien acceptable pour autant ?
D'après Deltombe en effet, l'on assisterait donc en
France à la création médiatique d'un « racisme
respectable ". Éternellement vu comme des immigrés, et devant
assister à un questionnement permanent sur leur religion, les musulmans
français ont à faire face à un comportement
médiatique inédit, qui serait d'ailleurs certainement vivement
condamné s'il s'appliquait aux autres religions. Cette « phobie
», comme la qualifie l'auteur, « pose problème " car il est
difficile de déterminer « ce qui tient de la critique parfaitement
légitime de la religion musulmane, et ce qui relève de la haine
ou du mépris des musulmans. "
Dépossédés de leur rapport à l'islam,
en plus d'être stigmatisés comme nous allons le voir, les
musulmans doivent en définitive faire face à une critique
chronique de leur religion.
Particulièrement focalisés sur l'islamisme
(cf. glossaire), c'est-à-dire un islam minoritaire, radical et
politique, nos médias semblent être à la recherche d'un
« ennemi invisible " duquel ils n'arrivent finalement qu'à donner
une image floue, agrémentée d'assez peu de preuves
concrètes quant à sa prétendue « propagation ". A
leur décharge, il est utile de rappeler que l'islamisme est bien
évidemment un phénomène réel, tout à fait
visible et palpable, mais qu'il n'a qu'une portée très marginale
en France, d'après les études de terrain.
Le journaliste Thomas Deltombe est loin d'être le seul
à aborder cet état de fait. Actuellement, de plus en plus
d'observateurs et acteurs du monde médiatique dénoncent une
certaine stigmatisation de l'islam par les médias. Aussi, la
théorie (assez répandue) voulant qu'il s'agisse là d'un
faux débat, lancé à l'initiative des musulmans
eux-mêmes, est infondée. En effet, la dénonciation d'un
« mauvais » traitement médiatique de l'islam en France n'est
pas l'apanage des musulmans eux-mêmes, loin de là.
C'est ce que nous prouvent des personnalités comme
Robert Badinter, célèbre avocat, universitaire et homme
politique, qui poussait un cri du coeur à ce sujet en mars 2001 au micro
de France Inter. S'insurgeant du fait que l'on arrive en France «
à isoler, à stigmatiser, ou à ce qu'ils se ressentent
comme tel, des millions de Français " et, se remémorant le
principe d'égalité mis en avant par la République, il
s'« interroge sur la raison de tous ces colloques sur l'identité ",
leur raison, leur but et se demande « à quoi [ils sont
censés nous préparer] sinon à donner chaque fois le
sentiment à ces femmes et ces hommes qu'ils sont mis à part. "
Pour lui, clairement l'on assiste aujourd'hui en France à une «
espèce de ghettoïsation morale " insupportable avec laquelle «
il est temps d'en finir ".
De son côté la rédaction de Midi
Libre, dans son édition du 8 janvier 2011, propose en la
matière un témoignage intéressant. L'article,
intitulé Pourquoi suis-je vu comme une menace ? retranscrit le
témoignage d'un musulman montpelliérain, âgé d'une
quarantaine d'années et conseiller régional. Réagissant
à un sondage qui révèle que 42 % des Français
considèrent la « communauté musulmane » comme une
menace, il s'avoue « stressé " et « dans tous [s]es
états ». Comme il l'exprime, « [lui], Français, citoyen
musulman qui aimerait bien être enterré ici, [il] constituerai[t]
une menace pour la France ? "
Ainsi, comme de nombreux autres, cet homme déplore de
devoir constater que « dès qu'il y a un problème ", les
musulmans ont tendance à être désignés en «
boucs émissaires ".
Pensant que les musulmans ne sont en réalité
qu'un « leurre ", un « ennemi imaginaire ", ce citoyen regrette que
l'islam soit instrumentalisé de la sorte, dans un cercle vicieux de la
« surenchère ".
Ces quelques exemples non exhaustifs résument
globalement les principaux reproches adressés aux médias
français dans leur traitement des actualités liées
à l'islam. Scientifiques, sociologues, chercheurs, journalistes, hommes
politiques, etc., ils sont très nombreux aujourd'hui à ne plus
hésiter à pointer du doigt ce qu'ils estiment être un
réel problème, une réelle injustice.
Si l'on en arrive aujourd'hui à une telle «
levée de boucliers », c'est certainement parce que le malaise se
fait de plus en plus sentir. Alors que ce soient les effets de la crise
économique qui accentue les tensions, ou tout simplement une
évolution naturelle du phénomène, il n'empêche que
74 % des musulmans français (de la tranche 18/50 ans) pensent que le
regard des médias français sur les musulmans constitue un «
problème ", que 83 % sont énervés, blessés ou
attristés par ce regard, et que 15 % pensent que ce regard est en partie
responsable du fait qu'ils ne soient pas à l'aise aujourd'hui en France
en tant que musulmans.
En l'occurrence, les plus grands responsables de ce «
mal-être musulman ", sont certainement, plus que toute autre chose, les
stéréotypes attribués à l'islam et à ses
fidèles. Relayés quotidiennement et plutôt abondamment dans
nos médias hexagonaux, ces derniers ne peuvent que participer à
la stigmatisation d'une partie de la population pourtant déjà
bien assez fragilisée par son implantation récente et sa mise
à l'écart géographique découlant de politiques
appliquées il y a plus cinquante ans déjà mais dont les
traces persistent.
1-2) Des musulmans enfermés dans des
catégories stéréotypées sur lesquelles ils ont peu
de prise :
En cette ère de surabondance médiatique, l'on
pourrait penser que la diversité d'opinions est légion. Or,
à y regarder de plus près, à quelques rares exceptions
près, ce sont peu ou prou les mémes clichés qui sont
repris par les rédactions quand il s'agit de parler d'islam ou de
musulmans.
Extrémisme religieux, proximité avec la mouvance
terroriste, ou encore violence envers les femmes font partie des lieux communs
les plus injustement, les plus abusivement, et pourtant les plus couramment
attribués aux musulmans français.
Mais avant toute chose, comme l'explique Thomas Deltombe dans
L'islam imaginaire, ce qui est remarquable quand les médias
français emploient l'adjectif « musulman », c'est qu'ils
désignent avant tout « l'arabe » et non pas les musulmans dans
leur ensemble. Cette nuance, pourtant de taille, constitue donc le premier des
stéréotypes que les médias accolent à ceux qui,
selon eux, se rattachent à la catégorie « musulmans
».
Ainsi en effet, jamais aucun reportage, jamais aucun article
ne fait écho des musulmans d'origine asiatique ou indienne. Non, celui
dont on parle implicitement dans le discours médiatique quand on emploie
le terme « musulman », c'est avant tout « l'arabe », le
« maghrébin ». Pour constater cela, il suffit d'allumer la
télévision et de regarder un reportage sur le sujet. 99 % du
temps ce reportage montrera en illustration des personnes dont l'apparence
extérieure, physique ou vestimentaire, est clairement identifiable comme
telle.
Ce premier stéréotype, le plus répandu et le
plus « évident », en est pourtant arrivé à
s'insérer dans la mémoire populaire comme une quasi
évidence. Or, il est important de le rappeler, les musulmans ne sont pas
tous des « arabes » et tous les « arabes » ne sont pas
musulmans. Ainsi, le plus important des stéréotypes
véhiculés par les médias concernant les musulmans n'est
pas forcément celui auquel on penserait en premier tant il s'est
ancré aujourd'hui dans l'imaginaire collectif.
Une production artistique illustrant de manière physique
les stéréotypes qui « collent " à la peau des
musulmans dans
l'imaginaire collectif relayé par les
médias.
Le second stéréotype, duquel d'ailleurs
découlent beaucoup d'autres, est celui de la prétendue
homogénéité des musulmans. En effet, souvent vus comme un
« bloc ", les musulmans seraient, si l'on en croit la plupart des
médias français, résolument similaires et solidaires entre
eux, par delà les frontières et par delà les
siècles.
De manière implicite en effet, nombre de reportages ou
d'articles évoquent, par exemple, la crainte que l'extrémisme
religieux « contamine " la majorité des musulmans. Comme si, plus
que les chrétiens ou les juifs, les musulmans étaient
réceptifs et perméables à la radicalité religieuse.
Comme si les musulmans français devaient avant tout se voir et
être vus au travers de leur appartenance religieuse.
Les sondages réalisés sur le sujet montrent par
ailleurs que 60 % des musulmans français se sentent autant
français que musulmans et que 64 % se sentent plus proche du mode vie et
de la culture française (pourtant fortement empreints de
judéo-christianisme) que de leur « culture familiale " personnelle
(sondage GSA/ Le Monde des religions publié le 31 octobre 2008).
Ayant profondément analysé le
phénomène, Deltombe s'interroge : « les musulmans donnentils
une image d'eux-mêmes ? Et comment cette image serait-elle "
donnée " ? Pourquoi ramener la diversité évidente des
musulmans à une " religion " d'un seul bloc [...]? L'identité des
personnes supposées composer ce collectif peut-elle d'ailleurs se
réduire à leur qualité de " musulman " ? Et de quels "
musulmans " parle-t-on, au juste ? "
Selon lui, un symptôme édifiant de cette
pensée stéréotypée, c'est que l'islam et les
musulmans français sont avant tout vus et évoqués à
l'occasion d'actualités internationales, étrangères et
extérieures. Comme l'exprime très simplement l'auteur « une
révolution en Iran, un conflit en Irak, une guerre civile en
Algérie, des attentats à New York et à Washington ? Et
voilà les caméras qui s'intéressent aux " musulmans " de
l'Hexagone, avec l'idée implicite qu'ils sont " tous les mêmes ".
"
A ce propos, il pourrait d'ailleurs être salutaire de
faire un aparté concernant l'ambiguïté du sens que peut
recouvrir le nom « musulman ». Ainsi, comme l'évoque toujours
le même auteur, « une personne peut être " musulmane " parce
qu'elle a intérieurement accepté ou choisi la religion musulmane
comme foi [(c'est la définition strictement religieuse de
l'identité musulmane)], mais elle peut l'être aussi parce qu'elle
est assignée, de l'extérieur, à cette identité pour
la simple raison qu'elle est originaire d'un milieu ou d'un pays à
majorité musulmane ", or « ne pas [...] garder en mémoire
[cette distinction essentielle] serait se satisfaire d'un regard trop
mécanique, se bornant à souligner des " différences "
parfois bien illusoires. "
Ainsi, l'auteur affirme que les médias, en plus d'avoir
tendance à représenter les musulmans comme un « bloc
homogène ", cherchent sempiternellement à déterminer un
« bon " et un « mauvais " islam, et en cela créent un «
islam imaginaire " qui en révèle au final bien plus sur «
les imaginaires [et les rapports de force] qui traversent la
société française » que sur l' « " islam
réel " ".
Ce second stéréotype de
l'homogénéité conjugué au premier
stéréotype de l'« arabe " a malheureusement pour
conséquence d'inclure dans la catégorie « musulman " des
personnes qui en réalité n'ont rien à voir avec l'islam.
En effet, aujourd'hui en France, seules 41 % des personnes d'origine musulmane
sont croyantes et pratiquantes (cf. p.99 du dossier de Marianne
visible en annexe 4).
Deltombe voit clairement en cet amalgame une «
stratégie " de la part des médias qui trouvent ainsi la parade
idéale à leur paresse intellectuelle. Comme il l'écrit,
« coller l'étiquette unificatrice d'"islam" sur un ensemble
extrêmement varié d'individus [...] permet à nombre
d'acteurs médiatiques de s'épargner - et d'épargner
à leur public majoritairement non musulman - une réflexion
collective sur des problèmes sociaux, politiques, économiques,
internationaux qui sont loin d'être imputables aux seuls " musulmans " et
qui peuvent difficilement être réduits à une grille
d'analyse " islamique ". "
Enfin, le troisième stéréotype rebattu
par les médias à propos de l'islam, est celui d'un islam «
problématique ". C'est-à-dire, vu uniquement à travers les
problèmes, les conflits et ce qu'il peut avoir de négatif.
Ainsi, en plus d'induire durablement une association entre
« islam " et « problèmes " dans l'esprit du public, ce
troisième stéréotype engendre la mise en avant
disproportionnée d'autres idées reçues qui sont alors
tellement ressassées dans les médias qu'elles apparaissent
presque dans nombre d'esprits comme relevant du sens commun. A savoir : l'islam
(et donc les musulmans) est une religion qui oppresse les femmes, et islamisme
(capable de submerger la majorité « modérée "
à tout instant) égale terrorisme.
Ces « postulats », certes ici simplifiés
à l'extrême, ne sont pourtant pas si éloignés du
discours sous-tendant nombre d'articles, d'éditoriaux ou de
reportages.
En la matière, les mots jouent un rôle tout
particulier. Comme l'explique Didier Bigo (NDA : chercheur initialement
cité dans L'islam imaginaire) par rapport à la
thématique du « terrorisme ", « il se crée un
diagramme, un réseau sémantique qui permet de passer de
l'une à l'autre des labellisations (NDA : terroristes, immigrés)
sans avoir même l'impression de changer de sujet.. ». Lentement mais
sürement, dans l'esprit quotidiennement « exposé " au discours
médiatique, peut alors s'insinuer cette idée d'une
contiguïté entre islam et terrorisme.
Un deuxième thème apparaît toutefois aussi
caricatural en ce domaine : celui du machisme et des violences faites aux
femmes. C'est ce qu'évoque Tevanian dans La République du
mépris quand il écrit qu'une certaine «
surenchère médiatique » a banalisée l'idée de
l'augmentation de la violence envers les femmes chez les musulmans.
D'après lui, la médiatisation de cas de violences envers les
femmes se fait d'ailleurs quasi exclusivement à travers des exemples
impliquant des musulmans. Et le viol collectif, la fameuse « tournante
» est également présenté comme une nouveauté
pratiquée exclusivement par des jeunes musulmans.
La couverture d'un numéro de L'Express (12 juin
2008) qui reprend tous les stéréotypes traditionnellement
accolés à l'islam:
la violence, la misogynie et
l'archaïsme.
Ainsi, voilà comment l'islam et les musulmans, sujets
médiatiques à fort potentiel d'audience, arrivent à «
entraîner " avec eux sur le devant de la scène des
thématiques pourtant traditionnellement assez absentes de la
scène médiatique.
Comme l'explique Geisser dans La Nouvelle
islamophobie, « Laurent Muchielli (chercheur au CNRS et auteur de
« "La violence des jeunes": peur collective et paniques morales au
tournant du 20ème et 21ème siècles
") a souligné l'écart qui existe entre la réalité
des viols collectifs et l'image qui en a été donnée dans
les grands médias [...]. Le phénomène a été
présenté comme nouveau, en pleine recrudescence, alors que les
données empiriques disponibles prouvent qu'il n'en est rien ; et cette
fausse « nouveauté » a permis [...] plus facilement d'imputer
ces viols collectifs [...] aux immigrés [...] ou aux enfants
d'immigrés d'origine maghrébine et de confession musulmane ".
Ainsi, « qu'il s'agisse d'homicides ou de viols collectifs ", Geisser
constate une incrimination quasi exclusive des « jeunes arabomusulmans des
banlieues », le tout sous couvert d'une « caution
irremplaçable : celle du fameux "terrain" ". Car, quoi de mieux en
effet, « pour donner un label d'authenticité à un reportage
ou à un débat télévisé, que le
témoignage d'une militante associative présente sur le terrain?
Et quoi de mieux, pour dissiper tout soupçon de racisme, que la
bénédiction d'une jeune femme d'origine maghrébine ? "
Ainsi, comme Geisser tient à le rappeler, les
médias « ne créent pas l'islamophobie mais opèrent
[plutôt] à une mise en ordre du sens commun sur l'islam et
l'islamisme ".
A travers ces divers stéréotypes une constante
apparaît donc : la volonté de définir un « bon " et un
« mauvais " islam. C'est-à-dire un « bon " islam «
modéré », qui s'exprime avec retenue et cherche à
« s'intégrer " et un « mauvais " islam qui, comme le
décrit Deltombe, est celui des « " caves et des garages de
banlieue ", souvent décrit en lien avec " l'étranger
" et prêt à « basculer » dans l'«
islam radical » ([comme l'exprime] le titre d'un livre de David
Pujadas) que les journalistes en mal de reconnaissance professionnelle tentent
de débusquer, à grand renfort de témoignages anonymes et
de caméras cachées. "
De ce fait, les musulmans sont dépossédés
de leur rapport à l'islam. Devant sans cesse être vigilants et se
conformer à l'image que l'on souhaite voir émaner d'eux, les
Français qui ont choisi l'islam pour religion se voient enfermés
dans de nombreux stéréotypes qu'ils se trouvent obligés
d'adopter eux-mêmes pour ne pas être trop en marge de la
société.
Car en effet, si ce ne sont pas les musulmans qui ont
crées les clichés dont ils font l'objet, ces derniers se
retrouvent quand méme contraints d'adopter les « signes
extérieurs du bon musulman » afin de ne pas être, le cas
échéant, catégorisés d'emblée dans «
l'autre catégorie ».
L'évocation de ces stéréotypes est
souvent délicate et troublante pour la plupart d'entre nous car elle est
peu flatteuse pour l'ego ; notre ego personnel, et par extension celui de
notre nation, de nos médias, de notre
pensée populaire. En effet, s'imaginer que l'on a pu « boire »
cette « soupe médiatique » sans s'apercevoir de son complet
décalage avec la réalité n'est pas la plus agréable
des découvertes.
Ainsi, par orgueil, par peur de devoir se remettre en question,
nombreux sont ceux à encore nier cette problématique d'une
création d'un islam médiatique.
Ainsi, pour présenter à leur égard une
preuve supplémentaire de cet état de fait, il serait
intéressant d'aborder un fait d'actualité indubitablement
édifiant en la matière : les attentats d'Oslo puis la tuerie
d'Utøya perpétrés dans la méme journée par
le Norvégien Anders Breivik.
1-3) L'affaire Anders Breivik : un emballement
médiatique révélateur:
Avant de procéder à cette analyse
éclairante, voici un bref rappel chronologique des faits concernant
cette affaire:
22 juillet 2011-Oslo-15h26 : explosion
d'une bombe près du siège du gouvernement faisant sept morts et
de nombreux blessés.
22 juillet 2001-île d' Utøya (non loi
d'Oslo)-17h00 : début d'une fusillade qui fait 86 morts
dont la majorité sont des jeunes venu assister au rassemblement de
l'université d'été du Parti travailliste
norvégien.
22 juillet 2001-île d'Utøya -18h27
: la brigade d'intervention d'urgence
dépêchée sur l'île parvient à arrêter le
coupable de la fusillade : Anders Behring Breivik.
22 juillet 2011- environs de 19h00 : la
police norvégienne annonce officiellement l'arrestation du coupable de
la fusillade.
Nuit du 22 juillet au 23 juillet 2011 :
la police annonce que les attentats à la bombe d'Oslo et la tuerie
d'Utøya sont liés.
23 juillet 2011- 23h26 : l'avocat
d'Anders Breivik annonce à la presse que son client a reconnu les faits
dont on l'accuse.
23 juillet 2011 : de plus amples
informations commencent à faire jour sur la personnalité de
Breivik ainsi que sur ses motivations. Décrit par les enquêteurs
comme un fondamentaliste chrétien, ce norvégien « de souche
» aux tendances nationalistes avait pris le soin d'envoyer un pamphlet de
1500 pages, rédigé par ses soins, à plus de 1 000
personnalités diverses environ une heure trente avant les faits afin d'y
exposer ses théories personnelles sur « l'indépendance
européenne » et la façon dont elle devrait être, selon
lui, appliquée.
Mais, plus que les faits en eux-mêmes, ce qui est
particulièrement intéressant dans le traitement médiatique
de l'affaire Breivik, c'est la facilité avec laquelle les médias
français, dans les premières heures succédant l'attentat
puis la tuerie, ont procédé à la désignation
quasi-unanime, et pourtant totalement infondée, d'un suspect principal :
le terrorisme islamiste.
C'est ce que dénonce avec force argumentation un article
publié le 25 juillet 2001 par Acrimed : Attentats d'Oslo : le
coupable « islamiste » était (presque) parfait.
Rédigé par deux journalistes
(Frédéric Lemaire et Julien Salingue), ce papier affirme que
l'affaire Breivik a fourni « un nouvel exemple de la langue automatique du
journalisme et des préconceptions qui conduisent nombre de médias
et de "spécialistes" - qui ne savent rien - à croire et à
tenter de faire croire qu'ils savent. »
Et effectivement, les médias français, quasiment
tous sans exception, ont favorisé la thèse du « terrorisme
islamiste » sans, on le répète, aucune preuve ne permettant
d'étayer cette hypothèse plus qu'une autre.
Ainsi, si l'on s'intéresse au cas de
Libération, l'on remarque que le phénomène prend
une forme assez indirecte mais toutefois empreinte d'une suggestivité
assez lourde. Comme le révèlent les captures d'écran des
articles concernés, si « trois pistes [...] se dessinent »,
c'est bien la piste de l'islamisme qui est plus que lourdement
suggérée.
Une capture d'écran du titre et du chapeau d'un article
de Libération quelques heures après la
perpétration du massacre
d'Utøya.
En effet, le chapeau d'une ligne placé en dessous du
titre semble privilégier clairement une piste parmi les trois. Or
à cet instant-là, aucunes des informations dont disposaient les
journalistes ne leur permettait de pencher en faveur d'une « piste »
plutôt que d'une autre.
Un autre exemple similaire est celui du journal Le
Parisien qui, dans son édition datant du lendemain de l'explosion
et de la tuerie, titre « Des attaques concertées, un suspect
arrêté » et consacre toutefois la majorité de
l'article à « creuser » la piste islamiste qui est en outre la
seule à se voir gratifiée d'un intertitre.
L'article consacré aux attentats d'Oslo par Le
Parisien du 23 juillet 2011.
Comme l'explique la suite de l'article d'Acrimed
dénonçant ces pratiques tout à fait contraires à
l'éthique journalistique, « nombre de sites Internet (
rtl.fr,
nouvelobs.com,
20minutes.fr, l'
express.fr,
ouest-france.fr,
lemonde.fr, etc.) ont republié "
automatiquement ", sans commentaires ni vérification, les thèses
et avis éclairés d' " experts " en terrorisme » cités
par Reuters (NDA : première agence de presse au niveau mondial)
et favorisant tous la piste du djihadisme.
Comme le nuancent justement les journalistes « la manoeuvre
est-elle intentionnelle ? Rien n'est moins sür : les automatismes
suffisent ! Mais le résultat est là »
Ce constat accablant de « dérapage »
médiatique généralisé dans l'affaire Breivik
s'inscrit dans un contexte que beaucoup imaginent comme pouvant expliquer ces
soupçons hâtifs. Pourtant, il est intéressant ici de
rappeler que le dernier rapport d'Interpol concernant les attentats
perpétrés en Europe concluait que sur 294 attentats
perpétrés sur le sol européen en 2009, seulement un
était attribué au terrorisme islamiste.
Les journalistes en concluent que « s'il ne s'agissait
[...] que d'un droit à l'erreur » ils le reconnaîtraient
volontiers. Mais ils se demandent si l'on peut encore « parler d'erreur
» quand celle-ci est le « produit [d'un] journalisme d'anticipation
qui prétend savoir avant de savoir » et qui, pour quelques «
prédictions » qui vont s'avérer fondées, alimente le
reste du temps les stéréotypes et la paranoïa entourant la
thématique de l'islamisme.
A ce propos on peut également procéder à
un parallèle intéressant non par sur l'aspect qualitatif mais
plutôt sur l'aspect quantitatif de la production journalistique
française concernant cette affaire. En effet, si l'on compare le temps
de présence de cette affaire en « une » comparé
à des actualités impliquant cette fois-ci des terroristes
islamistes, on remarque qu'étrangement, l'affaire impliquant des
islamistes bénéficie de beaucoup plus de couvertures, et sur une
période beaucoup plus prolongée.
Les attentats perpétrés au nom de fanatiques de
l'islam seraient-ils plus intéressants journalistiquement parlant, que
les attentats perpétrés par des chrétiens ?
Une tuerie qui a été reconnue comme le pire acte
de violence commis en Norvège depuis la Seconde Guerre mondiale
est--elle donc moins « importante » que, par exemple des attentats
à la bombe dans le métro de Madrid ou à Londres? C'est ce
qu'on pourtant semblé penser nos médias.
En effet, procédant à une comparaison des unes
de Libération pour ces trois affaires, Acrimed constate que, dès
le troisième jour suivant l'affaire, l'affaire Breivik disparaît
presque de la une, alors que celles de Madrid et de Londres y resteront pendant
plusieurs jours encore.
Les unes de Libération au lendemain des attentats
de Madrid, Londres et Oslo (montage réalisé par Acrimed).
Les unes de Libération deux jours après
les attentats de Madrid, Londres et Oslo (montage réalisé par
Acrimed).
Les unes de Libération trois jours après
les attentats de Madrid, Londres et Oslo (montage réalisé par
Acrimed). L'affaire
Breivik n'est plus mise en avant.
Enfin, un autre phénomène intéressant
à analyser sur l'affaire Breivik, en rapport avec la vision qu'ont les
médias de l'islam, c'est l'analyse que ces derniers ont proposé
une fois l'identité du vrai tueur révélée. Ainsi,
alors que l'explication des motivations de l'acte par l'aspect religieux est
systématique lors d'attentats islamistes, dans le cas Breivik c'est
avant tout sa personnalité qui a été mise en avant.
Massivement, les journalistes ont favorisé la piste de la
démence, décrivant plus son geste comme un acte isolé que
comme la résultante d'un esprit religieux profondément
ancré.
Encore une fois, les journalistes seraient-ils donc
majoritairement convaincus que les musulmans soient plus perméables aux
idées religieuses que les chrétiens ?
Comme l'écrit Julien Salingue pour Acrimed, « si
un terroriste s'avère être un musulman, nul doute que c'est un
fanatisme qui se passe de toute compréhension [et que c'est] tout
simplement sa religion, qui l'a poussé à avoir recours à
la violence. On ne s'encombrera pas alors de " portraits " permettant de cerner
les motivations individuelles du tueur, et on ne fera pas appel, dans la
presse, à des psychologues qui se demanderont s'il est ou non un "
malade mental ".
Et en effet, lors des attentats perpétrés dans
les transports en communs de Londres par quatre kamikazes, « rien de tel
» n'a été trouvé. Aucune analyse psychologique, aucun
portrait, c'est à peine si l'on a mentionné leur nom.
Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus,
l'affaire Breivik peut aujourd'hui être considérée comme
révélatrice de l'esprit médiatique français envers
l'islam. Par leurs comportements, leurs accusations hâtives et à
peine voilées, puis leur façon de traiter les suites de
l'affaire, nos médias se sont en quelques sortes trahis. Mettant ainsi
à nu les idées reçues qui les traversent, et exposant au
grand jour les automatismes professionnels précipités et immoraux
qui les sous-tendent, nos médias ont fait preuve de méthodes de
travail qui ne méritent presque pas d'être qualifiées comme
telles.
L'affaire Breivik le confirme, au regard du pouvoir
d'influence dont ils disposent, les médias font preuve d'une grand
irresponsabilité sur le sujet de l'islam. Le fait que des journalistes
se soient laissé à ce point guider par leurs idées
reçues met clairement en lumière la force de celles-ci. En
procédant avec tant de conviction à une association quasi
systématique entre islam, violence et archaïsme, les médias
n'influencent-ils pas immanquablement l'esprit de leurs spectateurs ?
Aussi, quelles que soient les excuses qui aient
été invoquées pour expliquer un tel comportement, et si
l'appréhension de certaines règles du jeu médiatique
(cf. chapitre II du présent mémoire) permet de mieux
comprendre comment un tel comportement est possible, qu'en est-il des
retombées ?
Clairement, nous l'avons vu, l'islam et les musulmans sont des
sujets « à part » dans le traitement médiatique
Français, et cela ne peut décemment aller sans corollaire.
Ainsi, aujourd'hui en France, quelles sont les
conséquences de telles pratiques médiatiques ? Et surtout, quel
est leur degré de gravité ?
2) Des pratiques médiatiques qui influent sur
les relations sociales :
« Les médias ont une grande responsabilité
dans
l'image que les occidentaux se font des musulmans, [...]
l'islam a
peu à peu été assimilé au terrorisme [et]
méme si
l'on sait tous que c'est faux, cela joue fortement
sur
l'inconscient collectif. »
Nina Hubinet, Musulmans et occidentaux
désespèrent les uns des autres, La Croix, 27 mars
2008.
2-1) Une opinion publique anxieuse modelée par les
médias :
« Les énoncés racistes ou
xénophobe du type " Il y a trop d'immigrés ", " L'islam est
vecteur de violence", " Les Maghrébins sont plus difficiles à
intégrer " ou " Les Français doivent être embauchés
prioritairement ", recueillent des taux d'approbation de 20, 30, 40% et parfois
d'avantage. » (Extrait de La République du
mépris de Pierre Tevanian)
Voici qui donne un aperçu de l'opinion publique des
Français vis-à-vis des « musulmans » (NDA : au sens
médiatique « restreint » du terme).
D'ailleurs, d'après certaines études, les actes de
violence envers des musulmans seraient en hausse, ce qui pourrait être le
signe de tensions. Comme l'explique la journaliste Nadia Ben Othman dans son
article Antisémitisme, islamophobie : l'inégal traitement
médiatique (
SaphirNews.com, 7 avril 2004),
« la commission nationale consultative des droits de l'homme
(CNCDH), fait état de la multiplication des actes de racisme à
l'égard de la communauté musulmane. »
En outre, la CNCDH préfèrerait parler simplement
d' « intolérance à l'égard de l'islam " et
pour
Nadia Ben Othman cela « participe d'un mouvement de négation, sinon
de minimisation
du racisme anti-musulman qui se développe avec force
depuis les attentats du 11 septembre. »
De manière générale, il semblerait donc que
l' « islam " ait une moins bonne image dans l'opinion publique que les
autres religions.
A ce propos, un sondage réalisé par le site
Internet
ExpressionPublique.com
(NDA : site créépar Jérôme
Jaffré, directeur du Centre d'études et de connaissance sur
l'opinion publique et
Philippe Chriqui ancien directeur des études
d'opinion publique de l'IFOP) est
édifiant.
Réalisé en 2005, ce dernier
révèle en effet que la « communauté musulmane " est
celle qui
dispose en France du « capital sympathie " le plus bas
(cf. tableau récapitulatif ci-dessous).
Sur cette échelle, veuillez préciser votre
degré de sympathie pour chacune de ces communautés, allant de 1
(aucune sympathie) à 5 (une très grande sympathie) ?
|
1
aucun e
|
2
|
3
|
4
|
5 Très sympa
|
Sans opinio n
|
Non répons e
|
La communauté noire
|
11%
|
13%
|
26%
|
22%
|
19%
|
9%
|
1%
|
La communauté juive
|
12 %
|
14%
|
24%
|
21%
|
19%
|
9%
|
1%
|
La communauté musulmane
|
36%
|
18%
|
18%
|
10%
|
9 %
|
7%
|
1%
|
La communauté homosexuelle
|
23%
|
12%
|
19%
|
16%
|
16%
|
13%
|
1%
|
La communauté maghrébine
|
28 %
|
16 %
|
20 %
|
15%
|
12%
|
8%
|
1%
|
La communauté gitane
|
32 %
|
24%
|
18 %
|
8 %
|
6%
|
10 %
|
1 %
|
Ce sondage révèle également que la
majorité des Français perçoivent les musulmans comme
« plutôt responsables de violences » que « victimes »
:
En France, les communautés suivantes vous paraissent-elles
plutôt responsables de violences, plutôt victimes de violences ou
tantôt responsables, tantôt victimes ?
1- Plutôt Responsable, 2- Plutôt victime des
violences, 3-Tantôt responsable, tantôt victime
|
1
Respon -sable
|
2 Victime
|
3
Les
deux
|
sans opinion
|
Non réponse
|
La communauté noire
|
19 %
|
27%
|
45 %
|
8 %
|
1%
|
La communauté juive
|
7 %
|
56 %
|
31 %
|
6 %
|
1%
|
La communauté musulmane
|
43 %
|
13 %
|
37 %
|
5 %
|
1%
|
La communauté homosexuelle
|
5 %
|
70 %
|
14 %
|
10 %
|
1%
|
La communauté maghrébine
|
45 %
|
11 %
|
40 %
|
3 %
|
1%
|
La communauté gitane
|
51 %
|
8 %
|
34 %
|
6 %
|
1 %
|
En France, pensez-vous que les groupes suivants forment une
communauté fermée, une communauté ouverte ou pas de
communauté ?
1- Forment une communauté fermée 2- Forment une
communauté ouverte 3 - Ne forment pas de communauté.
|
1 fermé
|
2 ouverte
|
3
pas communauté
|
sans opinion
|
Non réponse
|
La communauté noire
|
24 %
|
43 %
|
28 %
|
4 %
|
1%
|
La communauté juive
|
50 %
|
37%
|
9 %
|
3 % 3 %
|
1%
|
La communauté musulmane
|
65 %
|
22 %
|
9 %
|
1%
|
La communauté homosexuelle
|
33 %
|
33 %
|
29 %
|
5 %
|
1%
|
La communauté maghrébine
|
48 %
|
32 %
|
16 %
|
3 %
4 %
|
1%
|
La communauté gitane
|
84 %
|
8 %
|
3 %
|
1 %
|
Enfin, une dernière question nous apprend que les
Français voient plutôt les musulmans comme un groupe «
fermé » :
Ainsi, il est clair que les musulmans, s'ils
bénéficient globalement d'une meilleure image que les gitans,
font tout de même partie des « communautés " les moins
appréciées en France. D'ailleurs, un sondage commandé par
Le Parisien en décembre 2009 révélait
également que seuls 54 % des Français jugent « compatible "
la pratique de la religion musulmane avec « la vie en
société en France ".
Avec toute la retenue avec laquelle il convient
d'appréhender les résultats issus de sondages, on ne peut nier
qu'une tendance plutôt négative se dessine. D'ailleurs, que les
Français se rassurent, ce phénomène n'est pas propre
à leur pays et, plus largement, c'est toute l'Europe qui semble souffrir
d'un « grave déficit de confiance entre les communautés
musulmanes et occidentales " (conclusion du site
MonSondage.com à propos du
sondage 60 % des Européens se sentent menacés par
l'immigration musulmane).
Dans La Nouvelle islamophobie, Geisser avance que ce
malaise n'est pas exempt de conséquences puisqu'il semblerait qu'il
pousse les musulmans eux-mêmes à adopter de nouveaux comportements
sociaux. En effet, alors que l'on reproche souvent aux musulmans de ne pas
assez « s'intégrer » à la société,
Geisser pense au contraire que nombre d'entre eux font tout pour atteindre ce
but. En l'occurrence, beaucoup adhéreraient aujourd'hui à une
certaine vision de l'islam afin ne pas s'auto-exclure ou de prendre le risque
d'avoir des idées trop à contre-courant de la vision
dominante.
En résumé certains musulmans auraient tendance
actuellement à rentrer volontairement dans un moule
stéréotypé du « bon musulman " (c'est-à-dire
« modéré ", sans barbe ni voile, etc.) afin de se conformer
à ce que l'on attend d'eux, et ainsi mieux « s'intégrer "
dans notre société empreinte des clichés
véhiculés dans les médias.
Sans arrét pris entre deux feux, avec d'un
côté une volonté d'intégration naturelle
(présente en chaque être humain), et de l'autre une volonté
de ne pas étouffer une partie de leur identité au seul
prétexte qu'elle ne « convient " pas, les musulmans français
sont perpétuellement sommés d'avoir un avis sur la «
question ». Par conséquent, certains vont jusqu'à adopter
euxmémes une vision manichéenne de l'islam, qui ne correspond pas
forcément à l'expression de leur pensée profonde, mais qui
offre les avantages du conformisme.
Selon Geisser, la vision dominante de l'islam
véhiculée actuellement dans les médias est « parfois
encouragé[e] par les acteurs musulmans eux-mémes, qui tirent
d'une vision dualiste de l'islam une ressource de légitimation et un
brevet de " laïcité républicaine ". "
Notre société serait donc divisée au
point de contraindre une partie de ses membres à renier une part
importante de leur culture sous peine de perdre toute chance d' «
intégration " ? Et cette opinion publique anxieuse vis-à-vis d'un
islam qu'elle ne connaît finalement souvent qu'au travers des reportages,
n'est-elle pas influencée par les stéréotypes que
véhiculent les médias ? Cette vision manichéenne de
l'islam que les musulmans se trouvent également obligés d'adopter
n'est-elle pas finalement la résultante de plusieurs décennies
d'admonestation médiatique de l'islam ?
S'il est difficile d'apporter la preuve matérielle de
cet impact, cette réaction d'« adoption " de la vision dominante de
l'islam par de nombreux musulmans aura peut-être le mérite
d'ébranler le cliché assez répandu selon lequel les
musulmans sont tous potentiellement des « extrémistes religieux en
puissance ".
En effet, on le constate encore une fois, les musulmans ont
tendance à être réduits à leur appartenance
religieuse. Or, comme vu précédemment, les pratiques des
musulmans de France « s'émiettent de plus en plus " (seuls 30 % de
croyants) et les musulmans français s'expriment en permanence, non pas
comme des « musulmans ", mais comme des citoyens qui veulent être
estimés pour eux-mêmes.
Aussi pour Marc Cheb Sun, journaliste et fondateur du magazine
Respect Mag, il devient urgent de « changer notre regard sur les
musulmans " car une lourde chape de plomb, faite de stéréotypes
et de non-dits, repose sur « l'image musulmane " en France.
Ce journaliste, qui « crie au rapt d'une identité
musulmane ", explique dans un article du 23 janvier 2011 publié sur
MyEurop.info que, « dans un monde où les identités
politiques et religieuses fusionnent en partie, il faut étudier les
faits de manière dépassionnée, sans partir du principe que
deux blocs sont d'ores et déjà en guerre [et que] pour cela, il
faut changer notre regard sur les musulmans. ". Pour lui, « il est temps
de comprendre [qu'] il n'est ni bon de dénier à quelqu'un une
part de son identité, ni bon de l'y enfermer. "
Marc Cheb Sun touche là un point important puisque le
« communautarisme musulman " semble être devenu une grande «
préoccupation médiatique " ces dernières années.
Ainsi, qu'en est-il vraiment ?
2-2) Communautarismes et crispations identitaires : des
risques plausibles ?
Pour de nombreux auteurs et spécialistes du sujet, le
communautarisme musulman n'existe tout simplement pas et le risque de repli
identitaire est, chez les musulmans, minime.
Ainsi, l'anthropologue John Bowen, professeur à
l'université Washington de Saint Louis (Etats-Unis) affirme dans son
livre Can islam be French ? (Princeton University Press, 2010) que les
musulmans français sont « beaucoup moins isolés du reste de
la société " en comparaison avec les musulmans d'autres pays, et
que « le débat en France sur l'islam s'est construit sur une
opposition de valeurs [alors] que la question des musulmans de France n'en est
pas une ".
Il poursuit en écrivant qu'il n'y a d'ailleurs pas de
« conflit de valeurs " tout court entre l'islam et l'occident puisque
« prétendre que la civilisation européenne est la gardienne
éternelle de l'égalité juridique, politique et sociale des
femmes, tandis que les pays musulmans seraient le symbole de leur oppression,
relève de la construction imaginaire. "
Selon lui, les musulmans français
développeraient au contraire énormément d' «
accommodements raisonnables " entre normes françaises et islamiques et,
« contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les
quartiers peuplés de musulmans qui sont homogènes mais
[plutôt] certains quartiers peuplés uniquement de Blancs [comme]
Neuilly ou le XVIème arrondissement de Paris, qui sont sans
doute parmi les quartiers les plus communautarisés de France. »
D'ailleurs, une enquête internationale réalisée en 2006
montrait que les musulmans français étaient plus nombreux
à placer leur identité nationale avant leur identité
religieuse que les chrétiens américains.
Pour John Bowen qui a analysé le sujet en profondeur,
« il n'existe [donc] pas de communautarisme musulman en France ". Les
musulmans côtoient tour à tour des espaces «
spécifiquement islamiques » et d'autres neutres, comme leur lieu de
travail ou des associations de quartier, ce qui invalide clairement la
thèse du repli communautaire. L'anthropologue ajoute également
que la séparation de l'église et de l'Etat en France fonctionne
comme une « névrose " qui produit une relation tourmentée
entre le pouvoir, la société et les lieux de cultes. Une
névrose qu'il juge inutile puisqu'en réalité cette
séparation du pouvoir institutionnelle et du pouvoir religieux ne serait
qu'illusoire.
Pour l'auteur, « l'Eglise et l'Etat ne sont pas
séparés [et] « l'Etat aide le culte de multiples
manières ", notamment en subventionnant les écoles catholiques
privées (par exemple bien plus subventionnées qu'aux Etats-Unis
ou au Royaume-Uni). Ainsi, ce dernier pense que « certaines revendications
musulmanes " viendraient en fait simplement raviver des vieilles douleurs,
notamment chez certains Français restés convaincus que les
institutions religieuses compromettent l'unité républicaine.
« -Tu devrais mieux mesurer la chance que l'on a de vivre
dans un pays laïque... "
Dessin satirique dénonçant
l'hypocrisie entourant la notion de laïcité française.
Un autre aspect crucial à prendre en compte quand l'on
évoque un possible « communautarisme musulman » c'est
l'histoire de l'immigration musulmane, qui explique Iustement que les musulmans
se soient (et se retrouvent encore) « regroupés " dans les
mêmes zones géographiques, ce qui peut effectivement laisser une
impression de volonté de regroupement.
En effet, les musulmans maghrébins arrivés
massivement en France dans les années 70 constituaient une immigration
« de labeur », venue uniquement pour travailler, et qui fut donc
accueillie en France sans aucun plan d'intégration puisque le retour au
pays était envisagé. Ainsi, c'est le gouvernement français
de l'époque qui a placé les immigrés dans certains
quartiers, qui les a regroupés, sans intention de former une
communauté mais plus pour « des raisons pratiques ». Il est
donc important de garder en tête, qu'aujourd'hui, quelques quarante
années plus tard, la concentration géographique de musulmans
maghrébins en certaines zones n'est pas due à une volonté
de leur part mais est simplement la conséquence des politiques
françaises de l'époque.
Selon Bowen, cette séparation géographique,
cette espèce de « ghettoïsation » des musulmans, a
engendré l'ignorance et a permis à toutes sortes de «
fantasmes sur les désirs et les finalités musulmanes » de
s'insérer dans les esprits, d'où aujourd'hui l'idée si
répandue que les musulmans ont une forte tendance au communautarisme.
Ainsi, toujours selon Bowen, si la France avait su
éviter à l'époque cette ghettoïsation musulmane, les
« gens [auraient pu se côtoyer simplement] », vivre ensemble et
« se voi[r] d'abord comme des hommes et des femmes ordinaires, qui se
préoccupent [...] de leur famille, de l'avenir de leurs enfants, de leur
boulot. »
Beaucoup d'autres spécialistes en sont arrivés
aux mêmes conclusions que Bowen. C'est le cas par exemple de Roger
Fauroux, ancien ministre et ancien président du haut conseil à
l'intégration qui déclare qu' « en faisant autant de cas de
l'islam, en lui donnant autant d'importance, tout en mettant des obstacles
à l'émergence d'une formation de théologie
française de l'islam, la France fabrique littéralement du
communautarisme par le sommet » et qu'« il faut rapidement remettre
la religion à sa place pour enfin s'attaquer aux véritables
sujets qui minent la société française. »
Et en effet, selon la ligue des droits de l'homme de Toulon,
si le « communautarisme musulman » est régulièrement
dénoncé comme le symptôme d'un dysfonctionnement social
majeur [...], il est aussi très largement créé, sinon
encouragé, par ceux-là mêmes qui le pointent du doigt
» et « l'ambiguïté de formules politiques telles que l'"
islam français " ou l'" islam républicain " [...] expriment cette
tentation paradoxale des responsables politiques de conduire progressivement
les musulmans de France aux lumières de la laïcité et de la
raison républicaine, tout en les maintenant dans leur
spécificité islamique. »
De son côté, Laurent Bouvet, professeur en
sciences politiques à l'Université de Nice Sophia Antipolis,
affirme dans son article Le communautarisme, voilà l'ennemi ! (
Laligue.org) que « dans
le débat qui oppose en France " la République" au
"communautarisme", flotte quelque chose d'irréel [...] qui ignore la
complexité sociale» et que le communautarisme « n'inspire
aucune revendication sérieuse si ce n'est de la part de quelques
groupuscules, [et qu'ainsi] l'on perçoit avec difficulté les
tentations communautaristes qui toucheraient la "communauté musulmane".
"
Contrairement à l'idée que répandent
souvent les médias, les musulmans auraient plutôt tendance
à vouloir s'« intégrer » (dans l'hypothèse
où l'on considère qu'ils ne le sont pas). D'ailleurs, encore une
fois, il n'existe pas vraiment de « communauté musulmane ". Les
études de terrain et la logique tendent à prouver que ce que l'on
nomme « communauté musulmane » n'est en réalité
qu'un terme vague qui permet de désigner un ensemble de personnes dont
on ne désigne aucune caractéristique commune si ce n'est celle
d'être musulmane. Le seul critère d'appartenance religieuse ne
suffisant pas à définir un individu, difficile alors de parler de
réelle « communauté ". La « communauté musulmane
" au sens courant du terme ne veut donc rien dire. Une communauté
étant censée être un groupe qui défend un ou des
intérêt(s) commun(s), la « communauté musulmane »
n'existe pas. Il y autant de façon d'être musulman que
d'individus, et c'est en ce sens que la « communauté musulmane
» n'en est pas une.
Ainsi, si la communauté musulmane n'existe pas en tant
que regroupement d'individus qui souhaitent défendre un
intérêt commun, pourquoi craindre un « communautarisme
musulman " en France ?
Comme le confirment Vincent Geisser et Aziz Zemouri dans leur
ouvrage Marianne et Allah. Les politiques français face à la
« question musulmane », « si l'on constate effectivement
une montée de la religiosité musulmane et d'un activisme
communautaire dans certains quartiers populaires de banlieue, ces
phénomènes ne sont en rien identifiables à un
communautarisme qui viserait à saper le modèle républicain
français. Au contraire, les pratiques et revendications musulmanes se
combinent volontiers à un conformisme social et politique ".
Cette affirmation, comme toutes celles du même ordre, se
base sur des enquêtes sociologiques sérieuses (dont celles d'Amel
Boubakeur, Moussa Khedimellah, Samir Amghar, Franck Frégosi, Omero,
etc.) dont les résultats prouvent de façon indiscutable que les
musulmans n'ont pas besoin de « s'assimiler ", de « s'intégrer
» puisqu'ils le font/sont déjà et qu'ils ne cherchent de
toute façon en aucun cas à menacer la République ou la
laïcité française.
Mais comme le concluent les auteurs, « en
l'espèce, la réalité sociale compte bien moins que la
"force du préjugé" et des idéologies. "
Finalement quand l'on s'intéresse de plus près
à la question du prétendu « communautarisme musulman »
dont les médias semblent vouloir entretenir et prouver l' «
existence », l'on se rend compte que la réalité est bien
différente de celle que nous montrent les médias.
Encore une fois, les médias ne s'intéressant qu'
« aux trains qui n'arrivent pas à l'heure ", la mise en exergue de
certaines revendications communautaristes musulmanes ultra-minoritaires a pu
donner cette impression d'un repli identitaire généralisé
chez les musulmans.
Dans la réalité, les musulmans sont tout aussi
conformistes que n'importe qui et, socialement, ils devraient méme
parfois faire preuve d'un conformisme encore plus exacerbé afin de se
rendre plus « admissibles " aux yeux de ces « autres " qui font de
cette appartenance religieuse une différence fondamentale.
Enfin, une approche plus originale mais tout aussi
intéressante du sujet, est celle à laquelle procède
l'Observatoire du communautarisme (NDA : observatoire indépendant
d'information et de réflexion sur le communautarisme, la
laïcité, les discriminations et le racisme) dans son article
intitulé Le communautarisme et la lutte des classes datant du
29 novembre 2003.
Selon cet article, ce que l'on prend pour du «
communautarisme musulman " ne serait en fait que la sempiternelle expression de
la lutte des classes. L'histoire de la France, l'histoire de l'immigration
maghrébine auraient conduit à ce que beaucoup de musulmans se
retrouvent dans la « classe prolétaire », ce qui produit
aujourd'hui une impression de « communautarisme musulman » qui ne
serait en fait qu'une sorte de « communautarisme prolétarien
». D'ailleurs, pour les auteurs de l'article, ce qu'il est important de
comprendre c'est que le communautarisme n'est pas le danger en lui-même,
puisqu'il s'applique à toutes les franges de la société,
mais qu'il ne faut pas faire de cette notion quelque chose qui s`applique
uniquement aux « prolétaires ", aux couches sociales
défavorisées.
Car celui-ci prend également des formes «
bourgeoises " et que « la focalisation dans le discours médiatique
et politique sur le communautarisme musulman n'est pas étranger à
la "stratégie de détournement" des autres communautarismes ". En
bref, cette théorie veut que, quand bien même un certain «
communautarisme prolétaire " comprenant une majorité musulmane
existerait, cela n'est pas une menace puisque le communautarisme s'applique
à l'ensemble des groupes sociaux qui ainsi « s'affrontent ", chacun
défendant ses intérêts.
Par là-même, les élites « bourgeoises
" sociales et politiques, détenant les médias et
traditionnellement opposées aux « prolétaires " auraient,
sous couvert de soi-disant « bonnes intentions " instauré un
discours médiatique peu favorable à la classe «
prolétarienne " contre laquelle ils « sont en lutte ".
Finalement, d'après cette théorie, il n'existe
pas de communautarisme musulman puisqu'en fait ce sont plutôt les «
rapports de production (qui n'ont pas grand-chose à voir avec la
confession) » qui s'expriment sous cette « question sociale ".
« Deux grand hommes autour d'un café ".
Dessin
satirique publié par Le Nouvel Observateur illustrant une
discussion imaginaire entre Nicolas Sarkozy et Karl Marx
sur la notion de
lutte des classes.
Ainsi, que l'on préfère cette dernière
explication « marxiste » ou les autres, toutes les études
sérieuses abondent dans le même sens : il n'existe pas de
communautarisme musulman.
En conséquence, on assisterait encore en la matière
à un grossissement médiatique du trait, à une caricature
qui ne tient nullement compte des réalités du terrain.
2-3) Une réalité plus nuancée :
Qui dit caricature dit exagération. Et concernant
l'islam, il semblerait bien que cela soit ce dont les médias aient fait
preuve : d'exagération.
Ne mettant l'accent que sur les potentiels risques de «
communautarisme musulman », les médias ont amplifié un
phénomène dont on ne sait méme pas s'il mérite le
qualificatif d'« ultra minoritaire » tant il semble quasi
inexistant.
Alain Gresh, dans son article Islam et médias (
Islamlaïcité.org)
avance que cette inquiétude envers un possible communautarisme musulman
est disproportionnée au regard des capacités réelles en
termes de force sociale, politique et économique de la « population
musulmane » française. En effet selon lui, être conscient de
la « situation de faiblesse », et de la marginalisation
économique et sociale dans laquelle se trouvent la plupart des musulmans
français c'est aborder un élément « tout à
fait décisif [...] lorsque l'on parle de l'islam ».
Ainsi, il s'étonne que la France, comme le reste de
l'Occident, ait une « vision de la menace islamique [aussi]
éloignée de toute réalité », « comme si
nous étions à la veille de l'effondrement de la civilisation
occidentale. »
De plus, loin du conditionnement psychologique imaginé
par l'opinion, les sondages n'ont de cesse de révéler
l'émiettement des pratiques des musulmans. Tant et si bien qu'il va
devenir de plus en plus difficile à l'avenir de continuer cette «
catégorisation religieuse » des individus dans les médias.
Aujourd'hui il apparaît, non seulement désuet, mais surtout abusif
de catégoriser une partie des citoyens français sous le label
« musulman » ou « membre de la communauté musulmane
». Car, faire de la religion un facteur essentiel de motivation des actes
des individus c'est ne pas tenir compte de toutes les études qui
démontrent que ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Le soi-disant « repli identitaire musulman "
annoncé par nos médias serait donc plus le produit d'un certain
sensationnalisme qu'une réalité tangible. En effet, si les
musulmans sont de moins en moins « musulmans " et de plus en plus «
incroyants ", alors pourquoi chercheraient-ils à se replier sur un
« eux-mêmes » qui n'existe plus, ou de moins en moins ?
D'ailleurs finalement, les Français se soucient peu de
ce supposé « communautarisme musulman ". Leurs
préoccupations semblent même à mille lieues de cela.
C'est ce que révèlent les résultats
récents d'un sondage Sofres selon lequel les principales
préoccupations des Français sont (dans l'ordre) le chômage,
la santé, les retraites et le pouvoir d'achat ; «
l'intégration et les relations entre les groupes sociaux " arrivant en
toute dernière position.
Ainsi, comme se le demande Mediapart dans un article
intitulé Pourquoi la France rejette-telle son islam ? « le
battage actuel sur le péril musulman viserait-il à fonder
l'idée que nous n'avons pas d'autre choix que d'accepter les politiques
de stigmatisation et d'exclusion actuellement mises en oeuvre? ". «
Chercherait-on à détourner l'attention des citoyens des questions
qui leur tiennent à coeur ? "
De son côté, Laurent Muchielli, chercheur au
CNRS, met en avant la force de l'opinion sur la perception que l'on a d'un
phénomène. Concernant la délinquance par exemple, il
explique que, si cette dernière n'a pas vraiment augmenté ou
évolué, c'est la tolérance envers celle-ci qui a
changé, générant ainsi une sorte de « focalisation "
qui donne une impression (fausse) d'aggravation. Ainsi, si l'on applique ce
phénomène au « communautarisme musulman » l'on se rend
compte que, les médias et les politiques on pu assez facilement
instaurer une inquiétude forte à propos de « replis
identitaires " qui sont somme toute quasi inexistants.
Cette analyse de ce que l'on appellera « l'orientation
médiatique des préoccupations " permet de relativiser les
inquiétudes qui entourent la « question musulmane " et de
comprendre que ce n'est pas parce qu'un phénomène est très
présent médiatiquement qu'il est très présent dans
la réalité.
Aussi finalement, si la France peut paraître à
première vue anxieuse et crispée, elle ne l'est peut être
pas autant que l'on veut bien nous le faire croire. Les médias, dont les
impératifs économiques et de séduction du public poussent
parfois à monter en épingle certains phénomènes, se
sont peut être montrés un peu trop « zélés "
sur le sujet des musulmans et de leurs prétendues « tentations
communautaires ".
3) Une stigmatisation médiatique qui s'ajoute
à des difficultés déjà présentes :
« A compétence égale, un Français au
nom et prénom
arabes a six fois moins de chances d'obtenir un
entretien
d'embauche que son homologue au nom et prénom
français. Et
cette mise à l'écart ne se limite pas
à l'emploi. Elle touche aussi
l'attribution de logements,
l'accès aux loisirs, la formation
professionnelle... Il serait plus
que temps d'admettre cette
sombre réalité "
Karim Bourtel, auteur de Le Mal-être musulman, enfants
de la
colonisation.
Les « musulmans " au sens médiatique du terme (NDA
: Maghrébin) sembleraient être loin cette « toute
puissance " que leur prêtent parfois les médias. Economiquement
fragilisés alors que la plupart sont français depuis trois
génération ou plus, il semblerait que les musulmans aient plus de
mal à « intégrer " la société française
que leurs prédécesseurs immigrés polonais, italiens ou
portugais.
Avec un salaire 13 % plus bas et un taux d'emploi de 18 points
en dessous de la moyenne (Economie et Statistiques, janvier 2011), les
Français ayant au moins un parent originaire du Maghreb semblent
souffrir de certaines difficultés.
3-1) Des arabo-musulmans moins bien payés et
discriminés :
Les faits sont donc là : en France, « les citoyens de
confession musulmane font l'objet [de discriminations et sont] victimes [...]
d'une " double peine " économique et politique. "
Trois économistes (Annick Vignes, Fathi Fakhfakh et
Bachir Kerroumi) en appellent à une « claire mise au point " sur
« ces références multiples et banalisées au danger
musulman, présentant le monde "civilisé" [...], "chrétien"
[et] "occidental" comme envahi par des hordes musulmanes ", qui selon eux
participent à la discrimination dont les citoyens français et
musulmans font l'objet. Leur constat est le suivant : « les citoyens de
confession musulmane sont victimes d'une "double peine"
économique et politique. "
En plus d'un salaire 13 % moins élevé et d'un
taux d'emploi en dessous de la moyenne, les citoyens musulmans « sont
aussi ceux qui ont le taux de sortie le plus faible des H.L.M " alors que,
comme le rappelle Mediapart « dans le pays fondateur de la
déclaration des droits de l'homme et du citoyen, «nul ne doit
être inquiété pour ses opinions, même religieuses,
pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par
la Loi [cf. article 10 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de 1789) ]. "
Mais sur un plan plus émotionnel, être musulman
c'est vivre au quotidien une différence pas toujours facile à
assumer. Dans son article Musulman undercover, complexe et complexé
(
Oumma.com, 16 novembre 2009)
(NDA : le terme « undercover " signifiant « sous couverture ", «
en secret "), un particulier du nom de Marwan Muhammad raconte justement
son ressenti de jeune musulman évoluant dans la société
française.
Cet article, fait écho à un autre article d'une
journaliste de l'Express caricaturalement intitulé Ma
cité c'est la City. Il a pour but de dénoncer le
comportement de cette journaliste (Anne Vidalie) qui, devant écrire un
papier sur la réussite de jeunes musulmans français à
Londres, avait interviewé plusieurs d'entre eux (dont l'auteur de ce
« droit de réponse ") et a déformé les propos de ces
derniers pour finalement rédiger un papier très peu fidèle
à la réalité.
Ainsi, le jeune interviewé, assez outré,
précise que « le sentiment majeur qu'[avaient exprimés les
différents interviewés] était celui d'une grande
frustration de ne pas pouvoir être des musulmans épanouis dans une
France de plus en plus islamophobe qui nie [leur] identité et la
réduit à celle de fils d'immigrés tentant
désespérément d'être des "Français comme les
autres". » L'auteur précise également que, malgré que
la moitié des interviewés n'aient pas grandi dans des
cités, la journaliste a tout de même titré son article
Ma cité c'est la City.
Mais outre la critique de cet amalgame plus que
déplorable, l'auteur nous livre un témoignage intéressant
sur sa vie de jeunes musulmans, notamment en milieu professionnel.
Ainsi, il explique que son « identité » s'est
formée entre « les discriminations et les formes de racisme ouvert
qui étaient à l'oeuvre dans les années 80/90 " et la
« consigne principale » qu'il recevait de sa famille lui disant
« ne fais pas d'histoires, méme si tu as raison ". Au fil du temps,
ce « climat » l'a poussé à se sentir dans un «
état d'esprit particulier " : celui de « musulman undercover ",
c'est-à-dire de musulman « infiltré, soumis, précaire
et prêt à tout pour être toléré,
accepté, aimé. "
Non sans humour, l'auteur décrit alors les défis
de la vie quotidienne du musulman : ne pas se faire « griller " au bureau
en révélant par inadvertance son appartenance religieuse au
détour d'un « salaam alaikum » prononcé au
téléphone, faire semblant de n'avoir pas faim pour éviter
d'obliger les collègues à se rendre dans un endroit où
l'on ne va pas retrouver du vin blanc ou des lardons dans chaque plat,
présenter le Ramadan comme une pratique « bonne pour la
santé " plus que comme une exigence religieuse, etc.
Selon l'auteur, à l'opposé de l'image que les
médias « alimentent ", les musulmans seraient plutôt dans la
crainte permanente que l'on se rende compte de leur appartenance religieuse,
comme s'il s'agissait là d'un « facteur disqualifiant ".
La réalité de tous les jours, c'est que les
personnes d'autres confessions de notre génération
ont
partagé tant de choses avec nous. On a grandi ensemble, mangé des
Flamby ensemble,
on s'est fait virer du cours de philo ensemble, [...] on a
convoité les mêmes baskets, squatté
les mêmes
parcs, joué aux mêmes jeux vidéos jusqu'à pas
d'heure, mangé les mêmes
sandwichs, regardé les
mêmes dessins animés sanglants. Il faut croire que ces hommes et
ces
femmes avec qui nous avons passé l'essentiel de notre vie ne
détourneront pas l'amitié et le
respect qu'ils ont pour nous
quand on leur expliquera, simplement mais du fond du coeur que
ce qui nous
anime, [...] est notre foi : l'islam.
Marwan Muhammad, Musulman undercover, complexe et
complexé.
A travers ce témoignage, qui n'a bien sür que valeur
d'illustration, l'on comprend toutefois mieux le malaise qui entoure
aujourd'hui la notion d' « islam " en France.
D'ailleurs, les discriminations dont souffrent les musulmans
sont reconnues puisque des actions sont officiellement engagées pour
lutter contre, à l'image des « tentatives " de la HALDE (Haute
autorité de lutte contre les discriminations). Et cette «
stigmatisation " et cette « mise à l'écart » des
musulmans dépasserait le cadre strictement professionnel pour
s'étendre plus largement à la vie quotidienne. Attribution de
logements, accès aux loisirs ou à la formation professionnelle
seraient autant de domaines où les Français d'origine
maghrébine sont discriminés.
Mais pour en revenir à l'emploi, l'Observatoire des
discriminations propose les résultats de plusieurs testings,
tout à fait intéressants en la matière.
En effet, voulant mesurer l'impact des différentes
discriminations sur la recherche d'emploi, l'Observatoire des discriminations a
recouru au printemps 2004 à l'envoi de 1806 CV dans le but de
déterminer quelle discrimination était la plus forte entre la
vieillesse, l'apparence disgracieuse, le handicap, le lieu d'habitation, le
fait d'être une femme ou l'origine ethnique. Ainsi, ceux qui recevaient
le moins de réponses étaient considérés comme les
plus discriminés et inversement. Voici le tableau récapitulatif
des « réponses par variable " :
Sans surprise, ce sont les handicapés qui sont le plus
discriminés, mais, plus étonnant, juste derrière se
trouvent les CV envoyés avec un nom maghrébin.
Partant du principe qu'« il est certain que la
discrimination se poursuit lors de l'entretien d'embauche »,
l'étude continue donc en illustrant le « taux de succès "
des candidats en fonction de leur « particularité ".
Et encore une fois, il semblerait qu'être
maghrébin ou d'origine maghrébine n'aide pas au «
succès ". En effet, juste après les travailleurs
handicapés, ce sont les personnes au nom à consonance
maghrébine qui ont le plus faible taux de réussite.
Sans mauvais jeu de mots, l'on peut donc avancer qu'en
matière de recherche d'emploi, être d'origine maghrébine
c'est quelque part être proche d'être « handicapé ". Et
(comme vu précédemment) l'association entre «
maghrébin " et « musulman " étant quasi systématique
dans les esprits, difficile de savoir si cette discrimination relève
plus du racisme « de couleur " ou du racisme « de religion ".
Quoi qu'il en soit, en France, pour trouver un travail mieux vaut
donc être un senior, une femme ou disgracieux que d'avoir un nom laissant
imaginer des origines arabo- musulmanes.
Illustration choisie par la revue Relations sociales
du comité TOSCA consacré à la lutte contre la
discrimination au
travail (avril 2009).
Aussi, pour Karim Bourtel, co-auteur du livre Le
Mal-être arabe « les fils et les filles des immigrés
d'hier n'ont guère de chances de vivre et de faire vivre à leur
descendance une vie décente s'ils ne prennent pas toute leur place -
avec les compromis que cela implique - dans la société
française. » Et à l'inverse, la société
française « n'a guère de chance de sortir de la crise
économique, sociale, politique mais aussi culturelle, spirituelle et
identitaire qu'elle traverse si elle s'ampute de l'apport, des énergies
et des compétences d'une part non négligeable de sa population.
»
Pour ce spécialiste du sujet, régler le
problème de la discrimination envers les Français arabomusulmans
ou d'origine arabo-musulmane « est un des enjeux décisifs des
prochaines décennies ».
A des difficultés socio-économiques
déjà présentes s'ajoute donc pour les Français
arabomusulmans une stigmatisation médiatique qui n'arrange
assurément pas les choses. Par conséquent, l'on assiste
aujourd'hui à une certaine crispation de la société
française ; crispation qui serait très certainement
atténuée si les médias cessaient de présenter comme
« dangereux » des phénomènes marginaux, ou de «
stigmatiser » constamment les mêmes groupes sociaux (parfois
involontairement, certes, mais avec le même résultat final).
Ceci étant, hormis les influences idéologiques,
politiques ou financières il y a d'autres facteurs qui contribuent
à une vision médiatique biaisée de l'islam. L'histoire de
notre pays, qui s'inscrit dans nos mémoires familiales, les tensions
géopolitiques qui régissent les relations entre les peuples ou
encore l'ignorance, qui inspire nos peurs et nos croyances, sont autant
d'obstacles qui se dressent sur la route de l'objectivité.
Se poser la question d'un « mauvais » traitement
médiatique de l'islam c'est avant tout se poser la question de
l'aptitude des journalistes à faire preuve d'une intelligibilité
sereine face aux évènements. Or cette intelligibilité,
cette « compréhension paisible » entre en interaction avec
tellement de facteurs qu'il devient difficile de déterminer la cause
principale de son dysfonctionnement (si tant est qu'il y en ait une).
Aussi, pour tenter d'approcher au mieux la réalité
des faits, la fameuse « vérité » que chacun cherche
à percer, il apparaît nécessaire d'appréhender le
sujet dans toute sa complexité.
Comprendre que le traitement médiatique de l'islam est
sous-tendu par de très nombreuses causes, c'est percevoir la part de
volontaire et d'involontaire qui entre en jeux dans cette relation.
Comprendre, comme le dit Deltombe, que « chacun de nous
est le produit d'une histoire [que l'] on répercute », c'est
comprendre qu'il n'y a pas une mais des explications au
comportement des médias français vis-à-vis de l'islam, et
que chacune de ces « explications » n'est pas si évidente ou
si facilement contrôlable qu'on pourrait le croire.
IV) UN SUJET COMPLEXE AUX MULTIPLES FACETTES:
Les chapitres précédents abordent les causes les
plus aisément identifiables du « mauvais » traitement
médiatique de l'islam, mais bien d'autres causes entrent en jeu. Souvent
moins évidentes à percevoir de prime abord, leur impact est
pourtant bien réel.
Bien entendu, comme toute thématique relative aux
sciences humaines, la question que nous nous posons aujourd'hui ne peut
qu'appeler des réponses complexes et nuancées. Malgré
tout, un travail de recherche sérieux et approfondi permet d'approcher
au mieux la vérité et d'en définir presque nettement les
contours.
Aussi ce dernier chapitre est-il là pour
compléter la « liste » des facteurs entrant en jeu dans la
représentation médiatique contemporaine des musulmans.
Méconnaissance de l'islam fondamental, contexte international
anxiogène, histoire nationale marquée au fer rouge dans son
rapport aux musulmans et formation insuffisante des journalistes sont autant
d'explications à ajouter aux précédentes.
S'il s'avère impossible de déterminer la part
d'influence exacte de chacun de ces facteurs, les intégrer dans la
représentation globale que l'on se fait du sujet est essentiel. En
effet, quand une thématique se situe à la croisée des
chemins entre l'apparence (les médias), l'influence (politique et
économie), la croyance (religion) et l'invisible (inconscient
psychique), il devient difficile de saisir l'ensemble des paramètres
tant ils sont nombreux. C'est là ce qui fait tout
l'intérêt, mais également toute la complexité, de la
question de la représentation médiatique de l'islam. C'est peut
être également une explication au nombre élevé de
productions journalistiques de « mauvaise qualité » que l'on
peut trouver sur le sujet.
En effet, que ce soit par paresse intellectuelle, par
ignorance ou par manque de temps, la majorité des journalistes semble
éprouver des difficultés à parler de l'islam et des
musulmans en intégrant l'ensemble des notions qui interagissent,
d'où un résultat souvent empreint de préjugés, de
stéréotypes ou d'amalgames.
Le premier de ces facteurs est certainement l'absence de
porte-paroles islamiques officiels qui, en plus de priver les musulmans d'une
parole fédératrice irrécusable, constitue une
véritable porte ouverte aux interprétations et à
l'entretien de liens entre l'islam et des phénomènes qui y sont
totalement étrangers.
1) Un islam fondamental aphone qui se fait usurper son
identité :
« Il est vrai, aujourd'hui, que le monde musulman
est
soumis au despotisme. Ce n'est pas à cause des enseignements
de
l'islam. La plupart des régimes d'oppression du monde
musulman sont
des régimes socialistes séculiers, inspirés par
les
pouvoirs des colonies européennes qui les ont occupés
avant
leur indépendance. "
Dr. Dean Ahmad, américano-palestinien président du
Minaret of freedom Institute. Colloque Islam et libéralisme,
Paris, avril 1995.
Pierre Olivier Monteil, directeur de la revue Autre Temps
(aujourd'hui disparue) posait au cours d'un débat la question
suivante : « En quoi les différentes communautés religieuses
sont-elles responsables de leurs images médiatiques respectives ? ".
Effectivement, dans le cas de l'islam cette question apparaît
intéressante, voire primordiale.
L'image que l'on reflète n'est jamais totalement
contrôlable puisqu'elle réside en grande partie dans le regard des
autres, qui est lui-même difficilement maîtrisable. Ceci
étant, une certaine homogénéité dans le discours et
la désignation de porte-paroles diminue fortement les
possibilités d'interprétations ou de fantasmes. Or, par
tradition, l'islam n'« élit " pas de représentant[s]
officiel[s] international[aux] (comme le font par exemple les chrétiens
avec leur pape), ce qui laisse place à une cacophonie
générale peu propice à l'abolition des amalgames, et
surtout peu adaptée à la logique médiatique, toujours en
quête de « têtes d'affiche » de l'actualité.
Un peu à l'image de l'Europe morcelée, dont le
point faible a toujours été de s'exprimer d'une voix unie,
l'islam a pour talon d'Achille sa « communication ". Un «
défaut " qui est la source de bien des malentendus...
1-1) Un islam jugé à tort comme despotique et
contraire aux « valeurs " occidentales :
En effet, l'on ne peut pas dire que la réputation
médiatique dont jouissent les pays dits « islamistes " soit des
plus positives. L'islam, pourtant libéral par tradition - dans ses
textes fondamentaux - fait aujourd'hui l'objet de nombreux questionnements,
notamment concernant son degré de compatibilité avec le
libéralisme économique, ou encore avec la démocratie (si
tant est, bien évidemment, qu'il soit souhaitable d'appliquer un
modèle économique ou politique universel à tous les pays
du globe).
Par exemple pour Claude Imbert (célèbre
éditorialiste du Point), la France a atteint avec l'islam
« les limites de la tolérance ", et « avec plus de trois
millions de musulmans [...] la magie du creuset national n'opèrera pas
comme jadis avec les Polonais, [...] Italiens, [...] Espagnols et autres
Portugais [puisque] la difficulté [...] n'est nullement raciale : elle
est culturelle, religieuse et tient à l'islam. » Selon lui, l'islam
est donc incompatible avec « nos " libertés, avec « nos "
sociétés et avec la démocratie tout court.
Et c'est régulièrement en effet que l'on entend
affirmer l'islam comme incompatible avec les valeurs occidentales comme la
liberté. Mais qu'en est-il vraiment ?
Comme l'explique Pierre Lison (chercheur en science cognitive
à l'université d'Oslo) dans son article Islam et
libéralisme (
Contrepoints.org, 25
avril 2011), « une analyse poussée des fondements
philosophiques de l'Islam donne une autre conclusion : la tradition islamique
est profondément libérale [et] rien dans l'islam n'est
incompatible avec une société de liberté et l'État
de droit, bien au contraire. "
Comme il le décrit dans la suite de son article, le
régime juridique islamique :
- n'est ni une théocratie (législation
cléricale), ni une démocratie (au sens de processus de
décision majoritaire) mais une nomocratie, c'est-à-dire
un régime dans lequel une loi, fixée une fois pour toutes,
représente l'autorité suprême. Les musulmans
considérant la loi divine comme objective (équivalente à
notre « droit naturel » occidental), l'homme doit obéissance
à la charia et non aux autres hommes.
- la liberté d'opinion et de religion doit y
être appliquée : « Nulle contrainte en religion ! " (2:256).
« Quiconque le veut, qu'il croit, et quiconque le veut qu'il
mécroie. " (18:29).
- le pluralisme est respecté et la conversion par
la contrainte est strictement interdite.
- la propriété privée a un
caractère sacré.
- la productivité et le libre
commerce sont favorisés. Le Prophète lui-même ayant
gagné sa vie comme commerçant, la civilisation islamique est une
civilisation marchande et, plus largement, la Coran maintient qu'il existe une
harmonie entre les intéréts spirituels et les
intéréts matériels de l'homme. L'islam n'est donc pas une
religion ascétique et le seul holà qu'il appose en matière
d'économie est la modération en matière de
consommation.
L'islam fondamental n'est donc nullement incompatible avec des
notions comme le libéralisme économique ou l'Etat de droit.
D'après les spécialistes du sujet, il est méme à
l'origine du système économique dit libéral.
Pour Pierre Lison, d'ailleurs, les impératifs
imposés par l'islam « ne visent pas à soumettre l'homme
à un calvaire terrestre avant le statut céleste, mais sont
offerts comme un fortifiant l'aidant à traverser les épreuves
». Et comme le rappelle un autre spécialiste de l'islam, «
pour les familiers de l'histoire de l'Islam, il est banal de dire que les
musulmans sont en faveur du libéralisme économique. »
Mais alors comment cet islam fondamental ouvert, respectueux,
et finalement pas si éloigné de la conception occidentale de
l'économie, en est-il arrivé à souffrir de l'image
inverse? Comment se fait il qu'aujourd'hui, nous occidentaux, ayons une image
des pays islamiques aussi éloignée du portrait brossé
ci-dessus?
C'est tout simplement parce que les principes fondamentaux
décrits ci-dessus ne sont effectivement pas mis en application.
Certains pays « islamistes » sont bel et bien comme
on les décrit dans les médias occidentaux : peu ouverts
d'esprits, brutaux et très misogynes. Mais le Coran ou l'islam n'ont
rien à voir là dedans. C'est là qu'il est important
d'apporter la nuance.
De méme que n'importe quel pays dans n'importe quel
coin du globe, les pays à majorité musulmane sont
perméables aux dictatures et aux dérives politiques. Ce n'est pas
pour autant qu'il faut y voir une corrélation avec l'islam. De nombreux
pays d'Asie, d'Afrique noire ou d'Amérique du Sud, ne sont pas non plus
des modèles de démocratie ou de libéralisme
économique.
Néanmoins personne n'y voit les conséquences
d'une quelconque influence religieuse. Pourtant, où est la
différence étant donné que ces pays là sont souvent
également très marqués par l'influence religieuse ?
Pour Dean Ahmad, président du Minaret of freedom
Institute et musulman « libéral ", les pays « musulmans "
sont tout simplement venus remplacer « l'ennemi russe " qui a disparu
à la fin de la guerre froide. Comme il l'écrit, « le mythe
du despote oriental a été utilisé [comme] nouvel alibi
après la chute du communisme [pour] remplacer la crainte de celui-ci par
la crainte d'un conflit culturel avec le monde musulman. "
Aussi, pour cet observateur aguerri de la relation
Orient/Occident, les pays musulmans sont devenus malgré eux un «
nouvel ennemi ", « utilisé pour justifier un [...] accroissement du
pouvoir étatique, au nom de la sécurité nationale ".
D'après Ahmad, clairement, « si le monde musulman
est soumis au despotisme, ce n'est pas à cause de l'islam " et « si
le libéralisme a été absent du monde musulman les
siècles derniers, [...] les responsables sont en fait les
libéraux européens qui, malgré [leur] doctrine
anti-interventionniste [...] sont restés silencieux [et] ont
toléré l'impérialisme et le colonialisme. "
La plupart des spécialistes de la relation
Orient/Occident s'accordent effectivement sur ce point. Selon eux une petite
minorité d'extrémistes défigurent actuellement ce qui est
la troisième des grandes religions monothéistes en invoquant la
religion pour justifier des actes qui relèvent en réalité
de la criminalité la plus commune.
Pour Luc Barbulesco, professeur de sociologie religieuse,
« non seulement l'islam n'est pas opposé à l'Occident ", il
en est partie prenante, mais « toutes les oppositions que l'on [peut]
faire sont largement artificielles ". Et « il y a une confusion
délibérément entretenue par certaines forces politiques
[concernant] l'islam et son rôle dans le système mondial actuel.
"
A ce propos, Yves Montenay (docteur en démographie
politique, diplômé de Sciences Politiques et président de
l'Institut culture économie et gestion) abordait sans détours
lors du colloque Islam et libéralisme une question qui revient
souvent dans la bouche des profanes de l'islam : « les pays musulmans sont
soit pauvres, soit riches de leur pétrole, mais dans tous les cas ils
sont non ou mal développés [aussi] le Coran n'y est-il
réellement pour rien ? ". Et pour lui effectivement, « non, le
Coran n'y est pour rien, [il faut plutôt voir là] les effets des
dérives dictatoriales."
Mais en plus d'être qualifié de liberticide et
anti-démocratique, l'islam est également souvent
considéré comme synonyme d'isolement et de fermeture à
l'innovation. Pourtant, encore une fois, et comme l'affirment les experts,
« l'isolement n'est pas islamique " et « aujourd'hui, [certains]
exploitent l'islam comme moyen de s'accaparer le pouvoir, mais l'islam n'est
pas responsable de cette récupération » (Serghini Farissi,
professeur d'économie à l'université de Fès au
cours du colloque Islam et libéralisme, Paris, avril 1995).
Un autre « grand penseur de l'islam », l'historien
américain Tony Sullivan, lutte contre cette propagation galopante des
préjugés relatifs à l'islam. Au cours d'un congrès
de la Philadelphia Society organisé en 1999, il parlait
déjà d'une déformation de l'islam opérée par
l'intégrisme et proposait de « chasser les malentendus " qui
existent dans les pays occidentaux concernant l'islam.
Selon lui, la survivance d'une impression d'opposition entre
l'islam et l'occident est non seulement fausse mais ridicule, et « les
occidentaux ignorent souvent [que] l'islam partage avec le judaïsme et le
christianisme une longue histoire commune ainsi que de nombreuses croyances et
orientations religieuses et culturelles. "
Citant Léonard Liggio (un autre historien
américain), il ajoute que, « sans aucun doute, le judaïsme,
l'islam et la chrétienté font partie d'une même grande
civilisation " et donc que la célèbre théorie du choc des
civilisations d'Huntington (NDA : régulièrement
avancée pour expliquer les tensions actuelles entre Orient et
Occident), est en réalité infondée puisqu'elle ne
prend absolument pas en compte ce paramètre essentiel.
Enfin pour sa part, le Dr. Maher Hathout, figure de proue de
la « communauté musulmane " américaine, expliquait dans un
article intitulé « L'islam et la démocratie peuvent-ils
coexister dans un pays ? Oui, des élections libres à la
majorité sont compatibles avec le Coran » que « comparer
l'islam à la démocratie, ce n'est pas comme comparer des pommes
à des oranges mais c'est plutôt comme comparer des pommes à
l'idée de l'agriculture ".
Par cette métaphore, ce porte-parole musulman affirme
que oui, une démocratie islamique est possible mais que non, elle ne
pourrait être la copie conforme d'une démocratie occidentale pour
la simple et bonne raison que chaque pays met en application une forme de
démocratie qui lui est propre, en rapport avec son histoire et sa
culture. Encore une fois, on se rend donc compte que ce n'est pas l'islam ou le
Coran dans leurs fondements qui empêchent les pays islamiques de mettre
en place des régimes démocratiques, mais que ce sont des facteurs
extérieurs tout autre.
Par conséquent, l'islam ou le Coran se voient
certainement aujourd'hui injustement désignés comme responsables
de « tares " qui ne sont par de leur fait mais qui sont simplement
caractéristiques de tout régime dictatorial.
Une bonne communication de la part des représentants de
l'islam pourrait certainement aider à la réduction de ces
amalgames, malheureusement, le fonctionnement intrinsèque de cette
religion n'y aide pas ~
1-2) Un islam sans « pape " :
L'absence de « pape musulman " engendre
inévitablement la recherche d'un substitut. Dans cette recherche, les
médias ont un rôle essentiel car, comme chacun le sait, la
visibilité médiatique est une étape capitale sur le chemin
menant à la reconnaissance publique. Mais dans cette course, il y a
beaucoup d'appelés pour peu d'élus.
L'islam étant dépourvu d'une (ou de plusieurs)
tête(s) de proue, aptes à s'exprimer officiellement au nom des
musulmans, il est compréhensible que les médias cherchent
à y « remédier ". La logique médiatique,
caractérisée par l'alternance de temps forts, vit au gré
des interventions publiques des porte-paroles et des grandes
personnalités de notre monde. Il apparaît donc rationnel, et
surtout inévitable, qu'elle cherche pour les musulmans des
interlocuteurs capables d'endosser ce rôle devant les caméras et
les micros.
Cette entreprise périlleuse, car forcément
subjective, consistant à désigner une sorte de «
porte-parole français de l'islam " implique de grandes
responsabilités car elle présuppose quelque part d'occulter les
avis de ceux qui ne sont pas d'accord avec ce choix.
Les musulmans ne prévoyant pas eux-mêmes de
désigner des porte-paroles officiels, pour des raisons liées
à leurs principes religieux, comment prétendre le faire à
leur place ? Voici le dilemme dans lequel se trouvent les médias
français aujourd'hui sur la « question de l'islam ".
Malgré tout, nos médias hexagonaux semblent
vouloir persister dans cette voie. Et il semblerait que les heureux élus
à cette fonction soient messieurs Boubakeur (recteur de la Grande
Mosquée de Paris) et Bencheikh (ancien grand mufti de Marseille, et
actuel président du Conseil de réflexion et d'action islamiques
(CORAI)).
Bénéficiant d'une large couverture
médiatique, ces deux personnalités semblent effectivement
actuellement faire office de représentants des musulmans de France alors
que rien ne permet objectivement de les mettre en avant plus que d'autres.
L'on assiste donc aujourd'hui à une mise en avant
médiatique de certaines personnalités ou organisations
autoproclamés « porte-paroles ", dont la qualité en termes
de force de représentativité reste encore à prouver. Cet
oligopole de « représentants des musulmans français »
installé dans les médias ces dernières années
amène donc à s'interroger sur la qualité de l'effort
fourni par les journalistes dans le choix de leurs invités et
intervenants.
Les grands médias se voulant majoritairement «
neutres et objectifs ", on peut ici remarquer à quel point ils ne le
sont pas.
Choisir impliquant de renoncer, le choix d'un interlocuteur
censé représenter « l'islam de France » n'est pas
neutre : il délégitime injustement la parole des autres
représentants du culte. En la matière, les médias ont donc
un rôle capital de « distributeurs de la parole ", et en cette
qualité ils doivent s'assurer de la plus grande impartialité
possible.
Toutefois si les médias prennent une part active
à cette recherche il faut bien dire que certains candidats ont l'art de
savoir les influencer, les « guider " dans celle-ci. Pour Vincent Geisser
c'est d'ailleurs carrément à une « course au leadership
cultuel " à laquelle on assiste.
Et dans l'art de la « mise en avant ", certains comme
Soheib Bencheikh (ancien grand mufti de Marseille, et actuel président
du Conseil de réflexion et daction islamiques) semblent
exceller. En effet, en 2006 il déclarait très modestement «
je suis le seul, dans cet échange politique, capable, de façon
raisonnée et réfléchie de résoudre le
problème de la peur des Français devant l'islam. " (8 juillet
2006, La Nouvelle République d'Alger).
Or, encore une fois, décider de désigner telle
ou telle personnalité comme étant représentative de
l'islam de France, c'est quelque part participer à influencer la vision
du public sur cette religion. On peut alors s'interroger sur la
nécessité de devoir à tout prix instaurer un
représentant médiatique de l'islam. Est-ce finalement
nécessaire et souhaitable ? N'est-ce pas quelque part un choix
impossible ?
Dans un débat qu'il organise pour la revue Valeurs
actuelles, le journaliste Fabrice Madouas met en exergue les divergences
d'opinions qui agitent la France autour de cette problématique.
Instaurant un dialogue entre un aumônier musulman, (Abdelhak Eddouk) et
un maire UMP de région parisienne (Xavier Lemoine), cet article illustre
à lui tout seul les principales thèses qui s'opposent en la
matière.
En effet, alors que selon l'aumônier musulman, la
solution pourrait finalement venir des musulmans eux-mêmes (« la
structuration de la communauté musulmane de France est récente
[et] il faut [...] laisser le temps [aux musulmans] d'y parvenir »,
à l'image de l'Eglise catholique qui ne « s'est pas faite en un
jour »), le maire UMP affirme clairement que, « l'islam ignorant la
notion méme de médiation, il [sera toujours] très
difficile de mettre en place une instance représentative [...] dont
l'autorité serait reconnue par tous les musulmans. »
La thèse de l'aumônier est aussi
intéressante que celle du maire UMP. Aussi, si le but n'est pas ici de
prétendre apporter une réponse à cette question insoluble,
il n'en reste pas moins qu'une communication plus claire de la part de l'islam
pourrait contribuer à apaiser les tensions, quel que soit la
décision finale (de désigner ou non des représentants
officiels).
D'ailleurs, c'est une question qui interpelle de plus en plus
d'acteurs médiatiques, comme la journaliste Maria Lafitte qui
s'interroge sur la question d'une « revalorisation médiatique " par
l'intérieur " » qui deviendrait « incontournable » au vu
du « mutisme » et de la « cacophonie des voix musulmanes
dès qu'un problème surgit dans les relations entre " la
communauté " et la République » (Autre Temps,
n°69, p.39/47, 2001).
Un constat que partage Tariq Ramadan qui admet que « les
musulmans sont les premiers responsables du déficit d'explication de la
globalité de leur perception » (« Islam minoritaire, islam
majoritaire », entretien avec R. Bistolfi, Confluences
Méditerranée n° 32, hiver 1999- 2000, L'Harmattan, p.
60).
Finalement, dans cette quête d'un porte-parole
français de l'islam, le plus grand reproche que l'on pourrait adresser
aux médias serait d'avoir fait preuve d'un certain interventionnisme, en
conférant une couverture médiatique importante à certains
« prétendants » plutôt qu'à d'autres (pourtant
tout autant légitimes ou représentatifs). Le reste relevant
plutôt de choix internes aux organisations du culte musulman dans
lesquels nous n'avons pas à interférer.
En fin de compte, comme le résume parfaitement Maria
Lafitte, « les musulmans sont confrontés à la même
problématique que les protestants : la pluralité [de leurs]
positions ne se prête pas au traitement médiatique qui repose sur
la mise en exergue d'une parole et d'une image claires et univoques. » Et
l'islam se retrouve cruellement pris entre deux feux puisque sa «
revalorisation médiatique constitue le préalable
nécessaire à une reconnaissance sociale encore à
acquérir. "
Aussi, à défaut d'une parole officielle, les
médias peuvent relayer des discours « excessifs " sous
prétexte qu'ils ne sont pas moins légitimes que d'autres et
peuvent être tentés « d'énoncer la relation de l'islam
à la société en termes alarmistes de visibilité
(celle, dérangeante, de pratiques ostentatoires) ou
d'invisibilité (celle, inquiétante, de " l'islam des caves ").
"
Dans une vision plus globale du sujet, certains comme le
sociologue Sadek Sellam ou l'historien Rochdy Alili, pensent que la
désignation de porte-paroles se fera naturellement dès lors qu'il
y aura un « assainissement " du débat qui consistera à se
focaliser sur les « vrais enjeux " plutôt que sur des «
demandes qui n'ont pas lieu d'être ".
Aussi, s'il semblerait qu'il y ait presque autant d'avis que
de protagonistes en la matière, un fait indéniable est qu'une
certaine fièvre entoure cette « quête "
politico-médiatique. Alors puisqu'il semble difficile, voire impossible,
de demander aux médias d'y renoncer, il ne reste plus qu'à
souhaiter que celle-ci soit effectuée dans un esprit de
partialité et de vigilance extrême.
L'exercice étant déjà périlleux et
contestable en lui-même, l'idéal pourrait être, finalement,
d'arrêter cette recherche d'un représentant et de
favoriser la médiatisation de « porte-paroles " variés,
finalement plus représentatifs de la diversité existant en France
quant à la pratique de la religion musulmane. Ainsi, dans l'idée
de mettre un terme à cette recherche absurde d'un représentant
qui ne sera jamais reconnu légitime par ses pairs, il serait
intéressant d'envisager d'établir, par exemple, un système
de répartition du temps de parole entre les divers dignitaires musulmans
français tel que celui établi pour les hommes politiques.
Mais si cette question de la représentation musulmane a
pris une telle ampleur en France, c'est avant tout parce que ces
problématiques franco-françaises relatives à l'islam
s'inscrivent dans des contextes géopolitiques internationaux et
européens qui ne sont pas sans influence sur les esprits des citoyens et
des journalistes.
2) Des contextes européens et mondiaux
favorables à une vision anxiogène de l'islam :
« On peut être assez étonné de voir
l'importance
accordée à [la menace islamique], comme si
nous
étions à la veille de l'effondrement de la
civilisation
occidentale. C'est quelque chose que l'on retrouve
aussi
bien aux États-Unis qu'en Europe. »
Alain Gresh, « Islam et médias » (
Islamlaïcité.org)
Si le présent mémoire se cantonne au traitement
de la vision médiatique de l'islam dans la France contemporaine, il est
difficile de ne pas évoquer le contexte international dans lequel il
s'inscrit. En effet, quand l'on mesure l'influence qu'ont les relations
supranationales dans notre monde de post-mondialisation, l'on comprend vite
qu'il est impossible de les dissocier l'un de l'autre.
« Soixante pour cent des européens se sentent
menacés par l'immigration musulmane » (
MonSondage.com) et il
existe un « grave déficit de confiance entre les communautés
musulmanes et occidentales » (résultats d'un sondage
américain de l'institut Gallup), mais comment un tel climat a-t-il pu
s'instaurer ?
2-1) Une Europe en quête d'identité, anxieuse
face à un islam à forte personnalité :
Une étude commandée pour les dirigeants du
célèbre forum économique de Davos, en
Suisse
révèle que la majorité des Européens ont
une vision pessimiste des relations entre les deux
communautés (NDA : communauté «
musulmane issue de l'immigration» et communauté «
européenne », si l'on considère qu'il puisse s'agir de deux
communautés distinctes et
« séparées ») et que seulement
30% estiment que « l'autre côté » est
prêt à travailler en vue d'une amélioration de la
situation.
Ainsi en Europe, 60% environ des citoyens sont convaincus que
les pays musulmans ne les
respectent pas. Le site internet
MonSondage.com interprète
ceci comme une « crainte
croissante des Européens face à ce qui est
perçu comme une menace pour leur identitéculturelle "
et en conclut que, « trop souvent, les médias comme l'opinion
publique se
concentrent uniquement sur la violence ou le terrorisme,
renforç[ant] ainsi des stéréotypes crus et basiques ".
Deux images représentant parfaitement l'image que se
font certains de l'islam en Europe, celle d'un envahisseur ou d'un
traître, en tous les
cas celle d'une religion dénuée de
bienveillance (dessin de gauche tiré du blog du dessinateur Bergol se
définissant comme
« islamopposant » et dessin de droite
tiré d'un blog « laïc catholique " Le Salon
beige).
D'ailleurs, comme le faisait justement remarquer Alain Gresh
au cours d'un débat organisé par Frédéric
Taddeï, « l'on entend beaucoup que l'Europe est un continent qui est
envahi par les musulmans et qui est en train de changer de nature, or c'est sa
culture qui est en train de changer .Ce n'est donc pas la menace terroriste qui
est importante [mais plutôt] le fait qu'ils soient en train de changer
les moeurs ". Ainsi, ce serait plus une crainte identitaire qu'exprimeraient
les Européens qu'une réelle animosité pour l'islam et ses
fidèles.
Encore une fois, - comme décrit dans le chapitre
précédent - la piste des bouleversements politiques
consécutifs à la fin de la guerre froide dans les années
80 semble privilégiée par les spécialistes. Comme
l'explique Laurent Muchielli (chercheur au CNRS) dans son dossier
« « La violence des jeunes » : peur
collective et paniques morales au tournant du 20ème et du
21ème siècle " (disponible sur
Islamlaicité.org)
« avec la chute de l'empire soviétique [les] représentations
du monde ont évolué pour faire place à d'autres rapports
de force.
Le continent asiatique, l'Amérique du Sud et l'Afrique
noire étant très éloignés de l'Europe, c'est
l'évolution [tumultueuse] du bassin méditerranéen et de
son prolongement au ProcheOrient qui a focalisé progressivement
l'attention et [structuré] d'autres représentations en termes de
menaces. "
Parallèlement, la prise de conscience par les pays
européens du poids démographique et social des dernières
vagues d'immigrés aurait contribué à ce que « les
représentations de l'ordre du monde trouvent un écho direct dans
l'ordre social interne des pays européens : la menace au plan
international est supposée reliée à la menace au plan
interne, le terrorisme international est supposé relié à
certaines formes de délinquance au plan national. " Le résultat
final étant une apparition progressive en Europe de la « figure de
l'ennemi intérieur », figure qui n'est pas
étrangère selon l'auteur à une « omniprésence
du thème [...] de la délinquance des jeunes issus de
l'immigration " dans les discours politiques et au « retour des
explications de type culturaliste ou " ethnicisante " [apportées]
à cette délinquance [...] au détriment des lectures
sociales et psychosociales élaborées par les sciences humaines
tout au long du 20ème siècle. "
Marc Cheb Sun, journaliste autodidacte et directeur de
Respect Mag, développe dans son article « Il faut
changer notre regard sur les musulmans » (23 janvier 2011,
MyEurop.info) une thèse intéressante à ce sujet.
Selon lui, « faute de pouvoir définir nos valeurs ", nous
Européens, aurions « recours à un miroir négatif pour
les définir : celles-ci seraient le contraire des valeurs portées
par l'islam. " Cette idée, à l'origine axiomatisée par le
politologue Olivier Roy, est résumée par Cheb Sun comme le
symptôme d'une Europe « vécue comme quelque chose qui freine
et qui dissout les identités [au lieu] de les relier ".
En fin de compte, le contexte médiatique
français « tendu " vis-à-vis de l'islam trouve là une
explication supplémentaire et, on le comprend, les
phénomènes qui jouent inconsciemment sur l'esprit des
journalistes dépassent les simples convictions personnelles pour
s'inscrire au sein d'influences contemporaines extra frontalières bien
plus larges.
2-2) Le 11 septembre, date charnière dans le
traitement médiatique mondial de l'islam:
Dans ce contexte européen, on l'aura compris, le
processus de stigmatisation de l'islam était déjà bien
installé quand se sont produits les attentats du 11 septembre.
D'ailleurs, dans son livre L'islam imaginaire, Thomas Deltombe
qualifie cette période de « calme avant la tempête » et
informe que, quand l'on comptait en 1995 une centaine de reportages sur l'islam
aux JT de 20h, on n'en compte plus qu'une trentaine en 1999, une vingtaine en
2000 et huit en 2001 (pour la période post 11 Septembre). Pour lui,
suite aux attentats des twin towers, on assiste à un «
glissement progressif vers une idée de terrorisme permanent ".
C'est ce que pense également Laurent Muchielli qui
considère que, suite à ces évènements, les
Etats-Unis ont clairement désigné « l'intégrisme
islamique " comme un adversaire, permettant au passage à « certains
entrepreneurs de morale planétaire " (au premier rang desquels il place
les dirigeants de l'époque de l'empire américain) de formuler
« un nouveau conflit entre le Bien (l'occident chrétien) et le Mal
(l'Orient musulman). "
Dans la même idée, Richard
Labrévière, rédacteur en chef de la revue
Défense et spécialiste des sujets touchant à la
sécurité, affirme que l'on assiste actuellement avec l'islam (et
suite au 11 Septembre) à la « construction fantasmatique d'un
"grand autre" ", établie pour « justifier des budgets militaires
".
Un dessin datant de 2008 qui illustre la diabolisation volontaire
de l'islam opérée par le gouvernement américain.
Pour ce qui est des médias, Vincent Geisser affirme que
cet évènement a clairement entraîné un «
ré-enclenchement de la machine médiatique ", du «
prêt-à-clicher islamique " et que « les
représentations médiatiques du fait musulman [qui
restaient] jusque là dominées par la mise en scène d'une
altérité radicale et conflictuelle, jou[ent désormais]
très largement sur les registres alarmistes voire catastrophistes ".
Plus largement selon lui, dans leur « logique
réductionniste ", les médias ont « abouti à la
construction d'un idéal-type du " musulman médiatique " " et font
« percevoir l'islam comme un modèle immuable et conflictuel [qui
n'est] presque jamais envisagé comme un objet social mais toujours comme
un danger potentiel », à l'image de cet éditorial
de Claude Imbert qui affirme que :
« La première [observation] est que l'islamisme
est une maladie de l'islam et ne prospère qu'en son sein. Dire que l'un
n'a " rien à voir " avec l'autre est absurde : le " mauvais " islam
n'est que la version guerrière d'une loi coranique dans laquelle aucune
autorité islamique n'a installé ses garde-fous. "
Quoi qu'il en soit, les constats ci-dessus prouvent tous au
moins une chose : il semblerait que les journalistes soient aussi
perméables que n'importe qui aux tendances qui agitent le monde, donc
qu'il leur soit parfois difficile, comme le dit Geisser, de se «
détacher du complexe obsessionnel de l'islamisme ".
Aussi, comme ce spécialiste du sujet l'explique, les
journalistes partiraient de « l'islamisme pour aller vers l'islam " et,
malgré leurs « bonnes intentions ", en arrivent presque toujours
à « poser la question [absurde] de la résistance d'[un] "
islam modéré " [face] à la menace suprême [ :]
l'islamo-terrorisme. " Par conséquent, « les islamistes tendent
à devenir la norme de la représentation
médiatique et les musulmans ordinaires, une espèce en voie de
disparition " et, finalement « analyser les représentations
médiatiques de l'islam revient à étudier
l'évolution des fantasmes sécuritaires dans la
société française. "
Un autre point à aborder quand l'on évoque cette
période de bouleversement post 11 Septembre, c'est le degré de
responsabilité qui a été attribué à l'islam
et au Coran dans ces attentats. Dans un élan bien naturel, les
journalistes ont tenté d'apporter des réponses aux interrogations
de leur public (« Qui est responsable de ces attentats ? Pourquoi ? Que
cela signifie-t-il ?, etc.). Mais il semblerait que la seule explication qui
ait été retenue soit celle du facteur religieux.
Comme s'il était tout à fait normal et logique
de condamner l'islam dans son ensemble parce qu'un beau jour, une
poignée de « fous de Dieu " (comme les médias se plaisent
à les qualifier) avait décidé de massacrer au nom du Coran
ou de tel ou tel hadith.
Pour illustrer cette tendance, Deltombe s'appuie dans
L'islam imaginaire sur plusieurs exemples dont celui de
l'émission intitulée Les Dérives de l'islam
(diffusée dans « Zone Interdite " sur M6 en septembre
2001) qui, sous des airs de neutralité, présente en fait une
trame totalement orientée vers un seul et méme but, la
désignation d'un coupable : l'islam. Dès l'introduction
est établi un « continuum entre l'islam et " ses dérives " "
qui permet par la suite de passer naturellement d'interrogations sur le
terrorisme islamiste (légitimes) à un questionnement sur l'islam
en lui-même (plus discutable en tant que facteur explicatif qui serait
avancé comme seul responsable dans la motivation de « fous
de Dieu ").
Ce genre de procédé insidieux, très
fréquemment observable sur le sujet, oriente le spectateur vers une
seule piste de réflexion : l'islam. Comme si la religion était,
de manière avérée, la seule piste de réflexion
possible lorsque l'on aborde le sujet du « terrorisme islamiste ".
Ainsi, là où « Zone Interdite "
propose une explication au terrorisme par la piste religieuse, l'on aurait pu
également proposer une réflexion sur les relations
économico-politiques entre pays occidentaux et tiers-mondistes, ou
encore sur l'instrumentalisation de la religion dans les combats politiques,
etc. Bref il y avait tout simplement d'autres pistes de réflexion tout
aussi intéressantes que l'islam à proposer sur le sujet. C'est
donc principalement sur ce point que l'on peut blamer les journalistes:
s'être contenté de calquer leur réflexion sur celle du plus
grand nombre, en suivant l'air du temps sans chercher à proposer une
analyse plus fine et complexe comme le nécessite pourtant ce genre de
sujet.
Effectivement on peut se poser la question : les journalistes
ont-ils vraiment bien joué leur rôle en matière de
pertinence de la réflexion ? Pourquoi, de manière
récurrente, la question des liens entre islam et terrorisme se sont
posés ? Au nom de quoi cette piste de réflexion a-telle
été largement privilégiée par rapport aux autres
?
Pour Deltombe, « cette analyse du terrorisme qui,
écart[e] toute causalité extérieure à l'" islam "
", a en fait surtout « l'avantage de ne pas bousculer les certitudes et
les habitudes de beaucoup de téléspectateurs non musulmans.
» Un choix que l'on peut comprendre en termes de logique médiatique
(NDA : cf. partie II) 4-2) du présent mémoire « La
séduction du public »), mais que l'on peut difficilement accepter
quand l'on sait l'influence qu'ont les médias sur l'opinion publique
(NDA : cf. partie III du présent mémoire «
L'influence médiatique, un phénomène qui n'est pas sans
conséquences ").
En revanche, que les médias français se
rassurent, ce phénomène n'est pas propre à la France et,
globalement, tous les médias occidentaux ont procédé aux
mêmes amalgames entre islam et islamisme, puis entre islam et terrorisme
pour finir par englober implicitement sous le terme « islam » un
ensemble de stéréotypes finalement très
éloignés de la réalité constatable sur le
terrain.
Cette « mauvaise image » de l'islam,
consécutive à un battage médiatique intense post 11
Septembre a franchi un seuil d'intensité tel que, pour la
première fois dans l'histoire, des musulmans ont décidé
d'organiser des colloques pour lutter contre cette image médiatique
devenue pour eux insupportable. Ce constat, alarmant, effectué par
certains musulmans, est d'ailleurs confirmé par des sondages comme celui
de l'Ifop, fait au lendemain du 11 Septembre qui établit que les «
expressions d'hostilité à l'islam s'expriment plus librement dans
les médias » (A. Gresh, « Islam et médias
» sur
Islamlaïcité.org).
Certains comme Alain Gresh avancent que cette espèce
d'hostilité médiatique envers l'islam qui s'est
déchaînée en 2001 trouve en France un écho
particulier suite à l'existence d'un racisme anti-maghrébin
latent relatif au passé colonial.
3) La France et son passé colonial : une
histoire compliquée :
« S'il me semble important de ne pas
plaquer une grille
de lecture strictement " coloniale " sur la
société
française contemporaine, je pense cependant qu'il
serait dangereux
d'occulter ce passé très chargé qui
explique en partie
le regard phobique porté par les médias
de masse sur la
religion musulmane. »
Thomas Deltombe, interview
Oumma.com, 13 octobre 2005.
Le traitement que font les medias de tout
évènement s'inscrit inévitablement dans une dynamique, un
contexte, une époque. Comme vu au chapitre précédent, les
contextes européens et mondiaux contemporains, plutôt
anxiogènes vis-à-vis de l'islam, influencent le comportement ou
la pensée des journalistes. Par ailleurs, si le contexte présent
a une incidence, il n'est pas le seul : le passé, bâtisseur de
chacune de nos histoires personnelles, est également à prendre en
compte.
Or, comme vu précédemment également, les
idées personnelles du journaliste jouent sur sa façon de
présenter l'information. Ainsi, les contextes présent et
passé auxquels nul ne peut prétendre se soustraire,
modèlent notre vision des choses, des gens, des
évènements. Par là méme, il devient donc absurde
d'imaginer que le passé des français n'a aucune influence sur
leur comportement actuel. Aussi, l'histoire coloniale de la France et la vague
d'immigration qui s'en suivit ne peuvent être décemment
occultés lorsqu'il s'agit de la représentation médiatique
de l'islam dans l'hexagone.
Comme s'en étonne Tevanian dans La
République du mépris, « [...] si les textes fondateurs
des années 1880 et 1905 ne justifient pas l'interdiction du port de
signes religieux par les élèves, qu'est-ce donc qui devrait
être " retrouvé ", " réaffirmé " ou " rappelé
" [si ce n'est] un certain ordre symbolique,[. .] l'ordre colonial ? ».
Selon lui, sans nul doute, l'« héritage colonial
» permet de « mieux comprendre l'intensité des grands
campagnes médiatiques et politiques menées ces dernières
années sur le thème de la " reconquête " des " territoires
perdus de la République ", [du]voile, [du] sexisme, et de
l'antisémitisme en banlieue. »
Affiche de propagande réalisée par le
cinquième bureau d'action psychologique de l'armée
française, incitant les femmes à se
dévoiler.
Illustration de l'article « Le Dévoilement
: un continuum de l'esprit colonial » sur
Réveil-des-consciences.over-blog.com
visant à démontrer
la persistance d'un certain esprit
colonialiste dans la loi sur la laïcité.
De son côté Alain Gresh écrit : « je
pense que le principal problème que nous avons aujourd'hui à
l'égard de l'immigration dite " musulmane ", ce n'est pas
qu'elle soit musulmane mais c'est le fait qu'elle vienne des pays
colonisés. » Ainsi donc pour lui, ce qui dérange le plus la
France dans son rapport aux musulmans n'est pas tant leur appartenance
religieuse mais plutôt ce que leur présence évoque,
c'est-à-dire la colonisation.
Evidemment, ce n'est pas la première fois que la France
accueille des immigrés issus de quelques-unes de ses anciennes colonies,
mais ce qui est différent avec la question de l'immigration musulmane
c'est qu'elle provient de pays vis-à-vis desquels la France n'a pas
réellement « réglé le problème de son rapport
à cette histoire de la colonisation. "
En effet, cette histoire coloniale, que l'on oublierait
presque de prime abord lorsque l'on se figure la représentation actuelle
des musulmans dans les médias, ressurgit assez vite comme facteur, si ce
n'est déclencheur, aggravant. C'est ce qu'explique Deltombe dans une
interview accordée le 13 octobre 2005 au site Internet
Oumma.com.
Comme il le raconte, il s'est « progressivement rendu
compte " (au cours de son travail de recherche sur le sujet) de l'importance de
ce passé colonial, notamment par sa présence « à
l'état explicite ou implicite dans un nombre impressionnant de
reportages, de débats ou de magazines télévisés.
"
Deux autres spécialistes du sujet qui fournissent des
travaux documentés et fouillés -Vincent Geisser et Aziz Zemouri -
partagent le constat de Deltombe. Comme ils l'affirment dans Marianne et
Allah, « si l'on ne peut plus véritablement parler aujourd'hui
d'indigénat [...] à propos du traitement institutionnel des
musulmans, il est possible néanmoins de mettre en évidence des
survivances de la " politique musulmane " d'antan ». Or, comme on l'a vu,
les politiques ayant une forte influence sur la sphère
médiatique, leurs discours y sont régulièrement
relayés et participent à l'image globale que peut se faire un
individu « lambda " des musulmans. Encore une fois, les médias
s'avérant être assez perméables à « l'air du
temps ", ils ne peuvent être les seuls à procéder à
une certaine stigmatisation des musulmans.
Enfin, si les « résidus » de l'histoire
coloniale sont vus comme un facteur explicatif parmi d'autres, les
spécialistes s'accordent également à dire qu'il est loin
d'être le plus important. Si l'on peut faire « porter " au
passé une partie de la « faute », il n'en reste pas moins que
le reste relève de nos actes présents, de nos
responsabilités et de nos choix (qui peuvent par conséquent
être à tout instant modifiés).
Comme l'exprime Mariette Darrigrand, sémiologue
interviewée le 9 avril 2011 par Le Nouvel Observateur, «
le mot " musulman " a pris une connotation négative " qui est devenue
banale, « acceptable ». Or laisser ainsi se banaliser d'aussi graves
attitudes, accepter de laisser « [faire perdre] le caractère
toxique » de tels propos, c'est quelque part ne pas agir « dans le
présent ".
C'est finalement être complice de ces dérives que de
ne pas réagir et que de ne pas faire remarquer qu'elles sont contraires
à l'éthique journalistique.
Cette léthargie complice, ce laisser-faire des
médias français envers la stigmatisation d'une partie de la
population est également dénoncé par certains depuis
l'étranger. C'est le cas de Guy Verhofstadt (NDA : l'ancien premier
ministre belge) qui qualifie le débat sur l'identité
nationale de « défouloir aux remugles vichystes » et qui
estime qu' « il y a décidemment quelque chose de pourri en
République française ».
Un dernier point, qui illustre parfaitement le malaise
français autour du sujet de la colonisation c'est celui du « devoir
de mémoire », et donc d'une certaine reconnaissance (au sens propre
comme au sens figuré) des faits.
Comme l'exprime justement Karim Bourtel, auteur du livre
Le Mal-être arabe, à propos des « Français
d'origine arabe du troisième age », « ces hommes [qui] ont
sué pour la France, pour construire ses immeubles, ses routes, sa
prospérité économique, à bas prix (et pour assurer
un avenir à leurs enfants) [...] n'ont bénéficié
d'aucune reconnaissance dans la société pour cela, pas plus
qu'ils n'ont gagné en respectabilité », ce qui est
certainement dû au fait qu'ils représentent « un pan de
l'histoire dont on peut difficilement s'enorgueillir. »
Même constat concernant les anciens combattants des
troupes coloniales qui, malgré leur participation active à la
libération, restent moins reconnu que leurs colonisateurs pour qui la
France, dans sa loi du 23 février 2005, article 1, exprime « sa
reconnaissance [à ceux] qui ont participé à l'oeuvre
accomplie par la France dans les départements français
d'Algérie, au Maroc et en Tunisie ».
Pour Karim Bourtel, « cette négation de l'histoire
de France revient à nier le sacrifice de ces hommes, mais aussi à
[...] ôter la fierté, pour certains, d'être des fils ou
petit-fils d'anciens combattants. » Une reconnaissance qui selon lui
pourrait pourtant « changer substantiellement le regard sur les
Franco-Maghrébins. »
Un dessin anglo-saxon représentant la presse
européenne déguisée en un chevalier qui déclare,
concernant le négationnisme
sur l'holocauste, « nous
désapprouvons vraiment les discours haineux » et concernant les
caricatures islamophobes « en
même temps, nous tenons vraiment
à notre liberté d'expression ». Ce dessin est censé
illustrer l'ambivalence du discours de
la presse européenne, le
« deux poids, deux mesures » qui s'applique en matière de
liberté du discours entre l'islam et le
judaïsme. D'un
côté l'on a « le négationnisme de l'holocauste, puni
par la loi », de l'autre « les caricatures islamophobes
[qui
relèvent alors de la] liberté d'expression ».
Pour clôturer ce bref chapitre sur l'effet de la
colonisation sur la représentation médiatique des musulmans, l'on
peut donc dire que certaines « histoires » que l'on croit bien
enterrées conservent une importance parfois plus grande qu'on ne
l'imagine, et que le journalisme, subtil mélange d'histoire personnelle,
contemporaine et politique ne peut pas ne pas ~tre influencé un minimum
par tout cela.
4) Le fait religieux, un sujet difficile à
traiter de manière générale :
« Le traitement médiatique du religieux
fait-il
preuve d'assez d'objectivité et d'exactitude dans
l'observation ?
De l'impartialité et de la justesse souhaitable
dans
l'interprétation ? [...] Ces questions se posent [...]
tout
particulièrement dans [le domaine du] religieux, qui plus que
d'autres
en appelle aux croyances et aux convictions [ce à] quoi
s'ajoute une
autre difficulté [ : ] l'impréparation. "
Pierre Olivier Monteil, Les Exigences de
laïcité.
Les deux derniers points à aborder sont
également les plus « primitifs » puisqu'ils se trouvent en
amont de l'ensemble des autres problématiques traitées dans ce
mémoire. La difficulté à aborder le fait religieux et
l'« inadaptation " naturelle de la religion aux formats médiatiques
font en effet certainement partie des principales causes d'un mauvais
traitement médiatique du religieux.
La religion nécessitant de « prendre le temps ",
le temps de la lecture des textes, le temps de l'apprentissage des rites, etc.,
elle ne peut qu'être inadaptée aux médias qui sont
obligés de sélectionner des temps forts, pas toujours
fidèles à la réalité.
Une religion comme l'islam, particulièrement
présente dans la vie quotidienne, ne peut être comprise si l'on
n'en montre que les « temps forts " comme la prière, le mariage ou
le ramadan. En plus de cela, les journalistes, très socialement
homogènes et peu représentatifs de la société
française (donc des musulmans) vont devoir sélectionner encore
une partie de cette information déjà tronquée, selon leurs
convictions personnelles. Le résultat ? Une image souvent empreinte de
préjugés et très loin de la réalité.
4-1) La religion dans les médias, entre
sélection de l'information et convictions personnelles:
Pour Pierre Olivier Monteil (NDA : rédacteur en
chef de la revue Autre Temps de 1991 à 2004 et auteur de
plusieurs ouvrages sur le rapport entre le protestantisme et la
modernité), cette « inculture " religieuse journalistique
« est aussi bien le fait d'une lacune de l'enseignement que d'un rejet de
la transmission ». Comme il l'explique, il n'y a pas que les journalistes
ayant une appartenance religieuse qui peuvent porter un regard biaisé
sur les religions autres que la leur, les athées également, tout
en croyant être totalement libres de penser, ne le sont en fait souvent
pas. « Nombre d'agnostiques ou d'athées, qui se sont jadis
démarqué de la religion dans laquelle ils avaient grandi,
échouent maintenant à repérer ce qui en elle les influence
encore, lorsqu'ils en prennent le contre-pied ou lorsqu'ils lui restent
fidèles sans le savoir. "
Aussi, que l'on soit un journaliste croyant ou athée,
« difficile de trouver la bonne distance ".
Dans un monde médiatique où tout va de plus en
plus vite et où l'on a de moins en moins de temps pour traiter des
informations pourtant toujours plus complexes, comment ne pas
sélectionner l'information en fonction de ses convictions ?
Un journaliste pressé, a-t-il vraiment le temps de
faire la part des choses et de se poser la question « suis-je en train de
sélectionner cette information selon mon opinion ou selon la
réalité de ce que je vois ? ". La réponse est certainement
: non.
Ce qui en temps normal est déjà difficile
à mettre en application (NDA : prendre de la distance avec
l'information à traiter) devient logiquement et tout bonnement
mission impossible dans l'urgence. Aussi, voilà pourquoi trop souvent,
l'information religieuse, à la base difficile à traiter car
n'évoluant pas au « même rythme " que la
société contemporaine, se retrouve évoquée dans les
médias au travers d'images tronquées.
Comme le rappelle Jean-Paul Willaime, directeur d'étude
à la section des sciences religieuses à la Sorbonne, « la
religion au rythme médiatique c'est [...] des temps forts, suivis de
périodes de latence, comme si on était religieux par
intermittence ", par conséquent « la représentation
télévisuelle du religieux est [...] décalée par
rapport aux évolutions religieuses actuelles " ce qui conduit à
une transformation du religieux par les médias, qui, de même
qu'ils ont « transformé le rapport au politique ", «
transforment le rapport au religieux. " (« Les Médias et les
mutations contemporaines du religieux », Autres Temps, n°69,
p.64-75).
Finalement encore une fois, l'« islam " que l'on
évoque dans les médias n'a que très peu de rapport avec
l'islam de la réalité. Le sens que l'on fait recouvrir aux termes
« islam " et « musulman " dans la presse écrite, à la
radio ou à la télévision relève plus de la vision
partielle que nous en présente les journalistes que de l'authentique
réalité.
Les journalistes nagent dans le bain de la modernité.
Portés par les courants de pensée « en vogue ", il leur est
souvent difficile de lutter contre. Aussi, quand un raz-de-marée mondial
s'abat sur l'islam, au point de l'engloutir sous le poids des reproches et des
accusations, difficile de distinguer ce qui se dit de ce qui
est. Difficile, pour un journaliste balloté au coeur du
rouleau, de s'en extraire pour prendre de la hauteur. Difficile, finalement, de
présenter une vision nuancée, complexe et donc moins «
attirante " pour le spectateur quand l'on fait face à une tendance
simpliste et racoleuse qui s'est imposée depuis une dizaine
d'années.
La religion telle qu'observable par le prisme
médiatique n'est que le produit d'une sélection préalable
de l'information, elle-même effectuée selon les opinions
personnelles des journalistes. Cette image n'est donc jamais parfaitement
représentative de la réalité. Ajoutez à cela un
courant de pensée dominant et vous obtiendrez souvent une information
qui va dans le sens de la pensée majoritairement admise.
Aussi, quand un journaliste se trouve face à une lame
de fond aussi importante que celle qui nous occupe aujourd'hui, ses seules
armes sont d'y être bien préparé et d'avoir les
idées claires. De s'être documenté et un minimum
informé avant la tempête pour pouvoir, une fois qu'il en est en
plein coeur, réfléchir par lui-même, sans se laisser
influencer par tel ou tel courant. C'est pourquoi il apparaît
désormais indispensable de former les nouvelles
générations de journalistes au fait religieux et à la
distinction entre ce qui en relève et ce qui n'en relève pas.
4-2) La formation des journalistes, une piste à
creuser :
Cette idée, selon laquelle les journalistes manquent
cruellement d'éducation sur certains sujets comme la religion est
évoquée par la journaliste Nathalie Dollé dans un article
paru en mai 2007 sur le site
Islamlaïcité.org.
Selon elle « nous journalistes ne sommes [...] pas assez formés sur
le thème particulier de l'islam mais surtout sur les conséquences
de nos productions.
« [Nous ne sommes pas vraiment] conscients des enjeux de
société [que tout cela implique], de notre pouvoir " et au final,
« nous restons peu soucieux de nos responsabilités. " Ainsi pour
cette journaliste, il est vital « que chacun et que chacune, prenne ses
responsabilités " car finalement, « la thèse du " complot
médiatique " contre les musulmans est non pertinente " et ce sont plus
les « faiblesses journalistiques [...] généralisées
et structurelles au métier " qui sont responsables.
Cette inculture religieuse, renforcée par un
fonctionnement médiatique totalement inadapté à la
religion, est également évoquée dans un article de mai
2011 paru sur
Zaman.com et
intitulé « 80% des journalistes sont religieusement incultes
". Reprenant les idées du journalistes et écrivain Bernard
Lecomte, l'article explique que « le manque de culture religieuse [est
malheureusement] visible aussi bien chez les journalistes que chez le grand
public ", et que la « rapidité du traitement de l'information et le
culte du sensationnel, propres au fonctionnement même des médias
» ne font qu'accentuer les préjugés qui collent à la
peau des religions. Aussi, encore une fois, ce sont plus des idées
reçues et la recherche d'audience qui guident les professionnels de
l'information plutôt que leur connaissance réelle du sujet. Un
phénomène qui se trouve être encouragé par le public
lui-même, souvent bien plus attiré par le sensationnel, le
minoritaire et le marginal (donc le remarquable) que par l'ordinaire, le
majoritaire et le banal (pourtant le plus répandu).
Par conséquent, l'on obtient souvent pour
représenter l'islam dans les médias des images sensationnelles,
des clichés totalement coupés de leur contexte, qui ne
s'appliquent en réalité qu'à une très faible
minorité de musulmans, mais qui ont l'avantage d'être très
« vendeurs ". Et comme, dans notre société
hypermédiatisée, l'image « créée " le fait,
les effets sont ravageurs. Les musulmans sont mis « à part ",
enfermés dans des cases dans laquelle euxmêmes ne se retrouvent
pas, puis finalement obligés d'adopter des comportements et des discours
défensifs qui ne sont en fin de compte que des réactions à
une image médiatique dont ils souffrent.
Pour Bernard Podvin, responsable du module religion à
l'Ecole supérieure de journalisme de Lille, il serait possible de
remédier au problème en apprenant certains rudiments aux jeunes
journalistes en formation. En effet selon lui, il serait important d'apporter
des réponses aux jeunes journalistes en mettant en place de «
vraies " formations en religion dans les écoles de journalisme, au lieu
des « simples sessions gadgets " proposées actuellement. Cela
permettrait entre autres :
- d'« apprendre à bien remettre les
évènements dans leur contexte et d'éviter
l'absurdité des interprétations dénuées de sens
".
- d'« apprendre à traiter les sujets religieux avec
des méthodes, pour éviter les comparaisons faussées [et
d'] instaurer [...] une certaine méthodologie pour éviter les
erreurs grossières actuelles. "
- de former les jeunes journalistes à l'histoire des
religions, au contexte de leur naissance, à leurs principaux
préceptes, leur fonctionnement interne et leurs dirigeants.
- de « comprendre l'importance dans ce genre de sujets de la
traduction, qui doit être parfaite car des termes différents des
termes usuels, et empreints de sens, peuvent vite [être]
déform[és] par une mauvaise traduction. "
- d'« apprendre à différencier les
différentes façons de croire, les fois dans leurs divers
degrés d'application, ce qui change tout quand on parle de religion.
"
Cette question de la formation des journalistes, trop peu
souvent évoquée, semble pourtant à ne pas négliger
dans une optique de résolution de la problématique du traitement
médiatique de l'islam. Aussi, peut être que le déploiement
de certains efforts en ce sens contribuerait à l'adoption par nos futurs
acteurs médiatiques d'un regard plus « juste " et plus proche de la
réalité que celui propagé actuellement.
Les cent cinquante pages qui précèdent ont
tenté de brosser le portrait le plus précis possible
des
tenants et aboutissants relatifs au traitement médiatique
français de l'islam et des
musulmans.
A la question initialement posée : les médias
français contemporains sont-ils vecteurs d'une
image négative
et stéréotypée des musulmans ? une réponse
affirmative mais nuancée est donc
apportée.
En effet cette question, complexe car reliée à de
nombreuses autres thématiques, ne peut
décemment se satisfaire
d'une réponse simpliste ou manichéenne.
Aussi, aux « vices médiatiques ~ que l'on pointe
généralement du doigt comme les premiers
« responsables
» (influence politique ou idéologique, sensationnalisme,
simplification et
manque de temps) s'ajoutent beaucoup d'autres
facteurs (certaines caractéristiques intrinsèques
de
l'islam, un contexte mondial anxiogène et une histoire coloniale
française encore dans les
mémoires). A tel point qu'il
devient difficile de dire qui des premiers ou des seconds sont les
plus
« coupables ».
Comme l'explique Vincent Geisser, les médias sont loin
de pouvoir être assimilés à une « deus
ex
machina qui détiendrait le monopole de la fabrication des
clichés et des préjugés sur l'islam
et les musulmans
».
Une fois analysées, les causes d'un « mauvais "
traitement de l'islam par les médias français
finissent par
s'emboîter les unes dans les autres pour former un tableau complet, comme
les
pièces d'un grand puzzle où finalement chaque
élément participe à la cohérence de
l'ensemble.
C'est ce qui rend le sujet à la fois passionnant et si
difficile à aborder dans l'espace médiatique
lui-même,
souvent peu prompt aux grands déballages explicatifs et
argumentés que nécessitent
malheureusement certains sujets.
Pour toutes ces raisons, l'on peut donc répondre avec
certitude que, oui, les « grands » médias
français,
dans leur majorité, ont actuellement tendance à présenter
l'islam et les musulmans
sous un jour assez négatif et
stéréotypé ; mais que, non, ils ne le font pas
forcément
intentionnellement.
A la fois juge et partie, les journalistes, au vu de leur
simple condition humaine, peuvent-ils se
détacher complètement
d'un contexte pour faire preuve d'une neutralité absolue ?
Cette
question, qui agite la profession depuis toujours, est finalement bien
celle qui est au coeur de la
problématique de ce mémoire :
quel devrait être le rôle du journaliste ?
Celui de s'efforcer
d'être le plus neutre possible au risque de se laisser influencer par
des
phénomènes qu'il maîtrise peu ? Ou celui de
défendre un point de vue qu'il est capable
d'argumenter et de
défendre ?
GLOSSAIRE
Antisémitisme : Discrimination,
ressentiment d'hostilité ou préjugés à l'encontre
des juifs (dans son utilisation la plus courante) ou de l'ensemble des peuples
sémites (juifs et musulmans).
Charia : Ensemble des normes et doctrines
morales, culturelles et relationnelles prescrites par Mahomet suite à la
« Révélation ". Signifiant « chemin pour respecter la
loi [de Dieu] ", la charia réglemente les aspects d'ordres privés
et publics de la vie du musulman.
Chiisme : Deuxième courant majoritaire de
l'islam (10 à 15 % des musulmans). Il est né des divergences
autour du successeur du prophète Ali après son assassinat.
Coran : Livre sacré de l'islam contenant
les révélations d'Allah transmises oralement par son
prophète, Mahomet.
Hadith : Transmissions de paroles, d'actes et
d'approbations de Mahomet sous forme de récits. Les hadiths
dits « recevables » (sur lesquels s'accordent les différentes
branches de l'islam) font partie des sources de la loi islamique.
islam : Religion des musulmans. L'islam est une
religion abrahamique qui a été révélée au
prophète Mahomet au VIIème siècle en Arabie.
Son livre sacré est le Coran.
Islam : Ensemble de la civilisation musulmane,
ensemble des peuples qui professent l'islam.
Islamisme : Courant de pensée musulman
principalement politique apparu au XXème siècle.
Désignant jusque dans les années soixante-dix l'islam en tant que
tel, il a désormais une connotation plus politisée et
désigne le choix conscient de la doctrine musulmane comme guide pour
l'action politique. Certains le considèrent également comme un
mouvement qui regroupe les courants les plus radicaux de l'islam souhaitant une
application rigoureuse de la charia et la création d'Etats islamiques
intransigeants sur le respect de cette dernière. Phénomène
complexe à décrire tant qu'à interpréter, la
définition de ce terme est encore
assez controversé et discutée. D'ailleurs, chez les
musulmans, ce terme n'a pas d'existence ni de légitimité
réelle.
Islamiste : Relatif à l'islamisme,
partisan de l'islamisme. Toutefois, ce mot n'a pas de légitimité
réelle chez les musulmans.
Islamophilie : Néologisme employé
par certains pour définir un engouement pour les valeurs de l'islam,
voire une admiration de la civilisation islamique.
Islamophobie : Considéré comme un
néologisme, l'islamophobie recouvre en réalité plusieurs
sens :
Hostilité, peur, préjugés ou sentiment
négatif envers l'Islam.
Attitude discriminatoire à l`encontre des musulmans et
parfois, par amalgame, des « arabes » ou Maghrébins.
Toutefois, tout comme le terme « islamisme », c'est un
terme assez controversé de par le monde, tant dans sa définition
que dans son utilisation.
Musulman : Se dit d'un fidèle de
l'Islam.
Maghrébin : Désigne les habitants
du Maghreb.
Sunnisme : Courant majoritaire de l'islam (80
à 85% des musulmans d'après les estimations). Le sunnisme tire
son origine du mot « sunna » qui représente la ligne de
conduite de Mahomet dont les actes ont alors valeur de loi.
Umma (ou « oumma ») : Désigne
la communauté des musulmans dans leur ensemble, audelà des
nationalités, des liens du sang et des appartenances politiques. C'est
une sorte de lien de foi qui pousse à la solidarité.
Xénophobie : Hostilité
systématique et irrationnelle envers une ou plusieurs personnes à
cause de leur nationalité, culture, genre, religion ou idéologie.
Plus généralement, c'est l'hostilité à ce qui est
étranger.
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http://fr.zaman.com.tr/fr/newsDetail_getNewsById.action?newsId=5152.
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http://www.streetpress.com/sujet/1640-lislam-fait-il-partie-de-lafrance.
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Enquêtes et rapports
thématiques:
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Millénaire, Le Centre Ressources prospectives du grand Lyon.
Juin 2007.
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"Peut-on parler de communautarisme en France?". 13 juillet 2011. Disponible
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Gauthier, Gilles. 2010. Le journalisme de
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Lafitte, maria. 2001. "L'islam de France"
peut-il avoir prise sur se scaricatures médiatiques? Autre Temps.
Cahiers d'éthique sociale et politique. 2001, Vol. 69, p. 39
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http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_2001_num_69_1_2255.
Podvin, Bernard. Le phénomène
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n°2. Bernard Podvin est responsable du module religion à
l'Ecole supérieure de journalisme de Lille.
Shmuel Trigano, Laurence Coulon, Valérie
Ktourza. Années 2000. Le conflit israélo-palestinien.
Les médias français sont-ils objectifs? Observatoire du monde
juif. Dossiers et documents. Années 2000.
Willaime, Jean-Paul. 2001. Les médias et
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Livres :
Deltombe, Thomas. 2005,2007. L'islam
imaginaire: La construction médiatique de l'islamophobie en France,
1975-2005. Paris : Editions La Découverte, 2005,2007. 383 p.
Geisser, Vincent. 2003. La Nouvelle
islamophobie. Paris : Editions La Découverte, 2003. 122 p.
Tévanian, Pierre. 2007. La
République du mépris: Les métaphores du racisme dans la
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--. 2005. Le Voile médiatique: Un
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Raisons d' Agir, 2005. 141 p.
Vincent Geisser, Azizi Zemouri. 2007.
Marianne et Allah. les politiques françaises face à
la question musulmane. s.l. : Editions La Découverte, 2007.
Conférences, colloques, débats
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Colloque international sur l'image du monde musulman dans les
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février 2002. Colloque organisé par l'ISESCO
(Organisation Islamique pour l'éducation, les sciences et
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Comment les médias français voient l'islam.
Testot, Laurence. 2005. 2005. « Islam de France
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février 2005. . Disponible à
http://www.scienceshumaines.com/comment-les-medias-francais-voient-l-islam_fr_4780.html.
Débat "L'islam dans l'espace médiatique"
animé par Frédéric Taddeï. 2010.
2010. Débat organisé par L'Institut des culture d'islam
à Paris dans le cadre de l'évènement "Les Veillées
du Ramadan". Disponible à
http://mondomix.com/blogs/veillees-du-ramadan-2010.php/2010/09/03/title-85.
Islam et libéralisme. Institut Euro 92.
Avril 1995. Participants: Luc Barbulesco, Felipe Tedula, Yves
Montenay, Serghini Farissi. Disponible à
http://www.euro92.com/acrob/islam%20colloque.pdf.
Le Récit médiatique de la
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Martigny, Suisse : Publication de l'OME, Observatoire des
médias et des entreprises, 21 avril 1997. Stéphane Haefliger est
sociologue. Disponible à
http://www.stephanehaefliger.com/pdf/med_4_lrmdlv.pdf.
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Deltombe, Thomas. Mercredi 10 mars 2010. Mercredi 10 mars
2010. Conférence-débat organisée par la Coordination
contre le racisme et l'islamophobie. Intervention de Thomas Deltombe.
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http://reveil-des-consciences.over-blog.com/articlevideo-46841942.html.
Monde musulman et manipulation médiatique.
fusionfroide, (pseudo). 4 octobre 2007. [éd.]
Conférence-débat organisée par le Comité Action
Palestine. 4 octobre 2007. F. Burgat est politologue, chercheur au CNRS et
auteur de plusieurs ouvrages sur l'islam. Disponible à
http://www.dailymotion.com/video/x8g40d_monde-musulman-et-manipulation-medi_webcam.
Musulmanes et journalistes : Entre malentendus et
gâchis. Et maintenant on fait quoi? Dollé, Nathalie.
2007. 2007. The European Forum Of Muslim Women et l'Alliance des
Démocrates et des Libéraux pour l'Europe et d'Europe organisaient
cette matinée de séminaire au Parlement européen de
Bruxelles sujet : «Les Femmes musulmanes dans les médias, entre
mythes et réalités".
Une conférence à Tunis appelle à faire
des efforts pour contrer l'image négative de l'Islam.
Yahya, Mona. 2008. Tunis : s.n., 12 mai 2008, Maghrebia.
Disponible à
http://www.magharebia.com/cocoon/awi/xhtml1/fr/features/awi/features/2008/05/12/feature-02.
Thèses, mémoires :
Mervelet, Clémentine. 2005. Comment
les chaînes de France Télévision se
différencient-elles des chaînes de télévision
privées sans semer la confusion chez le téléspectateur
? Maîtrise de communication globale option communication publique :
Paris : Institut supérieur de la communication et de la
publicité.
Diouf, Papa Samba. 2009. Journalisme et
société : analyse d'une influence. Licence professionnelle,
1ère année : Dakar : Institut Mariste d'enseignement
supérieur.
Waleckx, Tristan. 2005. Naissance
médiatique de l'intellectuel musulman en France (1989-2005). Master
d'histoire : Montpellier : Université Montpellier 3.
Girier, Jean-Marie. 2007. L'Identité
en débat. Représentation et idéologies dans le discours
sur l'immigration au sein de l'espace public. Master 2 de recherche en
science de l'information et de la communication : Lyon : Université Lyon
II.
Bastin, Marie. 2002. Subjectivité et
intersubjectivité dans la conversion intellectuelle masculine à
l'islam en France au XXIème siècle. Ecole des
hautes études en sciences sociales : Paris.
Productions web et articles d'amateurs :
Fleur d'islam.com. du 28 juin au 3 août 2001.
Sondage "L'islam dans la cité". Fleur d'islam. [En
ligne] du 28 juin au 3 août 2001. Fleur d'islam est un site francophone
consacré à l'islam.
http://www.fleurislam.net/media/sond/sond_islam_france.html.
L' hHomme Pol' éthique (pseudo). 2011.
L'islam est-elle une menace pour la France? Le Post. [En
ligne] 9 janvier 2011. Le rédacteur se décrit comme «
militant politique et militant syndical ... entre autres ! ».
http://www.lepost.fr/article/2011/01/09/2365238_l-islam-est-elle-une-menace-pour-lafrance.html.
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http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/070211/pourquoi-la-francerejette-t-elle-son-islam.
Besson, Sylvain. 2010. Mosquées: des
profanations en série en France. blogs
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23 février 2010. Document reprenant l'article du journaliste du
Nouvel Observateur Sylvain Besson.
http://veilleur.blog.lemonde.fr/2010/02/23/mosquees-des-profanations-en-serie-en-france/.
2011. Dangers de l'islam. Victor du
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http://victordumitrescu.blog.tdg.ch/archive/2011/01/11/dangers-de-l-islam.html.
Dufour, André. 2009. Le Paradis des
Beurs. Liberty Vox. [En ligne] 21 février 2009. André
Dufour est un français juif résistant de la Deuxième
Guerre mondiale.
http://www.libertyvox.com/article.php?id=374.
Foucambert, Jean. Critique du livre "Faire
l'opinion. Le nouveau jeu politique" de Patrick
Champagne.
Lecture.org. [En ligne]
http://www.lecture.org/revues_livres/actes_lectures/AL/AL33/AL33LU4.pdf.
Hilout, Pascal. 2011. M. Sarkozy vous n'avez
décidement rien compris à l'islam! Le Post. [En ligne]
11 janvier 2011. Pascal Hilout, est un particulier anonyme, ancien musulman
très virulent vis-à-vis de l'islam. Il ne semble faire preuve
d'aucune volonté de partialité, méthodologie ou
vérification de ses dires.
http://www.lepost.fr/article/2011/01/11/2367014_m-sarkozy-vous-n-avez-decidement-riencompris-a-l-islam-dixit-un-pascal-hilout.html.
Remy, Patrice. 2010. La France
embourbée dans l'islam. Médias libres. [En ligne] 29
avril 2010.
http://www.mediaslibres.com/tribune/?post/2010/04/29/La-France-embourbee-dans-l-islam.
Scalbert, Augustin. 2009. 60 % des
Français antiminarets: fallait-il publier ce sondage? Rue89.
[En ligne] 19 décembre 2009.
http://www.rue89.com/confidentiels/2009/12/19/60-des-francaisantiminarets-fallait-il-publier-ce-sondage-130597.
Vidéos :
alwaysmuslim43, (pseudo). Musulmans et le
rôle des médias. Dailymotion. [En ligne]
http://www.dailymotion.com/playlist/x15kd4_alwaysmuslim43_musulmans-et-le-role-desmedias/1#videoId=xb3xg1.
Azzadin34, (pseudo). L'Appel de la
vérité (9 parties). Dailymotion. [En ligne]
http://www.dailymotion.com/video/xdluo9_l-appel-de-la-verite-partie-9_news.
BFMTV. Reportage: L'inquiétude de la
communauté musulmane. Dailymotion. [En ligne]
http://www.dailymotion.com/video/xcu8lp_l-inquietude-de-la-communaute-musul_news.
Europe 1. 2011. Interview de François
Grosdidier : "Il n'y a pas de débat sur la laïcité".
Europe 1. [En ligne] 5 avril 2011.
http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/L-interview-de-7h40/Videos/Il-ny-a-pas-de-debat-sur-la-laicite-485937/.
IslamFrance, (pseudo). 2011. Dr Zakir Naik-
Pourquoi les médias ont pris les musulmans pour cible? YouTube.
[En ligne] 1er juin 2011.
http://www.youtube.com/watch?v=mLHv4tZZHFE&feature=player_embedded.
jmraynault, (pseudo). 2011. Badinter: "Des
Millions de Français sont isolés et stigmatisés, c'est
révoltant, insupportable!". YouTube. [En ligne] 8 mars 2011.
http://www.youtube.com/watch?v=DfwJQq2FmIA&feature=player_embedded.
La Manipulation des médias. Mejiliss. [En ligne]
http://mejliss.com/video/la-manipulation-desmedias.
2011. Les Arrivées 16 (Les Médias
et l'Islam). YouTube. [En ligne] 21 mai 2011.
http://www.youtube.com/watch?v=cCNpJBxpkj0.
openeyeman, (pseudo). Islam: Horrible Calomnie
Médiatique (c'est fou!). Dailymotion. [En ligne]
http://www.dailymotion.com/video/xh9ctg_islam-horrible-calomnie-mediatique-c-est-fou_news.
Oumma
TV.com. 2011.
Pour Daniel Schneidermann, le traitement politico-médiatique de
l'islam "c'est trop!". Oumma TV. [En ligne] 23 juin 2011.
http://oummatv.tv/Pour-Daniel-Schneidermann-le.
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Tariq Ramadan sur la plateau de Thierry Ardisson. Disponible à
http://www.tariqramadan.com/Tariq-Ramadan-invite-de-Thierry,11192.html.
Zorba, (pseudo). 2011. Islam : difficile de
dialoguer avec des ignorants. Agoravox. [En ligne] 13 janvier 2011.
http://www.agoravox.tv/tribune-libre/article/islam-difficile-de-dialoguer-avec-29118.
ANNEXE 1 : Sondage personnel «
L'avis des musulmans sur le regard des
médias français
vis-à-vis de l'islam » (réponses recueillies entre le 22
Vous pouvez voir le formulaire publiéici :
https://docs.google.com/spreadsheet/viewform?formkey=dF9vajFnSlI3TlFfSWRRbmZFdVFKY0E6MQ
110 réponses Etes-vous
:
|
|
Un homme 42 %
Une femme 58 %
|
1°) Qualifieriez-vous la vision des médias
français sur l'islam et les musulmans de :
Stóéotypée
|
43
|
%
|
Juste
|
0
|
%
|
Orientée
|
10
|
%
|
Ignorante
|
35
|
%
|
Raciste
|
11
|
%
|
Objective
|
0
|
%
|
Pertinente
|
2
|
%
|
Ne sait pas
|
0
|
%
|
2°) Pensez-vous que ce sont souvent les mêmes
sujets qui sont traités quand les médias parlent des
musulmans?
Oui
|
95
|
%
|
Non
|
5
|
%
|
Ne sait pas
|
0
|
%
|
|
Il vous flatte 0%
Il vous blesse 23%
Il vous énerve 41%
Il vous indiffère 14%
Il vous satisfait 0%
Il vous attriste 19%
Autre 4%
|
Si oui, lesquels ?
|
Les utilisateurs peuvent cocher Terrorisme
90%
Voile intégral 61%
Délinquance 25%
Fanatisme religieux 22%
Communautarisme 11%
Autre 3%
plusieurs cases, donc les pourcentages peuvent être
supérieurs à 100 %.
|
3°) Comment ressentez-vous, comment vivez-vous le
regard des médias français envers l'islam et les
musulmans?
4°) Le regard des médias français sur
les musulmans, aujourd'hui, en France, constituet-il pour vous un «
problème » ?
|
Oui 74%
Non 19%
Ne sait pas 7%
|
Si oui, pourquoi?
5°) Le regard des médias français
envers les musulmans génère-t-il chez vous :
L'envie de vous replier sur votre communauté religieuse
11%
L'envie d'exprimer votre opinion en tant que musulman, de
débattre et d'aller vers les autres 49%
L'envie de montrer encore plus votre appartenance religieuse
13%
L'envie de cacher votre appartenance religieuse
0%
L'envie de quitter le pays 24%
Autre 4%
6°) D'après vous, l'influence des
médias français sur l'opinion publique est-elle :
|
Faible 4%
Moyenne 12%
Forte 45%
Très forte 39%
|
7°) Pour vous, les médias français
traitent-ils de la même façon un sujet d'actualité
impliquant un musulman comparé à un sujet impliquant un
chrétien ou un juif ?
|
Oui 5%
Non 91%
Ne sais pas 4%
|
8°) Pensez- vous que le regard des médias
français sur les musulmans a évolué ces dernières
années ?
|
Oui 67%
Non 31%
Ne sais pas 2%
|
Si oui, de quelle manière ?
|
Plutôt positive 5%
Plutôt négative 66%
|
9°) Vous sentez-vous à l'aise aujourd'hui en
France en tant que musulman(e) ?
|
Oui 45%
Non 49%
Ne sais pas 5%
|
Si non, est- ce en partie à cause de l'image que
les médias français peuvent donner de l'islam et des musulmans
?
|
Oui, un peu 19%
Oui, beaucoup 33%
Non 0%
Ne sais pas 2%
|
10°) Pour conclure, diriez-vous que l'image que
véhiculent actuellement les médias français sur les
musulmans est :
|
Plutôt positive 1%
Plutôt négative 99%
Ne sais pas 0%
|
Les musulmans de votre entourage pensent-ils en
majorité comme vous?
|
Oui 84%
Non 6%
Ne sais pas 10%
|
ANNEXE 2 : Sondage CSA : Le Moral
et le jugement des journalistes sur
leur métier et leur profession
(Paris, 7 mars 2007).
Fiche technique :
Sondage exclusif CSA / LES ASSISES DU JOURNALISME POUR
JOURNALISME ET CITOYENNETÉ réalisé par
téléphone sur le lieu de travail et au domicile des
répondants du 19 au 23 février 2007.
Echantillon national représentatif de 405 journalistes.
L'échantillon a été constitué sur la base d'un
tirage aléatoire dans un fichier représentatif de l'ensemble des
journalistes. Les résultats ont été redressés selon
des critères de sexe, de statut, de fonction et de type de presse sur la
base des données statiques fournies par la Commission de la carte et
issues de l'étude réalisée en 2000 par l'Institut
français de presse.
|
I - LE MORAL DES JOURNALISTES ET LEURS PRATIQUES
PROFESSIONNELLES
Le moral des journalistes
QUESTION : Diriez-vous qu'aujourd'hui vous êtes très
heureux, plutôt heureux, plutôt pas heureux ou pas heureux du
d'être journaliste ?
Ensemble des journalistes
|
%
|
Heureux
|
92
|
- Très heureux
|
38
|
- Plutôt heureux
|
54
|
Pas heureux
|
8
|
- Plutôt pas heureux - Pas heureux du tout
|
5 3
|
- Ne se prononcent pas
|
-
|
TOTAL
|
100
|
L'appréciation sur les conditions
d'exercice
QUESTION : Diriez-vous aujourd'hui que les conditions
d'exercice de votre métier sont très satisfaisantes, assez
satisfaisantes, peu satisfaisantes ou pas satisfaisantes du tout ?
Ensemble des
journalistes
%
Satisfaisantes
|
70
|
- Très satisfaisantes
|
6
|
- Assez satisfaisantes
|
64
|
Pas satisfaisantes
|
30
|
- Peu satisfaisantes
|
23
|
- Pas satisfaisantes du tout
|
7
|
TOTAL
|
100
|
L'appréciation sur l'évolution de leur
métier
QUESTION : Selon vous, ces dernières
années, l'exercice de votre métier de journaliste a-t-il
évolué plutôt positivement ou plutôt
négativement ?
Ensemble des
journalistes
%
- Plutôt positivement
|
30
|
- Plutôt négativement
|
63
|
- Ne se prononcent pas
|
7
|
TOTAL
|
100
|
Les sources d'informations des journalistes
QUESTION : Quelles sont vos principales sources
d'information ?
|
|
(Réponses données à l'aide d'une
liste)
|
Ensemble %
|
- Vos propres sources
|
58
|
- Le travail d'investigation sur le terrain
|
38
|
- Les services de presse et de communication
|
28
|
- Internet
|
26
|
- L'AFP ou les autres agences de presse
|
23
|
- Les autres médias
|
18
|
- Ne se prononcent pas
|
-
|
TOTAL
|
(1)
|
(1) Total supérieur à 100, les
interviewés ayant pu donner deux réponses
Le respect de la déontologie et de
l'éthique
QUESTION : Pensez-vous qu'en matière
d'éthique et de déontologie, les journalistes français
font très bien, assez bien, assez mal ou très mal leur travail
?
Ensemble des Journalistes
%
Bien
|
68
|
- Très bien
|
2
|
- Assez bien
|
66
|
Mal
|
30
|
- Assez mal
|
27
|
- Très mal
|
3
|
- Ne se prononcent pas
|
2
|
TOTAL
|
100
|
Les principales atteintes à la qualité de
travail des journalistes
QUESTION : Qu'est ce qui selon vous porte le plus
atteinte à la qualité de votre travail ?
|
|
(Réponses données à l'aide d'une
liste)
|
Ensemble %
|
- L'insuffisance de moyens matériels et humains
|
44
|
- L'insuffisance de temps
|
40
|
- Le conformisme des rédactions
|
38
|
- La pression économique (rentabilité,
annonceurs)
|
38
|
- La précarité des statuts
|
24
|
- Le marketing éditorial (la définition de lignes
éditoriales en fonction de la demande des lecteurs)
|
24
|
- Le suivisme éditorial
|
22
|
- L'insuffisance de l'exigence déontologique
|
14
|
- L'autocensure
|
10
|
- La censure de vos supérieurs
|
6
|
- La pression politique
|
5
|
- Rien de cela
|
-
|
- Ne se prononcent pas
|
-
|
TOTAL
|
(1)
|
Les journalistes et leur liberté
professionnelle
QUESTION : Avez-vous l'impression d'exercer votre
métier librement ?
Ensemble des journalistes
|
%
|
Oui
|
88
|
- Oui, tout à fait
|
27
|
- Oui, plutôt
|
61
|
Non
|
12
|
- Non, plutôt pas
|
12
|
- Non, pas du tout
|
-
|
TOTAL
|
100
|
Les priorités pour améliorer le respect de
la déontologie et de l'éthique
QUESTION : Quelles sont les priorités pour
améliorer vos pratiques professionnelles en matière
d'éthique et de déontologie ?
(Réponses données à l'aide d'une
liste)
|
|
Ensemble
|
%
|
- L'action collective (syndicats, société de
rédacteurs)
|
35
|
- L'adoption d'une charte déontologique pour toutes les
rédactions
|
32
|
- La mise en place d'outils de formation continus sur ces
thèmes
|
29
|
- Inscrire le droit des rédactions dans le statut des
entreprises de
presse
|
26
|
- Une meilleure prise en compte dans les écoles de
journalisme
|
25
|
- Une instance de régulation à l'instar de ce qui
existe en Italie ou au Canada
|
16
|
- La mise en place de médiateurs
|
12
|
- Aucune
|
2
|
- Ne se prononcent pas
|
1
|
TOTAL
|
(1)
|
(1) Total supérieur à 100, les
interviewés ayant pu donner deux réponses
II - PERCEPTION DE L'ÉVOLUTION DU MÉTIER DE
JOURNALISTE
|
Les menaces et les chances pour le métier de
journaliste
QUESTION : Dans l'évolution de votre
métier, pour chacun des éléments suivants diriez vous
qu'il s'agit plutôt d'une menace ou plutôt d'une chance
?
|
%
|
Plutôt une
|
Plutôt
|
Ne se
|
|
menace
|
une chance
|
prononcent pas
|
- La concentration des médias
|
100
|
90
|
8
|
2
|
- Les outils de mesure d'audience
|
100
|
52
|
40
|
8
|
- La multiplication des appareils permettant à tous les
citoyens de réaliser de photos et vidéos numériques
(téléphone, )
|
100
|
45
|
43
|
12
|
- Les journaux gratuits
|
100
|
43
|
53
|
4
|
- Le journalisme multimédia (travailler
individuellement à la fois pour l'image, l'écrit et
le son)
|
100
|
34
|
62
|
4
|
- Les blogs
|
100
|
31
|
58
|
11
|
- Le média à la demande plutôt que le
média de flux exemple : le podcasting
|
100
|
30
|
60
|
10
|
- L'influence des outils de connaissance et d'analyse sur les
attentes du public
|
100
|
27
|
67
|
6
|
Les journalistes et les citoyens « journalistes
»
QUESTION : Etes-vous d'accord ou pas d'accord avec
chacune des opinions suivantes ?
|
|
%
|
D'accord
|
Pas d'accord
|
Ne se prononcent pas
|
- La possibilité pour tout citoyen de critiquer
directement le travail des journalistes dans les médias
auxquels ils collaborent (courrier des lecteurs, avis
etc)
|
100
|
96
|
4
|
0
|
- Il faudrait mieux distinguer ce qui est du domaine
du journalisme, de l'expression libre ou de la participation
|
100
|
95
|
4
|
1
|
- C'est une bonne chose que les citoyens non-
journalistes développent du contenu éditorial sur
leurs
blogs
|
100
|
70
|
28
|
2
|
- C'est une bonne chose que les journalistes développent
leurs propres blogs
|
100
|
55
|
40
|
5
|
III - LE REGARD DES JOURNALISTES SUR EUX-MÊMES ET
LEURS ATTENTES
Les principales qualités des
journalistes
QUESTION : Selon vous,
|
quels sont les trois qualités principales des
journalistes ?
(question ouverte-réponses spontanées)
|
|
Ensemble des Journalistes
|
%
|
- La curiosité
|
43
|
- L'honnêteté, l'impartialité,
l'objectivité
|
17
|
- L'investissement dans le travail, être travailleur / La
ténacité, l'opiniâtreté
|
16
|
- L'ouverture d'esprit
|
14
|
- L'indépendance
|
13
|
- La rigueur, le sérieux
|
12
|
- Transmettre l'information au public, faire émerger la
vérité
|
12
|
- L'expertise/Le professionnalisme
|
11
|
- La réactivité/Les capacités
d'adaptation
|
10
|
- Le respect de la déontologie
|
7
|
- Etre passionné, aimer son travail
|
6
|
- L'investigation, le travail d'enquête
|
6
|
- L'écoute
|
6
|
- Les capacités rédactionnelles
|
5
|
- La polyvalence
|
4
|
- La disponibilité
|
4
|
- Le relationnel
|
4
|
- L'esprit de synthèse
|
4
|
- La pédagogie, la capacité de vulgarisation
|
3
|
- L'esprit critique
|
3
|
- Etre cultivé
|
2
|
- L'irrévérence, la provocation
|
2
|
- Le recul
|
1
|
- Autre
|
22
|
- Aucune
|
3
|
- Ne se prononcent pas
|
6
|
TOTAL
|
(1)
|
(1) Total supérieur à 100, les
interviewés ayant pu donner plusieurs réponses
Les principaux défauts des
journalistes
QUESTION : Selon vous quels sont les trois défauts
principaux des journalistes ?
(question ouverte-réponses spontanées)
|
Ensemble des Journalistes
%
|
- L'arrogance, la suffisance, la prétention
|
31
|
- Le suivisme / Le conformisme
|
29
|
- Le manque d'indépendance / la complaisance, le
clientélisme
|
17
|
- Le manque de rigueur, de sérieux / la non
vérification des sources
|
16
|
- L'égocentrisme, le narcissisme
|
12
|
- La superficialité
|
12
|
- La partialité, le manque d'objectivité
|
10
|
- Le manque de temps
|
9
|
- La difficulté à se remettre en question,
l'orgueil
|
9
|
- Le manque de culture
|
9
|
- Le manque de recul
|
9
|
- Le non respect de la déontologie
|
7
|
- Le manque d'investigation sur le terrain
|
6
|
- Le manque de curiosité
|
5
|
- Le manque d'esprit critique
|
4
|
- Le manque de professionnalisme
|
4
|
- La paresse
|
4
|
- Le sensationnalisme
|
3
|
- Le corporatisme
|
3
|
- L'autocensure
|
2
|
- Le manque d'écoute
|
1
|
- Autre
|
15
|
- Aucun
|
3
|
- Ne se prononcent pas
|
5
|
TOTAL
|
(1)
|
(1) Total supérieur à 100, les
interviewés ayant pu donner plusieurs réponses
La fidélité au métier de
journaliste
QUESTION : Envisagez-vous de quitter le journalisme avant
la fin de votre activité professionnelle ?
Ensemble des journalistes
%
|
- Oui
|
30
|
- Non
|
67
|
- Ne se prononcent pas
|
3
|
TOTAL
|
100
|
Quelle vie après le journalisme ?
QUESTION : Vers quelle branche d'activité
aimeriez-vous vous diriger ?
|
Ensemble des journalistes
%
|
A ceux quienvisagent de
quitter le journalisme, soit 30% de
l'échantillon
%
|
- La communication
|
8
|
26
|
- L'édition
|
6
|
21
|
- L'humanitaire
|
5
|
18
|
- L'enseignement
|
3
|
10
|
- L'artisanat
|
1
|
3
|
- Autre
|
5
|
17
|
- Ne se prononcent pas
|
74
|
5
|
TOTAL
|
(1)
|
(1)
|
(1) Total supérieur à 100, les
interviewés ayant pu donner plusieurs réponses
Comment défendre le journalisme ?
QUESTION : Parmi ces mesures, lesquelles vous paraissent
les plus urgentes ?
Ensemble
(Réponses données à l'aide d'une
liste)
|
%
|
- La protection des sources
|
58
|
- Les mesures anti-concentrations
|
57
|
- La mise en place d'une formation permanente
|
41
|
- La reconnaissance des statuts des rédactions dans les
entreprises de presse
|
37
|
- Une meilleure protection des droits d'auteur
|
35
|
- La création d'un conseil d'éthique
|
32
|
- Ne se prononcent pas
|
-
|
TOTAL
|
(1)
|
(1) Total supérieur à 100, les
interviewés ayant pu donner trois réponses
ANNEXE 3 : Classement 2010 «
Liberté de la presse dans le monde» de
Reporters sans
frontière
Rang Pays Note
1 Finlande 0,00
- Islande 0,00
- Norvège 0,00
- Pays-Bas 0,00
- Suède 0,00
- Suisse 0,00
7 Autriche 0,50
8 Nouvelle-Zélande 1,50
9 Estonie 2,00
- Irlande 2,00
11 Danemark 2,50
- Japon 2,50
- Lituanie 2,50
14 Belgique 4,00
- Luxembourg 4,00
- Malte 4,00
17 Allemagne 4,25
18 Australie 5,38
19 Royaume-Uni 6,00
Etats-Unis
20 (territoire 6,75
américain)
21 Canada 7,00
- Namibie 7,00
23 Hongrie 7,50
- République
tchèque 7,50
25 Jamaïque 7,67
26 Cap-Vert 8,00
- Ghana 8,00
- Mali 8,00
29 Costa Rica 8,08
30 Lettonie 8,50
- Trinidad et
Tobago 8,50
32 Pologne 8,88
33 Chili 10,50
34 Hong-Kong 10,75
35 Slovaquie 11,50
- Surinam 11,50
37 Uruguay 11,75
38 Afrique du Sud 12,00
39 Espagne 12,25
40 Portugal 12,36
41 Tanzanie 13,00
42 Corée du Sud 13,33
- Papouasie
Nouvelle Guinée 13,33
44 France 13,38
45 Chypre 13,40
46 Slovénie 13,44
47 Bosnie-
Herzégovine 13,50
48 Taïwan 14,50
49 Burkina Faso 15,00
- Italie 15,00
51 El Salvador 15,83
52 Maldives 16,00
- Roumanie 16,00
54 Paraguay 16,25
55 Argentine 16,35
56 Haïti 16,38
57 OECS 16,50 nc
58 Brésil 16,60
59 Guyana 16,63
60 Togo 17,00
61 Chypre (partie
Nord) 17,25
62 Botswana 17,50
- Croatie 17,50
64 Bhoutan 17,75
65 Maurice 18,00
- Seychelles 18,00
67 Guinée-Bissau 18,25
68 Macédoine 18,40
69 République
centrafricaine 18,50
70 Bénin 19,00
- Bulgarie 19,00
- Comores 19,00
- Grèce 19,00
- Kenya 19,00
75 Moldavie 19,13
76 Mongolie 19,42
77 Guatemala 20,25
78 Liban 20,50
79 Malawi 21,00
80 Albanie 21,50
81 Panama 21,83
82 Zambie 22,00
83 Nicaragua 22,33
84 Liberia 22,50
85 Serbie 23,00
86 Israël (territoire
israélien) 23,25
87 Emirats arabes
unis 23,75
- Koweït 23,75
- Tonga 23,75 nc
90 Lesotho 24,00
91 Sierra Leone 24,25
92 Kosovo 24,83
93 Sénégal 25,00
- Timor-Leste 25,00
95 Mauritanie 25,38
96 Ouganda 25,50
97 République
dominicaine 26,13
98 Mozambique 26,50
Etats-Unis (hors
27,00
99 territoire américain)
- Géorgie 27,00
101 Arménie 27,50
- Equateur 27,50
103 Bolivie 28,13
104 Angola 28,50
- Montenegro 28,50
- Niger 28,50
107 Gabon 28,75
108 Burundi 28,88
109 Pérou 30,00
110 Djibouti 30,50
111 Samoa 33,00 nc
112 Tchad 33,17
113 Guinée 33,50
114 Congo 33,60
115 Tadjikistan 34,50
116 Madagascar 34,88
117 Indonésie 35,83
118 Côte d'Ivoire 36,00
119 Népal 36,38
120 Jordanie 37,00
121 Qatar 38,00
122 Inde 38,75
123 Zimbabwe 39,50
124 Oman 40,25
125 Gambie 40,50
126 Bangladesh 42,50
127 Egypte 43,33
128 Cambodge 43,83
129 Cameroun 44,30
130 Irak 45,58
131 Ukraine 46,83
132 Israël (hors 47,00
territoire
israélien)
133 Algérie 47,33
- Venezuela 47,33
135 Maroc 47,40
136 Mexique 47,50
- Singapour 47,50
138 Turquie 49,25
139 Ethiopie 49,38
140 Russie 49,90
141 Malaisie 50,75
142 Brunei 51,00
143 Honduras 51,13
144 Bahreïn 51,38
145 Colombie 51,50
- Nigeria 51,50
147 Afghanistan 51,67
République
148 démocratique du 51,83 Congo
149 Fidji 52,75
150 Territoires
palestiniens 56,13
151 Pakistan 56,17
152 Azerbaïdjan 56,38
153 Thaïlande 56,83
154 Bélarus 57,00
155 Swaziland 57,50
156 Philippines 60,00
157 Arabie saoudite 61,50
158 Sri Lanka 62,50
159 Kirghizstan 63,00
160 Libye 63,50
161 Somalie 66,00
162 Kazakhstan 68,50
163 Ouzbékistan 71,50
164 Tunisie 72,50
165 Viêt-nam 75,75
166 Cuba 78,00
167 Guinée
équatoriale 79,00
168 Laos 80,50
169 Rwanda 81,00
170 Yémen 82,13
171 Chine 84,67
172 Soudan 85,33
173 Syrie 91,50
174 Birmanie 94,50
175 Iran 94,56
176 Turkménistan 95,33
177 Corée du Nord 104,75
178 Erythrée 105,00
ANNEXE 4 : Dossier « Pourquoi
l'Islam fait peur », Marianne n° 734, du
14 au 20 mai
2011
199
201
204
Les médias, vecteurs d'une image négative
et
stéréotypée des musulmans :
mythe ou
réalité ?
par Sabrina Soonckindt-Chauchard
Parler d'islam est sujet sensible.
Aborder sa
représentation dans l'espace médiatique, encore plus.
De tout
temps des sujets clefs, comme celui de l'islam actuellement, se sont vu
affublés d'une
portée totalement disproportionnée au
regard de leur envergure réelle.
Emblématiques des tensions
traversant la société de leur époque, ils
déchaînent les passions ; à
l'image des dissensions
inédites qui ont traversé la société
française pendant l'affaire Dreyfus.
Ces thématiques, pourtant
banales au demeurant, ne laissent personne indifférent. Chacun
semble
avoir son avis sur la question, les débats sont virulents et certains
semblent même en
faire une affaire personnelle.
Dans tout ce
processus, les médias, toujours à l'affiIt de l'air du temps,
jouent un rôle
important.
Ainsi, une des grandes questions qui agite lecteurs, auditeurs
et téléspectateurs est la suivante :
Les médias
véhiculent-ils une image négative ou
stéréotypée des musulmans ?
C'est ce à quoi ce mémoire se propose de
répondre humblement.
A la frontière permanente entre mondial et local,
passé et présent, visible et invisible, doutes et
certitudes
la thématique de la représentation de l'islam dans les
médias français est aussi
complexe que passionnante.