1.2.1.2 Risque de
crédit bancaire
Cette partie concernant le risque de crédit aborde la
définition et l'étendu du risque bancaire avant de résumer
la gestion de ce risque.
Le risque de crédit est la forme la plus ancienne du
risque sur les marchés de capitaux. Il est distingué des autres
risques à savoir le risque de marché, le risque
opérationnel, le risque actif-passif, le risque de liquidité et
le risque d'exploitation.
La plupart des définitions de crédit font appel
à son sens étymologique « credere »
qui veut dire croire, faire confiance. La confiance que le prêteur a en
l'emprunteur est donc la base de toute opération de crédit.
L'ouverture de crédit peut être décrite
comme " la convention par laquelle un banquier s'engage à mettre
à la disposition de son client pour un temps déterminé ou
indéterminé un certain crédit dont le
bénéficiaire usera à sa guise, soit en touchant les fonds
soit en tirant une traite ou un chèque sur le banquier "
(Delebecque et Germain, 2000).
Le crédit introduit donc les notions de temps et de
délai car il est consenti pour une durée limitée,
renouvelable ou non, ou illimitée.
Enfin, il y a la promesse que l'emprunteur respectera son
engagement vis-à-vis du prêteur dans le délai convenu ce
qui s'assimile à une contrepartie de la confiance qu'il inspire en ce
dernier. Ainsi selon Georges Petit-Dutaillis (1981) : « faire du
crédit, c'est faire confiance ; c'est donner librement la
disposition effective et immédiate d'un bien réel ou d'un
pouvoir d'achat, contre la promesse que le même bien, ou un bien
équivalent vous sera restitué dans un certain délai, le
plus souvent avec rémunération du service rendu et du danger
couru, danger de perte partielle ou totale que comporte la nature même de
ce service ». Le crédit bancaire est également
octroyé à un taux convenu entre le banquier et l'emprunteur afin
de rémunérer le service rendu et le risque pris par le
banquier.
Le risque de crédit s'étend à plusieurs
secteurs de l'économie à savoir les entreprises, les banques et
les institutions financières. Pendant longtemps, ce risque était
associé au risque de défaut des Etats et aux transactions
commerciales internationales, c'est-à-dire aux exportations et aux
importations. Avec le développement des marchés internationaux de
capitaux le risque de crédit s'étend au risque de
dégradation de la qualité des émetteurs de titres
financiers. Il ne suffit donc plus qu'il y ait défaut pour parler du
risque de crédit car la dégradation de la valeur d'actif par
anticipation d'une baisse ou d'une hausse sur le marché suffit pour
parler de risque de crédit. Vu l'étendu et son évolution,
sa gestion devient de plus en plus complexe et demande des ressources de plus
en plus importante selon les secteurs concernés. Dans le secteur
bancaire où tout crédit représente une anticipation de
recette future comportant un risque de perte en capital ou en capital plus
intérêt, la gestion du risque concerne la détermination du
risque bancaire à travers le montant de l'exposition au risque, la
probabilité de perte et le taux de recouvrement. Elle concerne
également son évolution à travers ses variantes. Il
convient donc de décrire quelques étapes du risque de
crédit pour mieux la cerner.
Ce paragraphe présente un aperçu de la gestion
du risque à travers ses différentes étapes.
Le risque de crédit a trois grandes composantes :
le risque de défaut de remboursement, le risque de recouvrement en cas
de défaut et le risque de variation de l'exposition à l'approche
du défaut. Gérer le risque de crédit revient à
déterminer la perte probable à laquelle la banque doit faire face
en cas de défaut de l'emprunteur : on parle de la
détermination de l'exposition au risque de crédit. Cette
détermination passe par l'estimation de la qualité de
l'emprunteur et donc de celle du crédit. Il s'agit de mesurer le risque
à travers les ratings qui consiste à procéder
à une notation de l'emprunteur ou de l'instrument de crédit
à travers les systèmes de notation interne ou externe à
la banque. La réforme de Bâle II permet aux banques d'avoir leur
propre système interne de notation des emprunteurs mais que l'organe de
régulation doit valider en amont. Cette réforme donne
également la possibilité de se référer aux
systèmes externes standards de notation basés sur le
rating (note) fourni par les agences de notation comme Moody's et
S&P (Standard and Poor's). A travers la note estimée de la
contrepartie, soit par le système interne ou soit par celui externe, on
détermine la probabilité de défaut de l'emprunteur. Ce
dernier permet, en plus de la détermination du taux de recouvrement, du
montant du marché de l'exposition, des garanties éventuelles, de
la maturité du crédit et du taux d'intérêt, de
déterminer le risque auquel la banque fera face dans d'octroi d'un
crédit.
La gestion du risque, par son importance, a fait et continue
de faire l'objet de plusieurs réformes depuis le Bâle I en 1998
où le rapport de Cook indique le contrôle prudentiel permettant
d'imposer le capital de couverture minimum de 8% du total des encours
pondérés de la banque. Cette réforme présente des
erreurs d'appréciation surtout concernant la notation des entreprises
privées qui se voient attribuer une pondération de 100% à
provisionner sur le total de crédit à lui accorder quels que
soient leur taille, la maturité de leur crédit,
l'amélioration de leur situation financière alors qu'au
même moment l'Etat se voit attribuer une pondération de 0% jugeant
que ce dernier ne peut être en faillite dont les crises
financières démontrent le contraire. L'actuelle réforme
dénommée Bâle II, a renforcé l'autorégulation
par les banques elles-mêmes en matière de gestion de crédit
en facilitant la tâche aux banques dans la détermination du
capital minimum de couverture. Mais au regard de l'exagération des
banques en matière d'octroi de crédit entraînant des crises
de crédit pouvant ébranler le système bancaire, le secteur
financier voire toute l'économie, les réflexions sont
actuellement en cours pour une nouvelle réforme corrigeant les
dysfonctionnements constatés; peut-être un Bâle III en
perspective. A chaque contrainte imposée par les réformes, les
banques essaient de trouver des palliatifs afin de réduire les charges
que représente le capital minimum en déplaçant des
crédits de leur portefeuille vers des activités connexes ou
externes. Ainsi le marché secondaire des créances a vu le jour
avec des instruments comme les swaps de crédits, les produits
dérivés, les contrats à terme et les options ayant tous
pour titres sous-jacents des crédits. Le risque sans contrôle est
donc déplacé vers un sous-secteur non réglementé et
sans contrôle donc. L'activité de crédit a aussi
évolué vers la titrisation après l'étape de
rehaussement de la valeur des crédits en souffrance par les rehausseurs
afin de leur donner une valeur marchande de qualité. La titrisation
permet d'utiliser les créances comme les éléments
sous-jacents pour émettre des titres afin d'améliorer l'actif du
bilan. Grâce à la notation obtenue par amélioration du
portefeuille de crédit après son épuration de certains
crédits pour alléger les charges liées au capital minimum
du Bâle II, la note de la banque s'améliore et les titres qu'elle
présente sur le marché avec une bonne note circulent
aisément.
1.2.2 Fondements théoriques de l'étude
L'idée que la séparation entre la
propriété du capital et les fonctions managériales soit
source d'inefficacité a été avancée pour la
première fois par Berle et Means (1932). La grande firme
managériale capitaliste pose donc un défi au libéralisme
économique et au système capitaliste puisqu'elle met en cause la
prééminence des principes de
propriété privée.
Dans la théorie de l'agence proposée par Jensen
et Meckling (1976), l'accent a notamment été mis sur les divers
mécanismes permettant de réduire les coûts d'agence
résultant des conflits entre dirigeants et actionnaires minoritaires.
Ces mécanismes sont généralement appréhendés
sous l'angle disciplinaire, c'est-à-dire à travers leur
capacité à inciter les dirigeants à créer de la
valeur pour les actionnaires ou à les contrôler efficacement
(notamment à remplacer les dirigeants s'ils ne satisfont pas les
intérêts des actionnaires). Il est possible de distinguer ces
mécanismes, d'une part, selon leur caractère intentionnel ou
spontané, d'autre part, selon leur caractère spécifique ou
non spécifique (Charreaux, 1997). Pour Jensen et Meckling (1976) dans la
théorie de l'agence, le problème posé par la
séparation propriété/gestion-décision a une double
origine : les divergences d'intérêt et les difficultés
des actionnaires à contrôler les dirigeants.
Pour le premier aspect, les divergences
d'intérêts viennent du fait que, d'un côté les
actionnaires soupçonnent les dirigeants de vouloir profiter de leur
position pour élaborer les projets grandioses à leur avantage et
de l'autre, l'objectif des actionnaires est supposé se résumer
à la maximisation de la valeur de la firme ; seuls les projets
rentables doivent donc être entrepris.
Pour le second aspect, Jensen (1993) propose que les
actionnaires utilisent le couple surveillance-sanction et incitation. Il s'agit
donc de montrer que la grande firme capitaliste managériale est viable
mais ces dispositifs sont coûteux et pour lui il faut éviter de
les faire supporter par les seuls actionnaires d'où la proposition de la
gestion des « coûts d'agence » qui sont
supportés par les deux parties et qui sont à la fois
monétaires et non-monétaires. La théorie de l'agence a eu
et continue d'avoir de l'influence sur d'autres théories surtout
concernant la théorie de l'organisation comme « le retour de
l'actionnaire » de Batsch (2002) et la gouvernance d'entreprise.
« Le retour de l'actionnaire » met
l'accent sur les différences entre le capitalisme `familial'
(propriété-gestion), le capitalisme managérial
(propriété/gestion) et le capitalisme financier
(propriété/gestion). Le capitalisme managérial donne le
pouvoir exécutif aux managers alors que le capitalisme financier voit
les actionnaires dominés par les investisseurs institutionnels qui
gèrent collectivement l'épargne individuelle.
La gouvernance d'entreprise recouvre l'organisation des
relations entre les différents partenaires de l'entreprise dont les plus
importants sont les actionnaires et les dirigeants. Les travaux sur le
thème de la `Corporate governance' ou gouvernement d'entreprise
portent sur le système de contrôle des `contrôleurs `.
Selon ces travaux et tout comme dans la théorie des
« coûts de transaction » de Williamson, la bonne
gouvernance est celle qui assure le meilleur contrôle au moindre
coût.
L' Organisation de Coopération et de
Développement Economiques (OCDE) de son côté a
publié en 1999 un rapport sur les « Principes de gouvernance
d'entreprise », dont les grandes orientations sont les
suivantes :
§ que les dirigeants ne profitent pas de
l'asymétrie d'information, et respectent le principe de la transparence
de l'information (obliger).
§ que les structures de décision (Conseil
d'administration) assurent efficacement la défense des
intérêts des actionnaires (Sanctionner).
§ que des structures d'incitation soient mises en place,
les incitations monétaires étant privilégiées
(stock-options) (inciter).
Les recommandations de l'OCDE sont en phase avec celles issues
des travaux de Jensen (1993). Dans son article, ce dernier pose les conditions
permettant au CA d'être un mécanisme efficace, telles
que :
§ le dirigeant devrait être le seul membre interne
siégeant au CA afin d'éviter l'influence de ce dernier sur
d'autres membres internes qui seraient présents au CA ;
§ la détention d'un nombre significatif de titres
de la firme par le dirigeant et les membres du CA pour qu'existe une certaine
convergence d'intérêts avec les actionnaires ;
§ la séparation des fonctions de dirigeant et de
président du CA afin d'éviter une forte concentration des droits
décisionnels qui exacerbe les conflits d'intérêts entre ce
type de dirigeant et le CA réduisant ainsi l'efficacité de
la surveillance exercée par ce dernier.
Charlety (2007) propose de cerner l'impact du CA sur la prise
de risque à travers sa composition, sa taille et son mode de direction.
Ce qui a été déjà fait dans les travaux
antérieurs et dont nous présentons quelques résultats dans
le cadre empirique de cette étude.
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