De la certification et de la traçabilité des ressources naturelles transfrontalières: cas du gaz méthane du lac Kivu( Télécharger le fichier original )par Serge NYAKADEKERE NKUNZI Université' de Goma - Licence en droit public interne et international 2010 |
3.1. Exécution des arrêts de la CIJ3.1.a. L'exécution normale des arrêts de la CIJ L'arrêt rendu immédiatement par la Cour doit être immédiatement exécuté, les parties n'ont donc pas besoin d'aucune procédure particulière pour sa mise en oeuvre, point n'est besoin qu'elles l'acceptent ou la ratifient. Cette sorte d'exécution naturelle des arrêts de la Cour découle de l'alliance d'un diptyque d'éléments à savoir : la force probante des arrêts de la CIJ122(*) d'une part et la bonne foi des parties123(*) d'autre part. L'arrêt de la Cour entraîne deux effets juridiques fondamentaux. Le premier est la force obligatoire qui y est attachée, et l'autre est son caractère définitif. a. L'autorité de l'arrêt de la Cour La sentence internationale est obligatoire pour les parties, qui doivent la considérer comme le règlement définitif de leur differends. Il y a là une vieille règle coutumière, accueillie par le droit conventionnel, notamment par l'article 84 de la convention de la Haye de 1907 pour le règlement pacifique des différends, et les articles 59 et 60 du statut de la CIJ. Les Etats parties à l'instance sont donc dans l'obligation de se conformer à la sentence et de prendre les mesures législatives, règlementaires, juridictionnelles propre à en assurer l'effet. La jurisprudence a insisté sur cet effet du principe à l'égard du juge interne notamment dans l'arrêt CHORZOW rendu par la CPJI le 13 septembre 1928. Dans une autre espèce, société commerciale (Belgique dans l'arrêt du 15 juin 1939, la CPJI a posé le principe selon lequel l'Etat plaideur qui ne se considérerait pas comme lié par la sentence engagerait sa responsabilité internationale. Bien entendu, la force obligatoire de l'arrêt de la cour ne concerne que les Etats parties à l'instance, et ce, sur l'objet précis du litige. C'est le principe de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt, et consacrée par l'article 59 du statut de la CIJ. b. Le caractère définitif de l'arrêt de la Cour L'immutabilité de l'arrêt est une des règles les plus certaines du contentieux international. Elle trouve sa consécration normative dans l'article 60 du statut de la CIJ : « l'arrêt est définitif et sans recours ». Le caractère d'immutabilité de l'arrêt n'a pas exactement le même fondement juridique que sa force obligatoire. La force obligatoire est inhérente à l'essence même de l'arrêt, et une décision juridictionnelle privée de force obligatoire est inconcevable. En effet, il est possible de concevoir qu'une décision juridictionnelle soit changée, même indéfiniment, bien qu'elle oblige toujours les parties, tant qu'elle existe. L'immutabilité de l'arrêt n'exprime que la proscription faite à un juge de revenir sur la décision prise par la CIJ, en raison du principe non bis in idem. En somme, c'est fort de son caractère obligatoire et définitif que les parties doivent exécuter l'arrêt, et ce, de bonne foi. 3.1.b. L'exécution de bonne foi des arrêts de la CIJ Les caractères obligatoire et définitif de l'arrêt expliquent pourquoi celui-ci doit être mis en oeuvre régulièrement. Cependant, ceci ne peut totalement se faire en dehors de la volonté des Etats parties, car si lesdits arrêts ont une force obligatoire, ils n'ont aucune force exécutoire. En effet, puisqu'il n'existe pas de voies d'exécution forcées pouvant être mises en oeuvre par la Cour pour contraindre les Etats parties à exécuter ses arrêts, comme c'est le cas en droit interne, la bonne foi des parties à l'instance est donc nécessaire à cette fin. Cependant, la nécessité de bonne foi des Etats parties ne signifie pas une absence d'obligation qui pèserait sur ces derniers, vis-à-vis de l'arrêt. Une lecture attentive de l'article 94 de la charte des Nations unies, en son alinéa 1er, laisse transparaitre clairement une obligation pour les Etats parties à ladite charte de se conformer aux arrêts de la CIJ en ces termes : « Chaque Etat membre des Nations unies s'engage à se conformer à la décision de la Cour internationale de justice dans tout litige auquel il est partie ». Il en découle une obligation basée sur la règle Pacta Sunt Servanda, pour tous les Etats parties à la charte de San Francisco du 26 juin 1945. On note donc une rémanence du consensualisme et du volontarisme, deux notions au coeur du droit international général, dans la mise en oeuvre des arrêts de la Cour. Bref, les parties à l'instance sont liées par l'arrêt de la Cour, décision obligatoire et définitive. Toutefois, cette immutabilité de l'arrêt ne fait guère obstacle à l'introduction des recours éventuels auprès de la CIJ, contre ses arrêts, tel qu'il est prévu aux articles 60 et 61 du statut de la Cour, même ceux portant sur les exceptions préliminaires124(*). 3.1.c. Les voies de recours contre les arrêts de la CIJ On entend par voie de recours, tout moyen juridictionnel tendant à la réformation, la rétractation ou la cassation d'une décision de justice.Le statut de la CIJ prévoit deux voies de recours : - Le recours en interprétation ; et - Le recours en révision. a. Le recours en interprétation. Le recours en interprétation est l'action introduite par une partie qui cherche à obtenir des éclaircissements sur le sens d'une décision juridictionnelle antérieure. Cette voie de recours telle qu'organisée par le statut et le règlement de la CIJ a une portée certaine. * L'organisation du recours en interprétation C'est avec la création de la Cour de justice centraméricaine en 1907 que le recours en interprétation fut expressément prévu dans une convention régissant le fonctionnement d'une juridiction internationale125(*). Le statut de la CPJI, devenu en 1946 statut de la CIJ en fit autant en son article 60 qui dispose : « ...en cas de contestation sur le sens et la portée de l'arrêt, il appartient à la Cour de l'interpréter à la demande de toute partie ». C'est dans le même esprit que l'article 98 du Règlement de la CIJ reconnaît cette faculté aux parties. Quel que soit le moyen par lequel elle est introduite, la demande en interprétation doit préciser le ou les points contestés quant au sens et à la portée de l'arrêt. La Cour peut si elle le trouve nécessaire, donner la possibilité aux parties de lui fournir un supplément d'information. * L'intérêt du recours en interprétation L'article 60 du statut de la CIJ est remarquable, car non seulement il donne compétence à la Cour à l'effet d'interpréter ses propres arrêts, mais il crée pour elle en la matière un nouveau chef de compétence obligatoire. En effet, à supposer que le 1er arrêt qualifié d'obscur, ait été rendu à la suite d'un compromis, il n'est pas nécessaire qu'un nouvel accord des parties intervienne pour saisir la Cour d'une demande en interprétation dudit arrêt. La Cour peut donc en ce sens être saisie par requête unilatérale, comme cela ressort de l'article 60 sus cité. b. Le recours en révision Le recours en révision est une voie extraordinaire de recours qui tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée, pour l'une des causes spécifiées par la loi, afin qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit, la rétractation sollicitée du juge se référant à un vice qui entache sa décision sans erreur de sa part126(*). Prévu par l'art.61 du statut de la CIJ, le recours en révision est soumis à certaines conditions de fond et de forme. * Les conditions de fond Aux termes de l'article 61 du statut de la CIJ, il est relevé qu'un arrêt ne peut être soumis éventuellement à la révision auprès de la Cour qu'en raison de la découverte d'un fait de nature à exercer une influence décisive et qui avant le prononcé de l'arrêt, était inconnu de la Cour et de la partie qui demande la révision sans qu'il y ait l'ignorance de sa part. En effet, ce n'est qu'après avoir constaté la réalité de l'existence d'un fait nouveau et lui avoir reconnu les caractères qui donnent ouverture à la révision que la Cour ouvre la procédure en révision. Ceci se fait par un arrêt de la Cour, qui déclare, entre autres le chef de la demande recevable. Par ailleurs, selon les dispositions de l'alinéa 3 du même article 61, similaires à celles de l'article 99 du règlement de la Cour en son alinéa 5, la Cour peut exiger l'exécution préalable de l'arrêt comme condition de l'ouverture de la procédure en révision. * Les conditions de forme Elles tiennent notamment aux délais. La demande en révision n'est recevable que si elle est formée dans les six mois qui courent après la découverte du fait nouveau, sur lequel se fonde la demande127(*). Cependant, il ne faudrait pas entendre par là qu'il existe une sorte d'imprescriptibilité, car en effet, l'alinéa 5 de l'article 61 dispose : « aucune demande de révision ne pourra être formée après l'expiration d'un délai de dix ans à dater de l'arrêt ». En somme, seuls deux types de recours peuvent être introduit, les deux pouvant être admis dans une seule et même affaire devant la Cour, ou devant une chambre, selon que c'est l'une ou l'autre qui a rendu l'arrêt objet du recours. Quel que soit les cas, la décision rendue sur les demandes en interprétation ou en révision d'un arrêt, prend aussi la forme d'un arrêt. Ce qu'il faut retenir à ce niveau c'est que la sentence de la CIJ est obligatoire et définitive, et que les plaideurs ont le devoir juridique de la mettre en exécution. 3.1.d. L'exécution forcée des arrêts de la CIJ En droit international il n'existe pas d'entité supérieure aux Etats souverains, disposant d'un pouvoir de contrainte à l'égard de ces derniers. Cependant, les Etats peuvent tout de même décider autrement en ce qui concerne l'exécution des décisions de justice par des dispositions conventionnelles de diverses natures. En effet, la source fondamentale de la force contraignante des décisions de la CIJ repose sur la volonté des Etats. Cette volonté est exprimée à travers la charte des nations unies de 1945, qui prévoit le recours au conseil de sécurité en cas d'inexécution par une partie de la décision de la CIJ. Le Pacte de la SDN à son article 13 §4 n'avait fourni qu'une esquisse de solution en disposant que faute d'exécution d'une sentence arbitrale ou d'un jugement, le conseil proposerait les mesures qui doivent en assumer l'effet. Dans cette disposition on peut y voir la base d'un mécanisme d'exécution forcée dans les relations internationales compte tenu des compétences et responsabilités du conseil de sécurité de l'ONU, les voies d'exécution pourraient aller jusqu'à des mesures de contraintes obligatoires pour l'ensemble des membres de l'ONU. Le système de l'article 94 §2 de la charte de l'ONU est resté purement théorique jusqu'à présent. On constate que cette disposition n'a été évoquée que pour quelques affaires et dont la réalisation n'a pas été effective, notamment dans l'affaire du personnel diplomatique des Etats-Unis à Téhéran de 1980 et celui de 1986 sur les responsabilités des Etats-Unis dans les activités militaires contre Nicaragua. L'efficacité du mécanisme de l'article 94 connaît une limitation par le fait qu'il laisse au conseil de sécurité la faculté d'apprécier de la nécessité de faire des recommandations ou de décider des mesures à prendre pour contraindre la partie récalcitrante à exécuter l'arrêt128(*). Les faiblesses de ce moyen ont amené les Etats à développer un moyen alternatif d'exécution des arrêts de la Cour : la négociation. Les Etats peuvent procéder à l'exécution négociée des arrêts de la CIJ. 3.1.e. L'exécution négociée des arrêts de la CIJ L'exécution négociée des arrêts de la CIJ est une pratique qui s'appuie sur la diplomatie officielle et ad hoc des Etats parties au différend. Ainsi, les parties se rencontrent directement ou par l'entremise d'autres Etats alliés ayant d'influence sur la partie adverse, pour voir si elles peuvent d'un commun accord mettre en oeuvre l'arrêt de la Cour. Cette forme d'exécution s'impose parfois d'elle-même aux parties notamment pour les arrêts de la CIJ prononcés en matière de réparation de dommages. En effet, il ne suffit pas de se réjouir du prononcé d'un arrêt rendu en sa faveur, encore faut-il le mettre en oeuvre surtout que le mécanisme d'exécution forcée ne peut résoudre le problème de délai observé dans les arrêts de la CIJ en matière de réparation. La jurisprudence de la Cour renseigne sur la disparité qu'il y a entre le prononcé de l'arrêt et celles de l'exécution de certains arrêts. Ainsi en est-il à titre d'exemple des affaires du temple de Preah Vihear (six mois), de la bande d'Aouzou (quatre mois), Detroit de corfou (quarante ans),... Le recours à l'exécution négociée des arrêts dépend également des motivations de la partie gagnante comme ce fut le cas dans l'arrêt rendu par la CIJ respectivement dans l'affaire du différend frontalier terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, et l'affaire du différend territorial à propos de la bande d'Aouzou, opposant le Tchad et la Libye129(*). * 122 Nguyen, Dallier P et Pellet A., Op.cit., p.896. * 123 Idem., p.898. * 124 Arrêt du 25 mars 1999 portant sur la frontière maritime et terrestre entre le Cameroun et le Nigéria. * 125 Art.24 du statut de la cour de justice centraméricaine de 1907. * 126 KITOGA KASILENGE, Procédure civile, notes de cours, G2 Droit, UNIGOM, 2008, Inédit. * 127 Art. 61 alinéa 4 du statut de la Cour. * 128 Nguyen Q-D, Dallier P et Pellet A, Op.cit., p.896. * 129 www.cij.org,les-modes-d'exécution-des-arrets-de-la-CIJ,consulté 20 Août 2011,1 h 30'. |
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