Internet et démocratie( Télécharger le fichier original )par Lionel VEH Université catholique de l'Afrique de l'ouest - Maà®trise 2011 |
PREMIERE PARTIE: INTERNET UN OUTIL AU SERVICE DE LA DEMOCRATIEInternet est sans doute la révolution technologique du moment. Il a été recensé en Novembre 2009 près de 1.8 milliards d'utilisateurs dans le monde2(*), soit environ 2/4 de la population mondiale. Créé aux Etats-Unis en 1969 en pleine guerre froide, internet devait répondre à des besoins de stratégies militaires. Mais très vite, un défaut va apparaître dans cette entreprise : internet est un réseau universel, ce qui n'est pas de l'avantage des autorités militaires, dont le « secret défense » est la règle. Cette faille va faire d'internet un réseau civil usité par les universités et ouvert à tous. Internet par son caractère universel, va développer les ferments de la démocratie que sont: la liberté d'expression, l'égalité, la pluralité des opinions, le partages de connaissances (Chapitre Premier), ceux-ci se développant prioritairement en occident, dont l'exemple pourrait nous inspirer (Chapitre deuxième) CHAPITRE I : INTERNET, UN RESEAU QUI DEVELOPPE LES FONDEMENTS DE LA DEMOCRATIE.Internet est devenu un réseau universel et ouvert, loin de la confiscation militaire dont-t- elle faisait l'objet. Devenu le symbole même de la révolution technologique, un outil de communication nouveau, internet a basé son développement sur la liberté, l'échange et le partage, notions qui sont à la base de la démocratie elle-même. Internet est en plus, une véritable promesse pour l'idéal démocratique (SECTION I), dont le fondement même est le partage (SECTION II) SECTION I: INTERNET, UNE PROMESSE DE L'IDEALDEMOCRATIQUE.La démocratie, a toujours aspiré à un idéal ou l'implication de chaque citoyen dans les prises de décisions politiques serait l'accomplissement de sa forme la plus complète. Comme l'affirme le professeur Lancine Sylla: «...c'est donc dire que la démocratie n'est jamais réalisée totalement, et qu'elle est toujours perfectible ».3(*) Il ajoute même que: « La démocratie serait donc conçue comme une sorte d'idéaltype wébérien dont les réalisations concrètes jalonnent l'histoire mouvementée des peuples à travers l'espace et le temps ».4(*) Cependant après de nombreuses tentatives, internet représente pour de nombreux observateurs l'espace idéal, dont les caractéristiques manifestent les ferments de l'idéal démocratique. En effet sur le réseau, se manifeste une véritable démocratie non seulement directe mais aussi participative, sans censure, sans discrimination, étant entendu que les fondements d'internet que sont la liberté d'expression et la pluralité des opinions sont observées sur le réseau (PARAGRAPHE I).Sur internet chacun a le droit de dire ce qu'il pense sans distinction de sexe, de race, ou d'âge. Internet est aussi une formidable promesse d'égalité5(*) (PARAGRAPHE II). PARAGRAPHE I : LES BASES COMMUNES DE LA DEMOCRATIE ET DE L'INTERNET.« Rationnellement et en fait, la démocratie est indissociablement liée à l'idée de liberté. Sa définition la plus simple et également la plus variable, à savoir le gouvernement du peuple par le peuple, n'acquiert son plein sens qu'en considération de ce qu'elle exclut: le pouvoir d'une autorité qui ne procéderait point du peuple. Ainsi la démocratie est d'abord un système de gouvernement qui tend à inclure la liberté dans le rapport politique, c'est-à-dire dans les relations de commandement à obéissance, inhérentes à toute société politiquement organisée. L'autorité y subsiste sans doute, mais elle est aménagée de telle sorte que : fondée sur l'adhésion de ceux qui lui sont soumis, elle demeure avec leur liberté »6(*) cette réflexion de BURDEAU montre bien le sens profond que revêt l'idée de liberté en démocratie. Elle est le fondement de tout. Elle est même : « à la racine de l'idée de démocratie »7(*) selon Hans Kelsen. Sur internet la principale règle est la liberté d'expression. A cet effet, il faut souligner que le débat électronique à travers les blogs et les forums de discussions est un formidable outil pour la liberté d'expressions .Comme pouvait le dire Alex Laupèze chercheur: « Depuis le milieu des années 90, l'internet est devenu un phénomène `' technico-social `' dont l'influence et l'expansion n'a cessé de croitre ; ce succès couronne la vertu première du réseau mondial, celle de la satisfaction des libertés individuelles. L'ouverture du réseau au public a conduit à une appropriation massive par celui-ci, d'un mode de communication situé entre l'audiovisuel et la télécommunication. Elle a aussi conduit à l'avènement des communautés virtuelles. Pour ces communautés les systèmes de conférences ou de discussions, dont fait partie le forum, sont des tremplins pour entrer dans une ère de l'interactivité »8(*) . Internet est en ceci un instrument d'échanges donc de liberté d'Expression (A). Or, s'il est ouvert à la discussion internet s'enrichit aussi de sa pluralité(B).On accepte mieux sur internet ce qu'on ne serait pas capable d'accepter, ou ce que l'on condamnerait facilement dans la vie réelle. Au début des années 90, internet est souvent présenté comme une nouvelle agora électronique. Dans le premier livre qui va populariser cette nouvelle technologie9(*), le journaliste Howard Rheingold compare longuement internet à l'espace public `'habermassien'', du nom du philosophe et sociologue allemand contemporain Jürgen Habermas10(*) chez qui : « la politique s'inscrit dans une visée éthique et notamment dans la visée d'une éthique de la discussion »11(*), discussion qui admet toutefois le consensus. Cette vision politique d'internet sera reprise par de nombreux auteurs et notamment par Al Gore, alors vice-président des Etats-Unis, lors d'un discours à l'Union Internationale des Télécommunications.12(*) « L'internet marque une nouvelle ère dans la communication humaine. Au centre de la vague numérique, le forum de discussion s'affirme de plus en plus comme l'Archétype de cette nouvelle façon de communiquer. S'inscrire sur un forum entraîne l'adhésion à une communauté virtuelle, afin d'y partager un intérêt commun et surtout laisser libre cours à sa liberté d'expression. Comme tel, le forum de discussion est reconnu par les internautes comme un objet démocratique et cristallise la liberté d'opinion revendiquée par ces derniers. Les forums ont émergé dans les années 70 et les logiciels n'ont cessé de s'améliorer afin de contenir les fortes hausses de participation. Le forum électronique fait émerger de nombreuses communautés et sert les nouvelles gouvernances qui s'affirment en dehors des structures étatiques connues ».13(*) Internet présente de nouveaux défis à la démocratie. N'étant plus soumis aux instances de filtrage des comités de rédaction, les points de vue individuels peuvent se donner libre cours et éclipser les opinions des experts par des prises de position radicales et spectaculaires. Dans la Grèce antique, l'invention de l'agora avait entraînée une remarquable expansion de la parole publique qui avait culminé dans la rhétorique et la sophistique, provoquant la réaction de Socrate et de Platon, défenseurs de la primauté du vrai sur les séductions du discours. Le nouvel espace de l'internet, ouvre à la parole bien plus de possibilités que l'agora athénienne. Court-circuitant les instances intermédiaires classiques, les forums et autres outils web alimentent l'utopie d'une parole circulant sans frein, collaborative, donnant aux citoyens l'espoir qu'une démocratie participative directe est possible, que les textes fondateurs du consensus social peuvent être réécrits en temps réel, comme dans le modèle wiki14(*). Internet est un espace où il est plus facile qu'ailleurs de produire de l'information, où les barrières sont levées. De nombreuses opinions s'expriment sur internet qui n'ayant pas, ou difficilement trouvé des espaces d'expression dans les médias classiques. Ce fut le cas lors du référendum sur la constitution européenne. Alors que les promoteurs du « oui » ont eu accès largement aux médias classiques, les partisans du « non » qui dans l'ensemble n'appartenaient pas aux organisations politiques dominantes, ont largement utilisé le web pour présenter leur opinion. D'après l'étude de Guilhem Fouetillou, les deux tiers des sites web qui ont traité du référendum soutenaient le « non ». Dans ce cas, le web est apparu comme le moyen de communication de ceux qui étaient mal représentés dans les médias classiques. Par ailleurs, le web s'est aussi ouvert à des courants d'opinion minoritaires voir marginaux et notamment aux mouvements négationnistes et à différents groupes racistes. Au-delà de l'expression politique de groupes constitués (médias, organisations politiques ou idéologiques...), internet donne également la possibilité à des individus de prendre la parole à travers des sites d'auto-publication ou blogs. En effet l'expansion de ces nouveaux outils du web est fulgurante. Ceci dit, il est vrai qu'Internet par l'intermédiaire de ces plateformes est un véritable espace public et la preuve d'une véritable liberté d'expression. Cependant, internet, c'est aussi un esprit favorable à la diversité des opinions(B). B. LA PLURALITE DES OPINIONS.Internet est un vrai tremplin de la diversité des opinions. Ces opinions sont si larges qu'internet ne présente pas de problèmes de religions, d'âge et de sexe. Internet rejoint l'idée de « démocratie idéale », où tout citoyen peut participer au débat public. C'est un espace qui ouvre le débat en se présentant comme une véritable `'Agora électronique''. Cette ouverture a pour objet de favoriser l'esprit démocratique en ce sens qu'elle ne fait plus de distinction mais a plutôt tendance à encourager une profusion d'idées nouvelles. Aujourd'hui internet est le canal par excellence des sans voix car il est possible de trouver de toutes les tendances sur internet. Des plus modérées, aux plus radicales. Internet constitue un véritable canal de foisonnement d'idées où Grâce aux groupes de discussion ou aux listes de diffusion, des milliers d'individus peuvent confronter leurs points de vue. Il présente l'avantage d'être un forum ouvert aux courants d'opinions mal ou peu représentés dans l'espace public traditionnel. C'est ainsi que grâce à Internet un débat s'est ouvert en France, au début de 1998, sur l'Accord multilatéral sur l'investissement de l'O.C.D.E. qui avait échappé à l'attention des médias.15(*) En rendant plus poreuses les formes de prise de parole, internet favorise la circulation des informations, tout en visant une plus grande « transparence » des sociétés. Il contribue à répandre tout un ensemble de contenus jusqu'alors retenus par des digues techniques, juridiques, institutionnelles ou commerciales. Cette libération des contenus bouleverse les frontières traditionnelles de l'économie de la connaissance, et élargit l'espace de la critique en offrant de nouvelles sources de vérification citoyenne. Internet représente donc par sa diversité et la pluralité de ses idées un véritable booster pour la démocratie en ce sens qu'il libère le débat. Sur ce sujet, de nombreux interviewés valorisent la diversité. Ils expriment le plaisir qu'il y a à rencontrer en ligne des gens différents d'eux par leur origine social ou géographique, mais aussi des gens qui pensent différemment. Ces internautes rencontrent ainsi un public devant lequel ils peuvent s'exprimer. Parfois, ces opinions différentes peuvent les inquiéter ou les heurter, mais c'est plutôt perçu comme une occasion de clarifier ses idées, d'affûter ses arguments. De telles occasions existent rarement dans la vie réelle. Si on généralise les conclusions de l'étude monographique de Stromer-Galley16(*) professeur américain spécialisée dans les nouvelles technologies, on peut considérer qu'internet favorise le débat public. Mais il s'agit d'un débat intentionnel, ces internautes ont décidé de venir spécifiquement sur ces sites. Alors que la participation au débat public en ligne est souvent moins intentionnelle qu'on ne le croit. Une étude menée aux Etats-Unis sur le site Slashdot, conçu pour les passionnés d'informatique, montre que les débats politiques qui se sont tenus sur ce site pendant les élections présidentielles de 2004 ont eu un succès important. Ces discussions politiques qui représentent moins de 5% de l'ensemble ont été les plus actives. Les commentaires sont plus fréquents. En moyenne, il y en a 35% en plus. On a également remarqué en France, que lors de la dernière élection présidentielle, les débats politiques furent également importants sur des sites leaders non politiques comme doctissimo (site sur la santé) ou hardware (site sur l'informatique). * 2 World Internet Usage Statistics News and Population Stats (http:/ / www. internetworldstats. com/ stats. htm) * 3 Sylla(L), « Existe-t-il un modèle universel de démocratie ? »Les Editions du CERAP, Abidjan 2006p16 * 4 Idem p16 * 5 Loveluck(B), « Internet vers la démocratie radicale ? », revue Le débat, numéro 151 septembre-octobre 2008 * 6Cf. Burdeau(G), « La démocratie », Ed du Seuil, Paris 1956.p15 * 7 Cf. Kelsen(H), « La démocratie : sa nature, sa valeur », Ed Dalloz, Paris 2004 page 1 * 8 Dahmani(A),Do-Nascimento(J),Ledjou(J-M),Gabas(J-J), « La Démocratie à l'épreuve de la société numérique », Ed Karthala, Paris 2007, 375p * 9 Rheingold, (H), The Virtual Community. Homesteading on the Electronic Frontier, Ed Harper Perennial, New York, 1994 * 10 Philosophe et sociologue allemande ne en 1929 qui propose une philosophie de la communication qui repose sur l'analyse des processus d'individualisation et de socialisation qui transforment le comportement animal de l'homme. Cette réorganisation s'effectue dans les structures de l'intersubjectivité née de langage * 11 Leleux(C) « La démocratie moderne, les grandes théories », Ed du cerf, Paris 1997p293 * 12 Al Gore, Remarks at International Telecommunications Union, Buenos Aires, March 21, 1994, http://www.goelzer.net/telecom/al-gore.html * 13 Dahmani(A),Do-Nascimento(J),Ledjou(J-M),Gabas(J-J), « La Démocratie a l'épreuve de la société numérique », Ed Karthala, Paris 2007p265 * 14 Système informatique dans lequel les internautes ont la possibilité de modifier le contenu des sites, l'exemple du site contributif wikipedia. * 15 Vedel(T) , Internet(citoyenneté et démocratie), Encyclopédie Universalis. Ed 2009 * 16 Professeur Américain, spécialiste des questions des nouvelles technologies |
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