Internet et démocratie( Télécharger le fichier original )par Lionel VEH Université catholique de l'Afrique de l'ouest - Maà®trise 2011 |
PARAGRAPHE II : INTERNET, UN VRAI MODELE D'ANONYMAT.Internet est un vrai modèle d'anonymat, internet se construit sur l'anonymat. Il suffit pour s'en convaincre de regarder les débats sur le réseau. Tous, ou à peu près tous parlent sous le couvert de l'anonymat, c'est-à-dire des pseudonymes et des surnoms. Il est certes vrai, que beaucoup d'organisations sont d'avis que l'anonymat garantie la liberté d'expression. Cependant l'anonymat sur internet a pour conséquence de présenter de nombreux risques. Notamment des risques sécuritaires mais aussi une vraie crise de confiance entre les internautes. Car s'il est vrai que la démocratie a pour fondement le débat, il n'admet pas le débat sans la transparence. Aujourd'hui sur internet et sous le couvert de l'anonymat, certaines personnes utilisent internet pour commettre des actes peu recommandables. Ainsi donc, les identités fictives, au delà de l'euphorie que présente le débat électronique, posent un véritable problème de crise de confiance(A) qui nous emmène a nous poser la question de savoir s'il est possible de fonder la démocratie d'internet , sur l'anonymat ?(B) A. LES IDENTITES FICTIVES, L'EXPRESSION D'UNE VERITABLE MEFIANCE. Internet s'est construit avec des identités floues et fictives. En effet, avec internet aujourd'hui, la plupart des internautes se créent des identités fictives et mobiles. Comme pouvait le dire Patrice FLICHY, la cause de l'éclatement des opinions sur internet est très souvent le résultat de la création tout azimut d'identités fictives. « Cet éclatement des opinions est encore renforcée par le fait que les identités des internautes sont floues et mobiles. Non seulement les interlocuteurs utilisent des pseudos et se créent une identité virtuelle, mais encore ils peuvent changer d'identité, en avoir plusieurs floues et mobiles. Non seulement les interlocuteurs utilisent des pseudos et se créent une identité virtuelle, mais encore ils peuvent changer d'identité, en avoir plusieurs. »85(*) Cette utilisation des pseudonymes et des identités fictives a pour conséquences, non seulement d'éclater l'opinion mais aussi et surtout de maintenir un caractère de méfiance entre les internautes eux-mêmes. En effet il est question de plus en plus d'insultes dans les espaces de débats électronique. Les internautes se réservent donc le droit de se protéger en cachant leurs identités. Mais très souvent, certains internautes utilisent les identités fictives à des fins criminelles comme la pédophilie et les actes d'escroqueries. En parlant du danger que pouvait constituer l'anonymat Jean Quatremer blogueur belge disait sur son blog « les coulisses de Bruxelles »: « je ne vous cache pas que la généralisation de l'anonymat me pose un problème déontologique : pourquoi se cacher derrière un pseudo pour faire valoir son opinion ? Cette démocratie anonyme a quelque chose d'inquiétant car elle permet à tout un chacun de dire n'importe quoi sans l'assumer. Certains n'hésitent d'ailleurs pas à manier l'insulte, certain qu'on ne les retrouvera jamais... Lorsque je m'exprime, vous savez qui je suis et où me contacter. Si je peux comprendre l'anonymat lorsqu'elle émane de personnes qui sont tenues à un devoir de réserve (comme les fonctionnaires européens), je la comprends moins de la part de « citoyens lambdas », pour reprendre le pseudo de l'un d'entre vous. Comme nous sommes en démocratie, je ne vois pas très bien ce que l'on risque en critiquant, par exemple, Jean-Claude Trichet. Cette pratique quasi généralisée m'étonne donc. Bref, je voudrais ouvrir le débat : pourquoi l'anonymat ? Ne faudrait-il pas rendre le net plus transparent puisque, justement, c'est une demande qui semble émaner de la société ? ». Sur la plupart des réseaux sociaux par exemple, même si les internautes sont invités à dévoiler leur identité, ce n'est pas très souvent le cas et encore la plupart du temps quand ils le font, ils ne le dévoilent qu'à moitié. La première raison de ce comportement est comme nous l'avons dit plus haut un désir de se protéger d'éventuels dangers, comme de se faire pister ou de se faire tracer par exemple. Mais la plupart du temps cela révèle des desseins pas très honnêtes. Souvent, certains internautes se mettent sous le couvert de l'anonymat qu'offre internet pour commettre des actes pas très sains, ou carrément pour usurper des identités. Tout récemment, un Ressortissant américain, pour appuyer la « révolution syrienne » a créé un blog se faisant passé pour une jeune femme syrienne appelée Amina, contestant « les crimes » du régime de Bachar El Hassad président syrien. Ce Blog avait constitué pour la plupart des medias occidentaux l'une des principales sources d'informations concernant la situation sur le terrain. Aussi de nombreuses vidéos montrant des manifestants tués par les soi-disant « forces armées syriennes » sont publiées sur internet par des personnes dont l'identité reste inconnue et dont-on ne peut vérifier ni la fiabilité ni la véracité. L'on pourrait se poser la question de savoir si la démocratie et le débat, qui font la promotion de la liberté d'expression admettent-ils le fait de cacher son identité, le débat public qui exige la liberté de la parole n'admet-il pas en même temps la révélation de l'identité des personnes qui participent au débat ? En outre, toutes ces questions nous emmènent à nous demander si l'on peut fonder la démocratie de internet sur l'anonymat(B) B.PEUT-ON FONDER LA DEMOCRATIE SUR INTERNET SUR L'ANONYMAT ?Pour Patrice FLICHY, l'internet est né sur le modèle de l'anonymat et on se construit des pseudonymes qui nous représentent (parfois avec plusieurs identités). Dans la démocratie, le vote est anonyme, mais la structure qui permet de le valider ne l'est pas. Or sur l'internet, tout est manipulable, on peut avoir plusieurs identités dans un même débat, on peut modifier les audiences... Les gens apprennent à construire leurs identités car ils savent qu'on peut les regarder. La psychologue Sherry Turkle parle d'ailleurs «d'identités floues», en montrant la difficulté de l'élaboration du compromis sur l'internet, car nous ne sommes présents en ligne qu'avec une petite partie de notre identité. Les compromis sont plus faciles dans la vie réelle que sur l'internet où l'on trouve de nombreuses «guerres d'injures». Dit autrement, il est plus facile d'écrire que mon voisin est un con que lui dire dans les yeux. Il est donc difficile de construire sur internet un modèle démocratique comme celui que nous connaissons. Car pouvait le dire Sherry Turkle : « Cette coexistence des identités semble être une des causes majeures de cette difficulté des communautés en ligne à construire un point de vue commun. Dans la vie réelle, les différentes facettes d'un individu sont unifiés par son inscription dans un même corps, dans les interactions en face à face, chaque interlocuteur ressent ainsi la complexité de l'autre et peut s'appuyer sur cette complexité pour trouver un accord. »86(*) Les communautés virtuelles encouragent, au contraire, la multiplicité de points de vue rigides plutôt que la flexibilité.87(*) Cette caractéristique d'internet l'empêche véritablement quoi qu'il ouvre le débat, d'atteindre un niveau de diversité et de transparence comme le voudrait le système démocratique dans son idéal. Car comment l'on peut imaginer un débat sans voir à quoi ressemble véritablement son interlocuteur ? C'est vrai que dans un certains sens internet permet de rejoindre des esprits, mais est ce suffisant quand on sait que les vrais débats démocratiques ont toujours fait appelle à la rencontre physique des débateurs. Peut-on véritablement omettre cet élément qui a toujours exister en démocratie ? Internet apporte certes une innovation de taille, celle de mettre en connexion tous ceux qui veulent donner leur opinion. Mais elle a ce défaut de transparence qui pose une véritable limite à son apport à la démocratie moderne. Les internautes sont certes présents en ligne par leurs opinions, mais ils n'interagissent pas de façon véritable avec leurs interlocuteurs. Ils n'ont pas la possibilité de véritablement analyser leurs arguments car le plus souvent dans les débats électroniques, on se comprend difficilement et on fait moins de concessions en ce qui concerne les arguments de l'autre parti. Or, le débat en direct par sa transparence arrive à prendre en compte tout ces éléments et à manifester les caractères d'une vraie démocratie. Mais encore, en plus d'être une véritable limite, internet peut se présenter comme un danger. Car comme nous l'avons dit plus haut l'utilisation d'internet à des fins criminelles est un véritable frein à la démocratie. Il nous importe donc d'étudier internet et les dangers potentiels qu'il suscite contre la démocratie (SECTION II). * 85 FLICHY(P), « Internet, un outil de la démocratie ? », laviedesidees.fr, 14 janvier 2008, p2 * 86 Turkle, Life on the Screen, Ed Touchstone, New York, 1997. * 87 On trouvera également des thèses voisines dans Beth Kolko et Elisabeth Reid, « Dissolution and Fragmentation : Problems in On-line Communities », in Steven Jones (ed), Cybersociety 2.0 Sage, Thousand Oaks, 1998, p. 212-229 |
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