1 Mémoire de Licence
INTRODUCTION GENERALE
La théorie économique considère qu?il
existe une relation entre le développement financier et la croissance
économique mais ne donne pas d?indication sur le sens de
causalité. En sciences économiques, le rapport entre la
sphère financière et la sphère réelle a reçu
une grande attention pendant les dernières décennies (Boulila et
Trabelsi, 2002 et Wadud, 2005).
Cependant, un certain nombre d?études théoriques
et méme empiriques ont été entreprises pour évaluer
la direction de causalité entre toutes ces théories et donnent
lieu à de nombreuses approches contradictoires. A certains
égards, nombreuses études caractérisent le rôle du
système financier dans la sphère réelle comme étant
un rôle passif qui s?est avéré non satisfaisant. Robinson
(1952) rapporte que le développement financier suit la croissance
économique ou le lien de causalité entre eux peut être
bidirectionnel. Plus un système financier est développé,
plus la probabilité que la croissance économique cause le
développement financier est élevée. A d?autres
égards, nous avons assisté à une avancée
significative de plusieurs théories assignant à la sphère
financière un rôle actif. Dans cet ordre d?idées,
Schumpeter (1912 et 1955) avait déjà insisté sur le
rôle essentiel joué par le banquier dans l?allocation des
ressources, qui permet à l?entrepreneur d?innover en détournant
des moyens de production.
Ainsi, un système financier développé est
alors capable d?influer sur le taux de croissance par deux canaux
distincts1. D?une part, le système financier assure la
liquidité dans une économie monétaire. Les agents, en
particulier les ménages, qui sont la principale source d?épargne,
ont une préférence certaine pour la liquidité. Le
désir de liquidité les conduit à préférer
des placements liquides à des engagements plus ou moins
irréversibles dans les projets d?investissement ; même plus
productifs. Ainsi, les banques en assurant la liquidité de
l?épargne des ménages permettent une
1 Levine (1997) cité par Eric (2000).
2 augmentation des taux d?investissement. Bencivenga et
Smith
proposent un modèle de croissance endogène dans
lequel les agents ont de l?aversion pour le risque de liquidité.
D?autre part, le système financier permet une meilleure
maîtrise des risques inhérents aux projets d?investissements. Les
intermédiaires financiers permettent une diversification des risques
technologiques et rendent plus attractive la spécialisation des
investissements (Saint Paul, 1992). Grâce à leurs capacités
d?expertise spécifique et leur accès privilégié
à l?information, les intermédiaires financent les projets les
plus rentables et permettent aux projets innovants de voir le jour.
A propos de la relation entre la sphère
financière et la sphère réelle, la littérature de
croissance endogène implique qu?un système financier fiable peut
avoir un effet positif sur la croissance par l?investissement. Les
intermédiaires financiers facilitent la fourniture des fonds pour
financer des activités d?investissement. Pendant que le système
financier se développe, davantage de ressources peuvent être
rendus disponibles pour l?investissement. Un système financier bien
développé peut mener à une capacité
améliorée d?évaluer des projets d?investissement (Hanson
et Jonung, 1997)2.
Dans cette même perspective, la littérature
rapporte que la croissance équilibrée a été
franchement affectée par une intermédiation financière et
le taux de croissance d?équilibre a été
négativement affecté par l?interposition du gouvernement dans le
système financier (Levine, 1993).
Par ailleurs, Levine (1993) considère que la
causalité entre le développement financier et la croissance
économique est une issue controversée. Cet auteur rapporte
toutefois que le niveau plus élevé du développement
financier est, de manière significative, corrélé avec le
niveau de croissance économique. Il conclue que les finances
mènent à la croissance économique et que le sens de la
causalité entre elles peut être réalisé en deux
temps : les
2 Cité par Wadud, 2006
3 finances peuvent causer la croissance économique et
cette dernière peut
causer le développement financier. La sphère
réelle peut créer une demande d?intermédiation
financière et par conséquent le système financier se
développera en réponse au développement
économique.
Patrick (1966) dans ses travaux, présente pour la
première fois l?idée d?un sens de causalité
bidirectionnelle entre la sphère financière et la sphère
réelle et suggère deux phases dans le développement
économique d?un pays. Dans la première, c?est l?approfondissement
financier qui cause la croissance économique en allouant des ressources
à des secteurs productifs. C?est le phénomène de «
supply leading ». Cet auteur explique les fonctions de ce
phénomène, comme chez Schumpeter que le développement
financier facilite la formation de capital d?un secteur peu productif vers un
secteur moderne plus efficace (Khalfaoui, 2002). Le développement de
nouveaux services financiers fournissent de nouvelles possibilités
d?investissements et méme des épargnes.
Dans la phase suivante, c?est la croissance économique
qui crée la demande des institutions financières et des services
développés. Une demande croissante des services financiers
pourrait induire lexpansion dans le secteur financier et bancaire
comme l?économie se développe. Il apparaît alors un
phénomène de « demand following » où le secteur
financier répond passivement à la croissance
économique.
Au niveau empirique, les nombreuses études
menées jusqu?à maintenant sur la direction des causalités
entre le développement financier et la croissance semblent encore non
robustes et souvent controversées, tout en suggérant parfois, des
conditions économiques, financières et institutionnelles pour la
réussite de cette relation (Joseph, Raffinot et Venet, 1998 ; Eric, 2000
; Trabelsi, 2002 et Khalfaoui, 2002).
Pour ce faire, nous voudrions vérifier, en nous
appuyant sur les pays des Grands Lacs africains3, s?il existe une
relation de causalité entre le développement financier et la
croissance économique et si cette relation de causalité est
univoque ou bidirectionnelle. Le choix des pays de grands lacs est
justifié par l?existence d?un système financier et bancaire
rudimentaire et méme une quasi absence d?un marché financier dans
cette région. Autrement dit, ce choix se justifie par la sous
bancarisation qui semble caractériser cette région et qui serait
à la base d?un faible niveau de développement
économique.4
Par ailleurs, l?objectif de notre recherche est de montrer la
nécessité de concilier le développement financier et la
croissance économique étant donné que les sphères
sont intimement liées. De plus, même si le lien de
causalité entre le développement financier et la croissance
économique est théoriquement et empiriquement controversé,
il constitue cependant les voies et moyens susceptibles d?aider les
responsables de politique monétaire qui cherchent en permanence une
décision de la réforme optimale tendant à encourager le
développement de l?intermédiation financière.
Outre l?introduction et la conclusion, ce travail comprend
trois chapitres : le premier porte sur la revue de la littérature, le
second est consacré à l?approche méthodologique et enfin
le dernier se focalise à la présentation et
l?interprétation des résultats durant la période allant de
1970 jusqu?en 2002.
3 Il s?agit de la République Démocratique du Congo,
du Rwanda et du Burundi.
4 D?après Kpodar, il ressort des estimations qu?en ce
qui concerne les pays de l?Afrique subsaharienne le développement
financier exerce un impact favorable sur la croissance économique.
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