Femmes et fonction publique au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Hans De Marie Heungoup Ngangtcho Université catholique d'Afrique Centrale - Master1 gouvernance et action publique 2009 |
FEMMES ET FONCTION PUBLIQUE AU CAMEROUN Présenté par :
Hans De Marie HEUNGOUP NGANGTCHO, Titulaire d'un Master1 en Sciences sociales, mention Gouvernance et Action Publique, à l'Université Catholique d'Afrique Centrale Coordonnateur Général du Cercle de Réflexion sur le Développement de L'Afrique (CERDA) Actuellement En échange à l'école doctorale de Sciences Po Paris RESUMELe présent travail est le fruit d'une enquête effectuée auprès d'une population de 25 personnes pour tenter de comprendre quels sont les facteurs qui expliquent la faible représentation de la femme dans la fonction publique en général et dans les hautes sphères de cette fonction publique en particulier. Ce qui soulève de manière générale la problématique de la compatibilité de la femme à la fonction publique en général, et camerounaise en particulier. En effet, s'il est vrai que la législation camerounaise, d'inspiration internationale favorise l'accès des femmes à la fonction publique, il n'en demeure pas moins vrai que celle-ci exclut les femmes de certains métiers. Mais, les obstacles à l'insertion des femmes ou les facteurs expliquant la sous représentation des femmes aux postes de décision de la fonction publique ne se limitent pas à l'aspect juridique. Il faut nécessairement tenir compte des pesanteurs socioculturelles, notamment les réticences des hommes à voir les femmes occuper des postes de responsabilité, et l'incapacité psychophysiologique de la femme. Tout ceci contribue, au sein de la fonction publique, à une promotion à géométrie variable.Mots clés Femmes, fonction publique, compatibilité, incompatibilité, Cameroun, insertion, représentation, législations, réalités socioculturellesINTRODUCTIONA l'occasion de sa communication en 1972 au colloque d'Abidjan sur « La civilisation de la femme dans la tradition africaine », Henri NGOA commençait son propos par ces mots : « ... je dirai simplement comment j'ai été amené aux choses des femmes. Un jour j'interrogeais un vénérable, sur les rites initiateurs chez les Beti, une femme d'environ quatre-vingts ans vint s'asseoir à côté de moi et me dit `mon fils, pourquoi oublies-tu la femme ? Foetus, je te porte dans mon ventre ; bébé, je te porte sur ma poitrine ; enfant, je te porte sur mon dos ; adulte, je te porte sur mes genoux (allusion à l'acte sexuel) ; et quand je cesse de te porter, c'est que tu es mort ! Pourquoi oublies-tu la femmes ?' (...) ». Il ajoutait ensuite « (...) probablement pourrait-on améliorer la condition humaine si la femme occupait des postes de responsabilité (...)»1(*). Par ces mots, NGOA faisait le constat de la représentativité marginale des femmes dans les hautes sphères de décision. Constat que nous faisons nôtre, au regard de la sous représentation des femmes dans la fonction publique camerounaise en général et dans les postes de décision en particulier, d'où l'intérêt de la thématique qui nous ait proposée : femmes et fonction publique. Elle nous amène à interroger la problématique de la compatibilité de la femme à la fonction publique, au regard de ses occupations. En partant du terrain d'étude camerounais, nous tenterons de comprendre les rapports de compatibilité de la femme à la fonction publique. Dit autrement, la fonction publique camerounaise est-elle compatible aux femmes? Un questionnement qui ouvre deux hypothèses : - D'une part, les législations internationale et camerounaise posent le principe de la compatibilité de la femme à la fonction publique; - D'autre part, cette compatibilité sur le plan pratique connaît des limites, du fait des pesanteurs socioculturelles, qui conduisent à des promotions dans la fonction publique à géométrie variable. Dès lors, l'analyse de notre sujet, qui se situe au carrefour du structuralisme constructiviste2(*) et du structuro-fonctionnalisme3(*), consistera à présenter dans un premier point la compatibilité avérée de la femme sur le plan légal (I), et dans un point second l'incompatibilité de la femme sur un plan pratique(II). I- La compatibilité avérée entre la femme et la fonction publiqueL'accès de la femme à la fonction publique a longtemps été retardé tant au Cameroun que dans les démocraties occidentales. Il faut attendre le 20e siècle pour qu'apparaissent les prémices d'une consécration juridique de cet accès qui s'inscrit en parallèle avec l'instauration des droits civiques (constitution du 27 octobre 1946 en France, les lois anti-discriminations dès 1919 dans les pays Anglo-saxons). Cette compatibilité découle des textes juridiques précis relevant aussi bien du droit international que du droit interne (A), tous deux porteurs d'impacts qui se confirmeront par la présence effective des femmes dans la fonction publique camerounaise (B).
L'on doit à ces textes de pouvoir parler d'une égalité humaine généralement et plus particulièrement d'égalité d'accès aux emplois publics. Nous distinguerons les textes internationaux (1) des textes camerounais (2).
1- Les textes internationauxLes textes internationaux ont apporté une contribution substantielle dans l'égalisation des conditions d'accès des femmes aux fonctions publiques, d'ailleurs plusieurs textes nationaux comme ceux du Cameroun s'en inspireront. D'abord la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 Août 1789 à la suite de la révolution française. Elle dispose en son article 6 que : « tous les citoyens sont égaux aux yeux de la loi, ils sont admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans aucune autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». Il en ressort un clairement l'égalité d'accès à la fonction publique. Dans le même sens, la déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies, le 10 Décembre 1948 qui, après avoir énoncé l'égalité humaine dans son article 1er, précise aux termes de son article 21 que : « toute personne a droit à accès, dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays ». La ratification de ce traité par le Cameroun, lui confère une force opposable en droit interne. De même, du fait de la tutelle du Cameroun par l'Etat français, la constitution du 27 octobre 1946 a été une source d'inspiration des textes camerounais. Elle reconnaît en son préambule, l'égalité de droits entre la femme et l'homme dans tous les domaines. Ce n'est que tout logiquement que les statuts de la fonction publique française de 1946, 1959, 1984 et 1986 vont réaffirmer cette position, reconnaissant cette égalité d'accéder, mais surtout le droit à une carrière exempte de toutes discriminations. Egalement, la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, ratifiée par le Cameroun le 13 Août 1994, représente une contribution importante dans l'évolution des textes anti-discriminatoires dans notre pays. De façon générale, cette convention promeut l'égalité hommes et femmes dans les emplois publics et privés. Quant au protocole relatif aux droits des femmes en Afrique, dénommé protocole de Maputo, signé le 11 juillet 2003 au Mozambique par les Etats membres de l'Union Africaine, il entre en vigueur en 2005, avec pour but de promouvoir et d'assurer le respect des droits féminins. Éliminer toute discrimination à leur égard, régir l'égalité entre les deux sexes, assurer la participation de la femme à la vie politique, à la prise de décision et au gouvernement. Aux termes de l'article 13 du protocole, « les Etats adoptent des mesures légales et autres visant à garantir aux femmes l'égalité de chances en matière d'emplois et d'avancement dans la carrière ». Les alinéas 1, 2, 3 font état d'une égalité dans la rémunération, dans les avantages et les indemnités des hommes et des femmes, d'une transparence dans le recrutement. L'article 19 quant à lui, après avoir reconnu le droit à un développement durable, pose le principe de la participation des femmes dans la conception, la mise en oeuvre et l'évaluation des politiques et programmes de développement. Qu'en est-il du droit interne camerounais? * 1NGOA Henri, communication au colloque d'Abidjan, « La civilisation de la femme dans la tradition africaine », 3-8 juillet 1972 * 2 Le structuralisme constructiviste, développé par Pierre BOURDIEU tente une intellection de la réalité sociale et notamment des modes de domination à partir des constructions à notre insu que l'on se fait d'une réalité et qu'au fil du temps on implante dans des structures. * 3 S'inspirant du fonctionnalisme de Malinowski, Talcott Parsons tente de saisir le fait social sous le prisme de sa fonction sociale et du poids des structures sur le comportement des acteurs. |
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