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L'àĒge légal du mariage: approche législative, jurisprudentielle et doctrinale.

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par Aguibou LY
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - MaàŪtrise de droit privé 2010
  

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Chapitre I : Les incidences législatives et conventionnelles.

Il faut préciser ici que si le constat unanime est qu'il y a une résistance de la pratique des mariages précoces, celle-ci peut être liée à la façon dont on applique les normes nationales et internationales et du fait que les Etats n'appliquent pas la législation nationale conformément aux normes universelles. Il est important de voir, d'une part, la loi nationale (section I) et d'autre part, les instruments internationaux et régionaux de droits humains (section II).

Section I : La loi nationale.

S'il n'y a pas de doute que l'un des rôles de la loi est de rendre la société stable. Il convient de voir si l'impact de la loi nationale (paragraphe I) et la nature de la sanction civile et pénale (paragraphe II) nous permettent de dire que la loi nationale joue véritablement son rôle, qui est de stabiliser la société sénégalaise. Relativement à la résistance de ce phénomène qu'est le mariage d'enfant, autrement dit, le non-respect de l'âge légal pour se marier.

Paragraphe I : L'impact de la loi nationale.

« Le mariage précoce est tout mariage contracté avant l'âge de 18 ans, avant que la jeune fille ne soit physiquement, physiologiquement et psychologiquement prête à assumer les responsabilités du mariage et de la reproduction ».5 En vérité, si

5 Op. cit

on prend en considération cette définition du mariage précoce on peut dire que le législateur sénégalais a donné une base légale au mariage d'enfant à travers l'article 111 du Code de la famille qui dispose que : « le mariage ne peut être contracté qu'entre un homme âgé de plus de 18 ans et une femme âgée de plus de 16 ans sauf dispense d'âge accordée pour motif grave par le Président du tribunal régional après enquête ». Même si, par ailleurs, on se félicite qu'au Sénégal il y a une législation relative à la réglementation de l'âge du mariage, ce qui n'est pas le cas dans beaucoup d'autres pays. Cependant, il est important de se demander si à l'époque où le Code de la famille du Sénégal était élaboré la législation relative à l'âge minimal du mariage n'était pas conforme avec les réalités de notre société de l'époque. En revanche cela ne dispense pas le législateur de tout critique, car ce qui n'est pas tolérable et constitue une véritable atténuation à l'impact qu'aurait dü avoir la loi nationale relative à la réglementation de l'âge du mariage c'est la lenteur dans la procédure de correction des incohérences des lois, qui sont inadaptées relativement à l'évolution de la société. De plus, ce qui est également regrettable et constitue une atténuation à l'impact de la loi nationale sur la pratique du mariage précoce est qu'on observe l'existence de ce dernier, cependant, on note aussi l'existence d'une loi qui le prohibe ce qui n'empêche pas les individus de se marier à un âge précoce. Par conséquent, nous soulignons une persistance de ce phénomène. A notre avis cette situation appelle de multiples questions à savoir : si la loi nationale a un impact réel sur les mariages d'enfant? Si l'Etat du Sénégal est capable de faire application des lois existantes et de corriger les incohérences entre les lois nationales relatives à l'âge du mariage et les coutumes et pratiques religieuses enracinées? Si l'Etat a la volonté politique de résoudre le problème relatif à la pratique du mariage précoce ? Il convient de préciser que toutes ces questions constituent un indicateur qui nous permettra de mesurer l'impact de la loi nationale relative au mariage précoce, si toutefois nous parvenons à y répondre convenablement.

D'abord, il convient de dire que la législation nationale relative à l'âge légal du mariage n'a pas eu l'effet escompté sur la pratique du mariage précoce malgré une législation claire, on observe la persistance du phénomène. Il est important de noter

que cette persistance du mariage précoce est favorisée en partie par une carence dans l'application de la loi ou bien parce que les praticiens du droit n'ont pas souvent eu l'occasion de statuer sur la question, car on note qu'au niveau de nos juridictions rares sont les cas de contentieux, relatifs au mariage précoce, qui atterrissent devant le prétoire. En réalité cette situation est favorisée du fait que les mariages précoces sont célébrés de façon religieuse ou coutumière sans que les époux n'aillent, par la suite, le faire constater devant l'officier de l'état civil soit ils persistent dans cette situation jusqu'à ce que la femme ait conçu ou atteint l'âge requis pour se marier. Et en cas de problème dans le couple pour divorcer ils sont obligés d'aller devant le juge qui, malheureusement, ne pourra que régulariser le mariage pour ensuite prononcer le divorce demandé par les époux et tout cela sous le couvert de l'article 142 alinéa 4 du Code de la famille6 qui dispose que : « lorsque l'un des époux n'avait pas l'âge requis, la nullité ne peut être invoquée après qu'il ait atteint cet âge ou lorsque la femme a conçu, à moins que l'action ne soit intentée par la femme elle-même ». L'autre aspect du problème consiste en ce que les futurs époux se marient de façon coutumière ou religieuse précocement sans constatation ni régularisation. Ainsi, une fois le mariage consommé avec la personne encore mineure et que cette consommation précoce du mariage occasionne pour cette dernière des problèmes de santé très graves du fait que l'épouse n'était pas physiologiquement mature pour entretenir des rapports sexuels. Le problème sera résolu dans la famille, parce que très souvent ce sont des mariages entre parents (cousin et cousine), ce qui exclut l'option de saisir les tribunaux.7

Ensuite, il convient d'expliciter la position de l'Etat, autrement dit, si celui-ci a la volonté politique de mettre un terme aux mariages précoces ; car il faut préciser que la volonté politique réside dans les actes et nullement dans les paroles. Par ailleurs on ne manque pas de constater l'abondance des programmes, des études et des séminaires, pour ne citer que cela, afin d'exprimer théoriquement la volonté de l'Etat pour lutter contre la pratique des mariages précoces mais tout cela finira au

6 Entretien avec le Président du tribunal départemental de Tambacounda. 7Entretien avec le Président du tribunal départemental de Kanel (Matam).

mieux par être consigné dans des rapports, qui seront oubliés au fond des tiroirs. La volonté politique de l'Etat doit résider dans la mise en oeuvre des actions concrètes à savoir un cadre juridique efficace, appuyé par des ressources et des mécanismes d'application de la loi ce qui pourra constituer une garantie de la volonté politique de nos gouvernants en faveur de la lutte contre le mariage d'enfant.

Enfin, il serait intéressant de voir la capacité de l'Etat à faire appliquer les lois existantes et de corriger les incohérences entre les lois nationales relatives à l'âge du mariage et les coutumes et pratiques religieuses. La capacité de l'Etat à corriger les incohérences est plus facilement concevable, car il s'agira sur le plan organisationnel de mettre en place une commission qui étudie et relève les incohérences notées afin de proposer des réformes, qui seront mises à la disposition du parlement qui se chargera de traduire ces propositions en lois de la République qui seront applicables dans l'ordre juridique sénégalais. Mais, il va de soi que toutes ces réformes seront accompagnées d'un budget, l'Etat doit prévoir cela et y mettre les moyens qu'il faut. L'autre problème qui mérite une attention particulière, car très délicat, est l'application de la loi nationale qui n'est pas toujours conforme avec les aspirations coutumières et religieuses de la population. Il faut dire que c'est là le noeud du problème que l'Etat doit résoudre avec fermeté, car si chacun se prévaut de l'application de ses propres règles coutumières ou religieuses on risque de voir la continuation de la pratique du mariage précoce, qui est un problème sensible et tabou mais cela ne doit pas constituer un obstacle pour les autorités publiques afin qu'elles prennent leurs responsabilités en abrogeant toutes les lois et pratiques coutumières et religieuses qui ne sont pas conformes aux normes nationales et internationales, du reste, il nous faut un Etat fort dont les convictions vont dans le sens de mettre en place une législation garantissant les droits humains et plus particulièrement ceux des femmes et des enfants qui se trouvent être les catégories les plus vulnérables.

Par ailleurs, s'il est vrai que la pratique du mariage précoce est sanctionnée clairement au civil, il convient de noter que ce n'est pas le cas au pénal. Donc, il est intéressant de voir la nature de la sanction civile et pénale.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote