La norme conventionnelle en droit international de l'environnement : "l'exemple de la diversité biologique"( Télécharger le fichier original )par Aviol FLEURANT Université de Limoges / Faculté de droit et des sciences économiques de Limoges - Master 2 Droit international et comparé de l'environnement 2008 |
CONCLUSIONLa conservation rationnelle et l'utilisation durable de la biodiversité semble entrer dans l'ordre des défis majeurs pour l'humanité. Cet objectif ne semble pouvoir être atteint facilement puisque nombre d'Etats, de Sociétés industrielles et commerciales, d'acteurs importants, refusent aujourd'hui encore de reconnaitre à la diversité écologique sa qualité hautement intrinsèque, laquelle est pour le moins indissociable de l'existence de l'humanité. Ils ont persisté et comme de fait ils persistent à ne la mesurer qu'à l'aune d'un instrument utile pour l'homme, en tant que ressource destinée à être exploitée. Cette approche utilitariste, l'avons-nous souligné, va à l'opposé du principe combien cher aux éthiciens de l'environnement, celui de «l'égalité des espèces face à la vie». Elle explique avec éloquence le peu d'effectivité des mesures prises jusqu'ici en matière de conservation, de gestion, d'utilisation et de restauration de la biodiversité et de ses éléments. Aussi, l'approche utilitariste justifie-t-elle l'arrière-plan qu'occupe la biodiversité dans la hiérarchie des valeurs notamment face au progrès économique, aux règles régissant le commerce et la propriété intellectuelle. Nous l'avons souligné dans le cadre de cette recherche, malgré l'adoption depuis 1992 de la Convention sur la Diversité Biologique, comme instrument fédérateur dans l'élaboration d'un régime international de portée globale, le droit de la biodiversité n'est pas encore parvenu à briser le carcan de l'anthropocentrisme qui ne cesse l'atrophier. Aussi, se veut-il un droit à double sens, ambigu, étant entendu que ses règles, celles visant à maintenir les espèces, les écosystèmes, les paysages, les habitats, peuvent aussi avoir une connotation écocentrique. A ce propos, certains doctrinaires estiment que loin de voir en cette ambigüité pour le moins frappante une irrégularité susceptible de l'affaiblir, le droit international de la biodiversité se veut régulateur vu qu'il appréhende la diversité écologique à la fois comme ressource et comme patrimoine. A ce titre, poursuivent-ils, «il tente de concilier la conservation des potentialités génétiques de la planète avec le développement socio-économique»123(*). Cependant, eu égard au regard critique que nous avons porté sur le système de la biodiversité, dans ses approches conceptuelles, dans son cadre normatif, dans ses aspects institutionnels et financiers, nous estimons que l'approche anthropocentrique qui en constitue le socle est ce ver qui ronge le fruit et vide la norme de sa substance. Nous convenons que le droit international de l'environnement relève en grande partie de la soft Law, que par voie de conséquence le droit de la biodiversité est tout aussi alimenté par les faibles énergies d'instruments déclaratoires sans valeur obligatoire. Nous convenons également que les conventions de protection de la nature, pour être de portée sectorielle, sont loin d'être les instruments appropriés pour la mise en oeuvre d'une meilleure politique de conservation. Par contre, c'est de façon délibérée que les Etats ont inscrit l'instrument fédérateur, la Convention sur la Diversité Biologique, dans un cadre essentiellement programmatoire. Car, si aux fins d'enrayer la perte de la biodiversité, les Etats s'engagent ils ne le font que « dans la mesure du possible et selon qu'il conviendra ». Fort de l'absence de toute obligation de résultat, que pouvait-il être alors du degré d'efficacité de la norme conventionnelle ? La norme conventionnelle en droit de la biodiversité accuse une faiblesse que la société internationale va devoir pallier si on entend juguler la crise de la diversité biologique et sauver par surcroit la vie sur Terre. Nous l'avons démontré, il s'agit d'une norme sans valeur obligatoire, une norme qui peut être supplantée par les règles du commerce international, une norme insusceptible d'applicabilité directe en droit interne, une norme sans efficacité réelle. En outre, la norme doit sa faiblesse aux insuffisances du cadre juridique qui la soutient. Ce cadre juridique, a-t-on remarqué, ne permet pas un contrôle efficace de mise en oeuvre de la règle de droit environnementale sur le territoire des Etats parties. Or, selon la doctrine, dans le cadre de la mise en oeuvre d'une politique de conservation et d'utilisation de la biodiversité, la fonction du droit est essentielle en ce qu'il devra attacher une valeur obligatoire aux objectifs fixés et en ce qu'il devra préconiser les moyens permettant de les réaliser124(*). En fait, l'impuissance de la norme traduit le peu d'effectivité du droit de la biodiversité. Il nous a été, par ailleurs, donné de souligner dans le cadre de ce travail le caractère non sanctionnateur du contrôle de mise en oeuvre de la norme en droit international de la biodiversité. A cette fin, nous avons prescrit l'intégration des principes ``pollueur-payeur'' et de la ``responsabilité pour dommage écologique'' dans le régime juridique à élaborer. De plus, nous avons mis l'emphase sur l'absence d'un cadre juridictionnel formel en cas de dommages à la biodiversité, en cas de litige d'interprétation ou de non-conformité au traité. Car, les Organes conventionnels auxquels il est dévolu une mission de surveillance et de contrôle n'ont pas, comme le Tribunal International du droit de la Mer ou la Cour Internationale de Justice, la latitude et le champ d'action nécessaire pour rendre effective la norme et sanctionner les prédateurs de la biodiversité. Ainsi, nous avons prescrit l'institution formelle des juridictions de droit de l'environnement et l'ouverture des voies de recours tant aux Etats qu'aux acteurs non étatiques. Enfin, pour y parvenir, devra-t-on pallier la grande déficience des mécanismes institutionnels et financiers existant. En somme, ces critiques auront permis au droit international de l'environnement de s'ajuster en fonction des exigences que requièrent les objectifs de conservation et d'utilisation durable de la biodiversité. Car, pour être une convention-cadre, donc capable de faire naitre suivant la volonté des Etats d'éventuels protocoles aux caractères régulateur, fédérateur, harmonisateur, impératif et sanctionnateur, la Convention sur la Diversité Biologique pourra certainement assurer une protection efficace des écosystèmes, des paysages, des espèces, des habitats, bref, une conservation rationnelle et une utilisation durable des ressources de la biosphère. Pourquoi, nous avons fait la radiographie du régime international de la biodiversité et avons proposé la refonte du système dans la perspective d'un régime juridique, institutionnel et financier efficace. Il ne faut à cette fin qu'un sursaut de la part des Etats pour sacrifier leurs intérêts personnels, redéfinir la coopération, l'assistance internationale et agir dans l'intérêt supérieur de l'humanité. Aviol FLEURANT * 123 Nicolas de Sadeleer, Charles-Hubert Born, op. cit. p. 21 * 124 Nicolas de Sadeleer, Charles-Hubert Born, op. cit. p. 22 |
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