" Découvrir un lieu inconnu financé par le
contribuable, vide, dans une ville méconnue. Montrer ce qui est
caché derrière le voile de PTFE. Réunir des partenaires
que rien ne devrait réunir. »42
Pour une bonne configuration d'un projet culturel, il est
essentiel que les acteurs de la gestion politique s'entendent sur le rôle
qu'ils ont à jouer afin d'assurer la qualité de la manifestation.
Il s'agit d'avoir un conseil d'administration cohérent, qui respecte la
loi par sa mission de service public, administré par des personnes ayant
des compétences complémentaires. Selon Johanne Turbide,
professeur à HEC-Montréal :
le" casting idéal » pour une bonne
gouvernance et le fonctionnement optimal d'un organisme culturel est
composé : " d'individus qui adhèrent à la mission et qui
en comprennent le processus de création, d'individus plus près de
la gestion interne, qui peuvent aider les gestionnaires à mieux
surveiller les enjeux financiers et administratifs, d'individus qui peuvent
« ouvrir des portes » à l'organisation c'est à dire des
gens qui possèdent un réseau de contacts utile aux aspirations de
l'entité ».43
Les collectivités territoriales ont la
possibilité depuis 2002 de se regrouper en Etablissement Public de
Coopération Culturelle (EPCC), ce qui vient palier à des lacunes
législatives.
Le statut d'EPCC institutionnalise une coopération
entre différentes personnes publiques et
permet d'avoir une
juridiction adaptée pour les grandes institutions culturelles
d'intérêt à
41
http://www.centrepompidou-metz.fr/la-rencontre-de-deux-ambitions
42 Laurent Le Bon, « Apostille ? » in
Chefs-d'oeuvre ?, Editions du Centre Pompidou-Metz, Metz, 2010,
p.533.
43 Cf. J.Turbide, « L'enjeu de la gouvernance :
prévenir plutôt que guérir », Espaces,
n°268, mars 2009, p.26.
la fois local et national. Il permet l'organisation d'un
partenariat équilibré entre des collectivités
territoriales et l'Etat ou entre des collectivités territoriales seules.
Les différentes collectivités ayant participé à
l'édification du projet sont l'Etat, le Centre Pompidou, la
région Lorraine, Metz Métropole et la ville de Metz.
Aussi, le statut d'EPCC, permet aux collectivités
territoriales d'avoir un rôle à jouer, précisément
défini. Comme l'indique Laurent Le Bon dans son apostille au catalogue
d'exposition Chefs d'oeuvres ? : « Découvrir un lieu
inconnu financé par le contribuable, vide, dans une ville
méconnue. (...) Réunir des partenaires que rien ne devrait
réunir. »44 De la méme façon qu'il utilise le
terme de chimère pour désigner un lieu qui n'est ni un
musée, ni un centre d'art, nous le réutilisons pour
désigner la façon dont le lieu réunit les
collectivités territoriales. C'est une formule nouvelle proposée
pour un équipement culturel. Il s'agit de proposer un musée dans
le musée. Grace à un nouveau lieu, une collection peut se
déployer sur une surface plus importante, permettant d'en montrer plus.
C'est une nouvelle forme d'exposition, sans qu'il y ait véritablement
création de musée. Au sens où l'entend la loi, un
musée reste attaché à une collection45. Ce
n'est ni une collection appartenant aux collectivités territoriales, ni
un lieu financé par l'Etat. Les collectivités ont la
possibilité de puiser dans une collection nationale. Il s'agit d'un
phénix qui renait de ses cendres, en réinventant sa propre
actualité. Les collectivités ont fait le pari que le
développement d'un territoire passait entre autre par son
attractivité culturelle. Le Centre Pompidou porte en région son
modèle et met à disposition son savoir-faire et ses collections,
dans un partenariat original avec les collectivités territoriales qui
apportent le financement tout en garantissant l'autonomie des choix
scientifiques et culturels. Aucun coüt, excepté, celui, induit,
d'entretien des collections et de régie des oeuvres n'importent à
l'Etat. Toutefois, il est étonnant que l'Etat dispose d'un nombre de
sièges conséquents au conseil d'administration alors qu'il
n'engage aucun centime. Neuf sièges se répartissent entre l'Etat
et le Centre Georges Pompidou (huit plus la personnalité
qualifiée désignée par le président du Centre
Pompidou), alors que Metz Métropole est le plus gros investisseur dans
le projet, il compte moins de sièges que le Centre Georges Pompidou et
l'Etat
44 Laurent Le Bon, « Apostille ? » in
Chefs-d'oeuvre ?, Editions du Centre Pompidou-Metz, Metz, 2010,
p.533.
45 Code du patrimoine, Livre IV, Titre 1, article L-410-1 «
Est considérée comme musée, au sens du présent
livre, toute collection permanente composée de biens dont la
conservation et la présentation revêtent un intérêt
public et organisée en vue de la connaissance, de l'éducation et
du plaisir du public. »
confondus. Certes, le Centre Pompidou et l'Etat respectent la
loi avec un nombre de représentants inférieur à la
moitié du nombre des représentants des collectivités
territoriales, néanmoins cela semble être, une tutelle qui semble
garder un fort impact. En outre, le Conseil Général
possède un siège alors qu'il n'engage qu'une convention de
partenariat annuelle, renouvelable mais il n'est point de tacite reconduction
mentionnée. Méme si l'on peut supposer qu'il ne se
désengagera pas.
Les collectivités territoriales ont pris en charge la
totalité des coûts du bâtiment : le coût final du
bâtiment aura été de 69 330 000 € HT dont un montant
des travaux porté à 51 660 000€ HT; les 17 670 000€ HT
correspondant aux équipements mobiliers et aux honoraires pour les
aménagements intérieurs et extérieurs.
La Communauté d'Agglomération de Metz
Métropole finance majoritairement le projet à hauteur de 43,33
M€. Les autres financements proviennent de l'État (4 M€), de
l'Union européenne - Feder (2 M€), de la Région Lorraine (10
M€) et du Département de la Moselle (10 M€).46
Comparativement, le Louvre- Lens dont la Région Nord-Pas de Calais et
l'Europe sont les principaux financeurs a un plan de financement de 150
M€47.
Le budget de fonctionnement pour 2011, nous l'avons
indiqué en introduction, s'élève à dix millions
d'euros dont 4, 6 millions d'euros pris en charge par Metz Métropole,
quatre par la région Lorraine, 400 000€ par la ville de Metz, et un
million en ressources propres.48 A titre de comparaison, le budget
de fonctionnement de la ville de Metz est d'environ 10 millions
d'euros.49 Pour d'autres établissements
déconcentrés, le budget du Louvre-Lens sera de 15 millions
d'euros50 et celui du musée des confluences à Lyon est
évalué entre 13 et 15 millions d'euros.
46
http://www.metzmetropole.fr/site/projets_CPM_01.php
47
http://www.louvrelens.fr/fr/pourquoi-louvre/chiffres.html
48 Centre Pompidou- Metz, l'architecture du
musée- Chefs-d'oeuvre du XXe siècle, Beaux arts
éditions, mai 2010.
49
http://www.metz.fr/metz2/articles/2010/100119_budget03.php
50
http://www.louvrelens.fr/fr/pourquoi-louvre/chiffres.html
Pour la première année, l'autofinancement s'est
d'ailleurs élevé à 5 millions ! Selon Laurent Le Bon :
" Ces ressources propres ont servi à boucler le budget, puisqu'il y
a eu plus de dépenses à cause d'un nombre plus conséquent
de visiteurs.»51
Lorsque l'on demande à M. Fonté52,
adjoint à la culture de M. Dominique Gros s'il croit au pouvoir des
collectivités territoriales pour la culture, en écho à
Renaud Donnedieu de Vabres53 pour qui le chef-d'oeuvre ultime
était celui du Centre Pompidou-Metz qui " fai[t] en sorte que la
culture rayonne sur tout le territoire national, c'est en soi une oeuvre d'art.
», il nous répond que oui :
" Non seulement j'y crois mais aujourd'hui dans ce pays,
75% des financements de la culture ce sont les collectivités locales, ce
n'est pas l'Etat. L'Etat, le budget du Ministère de la Culture et de la
Communication est concentré à 80% sur Paris et 20% en province.
Pour la ville de Metz, entre Pompidou, l'Arsenal54, la
future SMAC55, les éléments culturels : le
budget culture est de dix millions d'euros. L'Etat c'est à peine 1,5
million de subventions. Donc on a la réponse, non seulement on y croit
mais on paye pour y croire ! »
Sur son site Internet, l'administration du Centre
Pompidou-Metz, reconnaît d'ailleurs que les collectivités
territoriales sont ses principaux fondateurs et que sans leur soutien, le
Centre n'aurait pas vu le jour56. Si les sites Internet des
institutions culturelles sont en quelque sorte la partie visible de l'iceberg
et ne trahissent pas tous les embarras, on peut au moins admettre que
l'administration, par l'intermédiaire du webmestre, a la
délicatesse de rendre compte de la part - non négligeable-
d'investissement pour les collectivités territoriales que
représente le financement de la construction, puis du fonctionnement du
Centre Pompidou-Metz.
La gouvernance du Centre Pompidou ne s'est pas faite uniquement
grâce aux collectivités territoriales.
51 Interview de Laurent Le Bon,
réalisée à Metz, le 16 février 2011.
52 Interview d'Antoine Fonté,
réalisée à Metz, le 16 février 2011.
53 Centre Pompidou-Metz, Une nuit au musée,
France 5, Emission présentée par Laurence Piquet.
54 http://www.arsenal-metz.fr/
55 http://www.bam-metz.fr/
56
http://www.centrepompidou-metz.fr/collectivites
Le groupe Wendel s'engage effectivement comme
mécène fondateur du Centre Pompidou-Metz pour une durée de
cinq ans. Il soutient un projet phare pour la Lorraine, berceau du groupe et de
ses familles57. Il est vrai que la famille Wendel a
été une dynastie industrielle de maître de forges,
possédant les aciéries lorraines dès 1704. Ainsi, par cet
engagement, on peut y voir un rappel du passé sidérurgique tout
en se dédouanant de la défaite de ce dernier, par un geste
bienfaiteur. Ernest-Antoine Seillière, descendant de la lignée,
est d'ailleurs le Vice-président des Amis du Centre
Pompidou-Metz.58
L'usine d'électricité de Metz (Uem)
59s'est associée pour trois années au Centre
Pompidou-Metz en mécénant les ateliers jeunes publics, la caisse
d'Epargne de Lorraine s'est intéressée aux ateliers pour
adolescents pour la même durée. Quelques entreprises de renom sont
venues s'ajouter à la liste telles PSA et Pommery Vranken.
D'autres firmes sont devenues partenaires du Centre
Pompidou-Metz : Anamnesia/Advisa soutient le dispositif de médiation. La
Fnac.com et Samsung assurent
également le Centre de leur coopération. La SNCF s'est
engagée comme grand partenaire de l'inauguration.
A ce titre, nous rappelons le distinguo entre
mécénat et parrainage. Le mécénat60est
un don, en numéraire, en nature ou en compétence pour soutenir
une oeuvre d'intérêt général et peut conduire
à une déductibilité d'impôt. Le parrainage est
destiné à promouvoir l'image de l'entreprise, c'est une
opération commerciale et est déductible uniquement au titre des
charges d'exploitation.
En outre, la création de l'association des Amis du
Centre Pompidou-Metz en novembre 2010 peut contribuer à terme à
épauler le financement de fonctionnement du Centre Pompidou-Metz. Les
missions qu'elle s'est donnée sont, entre autres :
- L'accompagnement de l'institution dans ses projets,
notamment en prenant une part active à la recherche de financements
extérieurs, publics ou privés, et en accompagnant les actions de
promotion et de diffusion de l'art moderne et contemporain menées par le
Centre Pompidou-Metz ;
57 Centre Pompidou- Metz, l'architecture du
musée- Chefs d'oeuvre du XXe siècle, Beaux arts
éditions, mai 2010
58
http://www.centrepompidou-metz.fr/soutenir/particuliers
59 Edf n'est pas présent à Metz, c'est
UEM qui la remplace, par délégation de service public, depuis
1925.
60 Loi n°2003-709 du 1er août 2003 relative
au mécénat, aux associations et aux fondations.
- Le développement de la connaissance du Centre
Pompidou-Metz et de ses activités tout particulièrement
auprès du monde de l'entreprise en favorisant par tous les moyens son
engagement dans le développement de l'établissement, de ses
activités et de ses projets.61
Ainsi, les collectivités territoriales sont les
initiatrices du projet, suivies par les entreprises privées qui
s'associent au Centre Pompidou-Metz dont le geste architectural et la
nouveauté peuvent séduire.
Attachons nous dès à présent à l'une
des motivations qui a pu porter l'engagement des collectivités
territoriales : l'architecture.
61
http://www.centrepompidou-metz.fr/soutenir/particuliers