B. Des retombées économiques directes203
et indirectes
1. Une fréquentation phénoménale
« Le succès d'un musée ne se mesure pas au
nombre de visiteurs qu'il reçoit, mais
au nombre de visiteurs auxquels il a
enseignéquelque chose. Il ne se mesure pas au nombre
d'objets qui ont pu être perçus par les
visiteurs dans leur environnement humain. Il ne se
mesure pas à son étendue mais à la
quantitéd'espace que le public aura pu
raisonnablement parcourir pour en tirer un
véritable profit. C'est cela le musée. Sinon, ce n'est qu'un
espèce « d'abattoir culturel ».
Jean Clair, L'hiver de la culture, citant Georges-Henri
Rivière au début des années 1970 p. 59-60 :
Le Centre Pompidou-Metz est désormais un des
musées de province les mieux classés, créant la surprise
auprès de ses confrères qui existent depuis bien plus longtemps.
L'exposition Chefs-d'oeuvre ? a accueilli plus de 800 000 visiteurs
depuis son ouverture. 800 000 étant le chiffre annoncé lors des
remerciements pour la première année proposant ainsi une
opération de gratuité pour les soirées d'anniversaire. En
7 mois, l'exposition avait reçu 600 000 visiteurs.
203 Cours de M. Yann Nicolas : les effets directs constituent
la première partie les effets de dépenses effectuées en
premier lieu par les visiteurs non locaux, les effets indirects constituent la
réutilisation des effets directs par les entreprises locales. Les effets
induits sont les répercussions des effets directs et indirects, produits
ultérieurement.
Dans une interview au Point204, Laurent Le
Bon annonce qu'il
" n'a[vons] vraiment pas à rougir de ses[nos]
chiffres. Quand la grande exposition " Monet » à Paris,
considérée comme l'un des grands succès de l'année,
a attiré 900 000 visiteurs205, nous nous en avons reçu
600 000. »
Il ne s'en plaint d'ailleurs pas, allant méme
jusqu'à se féliciter, en faisant référence aux
records de cinq heures de file d'attente enregistrées lorsque le
musée atteignait la limite de ses capacités (1 200 visiteurs en
même temps), car :
" Certains jours d'été, nous avons fait plus
que Pompidou-Paris ! »206 Le secrétaire général
du musée, Emmanuel Martinez déclare quant à
lui207 :
" Il ne faut pas croire qu'on a voulu faire un one-shoot
pour l'ouverture. C'est un projet culturel qui s'inscrit dans la durée.
Nous sommes déjà en train de travailler pour 2013-2014. Pour les
quatre prochaines années, l'objectif affiché reste de 250 000
visiteurs par an en moyenne. »
Il est vrai que cet objectif était plutôt bas et
que l'ouverture a bénéficié d'une très forte
médiatisation, alimentée par la curiosité de
l'architecture audacieuse ainsi que du contenu. Réalité ou fausse
pudeur de la part des organisateurs? M. Rausch208 se targue d'avoir
annoncé qu'il y aurait 700 000 visiteurs pour les premiers mois, ce qui
pour beaucoup semblait inimaginable à Metz. Laurent Le Bon
répondait quant à lui qu'il :
" J'avais avancé le chiffre de 200 000
entrées, mais je pensais à 2011. J'ai toujours dit que
l'année de l'inauguration allait être atypique, en raison du
retentissement médiatique. Je m'en tiens donc à cet objectif, qui
constitue déjà un très bon chiffre, si l'on prend en
compte le phénomène d'étiolement propre aux institutions
culturelles »209
204 Cordelier Jérôme, « Pompidou, acte II
», Le Point, Villes, jeudi 10 février 2011, p.193-195.
205 Pour rappel, l'exposition du grand palais a duré 4
mois, du 22 septembre 2010 au 24 janvier 2011.
206 Descamps Elise, « Le Centre Pompidou-Metz dépasse
tous les espoirs », La Croix, no. 38859, lundi 3 janvier 2011.
207 Cordelier Jérôme, op.cit.
208 Interview Jean-Marie Rausch, réalisée le 16
février, à Metz.
209 Descamps Elise, op.cit.
Antoine Fonté avoue qu'il « sait pertinemment
qu'en année 2, normalement ça doit fléchir. Et si on reste
aux alentours de 300 000 à l'année, c'est exceptionnel ! »
210
Jean-Marie Rausch211 annonce que s'il y a maintien
d'expositions prestigieuses, telles qu'a pu l'être Chefs-d'oeuvre
? , une densité élevée pourra être maintenue.
Pour lui, Pompidou est tellement riche en oeuvres qu'il y a toujours la
possibilité d'avoir du nouveau. Ce qui selon nous, se mesure
également au brio des conservateurs et de leurs équipes qui,
s'ils savent s'efforcer de ne pas choisir uniquement la facilité avec
des thèmes accrocheurs, peuvent impressionner en déployant des
thématiques in envisagées jusque là. Pour
1917,
M. Rausch n'exclue pas la potentialité d'attraction de
visiteurs Allemands dont certains maîtres du XXe siècle ont
transformé la vision de l'histoire de l'art avec des mouvements comme le
Bauhaus, Der Blaue Reiter... . En outre, quelque soit
l'exposition, il n'exclue pas la visite de néerlandais dont la route
pour gagner le Sud, passe de façon quasiobligatoire par la Lorraine.
On peut de manière générale, comme le
suggère Noémie Drouguet, regretter que les chiffres de
fréquentation apparaissent souvent comme le seul bilan et que seuls les
retours dans la presse ou l'efficacité d'une campagne de promotion
soient mesurés.212 Si l'intention de Georges-Henri
Rivière était intelligente, peu d'instruments statistiques et
sociologiques existent vraiment pour mesurer des perceptions sensorielles
ressenties au musée.
Toutefois, il nous semble, que la présence
répétée d'un musée dans la presse, dans les
médias, plus on fait parler de soi, garantisse la venue du public.
Puisqu'il est vrai, aujourd'hui la communication sur l'exposition est devenue
aussi importante que le contenu213. En revanche, on peut noter que
certains efforts ont été fait de la part de la
210 Interview Antoine Fonté, réalisée le 16
février, à Metz.
211 Interview Jean-Marie Rausch, réalisée le 16
février, à Metz.
212Cf. N.Drouguet, op.cit.
213 Parenthèse à part, on peut se
féliciter pour l'instant que le Centre Pompidou-Metz ne soit pas un de
ces lieux où l'on fait, pour reprendre le titre de Noémie
Drouguet, des expositions spectacles et où la communication est devenue
plus importante que le contenu. A l'exception des premières semaines de
Chefsd'oeuvre? A ce titre, il existe pour nous, de nombreux
musées ou lieux qui se qualifient comme tels qui pratiquent ce genre de
communication outrancière où tout doit s'acheter. On ne
bénéficie plus que du seul cartel et de presque aucune
explication sur un panneau, car il est préférable de louer
l'audioguide voire même d'acheter un podcast. On rentabilise des espaces
fort mal appropriés en ayant une rotation assez impressionnante de
visites guidées ne permettant presque plus de voir les oeuvres. Les
thématiques sont lucratives et il est quasi-obligatoire de passer par un
revendeur (avec une majoration du prix d'entrée) pour obtenir son billet
coupe-file afin d'éviter la queue qui serait aussi longue que la
durée de la visite de
mairie ou d'éditeurs, afin de rééditer
des guides, cartes-postales, plan de la ville mentionnant le Centre Pompidou.
De même, il est fort heureux, que deux mois après son ouverture,
le Centre Pompidou-Metz ait pu bénéficier de son panneau à
fond marron symbolisant les sites touristiques sur l'autoroute A31. A court
terme, on le voit, le succès attire les médias qui se mobilisent
à la suite d'un succès. Il nous faut désormais nous
intéresser aux retombées économiques indirectes qui
découlent de cette fréquentation.
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