IV. Les conséquences de la discrimination
1. Les conséquences psychologiques
Les conséquences de la discrimination à
l'embauche si elles sont continuelles, peuvent fortement léser la
personne qui en est victime. Suivant sa personnalité, chacun
réagit différemment. Certains se plient, renient leurs origines
et changent de nom, d'autres se replient, ou même s'autocensurent.
a) Pour les candidats 1-1 : Témoignages
:
? SOS Racisme :
Depuis qu'il se prénomme Thomas, Abdelatif, 25 ans,
DEUG d'allemand et BTS d'action commerciale, collectionne les entretiens
d'embauche : enfin des propositions de rendez-vous après plus de deux
années de chômage et exactement 93 lettres de candidature toujours
restées infructueuses! « C'est triste à dire, mais il a
suffi que je change de prénom pour que, subitement, on me propose enfin
des entretiens. Comme je ne suis pas très typé et que mon nom de
famille ne fait pas trop arabe, les rendez-vous se passent assez bien. Mais
après, quand je rentre chez moi, j'ai honte, car j'ai l'impression
d'avoir renié ma véritable identité pour exister
socialement. >>. Moins de deux mois seulement après son changement
de prénom, entériné par une décision du juge aux
affaires familiales du tribunal de grande instance de Lille, << Thomas
>> est sur le point d'être embauché comme assistant du
directeur marketing d'une grosse PME régionale spécialisée
dans la restauration collective. Abdelatif n'aurait probablement eu aucune
chance de décrocher ce poste. Il s'agit pourtant du même homme...
(Le Monde Diplomatique - Mars 2000)
A Toulouse, Nedjma, vingt-six ans, titulaire d'une
maîtrise de droit et d'un DEA de management, est toujours au
chômage deux ans après la fin de ses études. La plupart de
ses camarades de promotion ont, eux, trouvé un emploi. Pourtant, elle ne
changera pas de nom. << En arabe, Nedjma veut dire "étoile". Vous
ne trouvez pas ça beau, vous ? Jamais je ne changerai de nom. Cela
signifierait que nous sommes dans un pays de nondroit qui intègre les
gens non pas en fonction de leurs compétences et talents, mais en
fonction de leur faciès ! C'est la remise en cause totale des fondements
de la République, de l'Etat de droit et de toutes ces valeurs
d'égalité et de justice que j'ai apprises depuis l'école
primaire >>, s'indigne la jeune femme. En attendant de trouver un emploi
en rapport avec sa formation, cette Toulousaine aux longs cheveux
bouclés confectionne des hamburgers pour une grande chaîne de
restauration rapide pendant la journée et garde des enfants plusieurs
soirs par semaine. (Le Monde Diplomatique - Mars 2000)
On peut citer une autre défaite de l'intégration
à la française à Vitry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne.
Yazid, vingt-sept ans, licence d'économie et diplôme de
maintenance des réseaux informatiques acquis au cours du soir, a
dû se reconvertir dans la sécurité pour échapper au
chômage. « C'est le seul secteur où les Noirs et les Arabes
sont bien vus ! Les directeurs des hypermarchés, des discothèques
ou même les responsables des collectivités locales misent sur les
jeunes issus de l'immigration parce qu'ils pensent que nous sommes plus aptes
à faire face aux situations de tension qui impliquent les jeunes des
cités. ». Pour en finir avec la précarité sociale,
Yazid a exploité sa maîtrise de la boxe thaïlandaise et son
expérience des quartiers sensibles de la banlieue parisienne. (Le Monde
Diplomatique - Mars 2000)
1-2 : Le Repli social
Certaines personnes sujettes à une discrimination
prolongée peuvent arriver à un repli social. C'est un sentiment
qui se traduit chez l'individu par une sensation de vide, d'ennui, mais aussi
par un désintéressement profond pour les activités
habituelles. L'individu se laisse dériver, et est en quête de
solitude, de calme. La mauvaise estime de soi est un signe important, le sujet
se décrivant en termes essentiellement négatifs. Cette faible
estime de soi est souvent complétée par une culpabilité
exagérée voire pathologique.
1-3 : L'autocensure
Ne voyant pas dans leur environnement une prolifération
de cadres à un haut niveau hiérarchique, certains
désespèrent et vont alors jusqu'à l'autocensure. Ainsi,
ils n'osent plus postuler à un niveau qui est celui de leurs
compétences, alors qu'ils sont souvent en tête de leur promotion.
Ils préfèrent postuler à un emploi
sous-qualifié.
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