Section 2 : publication des traités
§1. Des objectifs de la publication des
traités 1. Sur le plan interne
Sur le plan interne, la publication du traité faite au
journal officiel ou par toute autre voie officielle a pour objectif de faire
connaître la nouvelle disposition légale aux populations. En
raison du principe selon quoi, « nul n'est censé
ignoré la loi », il faut que les lois censées
connues aient été portées à la connaissance des
populations afin qu'elles leurs soient opposables.49
Elle est une phase incontournable dans le processus
d'entrée en vigueur et d'acquisition de la force juridique des
conventions internationales dans l'ordre juridique interne de
l'Etat.50
Pour le Professeur OMEONGA, la publication d'un traité au
journal officiel vise à rendre celui-ci opposable au niveau
interne.51
De ce qui précède, l'introduction du
traité en droit congolais suit le système actuellement en vigueur
en France : la ratification (ou la signature pour les accords en forme
simplifiée) suivie de la publication au Journal Officiel.
Par conséquent, si l'on considère que la
publication rend seulement opposable l'acte juridique, c'est la ratification
(ou la signature de l'accord en forme simplifiée qui confère au
traité la force obligatoire et exécutoire. Mais, comme on le
voit, la publication est indispensable pour l'application du traité par
les juridictions de la R.D.C.
Ainsi, la Constitution du 18 février 2006
prévoit que la publication des traités et accords internationaux
régulièrement ratifiés ou approuvés, donne à
ceux-ci autorité supérieure à celles des
lois.52
Par analogie, si la publication des lois nationales vise
à opposer celles-ci aux tierces personnes, et que les lois nationales
sont
49 KABAMBA et TSHILUMBAYI, Op.cit., p. 254
50 J - P PANCRACIO, Op.cit., p. 525
51 OMEONGA ONAKUDU, « Cours de Droit
International Public », G3 RI, UNIKIN, Kinshasa, 2010 - 2011, p. 34
52 Article 215
inférieures aux traités ratifiés, la
publication de ceux-ci au plan interne, a fortiori,
poursuit donc leur opposabilité sur les populations
internes.
En définitive, comme l'avance le Professeur VISSCHER :
« la nécessité de la publication constitue le dernier frein
qui soit de nature à retarder l'applicabilité des traités
dans l'ordre juridique interne ».53
Donc, pour prétendre avoir un quelconque effet dans le
droit interne de l'Etat, tout accord international susceptible
d'affecter les droits et obligations des
particuliers, doit impérativement être publié
au journal officiel.
Ainsi, les juridictions françaises refusent-elles
d'appliquer les conventions non publiées dans l'ordre juridique
interne.
Dans cet ordre d'idées, l'on peut déjà
répondre affirmativement à la question d'opposabilité des
traités par la voie de la publication, mais celle-ci au plan interne.
2. Sur le plan
international54
53 P. VISSCHER, « Les Tendances
Internationales des Constitutions Modernes », R.C.A.D.I, 1952 - I,
Vol. p. 81
54 1° Selon le système du
Pacte de la SDN
L'article 18 du Pacte a institué deux formalités
nouvelles, l'enregistrement et la publication du traité, destinés
à parfaire son introduction dans l'ordre juridique international.
a. L'origine de cet article : Elle est
essentiellement politique. La formule du Pacte : « tout
traité ou engagement international conclu à l'avenir par un
membre de la Société devra être immédiatement
enregistré par le Secrétariat et publié par lui
aussitôt que possible. Aucun de ces traités ou engagements
internationaux ne sera obligatoire avant d'avoir été
enregistré », institutionnalisait la pratique de la
diplomatie « publique » ou « ouverte », que le
Président Wilson entendait subsister à la traditionnelle
diplomatie secrète. (Premier des quatorze points de son message du 8
janvier 1918). Ainsi KABAMBA et TSHILUMBAYI, soutiennent que si le droit
international n'interdit pas la conclusion des traités secrets, il
n'admet pas la diplomatie secrète dont la survivance a été
notamment à la base de la formulation de cette exigence d'enregistrement
des traités (citation tirée de GUGGENHEM et KAPELLER,
Traité du Droit International Public, 2e éd.,
Tome 1,Librairie de l'Université George et Cie S.A, Genève, 1967,
p. 179).
b. La portée de cet article : La
pratique internationale n'a que partiellement consacré les intentions
des auteurs du Pacte, un enregistrement systématique de tous les accords
internationaux et une sanction sévère du défaut
d'enregistrement. Le 1er objectif supposait une information sans
faille du Secrétariat de la SDN : celle-ci pouvait être
organisée pour les traités conclus sous les auspices de la SDN,
mais elle dépendait du bon vouloir et de la diligence des Etats dans les
autres cas. D'un point de vue quantitatif, des résultats satisfaisants
ont été obtenus (4.495 traités enregistrés). Mais
une conception restrictive de l'accord international a parfois
été retenue par les Etats. L'échec a été
beaucoup plus net en matière de sanction ; sur ce point, l'article 18 a
été immédiatement frappé de caducité. Par
voie coutumière, les Etats ont admis qu'un traité non
enregistré entrait en vigueur et avait force obligatoire ; il
était simplement inopposable devant les organes de la SDN, en
particulier dans un recours porté devant la CPJI.
La publication a essentiellement pour objectif sur le plan
international de faire connaître les engagements respectifs des parties
au traité à l'opinion internationale et aux autres Etats non
parties à ce traité qu'ils peuvent eux également, invoquer
selon les circonstances, de permettre aux instances habilitées de
vérifier si le traité ne viole pas les dispositions
préexistantes notamment les normes impératives et les
traités ayant haute portée juridique comme la Charte des Nations
Unies.55
Contrairement au droit interne, la publication des
traités ne rend pas ceux-ci opposables dans l'ordonnancement juridique
international, car si l'on s'en réfère aux termes de la
Convention de Vienne, l'entrée en vigueur des traités
précède à leur publication par le Secrétariat de
l'ONU.56
Le Professeur NGUYEN soutient que c'est par souci de
réalisme que cette solution a été retenue par la Charte
des Nations Unies. (Voir NGUYEN et Ali, Op.cit., p. 163)
2° Selon le système (actuel) de la Charte
des Nations Unies
Il est fondé sur l'article 102 de la Charte. Selon
cette disposition, et à la différence de l'article 18 du Pacte de
la SDN, le traité sera enregistré au
Secrétariat et non par lui,
« le plus tôt possible » et non
« immédiatement ». En fait,
l'enregistrement et publication d'office de nombreux accords conclus «
sous les auspices » de l'ONU continuent d'être assurés par le
Secrétariat de cette Organisation. Depuis 1945, d'autres O.I. ont
également créé des systèmes particuliers
d'enregistrement et publication dont l'application est limitée aux
traités concernant leurs propres activités respectives.
Dans sa résolution 97 (I) du 14 novembre 1946
(modifié par les résolutions 346 (IV) du 1er
décembre 1948 et 482 (V) du 12 décembre 1950), l'Assemblée
générale de l'ONU a établi un règlement
définissant les conditions d'application de l'article 102. L'Article 10
de ce règlement prévoit le cas d'enregistrement volontaire par
les Etats non membres qu'il désigne par les termes : « classement
et inscription au répertoire ».
Pour réduire l'écart entre enregistrement et
publication, qui était de cinq ans, a été mise en place
à partir de 1974 un système informatisé qui a trois
fonctions : mise en mémoire des données relatives aux
traités, production automatique de documents, meilleur exploitation
d'après un certain nombre de critères ou éléments
de recherche. En 1977, l' Assemblée générale a
décidé d'ajourner la publication de certains accords en attendant
que le retard soit en partie comblé (Résolution 32/144). Cette
mesure s'étant à son tour révélée
insuffisante, il a été décidé, par la
résolution 33/141 A du 19 décembre 1978, que les accords
d'assistance ou de coopération d'objet limité, ceux portant sur
l'organisation de conférences et ceux destinés à
être publiés par ailleurs, pourraient ne plus faire l'objet d'une
publication in extenso, seuls le nom des parties, le
titre du traité et certaines mentions relatives à la conclusion
et à l'entrée en vigueur étant précisées
dans le Recueil des Traités des Nations Unies. En 1992, plus de 3500
traités publiés dans près de 1650 volumes avaient
été enregistrés.
Le Professeur NGUYEN soutient que l'art. 80 de la Convention de
Vienne sur le Droit des Traités confirme la solution de l'art. 102 de la
Charte des Nations Unies.
55 Lire à ce sujet KABAMBA et TSHILUMBAYI,
Op.cit., p. 254
56
Article 80 alinéa 1.
Aussi que les traités sont normalement opposables aux
Etats qui les signent, les ratifient ou y adhèrent, cela avant
même qu'ils soient publiés au niveau du Secrétariat de
l'ONU.57
§2. De l'exécution des
traités
1. Dans l'ordre juridique interne
L'exécution des traités incombe à tous
les organes de l'Etat parce que l'obligation d'exécuter s'impose
à l'Etat pris dans son ensemble comme sujet du droit
international.58
Pour M. SINKONDO, dès lors que le traité est
signé, approuvé ou ratifié selon les cas, l'Etat est
lié internationalement à compter de la date de son entrée
en vigueur fixé.59
Ainsi au regard du droit international, il estime que
l'engagement définitif de l'Etat au plan international suffit donc
à introduire le traité dans l'ordre interne pour
exécution.60
Le principe d'exécution de bonne foi des obligations
conventionnelles, comme le soulignent les Professeurs NGUYEN, A.PELLET et
P.DAILLIER, impose l'introduction dans l'ordre juridique interne des
traités qui établissent les droits et des obligations pour les
particuliers.
Cette introduction permettra aux normes conventionnelles de
s'imposer effectivement, comme n'importe quelle norme du droit interne,
vis-à-vis non seulement de toutes les autorités étatiques,
gouvernants et administratifs, à quelque échelon de la
hiérarchie qu'elles se trouvent placées, mais encore des
ressortissants.61
57 KABAMBA et TSHILUMBAYI, Op.cit., p. 253
58 NGUYEN et Ali, Op.cit., p. 226
59 M. SINKONDO., Op.cit., p. 68
60 Idem.
61 Cette obligation est parfois rappelée par
une disposition expresse du traité. (Cfr. Les articles VII §1, de
la Convention sur les Armes Chimiques du 13 janvier 1993 ou de la Convention de
l'A.I.E.A. du 17 juin 1994 sur la sureté nucléaire). Un tel
rappel est superfétatoire mais a le mérite d'établir que
l'accord n'est pas « self - executing » dans l'esprit de ses
signataires.
2. Dans l'ordre juridique
international
Selon la Convention de Vienne : « tout traité en
vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de
bonne foi».62
Le principe de la bonne foi s'élève au rang
d'une institution qui régit l'ensemble es relations internationales. Il
acquit un relief particulier dans le droit des traités. Selon une
formule générale de la Convention de Vienne, exécuter de
bonne foi signifie : « s'abstenir de tout acte visant à
réduire à néant l'objet et le but du
traité»63.
Pour les Professeurs NGUYEN, P.DALLIER et A. PELLET, cette
conception est peut-être trop large, donc trop vague, car elle ne
caractérise pas suffisamment la face opposée qui est la mauvaise
foi. L'exécution de bonne foi devrait être définie comme
celle qui exclut toute tentative de « fraude à la loi », toute
ruse, et exige positivement fidélité et loyauté aux
engagements pris.64
Quoi qu'il en soit, une définition est forcément
abstraite ; elle doit être éclairée par la pratique.
Pour le Professeur PANCRACIO, au plan international, les
conventions doivent être appliquées de bonne foi par les Etats qui
en sont parties.65
De ce qui précède, un Etat ne peut donc
unilatéralement se libérer des obligations qui sont nées
pour lui d'un traité au regard duquel il a normalement exprimé
son consentement à être lié.
Delà, ce désengagement ne peut être
lui-même que conventionnel et nécessite en conséquence
l'accord des autres parties.
62 Article 26. En proposant ce texte, la C.D.I. a
tenu à souligner qu'il énonçait le principe fondamental du
droit des traités. L'exécution de bonne foi et le respect de la
règle « pacta sunt servanda » sont ainsi intimement
liés pour constituer les deux aspects complémentaires d'un
même principe.
63 Article 18
64 NGUYEN et Ali, Op.cit., p. 216
65 J-P. PANCRACIO, Op.cit. p. 67
CHAPITRE DEUXIEME : MECANISMES DE PUBLICATION
DES TRAITES EN DROIT DIPLOMATIQUE MODERNE
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