Paragraphe 2 : Les perspectives économiques
Certes, l'intégration régionale doit passer par
le renforcement du cadre juridique et institutionnel. Mais si ce dispositif
technique ne coïncide pas avec une réelle intégration
économique, il est évident que la structure d'intégration
régionale apparaîtra comme une coquille vide. Il est donc
indispensable que se développe parallèlement au processus
d'intégration régionale, une intégration économique
comme l'a illustré depuis le traité de Rome le scénario
européen49. En Afrique de l'ouest, la CEDEAO et l'UEMOA sont
deux organisations à vocation économique qui oeuvrent chacune
selon leurs objectifs à la réalisation de cette
intégration économique. Cependant, l'analyse des textes
fondateurs de ces organisations laisse entrevoir plusieurs similitudes de
chantiers intégrateurs. Ces similitudes, loin d'être une force
pour l'intégration régionale de la sous-région,
entraînent au contraire une concurrence entre les deux organisations.
C'est pourquoi, une complémentarité entre la CEDEAO et l'UEMOA
pourrait être recherchée afin de réaliser la pleine
intégration
économique de la sous-région (A).
A travers cette complémentarité, on pourrait envisager à
plus long terme une intégration unique (B).
A. La complémentarité entre la CEDEAO et
l'UEMOA
La complémentarité entre ces deux organisations
peut être rendue possible grâce à la quasi-identité
des objectifs qu'elles poursuivent. En effet, selon l'article 4-C du
traité de l'Union, celle-ci poursuit la création entre les Etats
membres d'un marché commun basé sur la libre circulation des
personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit
d'établissement des personnes exerçant une activité
indépendante ou salariée, ainsi que sur un tarif extérieur
commun et une politique commerciale commune. Ces mêmes objectifs se
retrouvent dans l'article 3 paragraphe 2 du traité révisé
de la CEDEAO qui énonce les objectifs de la communauté. Mais
c'est surtout le chapitre IX du traité révisé qui permet
de véritablement rendre compte de la similitude des objectifs de la
CEDEAO et de l'UEMOA. L'analyse de ce
49 Les effets combinés de l'union
douanière et les élargissements successifs ont porté la
part des échanges intra-communautaires de 36% en 1957 a plus de 60%
aujourd'hui. C.F Franck PETITEVILLE in « les processus
d'intégration régionale, vecteurs de recomposition du
système international ? », Etudes internationales, vol. 28,
n°3, 1997, p. 511-533.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la CEDEAO
chapitre révèle que la CEDEAO tend à
promouvoir la coopération et l'intégration de l'Afrique de
l'Ouest pour établir une Union économique et
monétaire50. Ainsi, pour la réalisation de ces
objectifs, la CEDEAO et l'UEMOA ont adopté des instruments juridiques
quasi-identiques. La réalisation d'une telle Union économique est
la justification méme de l'UEMOA : elle vient compléter l'Union
monétaire instaurée en 1973 à travers l'UMOA. Dans cette
configuration, il est évident de signaler que l'identité des
objectifs assignés aux deux organisations peut constituer un
véritable moyen de réaliser la complémentarité
entre la CEDEAO et l'UEMOA. En outre, la configuration géographique des
deux organisations est aussi favorable à cette
complémentarité. Certes, l'espace de l'UEMOA et celui de la
CEDEAO ne sont pas les mémes mais, l'espace de la CEDEAO englobe celui
de l'UEMOA, d'où l'importance d'une complémentarité afin
d'éviter les dédoublements dans la réalisation des projets
intégrateurs. En dépit de ce rapprochement entre la CEDEAO et
l'UEMOA, ces deux organisations se caractérisent en
réalité par un manque total de synergie. Or, à l'heure
où le problème de la rationalisation des organisations
internationales africaines est d'actualité, il importe d'oeuvrer pour
cette complémentarité qui pourra ainsi faciliter la fusion de ces
deux organisations en une organisation d'intégration unique.
B. Vers une organisation d'intégration
unique
Cette perspective constitue l'objectif principal de la
rationalisation du cadre d'intégration. Ce projet de rationaliser les
efforts d'intégration en Afrique occidentale a été
impulsé par la Commission économique pour l'Afrique (CEA) et vise
la fusion des institutions poursuivant un méme but et, à terme,
l'instauration d'une organisation internationale unique pour réaliser
l'intégration de la sous-région. Dans ce cadre, l'unification de
la CEDEAO et de l'UEMOA devrait se faire sans difficulté car ce sont
toutes deux des organisations économiques. D'ailleurs, un argument
juridique pourrait valablement servir de cadre à ce projet. En effet,
aux termes de l'article 2 du traité révisé, la
communauté «sera à terme la seule communauté
économique de la région aux fins de l'intégration
économique et de la réalisation des objectifs de la
Communauté Economique Africaine51».
50 Article 55, al 1 du traité
révisé.
51 La création de cette communauté a
été décidée par le traité d'Abuja de 1991
qui procède explicitement du Plan de Lagos de 1980 qui fait de la CEDEAO
le cadre pertinent d'intégration de l'Afrique de l'Ouest.
Les initiatives d'intégration régionale en
Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la CEDEAO
Tel n'est pas le cas de l'UEMOA qui prend le soin de proclamer
sa fidélité «aux objectifs de la Communauté
Economique Africaine et de la Communauté des Economique des Etats de
l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)»52. Il serait alors envisageable
de transformer l'UEMOA, après l'aboutissement de ses objectifs, en une
structure autonome de la CEDEAO, chargée des questions
économiques et financières de la sous-région tandis que
les institutions de l'UEMOA deviendront des «institutions
spécialisées» de la CEDEAO. Par contre, celle-ci
conserverait le domaine politique et social de l'intégration et
demeurera l'interlocuteur unique auprès de l'UA et des autres
organisations internationales.
Toutefois, la réalisation de cette perspective (la
fusion de la CEDEAO et de l'UEMOA) pourra se heurter à un principe du
Droit des organisations internationales : le principe de la
spécialité qui tend à restreindre, sinon, à
cantonner les activités de l'organisation dans un volet bien
déterminé53. Mais cette difficulté juridique
pourra être contournée à travers l'élargissement de
l'objet de l'organisation internationale. Il est ici question d'incorporer au
traité constitutif de la CEDEAO les domaines pris en charge par les
autres organisations promues au rang «d'institutions
spécialisées».
52 Préambule du traité de l'UEMOA.
53 C.F Avis «O.M.S» de la C.I.J du O8
Juillet 1996.
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Afrique de l'Ouest : analyse du cadre institutionnel de la CEDEAO
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