Section.2. Les défis des Etats africains
Le Président Kwamé Nkrumah, dirigeant
éclairé, visionnaire et panafricaniste, qui a sacrifié son
temps et son énergie pour la libération des autres pays
africains. Nkrumah a lutté sans relâche pour l'unité des
pays africains au profit d'un seul Etat Fédéral Africain.
Il était convaincu que les pays fraîchement
indépendants avaient besoin de s'unir pour libérer les autres
pays africains et jeter les bases de leur émancipation
économique. Il comprenait qu'une Afrique divisée resterait
toujours sous la domination et serait une proie facile au capitalisme
mondial.
Une illustration de ceci est la fondation de l'Union Africaine
« U.A » en 2001 et la décision des Chefs d'Etats et
de Gouvernements d'avancer vers les Etats-Unis d'Afrique d'ici l'an 2015. Il
s'agit ici d'honorer comme il faut la mémoire du Président
Nkrumah et des nombreux dignes fils d'Afrique qui meurent par dans des guerres
injustes!
Mais la route de concrétiser ce rêve fait face
à de grands défis, aussi bien externes qu'internes. En
particulier, le système mondial actuel, caractérisé par
une militarisation croissante de la mondialisation néo-libérale,
présente des défis écrasants pour le continent
africain.
Les grands défis des Etats africains sont de
bâtir des États de droit fondé sur la bonne gouvernance,
libéré de la corruption et apte à développer des
stratégies pertinentes pour lutter contre la pauvreté.
La démocratie en africain a débuté au
début des années 90 par une volonté collective des peuples
africains d'abandonner l'idéologie du parti unique pour la
démocratie libérale de type occidental dont les prés
requis classiques sont :
· Le multipartisme intégral ;
· La construction de l'Etat de droit avec comme exigence
une logique légaliste rationnelle de gestion des affaires publiques ;
· Une gestion politique fondée sur la bonne
gouvernance et la lutte contre la corruption ;
· La nécessité de développer des
stratégies pertinentes pour lutter contre la pauvreté.
En effet, dans les pays en voie de développement de
l'Afrique Subsaharienne, le libéralisme politique a montré
très tôt ses limites dans la construction de l'Etat de droit.
Fidèles aux nouvelles conditionnalités des institutions de
Bretton Woods fondées cette fois sur la bonne gouvernance, les nouveaux
Etats démocratiques ont développé de très gros
efforts dans le domaine de la lutte contre la corruption et la bonne
gouvernance.
Cependant, il reste à développer des programmes
pertinents pour réduire la pauvreté et introduire dans les plans
de développement le souci de la dimension sociale.
2.1. Bâtir des États de droit fondé sur
la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption
La corruption est un fléau endémique dans nos
jeunes Etats où il reste à bâtier une conscience citoyenne
autour de l'Etat - nation, un Etat où précisément tous les
citoyens se sentent concernés par les
intérêts de toute la collectivité nationale.
L'Etat post-colonial africain a des caractéristiques
propres, même sous le renouveau démocratique. En effet, les
indépendances africaines avaient été dès les
premières années sous-tendues par la volonté politique de
la construction d'un Etat -nation à l'image de ceux qui existaient dans
les métropoles coloniales.
Les programmes de développement tendaient tous à
faire avancer le projet de la construction d'un espace national aux
dépens d'irrédentismes ethno régionaux et tribaux. Mais
malgré de grands efforts faits pour le renouveau national, l'Etat
post-colonial africain est loin de se transformer en Etat - nation, un
demi-siècle après les indépendances, confronté
qu'il est à la réalité de déterminismes socio
anthropologiques encore prégnants dans les logiques
structuro-fonctionnelles de ces Etats.
Aussi, malgré les volontarismes politiques qui avaient
émergé de la longue lutte des élites nationalistes contre
le colonialisme, des pesanteurs socio anthropologiques persistantes expliquent
les échecs de tous les projets nationaux plus ou moins influencés
par l'idéologie totalitaire, qu'elle soit de gauche (bolchevik) ou de
droite (fascisme). Nous avons à l'esprit les tentatives de
révolution nationale de Nasser, Kadhafi, Kwamé Nkrumah, Modibo
Keita, Sékou Touré, les « révolutions nationales
démocratiques et populaires » au Bénin, en RD Congo, au
Burkina Faso, etc.
Ces échecs ne peuvent pas seulement s'expliquer par des
difficultés économiques, mais aussi par le degré
d'élaboration de ce que le psychosociologue américain Maslow
appelle le besoin d'appartenance dont les effets pervers continuent de marquer
la physionomie des Etats, même sous la démocratique.
Beaucoup de spécialistes des sciences sociales opposent
toujours dans la structuration du système social, la communauté
à la société que le sociologue français du
XIXème siècle Emile Durkheim fait respectivement
asseoir sur ce qu'il appelle la solidarité mécanique par
opposition à la solidarité organique ou selon d'autres auteurs
comme Max Weber notamment et ses divers disciples, la solidarité
organique opposée à la solidarité économique.
Aussi avons-nous dans la communauté, la
prégnance des liens de sang dont la trajectoire anthropologique est la
famille, le clan, l'ethnie ; tandis qu'une vraie structure sociale est
après tout parcourue par des liens d'intérêts
fortifiés par une solidarité économique ; comme cela est
le cas d'une proto - nation ou d'une nation.
Les Etats africains post-coloniaux se situent
différemment sur ce parcours socio anthropologique marqué par ces
deux grands jalons, à savoir : les organisations définies
par la prégnance des liens de sang (solidarité organique) et
celles qui ont accédé peu ou prou à la conscience des
liens d'intérêts (solidarité économique).
Il existe bien sûr une surdétermination en
dernière instance des facteurs socio anthropologiques, pour parler comme
les marxistes ; mais ils ne constituent pas une fatalité. Ce sont les
hommes qui font l'histoire, dans des conditions déterminées.
Certes, dans cette optique, la démocratie africaine qui a
débuté vers les années 90 avec l'exigence de construire un
Etat de droit et d'asseoir une démocratie pluraliste, constitue une
opportunité pour renouveler le pacte sociopolitique qui dans les
années 60 avait déclenché de vastes mouvements
d'adhésion populaire au projet national.
Les mouvements populaires de contestation politique, des
revendications socio-économiques peuvent être
atténués profondément si les acteurs sociaux ont le
sentiment de participer à la réussite d'une oeuvre commune, qui
est une nation unie et prospère.
A ce niveau, la santé des classes politiques africaines
est déterminante. Les partis politiques africains doivent être de
vraies instances d'agrégation des intérêts et non des
instances néo-patrimoniales dont les programmes nationaux
échouent devant les revendications fondées sur la logique du sang
ou la logique du ventre, avatar corrompu de la logique
d'intérêt.
Un autre centre de réflexion important est la
problématique de la construction de l'Etat - nation dans le contexte de
la mondialisation, c'est-à-dire en fait de l'hégémonie
mondiale du système capitaliste du centre occidental. Un autre contexte
est l'avancée de la construction panafricaine avec par exemple
l'émergence de l'Union Africaine.
En suivant le développement historique des formations
sociales du centre (ou du Nord), on remarque que l'Etat - nation et son
idéologie spécifique de patriotisme nationaliste ne se sont
développés que par suite de mouvements sociopolitiques d'une
bourgeoisie nationale pour s'épanouir et asseoir ses bases
économiques dans un cadre territorial bien délimité sur le
plan institutionnel. Le capital a donc été national avant
d'amorcer son procès d'internationalisation.
Or, les Etats post-coloniaux africains, malgré des
tentatives locales sans lendemains de révolutions nationales (droite) ou
de « révolutions nationales démocratiques et populaires
» (gauche), n'ont pas encore réussi à asseoir les bases
d'une accumulation primitive propre à l'émergence de bourgeoisies
nationales, Le Bénin de 1972 à 1982. La logique de l'Etat
post-colonial africain).
A la place de l'accumulation primitive du capital
nécessaire au décollage économique, nous avons au
contraire une situation anomique de corruption généralisée
qui est un simulacre d'une accumulation primitive.
Le défi reste donc à construire un Etat moderne
débarrassé du néo-patrimonialisme qui est la source
fondamentale de la logique du ventre, c'est à dire de la corruption.
2.2. Développer des stratégies pertinentes
pour lutter contre la pauvreté
L'idéologie fondamentale du libéralisme que tous
les nouveaux Etats africains ont épousé, est la promotion des
investissements étrangers, c'est à dire du capital
étranger quelquefois allié à une bourgeoisie nationale en
gestation.
Ces circonstances d'une nécessaire accumulation du
capital afin d'amorcer le décollage économique ont des effets
désastreux sur les politiques sociales. Aussi beaucoup de
dépenses sociales, notamment liées à la santé, le
logement et l'éducation, grèvent-elles les budgets des
ménages contribuant à une paupérisation sans
précédent.
Comment dans ces conditions développer des programmes
pertinents de lutte contre la corruption ?
Il s'agit d'abord de définir une bonne politique de
gestion des ressources humaines qui mettra l'accent sur l'utilisation
rationnelle des ressources formées par le système éducatif
en luttant d'abord contre le chômage des jeunes diplômés du
système éducatif venant tant du second cycle des enseignements
techniques et professionnels que des établissements d'enseignement
supérieur.
Il faudra concevoir aussi un fonds d'aide pour les jeunes qui
veulent s'installer à leur compte ; ceci par le biais de prêts aux
petites et moyennes entreprises montées par des jeunes,
développer un programme d'assistance sociale aux couches
vulnérables.
Au vu de ces défis redoutables, la construction des
Etats-Unis d'Afrique pourrait sembler être une tâche impossible,
une entreprise prométhéenne. En effet, on devrait être
sceptique à propos de l'habileté et de la volonté des
dirigeants africains à construire une véritable unité
africaine parce que non seulement les obstacles sont accablants, mais aussi
l'expérience du passé ne montre aucun signe d'optimisme. Ainsi,
si les dirigeants africains sont vraiment sérieux en ce qui concerne la
réalisation de ce noble objectif, ils doivent prendre des
décisions sévères et courageuses.
La présente section a passé en revue les
défis auxquels l'Afrique fait face dans sa tentative de construire les
Etats-Unis d'Afrique.
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