§ 2 - Admission des exceptions
circonstanciées.
Lors de l'exploitation des oeuvres en ligne, de nombreuses
situations peuvent se présenter.
Par conséquent, la longue liste d'exceptions
établie par le dahir peut ne pas correspondre exactement à
certains usages.
Ceci est lié à l'évolution de la
société et de la technologie qui risquent de créer un
déséquilibre entre les intérêts légitimes de
l'auteur et ceux de la société.
Toutefois, ce même considérant évoque la
réévaluation ultérieure de la situation.
On peut donc espérer qu'un mécanisme sera
trouvé pour prévenir une adaptation régulière des
exceptions en fonction des résultats sociétaux et
économiques de leur mise en pratique.
certaines juridictions européennes se sont vu créer
des exceptions quant le besoin s'est fait sentir.
Nous verrons la position de quelques juridictions
européennes sur l'extension des exceptions.
Cette conception des exceptions comme expression de valeurs est
incompatible avec la balance des intérêts dans le monde
numérique.
C'est ainsi que, la modification de l'équilibre entre les
droits et les exceptions a amené tout naturellement les juridictions
européennes à créer des exceptions nouvelles.
§ Aux Pays-bas, la Cour suprême a
considéré qu'il résultait de la logique même du
droit d'auteur que la liste d'exceptions figurant dans la loi sur le droit
d'auteur ne pouvait être considérée comme exhaustive.
Selon cette décision, les exceptions
insérées dans la loi sont le fruit d'un arbitrage entre, d'une
part les intérêts légitimes de l'auteur et d'autre part les
intérêts légitimes des tiers et de la
société.
Il s'en déduit que, « lorsque
l'intérêt général ou l'intérêt
supérieur de tiers ne peut être sauvegardé qu'en limitant
le droit d'auteur, il convient d'admettre que les droits de l'auteur doivent
céder le pas devant cet intérêt général ou
cet intérêt supérieur des tiers de voir l'oeuvre reproduite
/communiquée » .
§ D'autres décisions européennes , à
l'instar de l'Allemagne ont déjà
procédé à une mise en balance similaire entre droit
d'auteur et libertés fondamentales afin de reconnaître à
l'utilisateur d'une oeuvre une exception qui n'était pas prévue
dans la loi sur le droit d'auteur.
§ Toujours à propos de la reconnaissance des
libertés fondamentales, les juges français ont également
essayé de créer une exception en suivant le même chemin.
Bien que la France soit un Etat d'une conception stricte du droit
d'auteur, les juges ont crée des exceptions en vue de satisfaire un
besoin d'équilibre entre auteurs et société de
l'information.
Dans une décision du 23 février 1999 , le Tribunal
de grande instance de Paris a reconnu à l'utilisateur de l'oeuvre une
exception non prévue dans la loi, sur la base du droit du public
à l'information reconnu par l'article 10 de la Convention
européenne des droits de l'homme.
En l'espèce, la télévision française
avait réalisé un reportage sur une exposition des oeuvres du
peintre UTRILLO, sans requérir l'autorisation de ce dernier.
Néanmoins, le juge a estimé qu'en vertu du droit du
public à l'information, « un reportage représentant une
oeuvre d'un artiste uniquement diffusé dans un journal
télévisé de courte durée ne portera pas atteinte
aux droits de propriété intellectuelle d'autrui, puisqu'il sera
justifié par le droit du téléspectateur à
être informé rapidement et de manière appropriée
d'un événement culturel constituant une actualité
immédiate en relation avec l'oeuvre ou son auteur, qu'il ne
concurrencera pas l'exploitation normale de l'oeuvre ».
Cette décision souligne la rigidité de la liste de
l'article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle qui
interdit toute évolution des exceptions et par conséquent toute
adaptation aux pratiques sociales et économiques.
La jurisprudence ci-dessus imprègne le droit d'auteur
français du concept anglo-saxon de « fair use » qui permet
l'utilisation libre de l'oeuvre protégée dès lors qu'elle
respecte le critère d'usage raisonnable.
Cependant, le jugement ci-dessus avait été
infirmé par la Cour d'appel.
Pour cette dernière, certes l'article 10-1 consacre la
liberté d'expression qui comprend la liberté de recevoir des
informations. Mais, il n'en demeure pas moins que cette liberté ne
saurait ne être absolue, suivant l'article 10-2 de la Convention
européenne des droits de l'homme.
Lorsque le droit de l'information du public est utilisé
par un commerçant, il lui appartient d'assumer le coût de son
activité en respectant les droits légitimes d'autrui
consacrés par la loi.
Malgré l'infirmation de la décision du Tribunal de
grande instance de Paris, celle-ci reste quant même un bel exemple
à suivre dans le domaine du numérique, où l'exploitation
des oeuvres est de plus en plus croissante et variée.
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