Introduction
On a pensé à titrer ce mémoire : les
droits d'auteur et les nouvelles technologies de l'information
vu la naissance d'une industrie de l'information et
le rôle qu'occupe la technologie dans cette industrie qui recouvre toute
une société.
Mais par un souci de méthode on a
préféré le terme de « nouvelle
société de l'information » à celui de
« technologies de l'information », en effet un droit tout
autant qu'une obligation ne se conçoivent qu'au sein d'une
société qui oblige ses sujets au respect de ses propres
règles.
Les acteurs de la société d'information sont
public, éditeurs et auteurs, ces derniers qui nous intéressent
essaient de défendre leurs intérêts légitimes face
à un public qui invoque le droit à l'information et à un
éditeur qui monopolise l'exploitation de l'oeuvre jusqu'à en
devenir auteur.
Dans cette société les droits des uns sont les
obligations des autres, or la propriété littéraire et
artistique est seule garante des droits des auteurs sur leurs oeuvres.
Ce droit incorporel s'acquiert par la seule création de
l'oeuvre par son auteur et implique une protection de celle-ci.
Mais ne doit on pas définir ce que l'on doit
protéger !
Le droit qui est reconnu ainsi à tout créateur
d'une oeuvre devra donc être bien défini quant à son
étendue pour que son exercice ne soit ni entravé ni excessif.
les difficultés liées à l'exercice de ces
droits sont le plus souvent résolues grâce à un effort de
délimitation fourni par les tribunaux saisis des auteurs victimes
d'atteintes à leurs droits patrimoniaux ou moraux.
les nouvelles technologies de l'information rendront vain cet
effort sans la spécialisation de magistrats dotés de
compétence techniques dans ce domaine.
le world wide web1(*) a introduit une énorme infrastructure
technique permettant un flux d' informations impossible sous d'autres supports
avec des milliards de pages de données, chaque jour 7 millions de pages
sont déversées sur le réseau des réseaux.
Un commerce foisonnant est en train de prendre place sur Internet
et dont la grande part est réservée aux produits de la
propriété intellectuelle.
Il s'agit donc, grâce à la numérisation de
tout ce qui n'est pas irrémédiablement matériel2(*), de plusieurs mégabits
d'oeuvres protégées par la propriété intellectuelle
qui sont transmises à la joie des utilisateurs du patrimoine culturel.
Désormais les oeuvres de création sont commandables
sur le net et également livrables par procédé dit de
téléchargement.
Avec ce nouveau support la propriété intellectuelle
est vouée à l'évolution afin que l'exploitation des droits
issus de la création intellectuelle maintienne les principes et
mécanismes juridiques sous lesquels elle s'opérait partant de la
presse à impression jusqu'à la télévision en
passant par la radio diffusion.
Néanmoins il reste que le monde numérique dans
lequel émerge cette propriété intellectuelle encourage par
essence la copie, et la technologie devra se confronter à elle
même pour mettre à mal les éventuels soustracteurs3(*) des oeuvres
protégées en diffusion sur le réseau.
l'édition électronique avec la publication en ligne
de littérature scientifique, technique et médicale, ainsi que
l'offre de journaux connaît un essor considérable et des
procès ont déjà fait école opposant des auteurs
d'articles scientifiques à certains éditeurs
spécialisés.
Une nouvelle forme de diffusion dites
« weblogs » permet de publier des articles, sans
l'intermédiaire des maisons d'édition ou de distributeurs, sur
des sites de journaux personnels.
Chapitre premier : le régime juridique
classique des droits d'auteur
Section première : les droits d'auteurs
L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul
fait de sa création d'un droit de propriété incorporel
exclusif et opposable à tous.
Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral et
des attributs d'ordre patrimonial.
1. les droits patrimoniaux
les droits patrimoniaux de l'auteur deviennent de plus en plus
consistants du fait de l'émergence de cette société
d'information qui nous intéresse.
En effet les différents supports et médiums dont
elle fait usage élargissent le champs d'exploitation des oeuvres
d'esprit.
Tout auteur a un droit exclusif d'exploiter son oeuvre sous
quelque forme que ce soit et d'en tirer un profit pécuniaire. Il s'agit
du droit de reproduction et du droit de représentation et de toute autre
modalité d'exploitation. en conséquence toute forme
d'exploitation par reproduction ou représentation intégrale ou
partielle constitue une contrefaçon sans qu'il ait besoin de prouver la
mauvaise foi du contrefacteur, on parle d'un monopole d'exploitation de
l'oeuvre par son auteur.
Cette reproduction consiste dans la fixation matérielle de
l'oeuvre par tous procédés permettant de la communiquer au public
d'une manière indirecte.
Traditionnellement cette fixation s'effectue par impression,
aujourd'hui elle peut se faire par plusieurs moyens y compris par
numérisation qui a été définit par une ordonnance
du président du tribunal de grande instance de paris comme
étant : « la technique consistant à
traduire le signal analogique qu'elle constitue en mode numérique ou
binaire qui représentera l'information dans un symbole à deux
valeurs 0 et 1 dont l'unité est le bit »
On en conclut que toute mise à disposition des personnes
connectées au réseau Internet d'une oeuvre protégée
constitue une reproduction illicite si elle n'a pas été
autorisée par son auteur sans que l'auteur de la reproduction ne puisse
invoquer un usage privé, seul cas ou la reproduction cesse d'être
illicite.
Le droit de représentation ou d'exécution publique
consiste dans la communication de l'oeuvre au public par un
procédé quelconque.
L'acte de représentation privée et gratuite faite
exclusivement dans un cercle de famille échappe à la protection
des droits d'auteur.
Dans son arrêt du 23 novembre 1971 la cour
de cassation française décide que la diffusion d'un programme de
télévision dans la chambre d'un hôtel constitue une
représentation publique, l'ensemble des clients constituant un public
même si chacun d'eux occupe à titre privé la chambre qui
lui est louée.
La numérisation d'une oeuvre protégée
constitue une représentation publique même si le fait actif
entraînant la représentation est celui du tiers visitant les
« pages privées » d'un site Internet
(ordonnance du TGI de paris 1996).
Les artistes possèdent un droit de suite
inaliénable leur permettant pendant la durée du monopole, de
prélever un pourcentage sur les produits de la vente de leurs oeuvres.
droit patrimonial, le droit de suite est incorporé au patrimoine de son
titulaire et dévolu à ses héritiers par voie de
succession.
§1 : Exceptions aux droits patrimoniaux
Néanmoins l'absolutisme du droit d'auteur souffre de
certaines exceptions.
Sous réserve de la mention du nom de l'auteur et de la
source, le droit de citation est reconnu à chacun voulant insérer
une citation dans son oeuvre à caractère critique,
polémique, pédagogique, scientifique ou d'information.
Le tribunal de grande instance de paris avait
décidé par ordonnance de référé 5
mai 1997 que : le fait de découper une oeuvre
littéraire en de multiples fragments et de la numériser en
totalité sur le, réseau Internet n'est pas justifié par
l'exception de courte citation parce que, d'une part, il n'entraîne pas
l'insertion des passages cités dans une autre oeuvre à des fins
critiques, théoriques et pédagogiques etc. , d'autre part il ne
correspond pas à une courte citation puisqu'il suffit de rapprocher tous
les fragments pour reconstituer l'oeuvre.
La reproduction intégrale d'une oeuvre, quelque soit son
format, ne peut s'analyser comme une courte citation, c'est ce qu'a
décidé la cour de cassation française en assemblée
plénière du 5 novembre 1993 , en jugeant que
« la reproduction intégrale d'une photographie ne peut
être qualifiée de courte citation ».
Le professeur Françon poursuit cette logique en
écrivant que : admettre que la réduction du format fait de
la reproduction une courte citation, c'est « raisonner par
analogie pour définir la portée d'une exception au droit de la
reproduction , alors que toute exception doit au contraire faire l'objet d'une
interprétation restrictive »
L'insertion des oeuvres protégées dans les
reportages télévisés suscite le plus de polémiques
du moins en jurisprudence française.
En effet, la cour de cassation française a
condamné une chaîne télévisée pour avoir
filmé pendant 49 secondes les oeuvre de Vuillart décorant le
foyer du théâtre des Champs-Élysées en se conformant
à sa propre décision sus-citée.
la cour a jugé que « la
représentation d'une oeuvre située dans un lieu public n'est
licite que lorsqu'elle est accessoire par rapport au sujet principal
représente ou traité » alors que les oeuvre avaient
été filmées « intégralement et en gros ce
qui ne s'imposait pas compte tenu du sujet traité » 4(*)
la reproduction ou la diffusion même intégrale des
discours publics5(*) fait
aussi exception au droit patrimonial d'auteur à condition que ce soit
pour les besoin de l'actualité et sans que les oeuvres prononcées
en public ne tombent dans le domaine public.
§2 : Durée de la protection des droits
d'auteur
La durée de protection des droits patrimoniaux des auteurs
selon l'article 25 du dahir du 6 juillet 2000 se prolonge
pendant leur vie et 50 ans après la mort de l'auteur, et pendant la vie
du dernier auteur survivant et 50 ans après sa mort lorsqu'il s'agit
d'une oeuvre de collaboration art 26, ainsi que 50
ans à compter de la fin de l'année civile de la première
publication licite de l'oeuvre ou ,à défaut de cet
événement survenu dans les 50 ans suivant l'année civile
de sa réalisation, 50 ans suivant la fin de l'année civile ou une
telle oeuvre été rendue accessible au public ou, à
défaut, 50 ans après sa réalisation lorsqu'il s'agit d'une
oeuvre anonyme ou pseudonyme art 27.
2. les droits moraux
le droit moral d'un auteur recouvre toutes les
prérogatives extrapatrimoniales attachées sa qualité
d'auteur.
Ce droit de la personnalité 6(*), inaliénable et imprescriptible est
d'application impérative 7(*).
Le droit de divulgation est le plus importants parmi les
attributs du droit moral de l'auteur, par la divulgation celui-ci accepte de
révéler son oeuvre au public, il lui revient
discrétionnairement
d'y procéder.
La cour de cassation a jugé que même la lecture
partielle à l'audience d'un manuscrit inédit constitue une
violation du droit de son auteur 8(*).
L'exercice de ce droit peut se heurter à des droits
acquis.
La cour de cassation a décidé que l'auteur reste
seul juge de l'achèvement de son oeuvre même si elle lui a
été commandée par un client qui en exige livraison en
l'état 9(*).
La jurisprudence française admet que l'auteur d'une oeuvre
inachevée puisse la revendiquer entre les mains d'un possesseur de bonne
foi 10(*).
S'agissant des oeuvre audiovisuelles, l'auteur ne voulant ou ne
pouvant achever sa contribution ne peut s'opposer à l'utilisation de la
partie de sa contribution déjà réalisée.
Ce droit de divulgation peut consister en une prérogative
positive c'est ainsi que tout auteur peut exiger de son cocontractant qui s'y
est engagé de publier son oeuvre ou lui verser une compensation11(*) .
Plus intéressant est le droit de l'auteur lui permettant
de mettre fin à l'exploitation des oeuvres qu'il jugerait indignes de
son talent nonobstant la cession de ses droits d'exploitation en contrepartie
d'une indemnisation du préjudice causé à son
cocontractant.
L'exercice du droit de repentir devient abusif si l'auteur
poursuit seulement des satisfactions financières 12(*).
En matière d'audiovisuel, le droit moral de repentir ne
peut s'exercer que sur une oeuvre achevée.
Le droit moral de l'auteur lui donne la faculté de veiller
à ce que son oeuvre, après sa divulgation au public, ne soit pas
dénaturée ou mutilée.
Il peut s'opposer à toute altération de son oeuvre
13(*).
Des problèmes se sont posés pour les atteintes
portées aux oeuvres cinématographiques soit par des coupures
publicitaires en cours de diffusion à la télévision, soit
par coloriage de films noir et blanc.
Sur les coupures publicitaires, la loi française
tolère une seule coupure dans les oeuvres audiovisuelles et
cinématographiques diffusées en dehors des émissions de
ciné-club, par des chaînes autres que des sociétés
nationales de télévision ou des sociétés de
télévision par abonnement, le droit moral de l'auteur ne peut
néanmoins être limité.
Quant au coloriage d'un film en noir et blanc, la Cour de
cassation, en cassant dans l'affaire Huston 28 mai 1991,
l'arrêt de la cour de Paris du 6 juillet 1989 a sanctionné le
procédé en déclarant que les règles relatives au
droit moral sont « des lois d'application
impérative »
Tout auteur a une paternité sur son oeuvre lui permettant
de faire reconnaître l'oeuvre comme sa création, et par
conséquent d'exiger la mention de son nom sur l'oeuvre et tous documents
la mentionnant.
Ainsi, la violation du droit moral de l'auteur, par suppression
de son nom lors de la communication de l'oeuvre au public, n'est pas
visée spécialement par le dahir de 2000 qui
dispose dans son article 65
que : « toute violation d'un droit
protégé en vertu de la présente loi, si elle est commise
intentionnellement ou par négligence et dans un but lucratif, expose
son auteur aux peines prévues par le code pénal. le montant de
l'amende est fixé par le tribunal compte tenu, des gains que le
défendeur a retiré de la violation. »
corrélativement tout auteur est libre de ne pas
révéler son nom et de divulguer l'oeuvre sous un pseudonyme ou
anonymement.
Nonobstant toute cession des droits patrimoniaux, l'auteur
conserve la faculté d'interdire toute diffusion de son oeuvre faite sans
indication de son nom.
Section 2 : les oeuvres protégées
Les oeuvres protégées par le dahir sont
définies par l'article 2 de son texte qui
dispose : « la présente loi s'applique aux oeuvre
littéraires et artistiques qui sont les créations intellectuelles
originales dans le domaine littéraire et
artistique. »
Il faut entendre par oeuvres littéraires tous les
écrits et toutes les expressions orales de la pensée. De
même les traductions, adaptations, anthologies ou recueils d'oeuvres ou
de données diverses qui, par le choix et la disposition des
matières, constituent des créations intellectuelles.
La protection légale s'applique aux oeuvres lyriques et
musicales, quels qu'en soient le mérite ou la destination.
Il en est de même des variations issues d'une composition
incorporée ou non au domaine public ou des oeuvres tirées du
folklore dès lors que l'auteur lui donne les caractères d'une
composition originale même s'il ne sait pas lire une musique
écrite et improvise à chacune de ses manifestations.
Le régime des droits d'auteur protège aussi les
oeuvres audiovisuelles qui incluent les oeuvres cinématographiques et
autres oeuvres consistant dans des séquences animées d'images,
sonorisées ou non.
Ce sont les oeuvres de dessin, peinture, architecture, sculpture,
gravure, lithographie.
La protection légale s'étend aux illustrations,
cartes géographiques, plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs
à la géographie, à la topographie, aux sciences et
à l'architecture.
L'extension de la notion d'oeuvre protégée va
jusqu'à la protection des copies d'oeuvres d'art plastique en raison de
leur exécution manuelle.
Les oeuvres photographiques sont protégées sans
qu'on ait à rechercher leur caractère artistique ou documentaire,
recherche qui avait conduit une partie de la doctrine à penser que toute
photo méritait protection.
Mais pour M. Colombet le contentieux n'est pas
terminé car une photo ne peut être protégée
qu'à la condition d'être une oeuvre originale, et la discussion
porte sur l'originalité.
Tout un courant de jurisprudence française est en ce sens,
refusant la protection à des photographies faute
d'originalité.
L'article 3 ajoute dans son dernier
alinéas que : « la protection est
indépendante du mode ou de la forme d'expression, de la qualité
et du but de l'oeuvre » ce qui est une extension de la
protection et une reconnaissance des nouveaux modes de reproduction et de
représentation au public qui ne cessent de se perfectionner.
Section 3 : les sanctions aux atteintes aux droits
d'auteur
1. les mesures conservatoires
La saisie-contrefaçon
Pour permettre la preuve des atteintes à la
propriété littéraire, l'auteur ou ses ayants droit peut
faire saisir les exemplaires constituant une reproduction illicite de son
oeuvre.
Mais la saisie doit être autorisée par ordonnance du
président du tribunal de première instance ou du tribunal de
commerce, statuant sur requête.
2. la procédure de référé
L'urgence à agir incite les victimes d'atteintes au droit
d'auteur à choisir la procédure de référé
pour voir cesser le trouble causé.
C'est ainsi qu'ont procédé les demandeurs dans les
mises à disposition illicites de leurs oeuvres au profit des
utilisateurs du réseau Internet.
Ils ont généralement obtenu que les
défendeurs mettent fin au trouble avant même la décision du
juge.
Cette cessation ne devrait pas exonérer les
défendeurs de dommages-intérêts.
3. les instances au fond
elles comprennent essentiellement l'action en
contrefaçon.
La contrefaçon est toute édition, reproduction,
représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, notamment la
photocopie d'une oeuvre de l'esprit, en violation des droits de l'auteur.
On verra plutard qu'il en va de même pour la
numérisation d'une oeuvre pour diffusion sur Internet.
On admet que l'atteinte au droit moral de l'auteur constitue une
contrefaçon aussi bien que le mépris de ses droits
patrimoniaux.
a - Le rapprochement des deux ouvrages, de l'auteur et du
contrefacteur, permet de condamner ce dernier dès lors qu'apparaissent
de nombreuses ressemblances dans l'expression.
La mauvaise foi des personnes ayant participé à une
contrefaçon n'est pas une condition de l'action civile à leur
encontre.
Cette mauvaise foi est présumée.
b - Sont assimilés à la contrefaçon :
le débit, l'exportation et l'importation d'ouvrages contrefaisant pour
lesquels il n'existe pas au pénal de présomption de mauvaise foi.
c - L'action en contrefaçon n'appartient qu'au
titulaire du droit d'auteur, qui ne peut habiliter à l'exercer le
bénéficiaire d'une exclusivité de vente.
Elle ne suppose pas la preuve d'un préjudice
spécial : l'atteinte aux droits de l'auteur est constitutive en soi d'un
préjudice.
Pour lutter plus efficacement contre les contrefacteurs qui
résistaient aux personnes morales en exigeant d'elles la preuve de la
qualité de cessionnaire des droits de l'auteur ou celle d'initiateur
d'une oeuvre collective, la Cour de cassation a étendu à toute
oeuvre, qu'elle soit, ou non, collective, la présomption de
titularité des droits sur l'oeuvre.
solution qui aurait pu inciter le législateur marocain
à instaurer cette présomption de titularité afin de
prévenir les litiges à ce sujet.
L'exercice par l'auteur du droit de propriété
intellectuelle qu'il tient de la loi et qui est attaché à sa
personne en qualité d'auteur n'est en principe limité par aucune
prescription.
Le régime classique ainsi exposé sera t-il flexible
au nouvelle données de la propriété
intellectuelle ?
Cependant, Internet étant mondial la législation
devant s'y appliquer doit être internationale.
L'organisation mondiale de la propriété
intellectuelle a fait un grand effort dans le but d'harmoniser les
règles en la matière.
chapitre 2 : la migration de la
propriété intellectuelle
vers le monde numérique
le monde numérique et le monde économique sont
aujourd'hui intimement liés.
Les technologies de l'information ont, dès les
années 90, contribué pour une large part à la croissance
économique grâce à un système de
propriété intellectuelle qui a permis d'assurer efficacement la
protection des nouvelles technologies au sein de ce monde économique
à nouveau visage.
L'explosion d'Internet a bouleversé le monde
économique en générant de nouveaux models commerciaux mais
aussi le monde juridique en posant de nouvelles problématiques au regard
de la protection de la propriété intellectuelle sur Internet.
Cet imbroglio juridique commence par la métamorphose que
connaissent les oeuvres de l'esprit pour entamer des circuits d'information
qui lui sont tout a fait étranger.
il s'agit de leur numérisation.
Section première : la numérisation
des oeuvres
Le numérique est une technique permettant la
transcription de l'information.
Sa force réside dans la capacité de
dissolution : tout contenu quelque soit sa forme, peut être
décomposé, réduit et conservé. son
intérêt réside dans sa capacité de
restitution : toute réduction peut faire l'objet du processus
inverse de reconstitution, à l'identique du contenu originel.
section première : Internet
Internet permet en gros 6 activités principales :
1. Le téléchargement :
(downloading)
Il s'agit de transférer des programmes ou des
données de jeux, d'images, de musiques, de logiciels, etc. depuis un
ordinateur vers un autre, généralement depuis un serveur vers un
poste de travail individuel en freeware ou en shareware et ce, grâce au
système de transfert de fichiers (FTP).
2. L'utilisation d'applications interactives à
distance (Telnet),
3. La messagerie (e-mail) qui permet
d'échanger des courriers électroniques entre ordinateurs,
4. Le dialogue Multi-Utilisateurs en direct
(Internet Relay Chat ou IRC),
5. Le WEB qui permet un affichage de textes
et d'informations sous forme graphique ou multimédia et leur liaison par
liens hypertextes,
6. Les forums (news group),
c'est-à-dire la participation à des groupes de discussion
thématique.
Section 3 : le commerce des droits issus de la
propriété
intellectuelle
la propriété intellectuelle a investi Internet,
tant matériellement qu'en tant que notion essentielle de la
réussite des entreprises de commerce électronique.
chapitre 2 : les droits d'auteurs et les nouvelles
pratiques de la
société de
l'information
Le droit actuel assorti de quelques adaptations permet de
répondre de façon relativement satisfaisante, sur le territoire
national, au soucis de garanties juridiques.
§1 : La mise en mémoire sur un service
Internet
Comme la reproduction consiste en la fixation matérielle
de l'oeuvre par tous les procédés qui permettent de la
communiquer au public et qu'elle peut s'effectuer notamment par
enregistrement magnétique, la mise en mémoire
sur un ordinateur, donc sur un serveur, constitue une reproduction au sens du
droit d'auteur14(*).
Lorsque cette mise en mémoire est faite pour un usage
strictement personnel, il s'agit « d'une reproduction à usage
privé », qui ne nécessite de ce fait pas d'autorisation
spécifique de l'auteur.
Il en va cependant autrement lorsque cette mise en
mémoire a lieu sur un serveur accessible « au public » via
Internet.
Dans un réseau, le serveur est un ordinateur hôte
qui fournit des ressources (zones de stockage, données, programmes,
imprimantes, bases de données, etc.) aux autres postes de travail du
réseau (appelés clients).
Cette mise en mémoire constitue alors indiscutablement
une reproduction au sens de l'article 10 du dahir qui
dispose : l'auteur d'une oeuvre a le droit exclusif de faire ou
d'autoriser les actes suivants :
§ rééditer et reproduire son oeuvre.
§ communiquer son oeuvre au public par
câble ou par tout autre moyen
En l'occurrence, toute reproduction par numérisation
d'oeuvres protégées par le droit d'auteur et susceptible
d'être mise à la disposition de personnes connectées au
réseau Internet doit être expressément autorisée par
le titulaire ou le cessionnaire des droits.
La personne physique ou morale qui met à disposition du
public sur un serveur Internet au mépris des droits de son auteur, donc
aussi bien la personne qui a enregistré l'oeuvre sur le serveur que le
propriétaire du serveur qui est au courant de cette mise à
disposition, et contre facteur, ou pour le moins complice d'un acte de
contrefaçon.
Le problème est plus délicat lorsque les oeuvres
de tiers sont mises à la disposition du public par les internautes
à l'insu des fournisseurs d'accès et du serveur, notamment par le
biais des « babillards ».
Dans l'affaire US v. La Macchia, un Tribunal
de Boston a dû se prononcer sur les agissements d'un étudiant qui
avait mis à la disposition des utilisateurs d'Internet de nombreux
logiciels et des jeux vidéo en vente dans le commerce.
Poursuivi pour vol, cet étudiant fut relaxé aux
motifs que des droits d'auteur stockés sur un support ne pouvaient
légalement faire l'objet d'un vol.
Après cette affaire, la législation
américaine sur le vol a été modifiée en
conséquence.
Il est parfaitement concevable que des centres serveurs soient
accusés du délit de complicité de contrefaçon du
moment qu'ils avaient agi en connaissance de cause.
§2 : Transferts par courrier
électronique :
De ce qui est du statut des créations
transférées par courrier électronique ou e-mail, il est
certain qu'une majorité des transferts individuels peuvent être
considérés comme des copies à usage privé, surtout
si la copie électronique est faite à l'initiative de
l'utilisateur.
Par contre, une diffusion massive d'oeuvres à des
listes de diffusion par courrier électronique constitue sans aucun doute
une reproduction des oeuvres nécessitant l'autorisation de l'auteur ou
de ses ayants droits.
Il n'y a évidemment pas de problèmes juridiques
particuliers lorsque :
- la personne qui met l'oeuvre à la disposition du
public dans un news group ou un serveur et son auteur ou l'ayant droit de
celui-ci, et
- lorsque les oeuvres mises à la disposition du public
sont par leur nature dans « le domaine public ».
§3 : Les liens hypertextes :
le web World Wide Web est constitué par une myriade de
sites, chacun situé au confluent d'hyperliens.
Instruments de navigation sur le web, les hyperliens peuvent
être tissés de différentes manières.
On distingue classiquement :
1- les liens simples (liens pointant vers la
page de présentation d'un site tiers) des liens profonds (liens
tissés vers les pages secondaires d'un site tiers) ;
2- les liens activables, nécessitant le
clic d'une souris pour ouvrir la ressource visée, des liens
automatiques, qui permettent d'ouvrir directement le contenu de la ressource
liée sur l'écran de l'internaute sans nécessiter une
action de sa part.
l'origine du lien hypertexte remonte aux bibliothèques qui
sont,
d'une certaine façon, d'immenses bases de données
dans laquelle peuvent « naviguer » les lecteurs
Aussi, peut-on considérer la note de bas de page, qui
renvoie le lecteur vers la consultation d'autres documents, comme l'un des
avatars primitifs du lien hypertexte
L'analogie peut encore être faite avec les grandes
encyclopédies du XVIII ème siècle que l'on concevait, en
France et en Angleterre, comme un découpage du
savoir en unités auxquelles le lecteur pouvait
accéder dans n'importe quel ordre.
Un site Internet n'est cependant pas relié du seul fait de
sa mise en ligne.
Il faut tout d'abord que l'auteur du site le
référence sur un moteur de recherche ou demande à d'autres
sites d'effectuer des liens vers le sien. Ce n'est théoriquement que
lorsque les premiers liens seront tissés que le site sera « visible
» sur le web et existera pleinement sur la « Toile d'Araignée
Mondiale ».
le principe veut qu'à partir du moment ou une personne
décide de mettre en ligne une ressource sur Internet, elle doit en
accepter le fonctionnement, l'esprit et les règles implicites.
L'hyperlien permet un cheminement, c'est à dire le
passage d'un site vers un autre, donc d'une propriété vers une
autre, soit que l'on pénètre à l'intérieur pour le
traverser soit en faire la visite.
Si l'hyperlien n'est qu'un chemin, notion qui fonde
la liberté de se déplacer sur le web, cela a pour
conséquence sa neutralité au regard de la législation sur
la contrefaçon.
Une analogie a été faite avec la notion de
servitude, en effet si l'hyperlien est considéré comme une
servitude de passage plutôt de vue de site en site, il n y aurait pas
à obtenir autorisation du propriétaire du « site
servant » ou du « site dominant ».
Si la liberté de lier est la règle, il en est
tout autrement si le lien est dit profond.
A propos de liens profonds, le juge des
référés français a eu l'occasion de préciser
que la contestation relative à la reconnaissance du caractère
contrefaisant d'un hyperlien profond est une question de fond qui relève
du juge de droit commun.
Saisi de la question de savoir si d'une part, la création
d'un lien profond à l'insu du titulaire du site cible, ainsi que celle
d'un site de reroutage automatique sont en eux-mêmes des actes
contrefaisant et, d'autre part, si cette démarche constitue une
complicité dolosive ayant pour but de créer au profit des
créateurs des liens une confusion, qualifiée de parasitaire, le
juge des référés s'est déclaré
incompétent au profit du juge de droit commun. Le sort des liens
profonds relève donc d'une contestation sérieuse.15(*)
vis-à-vis des droits patrimoniaux l'hyperlien reste
neutre
Les arguments qui suivent prennent le contre-pied de ceux
avancés par les tenants de la thèse de l'autorisation sur le
terrain du droit de représentation et du droit de reproduction.
L'hyperlien ne consiste pas en soi en un acte de
représentation
Pour les tenants de la liberté de lier, la
représentation de l'oeuvre doit consister strictement dans la
communication de l'oeuvre au public, c'est à dire dans la mise à
la disposition du contenu même de l'oeuvre.
Or, un hyperlien ne met pas l'oeuvre elle-même
à la disposition des internautes, il permet seulement d'y
accéder plus facilement.
Le lien n'est qu'un outil de cheminement qui conduit l'internaute
vers l'oeuvre et non le contraire (à savoir l'oeuvre vers l'internaute).
En d'autres termes, la mise en ligne du contenu d'un site est
décidé par le propriétaire de celui-ci et la
création de tout
hyperlien ne fait que prolonger l'acte initial de la mise
à disposition du public.
En tout état de cause, une autorisation ne serait requise
que dans le cas où l'oeuvre serait communiquée à un
nouveau public.
Or, les tenants de l'autorisation ne peuvent pas, à
l'appui de leur thèse, invoquer l'arrêt Novotel de
1994qui estime que la diffusion d'une chaîne de
télévision à péage dans des chambres d'hôtel
constitue une communication d'une oeuvre à un nouveau public, dans le
cas de l'Internet,
c'est toujours le même public, la communauté des
internautes, qui est amené à faire usage des hyperliens.
Il a d'ailleurs été proposé de substituer
à l'analogie qui a été faite entre le créateur d'un
site et l'hôtelier de l'arrêt Novotel une autre selon
laquelle l'hyperlien ou, plus exactement, les collections d'hyperliens
pourraient être comparées à la «
télécommande » d'un poste de télévision
permettant après quelques clics d'être destinataire du contenu.
Cette position est notamment défendue par Me Arnaud
Diméglio pour lequel : « Le lien est un moyen d'accès
à une communication il facilite même son accès, mais en
lui-même, mis à part l'expression de la référence,
il n'est ni un moyen de communication, ni une communication. L'information, et
l'accès à l'information sont donc deux éléments
essentiels mais distincts de la notions de communication. En bref, renvoyer
n'est pas
communiquer mais faciliter l'accès à une
communication. Le référencement ne peut donc se définir
comme un acte de communication et, par voie de conséquence, de
représentation16(*)»
Alain Strowel et Nicolas Ide soutiennent également que la
fourniture d'un hyperlien
n'équivaut pas à une communication au public, dans
le sens des traités de l'OMPI du 20 décembre 1996.
Selon eux « l'oeuvre étant déjà
disponible à l'adresse web du site relié au
bénéfice de l'ensemble de la communauté des internautes,
il ne peut être question d'une nouvelle mise à disposition du
public. En effet, le lien n'élargit pas le public de l'oeuvre : ceux qui
vont avoir accès à l'oeuvre suite à l'activation du lien
pouvaient aussi directement consulter cette page à condition d'en
connaître l'URL17(*).
Juger qu'il y a une nouvelle communication au public ne
paraît pas justifié et causerait des difficultés importante
en terme de gestion de ce droit18(*) »
Enfin, la Commission canadienne du droit d'auteur a retenu une
conception similaire dans une décision19(*) « sur le droit d'auteur à propos de la
protection des oeuvres musicales sur Internet »
La commission indique que « en soit, la création
d'hyperliens n'implique pas la communication au public de quelque oeuvre
comprise dans les sites visés par les liens »
Chapitre 3 : le monde numérique et les
exceptions à l'exercice
des droits d'auteur.
Le système d'énumération limitative des
exceptions adopté par le dahir 2000 et consacré dans le chapitre
dénommé : « limitations des droits
patrimoniaux » n'est pas très adapté pour les nouveaux
modes d'exploitation des oeuvres dans l'univers numérique.
En effet, l'évolution des pratiques sociales et de la
technologie nécessite la mise en place d'un système de droit
d'auteur beaucoup plus souple. Ceci éviterait les interventions
législatives fréquentes.
Ainsi, les juges pourront librement déterminer pour chaque
usage d'une oeuvre protégée, s'il peut ou non être
soustrait aux droits exclusifs du titulaire de droit.
Ce mécanisme permettrait alors de créer les
exceptions ou de les restreindre en fonction des intérêts de la
société et des intérêts privés de
l'auteur.
Face à l'impossibilité des auteurs de
contrôler de manière effective la copie privée, le
législateur marocain à l'image des systèmes juridiques
modernes avait reconnu à l'utilisateur une exception pour copie
privée sans paiement de rémunération.
Or les développements technologiques ont apporté un
démenti à cette impossibilité. Par le biais de
mécanismes techniques, l'auteur pourrait interdire la réalisation
de copies digitales.
Le maintien de l'exception de copie privée
numérique n'a donc plus de fondement juridique.
Afin de trouver une solution plus adéquate au
problème d'harmonisation des exceptions dans l'environnement
numérique, le législateur pourra prendre en compte
l'évolution de la société et de la technique.
La copie privée actuellement autorisée dans la
majorité des régimes de propriété intellectuelle a
acquis du fait des innovations techniques, une dimension nouvelle.
Celle-ci remettant en cause l'exception de copie privée
numérique, il convient d'envisager sa suppression.
Section 1 : La prise en compte de l'évolution de
la société et de la
technique
le dahir sur les droit d'auteurs a prévu une liste
précise d'actes qui échappent au monopole de l'auteur, il s'agit
des exceptions.
Certains auteurs proposent de distinguer trois catégories
d'exceptions, selon le fondement qui les sous-tend.
Elles se justifient soit par le souci de garantir les
libertés fondamentales ou les intérêts publics, soit par
l'incapacité des auteurs de contrôler certaines utilisations.
Toutes ces justifications concernent directement la
société de l'information, d'où l'importance d'adapter les
exceptions à l'évolution de celle-ci.
Nous verrons qu'afin de maintenir un équilibre entre les
intérêts du public et ceux des auteurs, il faut d'une part adopter
un mécanisme d'extension des exceptions (§1) et d'autre
part favoriser l'admission des exceptions circonstanciées.
(§2)
§ 1 - L'adoption d'un mécanisme d'extension des
exceptions.
Selon Mesdames Mireille BUYDENS et Séverine DUSSOLIER,
« les systèmes d'exceptions au droit d'auteur sont
tantôt ouverts, c'est-à-dire fondés sur un système
de clause générale susceptible de s'appliquer à de
nombreuses situations, tantôt fermés, c'est-à-dire
fondés sur une liste exhaustive de circonstances particulières
dans lesquelles les droits de l'auteur s'effacent en tout ou en partie
» .
Des deux systèmes, celui qui semble le mieux apte à
permettre l'extension ou la création des exceptions applicables à
l'environnement numérique est le système « ouvert ».
Le meilleur exemple est le « fair use » du
système anglo-saxon que nous allons essayer d'étaler.
Mais la directive prévoit aussi un « triple test
» des exceptions qui ne manque pas d'intérêt.
A - Le système anglo-saxon du « fair use
».
Sans toutefois vouloir transformer le droit d'auteur en
copyright, nous pouvons quand même nous y référer pour
l'adoption des exceptions qui touchent au monde numérique.
Dans le système du « fair use », certains usages
mettant en cause un droit d'auteur peuvent être considérés
par le juge comme relevant de cette exception générale.
Cette dernière tient compte des critères essentiels
qui sont : le but et le caractère de l'usage20(*), la nature de l'oeuvre
protégée, la quantité et le caractère substantiel
de la portion de l'oeuvre utilisée ainsi que l'effet de l'usage sur le
marché potentiel ou l'effet de cet usage sur la valeur de l'oeuvre
protégée.
les Etats-Unis s'étaient trouvés le plus confronter
aux revendications des ayants droit face au développement de la copie
numérique qui est venu remettre en question l'équilibre de
l'exception de copie privée.
Contrairement à la multiplicité des exceptions
adoptées par le législateur marocain, les Américains se
sont contentés de la souplesse du « fair use ».
Dès lors que l'intervention du législateur est
nécessitée, seuls les correctifs sont apportés à la
législation existante.
En dehors des exceptions relatives à la
responsabilité des intermédiaires techniques, les
aménagements apportés par le DMCA21(*) ne sont pas directement liés à
l'exploitation des oeuvres dans le cadre des nouvelles technologies de la
communication. Le développement de la copie privée
numérique des enregistrements sonores avait amené la
législation américaine de 1992, non pas à créer une
exception, mais à instituer un double correctif en faveur des titulaires
de droit.
Ces aménagements consistaient, d'une part en la perception
d'une rémunération sur les appareils et supports d'enregistrement
audionumérique, d'autre part l'obligation pour les appareils
d'enregistrement audionumériques d'intégrer un système de
contrôle technique empêchant la réalisation de copies
multiples de l'oeuvre à partir de la première copie
effectuée par l'utilisateur.
§ 2 - Admission des exceptions
circonstanciées.
Lors de l'exploitation des oeuvres en ligne, de nombreuses
situations peuvent se présenter.
Par conséquent, la longue liste d'exceptions
établie par le dahir peut ne pas correspondre exactement à
certains usages.
Ceci est lié à l'évolution de la
société et de la technologie qui risquent de créer un
déséquilibre entre les intérêts légitimes de
l'auteur et ceux de la société.
Toutefois, ce même considérant évoque la
réévaluation ultérieure de la situation.
On peut donc espérer qu'un mécanisme sera
trouvé pour prévenir une adaptation régulière des
exceptions en fonction des résultats sociétaux et
économiques de leur mise en pratique.
certaines juridictions européennes se sont vu créer
des exceptions quant le besoin s'est fait sentir.
Nous verrons la position de quelques juridictions
européennes sur l'extension des exceptions.
Cette conception des exceptions comme expression de valeurs est
incompatible avec la balance des intérêts dans le monde
numérique.
C'est ainsi que, la modification de l'équilibre entre les
droits et les exceptions a amené tout naturellement les juridictions
européennes à créer des exceptions nouvelles.
§ Aux Pays-bas, la Cour suprême a
considéré qu'il résultait de la logique même du
droit d'auteur que la liste d'exceptions figurant dans la loi sur le droit
d'auteur ne pouvait être considérée comme exhaustive.
Selon cette décision, les exceptions
insérées dans la loi sont le fruit d'un arbitrage entre, d'une
part les intérêts légitimes de l'auteur et d'autre part les
intérêts légitimes des tiers et de la
société.
Il s'en déduit que, « lorsque
l'intérêt général ou l'intérêt
supérieur de tiers ne peut être sauvegardé qu'en limitant
le droit d'auteur, il convient d'admettre que les droits de l'auteur doivent
céder le pas devant cet intérêt général ou
cet intérêt supérieur des tiers de voir l'oeuvre reproduite
/communiquée » .
§ D'autres décisions européennes , à
l'instar de l'Allemagne ont déjà
procédé à une mise en balance similaire entre droit
d'auteur et libertés fondamentales afin de reconnaître à
l'utilisateur d'une oeuvre une exception qui n'était pas prévue
dans la loi sur le droit d'auteur.
§ Toujours à propos de la reconnaissance des
libertés fondamentales, les juges français ont également
essayé de créer une exception en suivant le même chemin.
Bien que la France soit un Etat d'une conception stricte du droit
d'auteur, les juges ont crée des exceptions en vue de satisfaire un
besoin d'équilibre entre auteurs et société de
l'information.
Dans une décision du 23 février 1999 , le Tribunal
de grande instance de Paris a reconnu à l'utilisateur de l'oeuvre une
exception non prévue dans la loi, sur la base du droit du public
à l'information reconnu par l'article 10 de la Convention
européenne des droits de l'homme.
En l'espèce, la télévision française
avait réalisé un reportage sur une exposition des oeuvres du
peintre UTRILLO, sans requérir l'autorisation de ce dernier.
Néanmoins, le juge a estimé qu'en vertu du droit du
public à l'information, « un reportage représentant une
oeuvre d'un artiste uniquement diffusé dans un journal
télévisé de courte durée ne portera pas atteinte
aux droits de propriété intellectuelle d'autrui, puisqu'il sera
justifié par le droit du téléspectateur à
être informé rapidement et de manière appropriée
d'un événement culturel constituant une actualité
immédiate en relation avec l'oeuvre ou son auteur, qu'il ne
concurrencera pas l'exploitation normale de l'oeuvre ».
Cette décision souligne la rigidité de la liste de
l'article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle qui
interdit toute évolution des exceptions et par conséquent toute
adaptation aux pratiques sociales et économiques.
La jurisprudence ci-dessus imprègne le droit d'auteur
français du concept anglo-saxon de « fair use » qui permet
l'utilisation libre de l'oeuvre protégée dès lors qu'elle
respecte le critère d'usage raisonnable.
Cependant, le jugement ci-dessus avait été
infirmé par la Cour d'appel.
Pour cette dernière, certes l'article 10-1 consacre la
liberté d'expression qui comprend la liberté de recevoir des
informations. Mais, il n'en demeure pas moins que cette liberté ne
saurait ne être absolue, suivant l'article 10-2 de la Convention
européenne des droits de l'homme.
Lorsque le droit de l'information du public est utilisé
par un commerçant, il lui appartient d'assumer le coût de son
activité en respectant les droits légitimes d'autrui
consacrés par la loi.
Malgré l'infirmation de la décision du Tribunal de
grande instance de Paris, celle-ci reste quant même un bel exemple
à suivre dans le domaine du numérique, où l'exploitation
des oeuvres est de plus en plus croissante et variée.
Section 2 : La suppression de l'exception de copie
privée
numérique
La directive européenne sur le droit d'auteur et la
société de l'information du 22 mai 2001 autorise
les utilisateurs d'oeuvres de l'esprit à effectuer la reproduction pour
un usage strictement privé.
L'avènement des technologies numériques, tout en
offrant de nouvelles perspectives de reproduction des oeuvres, a rendu
l'exercice du droit d'auteur plus difficile.
Ceci est dû à la grande volatilité des
données transmises par l'intermédiaire des réseaux
informatiques et la facilité avec laquelle les technologies
numériques permettent de réaliser et de diffuser les copies
d'oeuvres protégées.
Dans le même sens, face à la
quasi-impossibilité de contrôler les copies sur le réseau
et de distinguer entre usage privé et usage public, le Japon a
décidé dans un souci de protection des intérêts des
auteurs, de supprimer la notion de copie privée dans l'univers
numérique.
En revanche, le législateur européen a
évité de se prononcer sur la question.
il a permis aux Etats membres de maintenir ou d'introduire
l'exception pour la copie privée numérique.
Mais d'un autre côté, la directive européenne
admet que les titulaires de droits puissent contrôler la copie
privée numérique, voire la prévenir à travers les
mesures techniques anti contrefaçon.
On se demande comment peuvent être maintenus à la
fois l'exception de copie privée et les mesures techniques de
prévention.
Logiquement, ou bien la copie privée est autorisée
et en ce cas, c'est un droit de l'internaute de l'effectuer sans immixtion dans
sa vie privée, ou bien on accorde aux titulaires un droit de
contrôle, mais on s'éloigne de l'essence même de la copie
privée, basée sur la non immixtion compensée par une
indemnité.
Le développement de mesures techniques permet
l'identification des oeuvres circulant sur le réseau et le
contrôle de l'utilisation qui en est faite.
Il semblerait qu'actuellement, ces mesures soient le seul moyen
de garantir aux titulaires de droits l'exercice de leurs prérogatives.
§ 1 - L'application des mesures techniques de
protection.
L'idée des mesures techniques est de répondre aux
menaces engendrées par les reproductions effectuées sur le
réseau numérique.
Deux séries d'arguments peuvent être avancés
en vue de soutenir ces mesures.
D'une part, l'environnement numérique se prêterait
à la négociation contractuelle du fait du rapport direct se
créant entre auteurs et utilisateurs.
D'autre part, la possibilité pour l'auteur de
contrôler la circulation et l'utilisation de ses oeuvres sur le
réseau, lui permettant de faire respecter sa volonté
contractuelle.
Les titulaires de droit peuvent alors interdire la copie ou
l'accès à l'oeuvre protégée. Bien plus, ils ont la
possibilité de limiter le nombre ou la qualité des reproductions
à travers les mécanismes techniques de protection.
Les mécanismes techniques servent à protéger
la transmission et la reproduction des oeuvres sur le réseau
numérique.
Ces technologies susceptibles d'être utilisées par
les auteurs et autres titulaires de droits sont extrêmement diverses.
Certaines ont été conçues
spécialement pour répondre à la menace que le
numérique apportait au droit d'auteur, d'autres ont été
développées pour protéger tout type de contenu
numérique, soumis au droit d'auteur ou non.
Il est difficile de dresser une liste précise des mesures
technologiques existantes, de même « qu'il est impossible de
prédire l'avenir de ces technologies dans le domaine de la
protection des oeuvres soumises au droit d'auteur ».
Sur la base de ces techniques se trouve un large éventail
de modèles de protection ou de gestion des droits d'auteur.
Il s'agit surtout des mécanismes qui interdisent ou
limitent la possibilité de copie, des systèmes de contrôle
de l'accès aux oeuvres.
De plus, on a la certification et la marquage des oeuvres en vue
de leur gestion en ligne, le processus d'authentification des oeuvres par
l'appareil de réception ou de lecture, la sécurisation de la
transmission et la conclusion électronique de licences d'utilisation.
Les deux techniques sur lesquelles reposent les
procédés de protection sont principalement la cryptographie et la
stéganographie.
La cryptographie : ou science des codes
secrets, est un procédé mathématique qui permet de
chiffrer une communication qui ne devient intelligible qu'après
déchiffrement du message grâce à une clé
appropriée et secrète.
Ceci suppose que le contenu numérique est infalsifiable et
réservé uniquement aux personnes qui possèdent un
élément numérique leurs permettant d'accéder
à ce qui a été chiffré.
La stégranographie : ou
science de ce qui est invisible, est l'art de communiquer de manière
à masquer l'existence même de la communication.
Dans l'environnement digital, il s'agit d'insérer en
filigrane de l'oeuvre, des données numériques qui deviennent
indissociables du contenu et généralement invisibles.
Cette technique consiste aussi à introduire dans la
structure du code informatique du document des éléments
d'information, de manière à rendre leur extraction impossible
pour les tiers non avertis.
Un autre système de protection des oeuvres est :
le marquage électronique des contenus
numériques : L'objectif de celui-ci n'est pas de masquer
le contenu d'une information, mais plutôt de l'accompagner par un
élément permettant d'identifier de manière fiable
certaines de ses propriétés.
Celles-ci peuvent être liées à l'origine de
l'information, aux conditions de sa diffusion ou de son utilisation.
Après l'analyse de toutes ces techniques de protection, il
nous semble qu'elles sont bien aptes à offrir aux ayants droits une
possibilité de contrôler leurs oeuvres numérisées
toute proportion gardée quant à l'évolution technique.
§ 2 - Le contrôle technique des reproductions
numériques.
Ce contrôle vise à faciliter l'exploitation dans
l'environnement numérique.
De même, ses techniques permettent aux titulaires de droits
de limiter le nombre de reproduction.
A - Les mesures techniques d'identification des
oeuvres.
Ces mécanismes d'identification dites de marquage ou de
tatouage numérique consistent à sceller dans l'oeuvre ou la
prestation en format numérique, un fichier d'information (sur le
régime des droits).
Ce fichier permet l'identification de l'oeuvre ou la prestation,
les ayants droits, voire encore des conditions et modalités
d'utilisation.
Il peut également accorder aux titulaires de droits la
possibilité, de suivre les oeuvres ou prestations sur les réseaux
au moyen de logiciels appropriés, de contrôler les exploitations
et ainsi de déceler les utilisations illicites.
Ces mesures d'identification, tout comme les mesures de
protection doivent être juridiquement protégées contre les
actes de suppression ou de modification du fichier d'information.
L'article 7-1 de la directive 1998 impose aux Etats d'organiser
« une protection juridique appropriée contre toute personne qui,
sciemment et sans autorisation, supprime ou modifie
toute information relative au régime des droits se
présentant sous forme électronique » ou distribue, importe
aux fins de distribution, communique au public des oeuvres ou prestations
« dont les informations sur le régime des droits se
présentant sous forme électronique ont été
supprimées ou modifiées sans autorisation » . Il est
à noter que dans les deux cas, le
présumé coupable doit savoir ou avoir toute raison
de savoir que par cet acte, « il entraîne, permet, facilite ou
dissimule une atteinte » à un droit d'auteur ou voisin. Ce qui
suppose alors que l'intention est requise pour la condamnation.
Les Traités OMPI indiquent que seules des sanctions
civiles peuvent être prononcées lorsque la personne poursuivie ne
savait pas, mais avait seulement des raisons valables de penser que son acte
entraînait ou facilitait une atteinte à un droit exclusif. Il y a
donc là, tous les moyens nécessaires pour la bonne gestion des
droits d'auteurs et voisins.
B - Les mesures techniques de gestion des droits.
Le fichier d'information déjà évoqué
supra peut prendre la forme d'un numéro ou d'un code, afin de permettre
au public de savoir comment et auprès de qui ils peuvent obtenir une
autorisation d'exploitation.
C'est un élément déterminant pour la gestion
des droits sur lequel les sociétés de gestion collective pourront
s'appuyer dans l'avenir.
Il est possible de prévoir que certains contenus
numériques ne puissent pas être reproduits. Sur les marchés
de cassettes ou des DVD, les producteurs de lecteurs ont intégré
des logiciels de restriction de copie.
Ceux-ci visent à détecter le marquage d'une oeuvre
et à restreindre automatiquement la reproduction au-delà d'un
certain nombre de copies, ou encore de dégrader progressivement
la qualité technique des copies successives.
Si on prend le cas de diffusion en réseau sur abonnement,
pour éviter que les tiers non abonnés puissent accéder aux
contenues diffusés, le fournisseur de service peut chiffrer sa diffusion
et communiquer la clé de déchiffrement uniquement à ses
seuls abonnés.
Une autre technique de gestion efficace des contenus
numériques très appréciée par Monsieur Bertrand
WARUSFEF, est l'authentification des utilisateurs.
Ce mécanisme impose à ceux-ci, pour accéder
à certains contenus, la production d'un certificat électronique
qui établit leur identité et leurs coordonnées bancaires.
Grâce à toutes ces informations, il est
techniquement possible de concevoir des systèmes très efficaces
de surveillance des oeuvres sur les réseaux numériques.
Les détenteurs de droits seront alors en mesure de
connaître l'identité électronique de la localisation de
tous ceux qui consultent ou reproduisent leurs contenus.
Ce qui permettrait d'organiser un système de paiement
à l'acte en débitant automatiquement le compte bancaire de
l'internaute ou son porte-monnaie électronique.
Ces mesures techniques rendent possible, la fixation
contractuelle d'une compensation équitable.
L'évolution des techniques va permettre de revenir
à une relation directe entre l'auteur et l'utilisateur.
Une telle liberté était jusqu'alors inenvisageable
du fait de l'impossibilité pour l'auteur de faire respecter sa
volonté.
Aujourd'hui, les mesures techniques pourront permettre à
l'auteur d'imposer ses conditions et le montant de sa
rémunération.
Il est alors grand temps d'oublier l'exception de copie
privée numérique.
Section 3 : l'exception obligatoire des
reproductions provisoires
Cette importante dérogation inédite en droit
d'auteur est destinée à autoriser les actes de reproduction
provisoires ou accessoires qui font essentiellement partie d'un processus
technique.
Les nécessités des copies techniques ne sont plus
à démontrer après les différentes évolutions
de l'exploitation des oeuvres en ligne.
L'exonération du droit d'auteur des actes de reproduction
constitutifs d'un procédé technique, doit permettre aux
intermédiaires techniques de transmettre en toute liberté les
information sur Internet.
De même, ces reproductions permettent au public d'avoir un
accès facile et plus rapide aux pages WEB.
C'est ce qui confirme la nécessité de l'exception.
Toutefois, l'exception obligatoire suscite quelques incertitudes
quant à ses contours.
La circulation des oeuvres sur les réseaux
numériques est une pratique qui suppose une fixation provisoire des
données.
Celles-ci se réalisent, soit en amont lors de
l'acheminement des informations sur Internet par les prestataires techniques,
soit en aval lors de l'exploitation des oeuvres par les utilisateurs.
Les reproductions temporaires constituent un domaine de la
recopie systématique fonctionnellement nécessaire.
Il s'agit en effet, des copies éphémères ou
volatiles qui sont indispensables en ce qu'elles sont absolument
nécessaires à la transmission des données.
Ainsi, Monsieur Fraser relève que
« le fonctionnement normal de l'Internet passe forcément
par des copies transitoires, faute de quoi l'accès serait plus lent,
voire impossible ».
Les différentes reproductions provisoires susceptibles
d'être soumises à l'exception obligatoire sont donc
justifiées tant sur le plan technique, qu'économique.
§1 : Les reproductions provisoires soumises à
l'exception obligatoire.
L'application stricte des lois sur la propriété
intellectuelle pourrait amener à considérer les reproductions
effectuées uniquement pour des raisons techniques comme
contrefaisantes.
Toutefois, cette conception serait la source
d'incohérences et de conflits juridiques.
C'est ce qui explique l'adoption de différentes formes de
copies techniques, comme de nouvelles exceptions au droit d'auteur.
Les actes de reproduction provisoires qui dérogent au
droit d'auteur sont définis par la directive.
Pour mieux les appréhender, il convient de
présenter les différents aspects techniques des reproductions
provisoires.
A. Définition de l'exception obligatoire.
Théoriquement, la définition extensive de la notion
de reproduction inclut dans le champ du droit exclusif de l'auteur les
fixations provisoires.
Pourtant, Monsieur André Lucas
considère que« Le bon sens répugne à
considérer qu'une même transmission puisse correspondre à
43 actes de reproduction, tous subordonnés à l'autorisation de
l'auteur transmise, sous prétexte que le processus technique s'est
traduit par 43 fixations qui ont duré seulement un instant de raison
».
Cela témoigne le fait que les copies provisoires
méritaient bien une exception qui puisse les affranchir du
système des droits d'auteur.
La directive prévoit ainsi, dans son article 51, l'unique
exception obligatoire pour reproduction provisoire.
1. L'article 51 de la directive sur le droit
d'auteur.
La directive intègre clairement dans cet article des
hypothèses qui dérogent obligatoirement au droit d'auteur.
En effet, l'article 51 dispose que: « Les actes de
reproduction provisoires visés à l'art 2, qui sont transitoires
ou accessoires et constituent une partie intégrante et essentielle d'un
procédé technique et dont l'unique finalité est de
permettre :
a) une transmission dans un réseau entre tiers par
un intermédiaire ou
b) une utilisation licite d'une ou d'un objet
protégé, et qui n'ont pas de signification économique
indépendante sont exemptés du droit de reproduction prévu
à l'art 2 ».
L'exception obligatoire établie la distinction entre deux
hypothèses : celle où l'oeuvre est transmise dans un
réseau par un intermédiaire technique et celle où l'oeuvre
est simplement utilisée de manière licite .
Suivant cette hypothèse, Monsieur Pierre Sirinelli
en avait déduit qu'il s'agit des copies, non seulement
volatiles effectuées dans les ordinateurs de routage, mais
également des copies provisoires.
Dans le cas de l'opération de stockage
éphémère, le mécanisme est le suivant :
« l'utilisateur d'une base de données ou d'un serveur
distant, peut demander à l'exploitant du service de
téléchargement d'une copie numérisée. Celle-ci est
ensuite transmise , via un réseau numérique, aux fins de copie et
/ ou de visionnage sur son micro-ordinateur et, pourquoi pas, à
l'avenir, sur tout autre appareil de réception ».
La copie temporaire des informations par l'ordinateur personnel
de l'utilisateur, permet à travers cette opération de ne pas se
connecter au réseau à chaque consultation.
L'article 51 concerne de multiples reproductions techniques
temporaires.
Certaines sont réalisées en amont non pas par les
exploitants de sites, mais par les opérateurs de réseaux
(fournisseurs d'accès), au cours du processus d'acheminement des oeuvres
vers les terminaux des usagers.
De même, l'art 51 a prévu un certain nombre de
conditions à satisfaire par les actes de reproduction provisoires.
Ils doivent être « transitoires ou accessoires
», constituer « une partie intégrante et
essentielle d'un procédé technique », et ne pas
avoir de « signification économique indépendante
».
La notion de partie intégrante et essentielle d'un
procédé technique doit par conséquent avoir pour
finalité de permettre, soit une transmission dans un réseau entre
tiers par un intermédiaire, soit une utilisation licite.
Les actes de reproduction provisoires qui n'ont pas de valeur
économique propre et ne risquent donc pas de porter atteinte aux
intérêts économiques du titulaire des droits sont les
suivants :
- les copies éphémères liées au seul
transport du contenu numérique,
- la copie « cache » ou « tampon »
effectuée par les fournisseurs afin de stocker l'information sur un
centre plus proche, ce qui permet d'accélérer l'accès aux
données et la fluidité du réseau,
- le « butinage » qui est une sorte de survol, qui
permet de se déplacer de sites en sites à la recherche
d'informations.
C'est ce que précise le considérant
33 de la directive sur le droit d'auteur.
Aux termes de celui-ci, la présente exception couvre
« les actes qui permettent le survol « browsing », ainsi
que les actes de pré lecture dans un support rapide « caching
», y compris ceux qui permettent le bon fonctionnement efficace des
systèmes de transmission, sous réserve que l'intermédiaire
ne modifie pas l'information et n'entrave pas l'utilisation licite de la
technologie, largement reconnue et utilisée par l'industrie, dans le but
d'obtenir des données sur l'utilisation de l'information
».
Cette protection accordée aux actes de fixation
transitoire avait déjà été consacré dans le
domaine électronique.
Les hypothèses développées ci-dessus
trouvent leur source d'inspiration dans l'art 72 du projet du
traité OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété
Intellectuelle) sur le droit d'auteur.
Celle-ci réservait la faculté pour les Etats de
limiter le droit de reproduction « lorsqu'une reproduction
temporaire vise uniquement à rendre l'oeuvre perceptible ou lorsque la
reproduction a un caractère éphémère ou accessoire,
à condition que cette reproduction ait
lieu au cours d'une utilisation de l'oeuvre qui est
autorisée par l'auteur ou admise par la loi ».
Pour Monsieur André Lucas, une telle
formulation, qui n'était pas limitée à l'environnement
numérique, pouvait être considérée comme dangereuse.
C'est la raison pour laquelle l'admission devrait être
tolérée uniquement pour les reproductions temporaires visant
à rendre l'oeuvre perceptible.
Il convient ainsi d'analyser les différents aspects
techniques de la reproduction provisoire pouvant bénéficier de
l'exception.
B. Les différents aspects techniques de la
reproduction provisoire.
L'accès à une oeuvre dans l'environnement
numérique nécessite la réalisation de nombreuses copies
fugitives.
Ces copies sont qualifiées de fugitives, parce qu'elles
sont réalisées dans la mémoire vive de l'ordinateur
récepteur et disparaissent immédiatement après
l'extinction de la machine. Différentes techniques sont
appliquées, soit par l'ordinateur de l'utilisateur, soit par celui des
intermédiaires techniques.
1. Le « routing »
C'est une sorte de copie provisoire, qui le plus souvent ne
représente qu'une partie de l'oeuvre.
Le mécanisme est le suivant : lorsque deux machines
connectées sur Internet communiquent entre elles, les données
qu'elles échangent sont découpées par paquets et
transitent par l'intermédiaire d'un nombre plus ou moins grand
d'ordinateurs de relais appelés routeurs. Ceux-ci ont pour fonction
d'établir la meilleure route à suivre à l'aide de
protocoles et de tables.
Une copie du paquet qui est transmise est réalisée
lors de chaque passage par un routeur.
Ces copies effectuées lors de la transmission des
informations, sont particulièrement importantes pour le
procédé technique. En plus, ces reproductions sont
éphémères, car elles ne subsistent que le temps de la
transmission.
Ce qui exclut tout droit exclusif d'autorisation ou
d'interdiction de la part de l'auteur.
2. Le « browsing » ou butinage
C'est une technique qui implique une fixation des données
dans l'ordinateur de l'internaute, en l'occurrence dans la mémoire
cachée.
Le butinage consiste pour l'internaute à se
déplacer sur le réseau de site en site, grâce à des
logiciels appropriés utilisant les ressources de l'hypertexte et
à visualiser sur son écran tout ou partie des oeuvres
rencontrées.
Cette reproduction éphémère est
qualifiée de stockage et non de transmission comme dans le cas du «
routing ».
L'opération se situe donc au niveau du stockage des
contenus lorsque l'utilisateur explore le « world wide web »
à l'aide d'un navigateur.
L'ordinateur récepteur confectionne une copie
éphémère dans sa mémoire lors de chaque
visualisation ou écoute d'une oeuvre sur le réseau.
Etant donné que cette fixation
éphémère disparaît dès que la machine est
éteinte, on peut considérer qu'il ne s'agit pas d'une
reproduction pouvant donné prise au droit d'auteur.
3. Le « caching »
L'exception de « caching » s'inspire largement de la
directive du 08 juin 2000 sur le commerce électronique.
Elle prévoit dans son article 13
intitulé « forme de stockage dit caching » que, sous certaines
conditions, « les Etats membres veillent à ce que en cas de
fourniture d'un service de la société de l'information consistant
à transmettre, sur un réseau de communication des informations
fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable
au titre de stockage automatique, intermédiaire et temporaire de ces
informations faits dans le seul but de rendre plus efficace le transmission
ultérieure de l'information à la demande d'autres destinataires
du service ».
Cette technique nécessite le stockage temporaire des
données sur le système informatique de l'utilisateur ou des
fournisseurs d'accès.
Le « caching » permet, en effet, de diminuer le trafic
sur le réseau et par conséquent d'améliorer ses
performances en terme de temps d'accès aux informations
sollicitées.
Il sert à enregistrer les pages WEB les plus
visitées dans un répertoire cache, au sein d'un disque dur.
Lorsque cette même page est de nouveau demandée,
c'est la copie qui apparaît sans qu'on ait besoin de passer par un
réseau.
Le « caching » peut être
réalisé au niveau de l'utilisateur.
Dans ce cas on parlera de cache client, ou au niveau des
fournisseurs d'accès, il s'agira plutôt de cache proxy.
- Le cache client.
Le processus consiste pour le navigateur employé par
chaque utilisateur, à réaliser une copie de chaque page WEB
consultée et la ranger dans le disque dur de l'ordinateur
utilisé.
Lorsque cette page est ultérieurement sollicitée
à partir de la même machine, c'est la copie du disque dur qui
apparaît et ce, beaucoup plus rapidement que s'il avait fallu se
connecter à
nouveau.
- Le cache proxy.
Cette technique vise pour les fournisseurs d'accès
à mettre en place des serveurs relais sur lesquels ils font les copies
des sites les plus demandés et où ils stockent les services qui
ont déjà été consultés.
Le cache « proxy » permet d'améliorer le temps
de connexion à des sites parfois situés à longue distance
et évite d'encombrer les réseaux.
Il s'agit de rendre plus efficace la transmission
ultérieure de l'information déjà consultée à
d'autres utilisateurs.
Quand les internautes font des demandes d'informations, celles-ci
sont d'abord traitées par des ordinateurs intermédiaires
appelés couramment « serveurs proxy ».
Ceux-ci contiennent des reproductions des sites les plus
demandés, ce qui leurs permet alors d'accéder rapidement aux
informations antimémorisées.
Le serveur informatique assurant l'interface entre les
abonnés des fournisseur d'accès et l'Internet peut
réaliser, sur ses ordinateurs, une copie intégrale des sites les
plus visités par les abonnés afin d'économiser la liaison
avec le site original, souvent plus éloigné.
L'explication des divers aspects techniques de la reproduction
provisoire, montre bien leur utilité pour l'exploitation en
réseau des oeuvres.
Mais, il convient de voir les motivations du législateur
européen quant à leur exclusion du monopole de l'auteur.
§2- Les justifications de la nécessité
de l'exception obligatoire.
Selon les titulaires de droit, chaque copie
réalisée, quelque soit sa nature, est une reproduction.
Or, cette thèse apparaît un peu excessive et
mérite désormais d'être nuancée, puisque l'exception
pour la copie provisoire est admise par la directive.
Il suffit que les actes de reproduction interviennent dans le
cadre d'une transmission de l'oeuvre lors d'une exploitation licite.
Ceci suppose que l'application de l'exception pour copie
provisoire est soumise à l'appréciation de la
licéité ou de l'illicéité de tout acte de
transmission réalisé par les fournisseurs de service.
De toutes les façons, l'utilité de la prestation de
ces derniers mérite d'être prise en compte.
Le meilleur moyen de reconnaissance reste la sauvegarde de leurs
intérêts, à travers l'exception pour copies techniques
qu'ils sont supposés réalisées.
Une autre vision repose sur la neutralité des
reproductions provisoires, puisqu'ils n'engendrent aucun préjudice
économique.
A. La sauvegarde des intérêts des
intermédiaires techniques.
Il serait injuste de soumettre les reproductions provisoires et
transitoires effectuées par les opérateurs de réseaux au
droit de reproduction de l'auteur.
Il faudrait tenir compte de l'autorisation concédée
par le titulaire du droit, aux fins de l'installation de son oeuvre sur le
réseau numérique.
Cette dernière est assimilée à une
autorisation tacite de reproductions ultérieures en faveur des
intermédiaires techniques.
En plus, ces copies sont indispensable au fonctionnement du
réseau numérique.
B. Autorisation tacite de reproductions provisoires par
le titulaire des droits.
La thèse de l'autorisation tacite des reproductions
intermédiaires a été vivement soutenue par la doctrine.
En effet, certains auteurs affirment qu'il serait logique de
préciser que la transmission des données elle-même a
été autorisée par le titulaire des droits, faute de quoi
la copie indispensable à une transmission prohibée ne peut
trouver de justification.
De même, on peut considérer que la personne qui
installe ou autorise l'installation d'une oeuvre sur un site n'ignore pas,
compte tenu du fonctionnement d'Internet, que celle-ci sera
nécessairement reproduite de manière
éphémère et accessoire dans les ordinateurs des
intermédiaires et des usagers consultant le site, ce qui permet de
considérer que le titulaire des droits autorise tacitement de telles
reproductions.
La numérisation des oeuvres en vue de la transmission
requiert au préalable le consentement des titulaires de droit.
On comprend donc mal pourquoi l'acte de reproduction accessoire
devrait lui aussi être autorisé, alors qu'il ne s'agit que d'un
procédé qui facilite le fonctionnement efficace des
systèmes de transmission.
C'est pourquoi, afin d'encourager l'exploitation des oeuvres en
réseau dans le marché intérieur, il était important
que le législateur européen tiennent compte de la
réalité technique.
D'ailleurs, à l'heure actuelle où le droit d'auteur
est souvent contesté dans son principe même, la soumission des
reproductions provisoires à l'autorisation des titulaires de droit
n'aurait guère été opportune.
C'est là une des tentatives audacieuse de transformer
l'esprit des lois en Europe et il serait souhaitable que le législateur
marocain emprunte cette voie tout en opérant les ajustements opportuns
et éviter le copier coller ce qui serait d'ailleurs attentatoire aux
droits d'auteur du législateur européen !
* 1 réseau internet
* 2 John perry barlow ,
observateur d'internet et co fondateur de l'electronic frontier foundation.
* 3 dits
« pirates » dans le jargon des internautes.
* 4 Arrêt de la cour de
cassation française du 4 juillet 1995
* 5 assemblées
politiques, administratives, judiciaires, académiques, les
réunions politiques et cérémonies officielles.
* 6 Arrêt de la cour de
cassation française du 10 mars1993
* 7 Arrêt de la cour de
cassation française du 28 mai 1991
* 8 Arrêt de la cour de
cassation française du 25 février 1997
* 9 Arrêt de la cour de
cassation française du 14 mars 1900
* 10 Arrêt de la cour
d'appel d'Orléans du 17 mars 1965
* 11 Arrêt de la cour
d'appel de paris du 5 mars 1986
* 12 Arrêt de la cour de
cassation française du 14 mai 1991
* 13 arrêt de la cour de
cassation française du 6 juillet 1965
* 14 TGI Paris 22 mars 1989
* 15 TGI Nanterre 11
décembre 2000
* 16 Arnaud Diméglio,
« Le droit du référencement dans l'Internet »,
Thèse de
doctorat sous la direction de Christian Le Stanc,
Université de Montpellier I,
2002, p. 178-179.
* 17 (Uniform Resource
Locator) Formulaire de l'adresse du site qui indique le
nom du serveur sur lequel sont stoqués les fichiers du
site, le chemin du
répertoire du fichier et son nom de fichier.
* 18 Alain Strowel et
Nicolas Ide, « La responsabilité des intermédiaires sur
Internet: la question des hyperliens », RIDA, octobre
2000, n° 186
* 19 rendue le 27 octobre
1999.
* 20 Ce critère prend en
compte le fait que l'usage soit de nature commerciale ou à des fins
d'enseignement ;
Article 107 du Copyright Act de 1976.
* 21 Digital Millenium
Copyright Act
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