5-2- Analyse de la part moyenne du revenu
réinvestie.
Le calcul de la part des revenus agricoles réinvestie
nécessite la connaissance des revenus l'année
précédente. Les producteurs ont fourni des informations relatives
à leur production de l'année précédente, la
quantité prélevée pour usages personnels
(auto-consommation, dons, constitution du stock de semences pour la campagne
suivante, nombre d'animaux tué pour consommation au sein du
ménage...) et la quantité vendue (nombre de sac et prix unitaire,
nombre d'animaux vendu et les prix unitaires, nombre d'unité de produits
de transformations agricoles vendu et prix unitaire...) a permis le calcul des
recettes engrangées l'année précédente. Les
dépenses engagées (rémunération de la
main-d'oeuvre, paiement des frais de vaccination, paiement des bouviers,
transport...) toujours au cours de l'année précédente par
le producteurs ont été déduit de ces recettes totales pour
le calcul du revenu agricole.
Les quantités de charges relatives à chaque
activité de production agricole montrent que la transformation
agro-alimentaire représente une activité qui nécessite
d'énormes charges, comparée à l'agriculture et à
l'élevage. Ce qui signifie que les femmes rurales doivent
dépenser plus d'argent que les hommes pour mener leurs
activités.
La lecture du tableau 5.2 permettre de réaliser combien
de fois la part moyenne des revenus agricoles réinvestie par les
femmes est supérieure à la part de réinvestissement des
hommes.
Dans tous les villages à l'exception de Boro, les
femmes rurales réinvestissent plus du double de leur revenu pour
financer les activités de transformations agricoles. Cette part moyenne
de réinvestissement des femmes est particulièrement très
élevée à Zougou-Pantrossi car elle s'élève
à 293,32% pour ces dernières contre 19,58% pour les agriculteurs
et les éleveurs. C'est uniquement à Boro que le niveau du revenu
réinvesti par les hommes (80,15%) est supérieur à celui
des femmes (68,10%). Tandis que dans tous les autres villages, ces braves dames
réinvestissent leurs revenus bien plus que les hommes. La figure 5.2
montre clairement que les femmes investissent en général plus de
200% des revenus qu'elles tirent des transformations agricoles. En effet,
à l'échelle communale, la part moyenne de réinvestissement
des revenus agricoles s'élève respectivement à 201,79% et
37,67% pour les femmes et les hommes. Mais contrairement à la part
réinvestie dans les activités agricoles, la part des revenus
agricoles investie dans les besoins sociaux est plus élevée chez
les hommes que chez les femmes. D'après le tableau 5.3, 43,86% des
revenus des hommes sont investis surtout dans les cérémonies
(mariages multiples, cérémonies traditionnelles...),
l'acquisition des biens matériels (achat de moto) puis la santé
et l'éducation tandis que les femmes n'investissent que 18,30% de leurs
revenus dans les besoins sociaux. Les femmes contribuent le plus souvent au
revenu du ménage avec cette fraction de leur revenu propre. D'ailleurs,
selon Odjouola (2007), les raisons qui motivent les femmes à exercer les
activités génératrices de revenus sont l'entretien des
enfants, la satisfaction des besoins personnelles, l'apport d'aide au mari pour
l'entretien du ménage.
La part du revenu réinvestie dans les activités
agricoles est très faible aux niveau des agriculteurs et des
éleveurs, ceux-ci préfèrent investirent une partie
significative de leur revenu dans l'acquisition de biens matériels, les
cérémonies et accessoirement dans les loisirs. Seulement 37,67%
revient aux activités agricoles, les producteurs optent pour
l'exploitation de la main-d'oeuvre familiale en majorité, ce qui limite
considérablement la capacité de production des ménages car
c'est seulement de faibles superficies qui sont mise en valeur dans ce cas.
Plusieurs théories de l'économie du développement lient le
sous-développement au faible taux de réinvestissement des revenus
dans les systèmes de production agricole en milieu rural
africain. Il urge qu'un programme visant l'accroissement de la
part réinvestie dans les activités agricoles soit
élaboré. Ce programme sera subdivisé en de micro-projets
(dirigés par les ONG locales) dont le principal objectif est de
rehausser la capacité de financement des producteurs, en les incitant
à augmenter la part de leur revenu qu'ils investissent dans la
production agricole.
Tableau 5.2 : Résultat du test
de comparaison des parts moyennes de réinvestissement des revenus
agricoles.
|
Sexe
|
Effecti f
|
Part réinvestie (en %)
|
Statistique t de
Student
|
Degré de
liberté
|
Degré de signification p
|
Différence des moyennes (en %)
|
Lougou
|
Homme
|
|
|
1
,643
|
43
|
0
,124
|
184,77
|
|
|
33
|
58,90
|
|
|
|
|
|
Femme
|
|
|
|
|
|
|
|
|
12
|
243,67
|
|
|
|
|
Zougou-
|
Homme
|
|
|
1,148
|
43
|
0,021
|
273,74
|
Pantrossi
|
|
36
|
19,58
|
|
|
|
|
|
Femme
|
|
|
|
|
|
|
|
|
9
|
293,32
|
|
|
|
|
Wèrè
|
Homme
|
|
|
|
|
|
220
,08
|
|
|
31
|
19,63
|
|
|
|
|
|
|
|
|
3,058
|
43
|
0,009
|
|
Femme
|
|
|
|
|
14
|
239,71
|
|
|
|
|
Boro
|
Homme
|
|
|
|
|
|
-11,16
|
|
|
34
|
80,15
|
|
|
|
|
|
|
|
|
-0,095
|
43
|
0,925
|
|
Femme
|
|
|
|
|
11
|
68,10
|
|
|
|
|
Gogounou
|
Homme
|
|
|
|
|
|
164
,125
|
|
|
134
|
37,67
|
|
|
|
|
|
|
|
|
3,883
|
178
|
0,00
|
|
Femme
|
|
|
|
|
46
|
201,79
|
|
|
|
|
Tableau 5.3 : Part des revenus investie
dans les besoins sociaux
Sexe
|
Effectif
|
Part moyenne des revenus réinvestie dans les autres
besoins (en %)
|
Femme
|
46
|
18,30
|
Homme
|
134
|
43,86
|
Figure 5.2 : Evolution des parts
moyennes de réinvestissement des revenus agricoles suivant les villages
et le sexe
350 300 250
|
|
|
|
200 150
|
|
Homme Femme
|
100 50 0
|
|
|
|
Lougou Zougou Wèrè Boro
|
|
|
Les fortes valeurs de la part du revenu réinvestie par
les femmes dépendent en partie de la formule8 qui permet de
calculer cette part du revenu réinvestie. En effet, plus la composante
RNAEt-1 de la fraction est faible, plus la part du revenu réinvesti est
élevé. Or d'après le tableau 4.5, la transformation
agricoles représentent l'activité qui génère le
moins de revenu à l'échelle communale. A Gogounou, les femmes
transformatrices gagnent en moyenne 564.380 Fcfa par an tandis que les
éleveurs se retrouvent avec 757.815 Fcfa. Par ailleurs, les charges
relatives aux activités de transformations agricoles sont les plus
élevées par rapport aux charges liées à
l'agriculture et à l'élevage (Voir tableau 5.1). Ce qui signifie
qu'en dépit des faibles revenus des femmes, elles doivent
débourser plus d'argent que les autres producteurs ruraux pour
exécuter quotidiennement ces activités de transformations
agricoles. Toutes ces conditions réunies, la part du revenu agricole
réinvestie par les femmes sera inexorablement supérieure à
cette même part chez les hommes qui font exclusivement de l'agriculture
et l'élevage. L'autre raison qui explique ces fortes valeurs des parts
moyennes de revenus réinvesties au niveau des femmes, est qu'elles
puisent en réalité de l'argent de leur
RINV
8 t
PRE = * 100 Ott, PREt est la part du revenu
réinvestie dans les activités agricoles à l'année
t,
t RNAE t -1
RINVt est le montant investi dans la production agricole à
l'année t imputable au revenu agricole annuel du producteur
RNAEt-1 au temps t-1.
chiffre d'affaire - c'est-à-dire des recettes
réalisées- pour financer à chaque fois leurs
activités de transformations agricoles. Or le calcul de la part
réinvestie tient compte des revenus calculés à partir des
données d'enquêtes, d'ailleurs en économie classique c'est
le bénéfice qui est réinvestie. Mais dans la plupart des
entreprises agricoles africaines, l'individu ne fait souvent pas de distinction
entre ses revenus et son chiffre d'affaire. Il réinvestit tout
simplement les fonds dont il dispose au moment où il doit faire des
investissements. Afin de mieux illustrer cet aspect, prenons l'exemple d'une
femme qui fait du fromage de soja. Pour une année, elle a besoin de
2.500 Fcfa pour la préparation, puis elle fait un chiffre d'affaire de
3.500 Fcfa soit un profit de 1.000 Fcfa. Contre tenu des charges liées
à cette activité, cette dame investira de nouveau 2.500 à
partir des recettes de l'année précédente. La part de
revenu réinvestie par cette femme s'élève
déjà à 250% puisque cette part est calculée
à partir du profit de 1000 Fcfa réalisé la année
précédente.
les résultats du test de comparaison des moyennes
montre que les parts moyennes du revenu agricole réinvesties varie en
fonction du sexe (t=3,83 p=0,00) au seuil de 1%, donc le test est hautement
significatif (voir tableau 5.2). La différence entre les deux moyennes
étant supérieure à 0, nous concluons que la
deuxième hypothèse de vérifiée et que la
part de réinvestissement des revenus agricoles annuels dans les
activités de production agricole des femmes est supérieure
à celle des hommes. Toutefois le test n'est pas significatif
à Zougou-pantrossi et à Boro. Dans ces deux villages,
l'agriculture et les transformations agricoles sont pratiqués par les
femmes presque au même niveau, cette particularité entraîne
donc une tendance baissière des parts de réinvestissement des
revenus agricoles. Les raisons de la faiblesse de la part du revenu agricole
réinvestie pour l'agriculture ont été
évoquées dans nos analyses antérieures. Mais en
résumé, ceux qui pratiquent l'agriculture peuvent mettre en place
plusieurs stratégies pour limiter au maximum l'injection de capitaux
dans l'agriculture contrairement à la pratique des transformations
agricoles. Donc la part de réinvestissement d'une femme qui fait
à la fois de l'agriculture et les transformations agro-alimentaires
devrait être inférieure à la part de
réinvestissement d'une femme qui fait uniquement de la transformation
agro-alimentaire. En effet, cette dernière n'a pas la possibilité
de réduire ces charges et elles bénéficient uniquement des
revenus issus de la transformation agroalimentaire. Mais en fait, les femmes ne
s'occupent que de leurs activités tandis que les hommes sont des chefs
de ménages et doivent faire face à beaucoup d'autres charges
familiales. Dans ces conditions, une femme n'hésitera pas à
investir une grande partie de ses revenus pour conduire ses activités de
transformations agricoles.
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