DEUXIEME PARTIE :
PRESENTATION DES RESULTATS ET
DISCUSSIONS, CONCLUSION ET
SUGGESTIONS
CHAPITRE IV
EVALUATION ET ANALYSE DES
REVENUS DES PRODUCTEURS
RURAUX
4- EVALUATION ET ANALYSE DES REVENUS AGRICOLES DES
PRODUCTEURS RURAUX
La connaissance des revenus agricoles annuels des
agriculteurs, des éleveurs et des femmes transformatrices constitue une
étape nécessaire à l'étude des stratégies de
financement des activités agricoles et permet de mieux
appréhender les contraintes liées au financement agricole.
L'analyse des revenus agricoles vise à mettre en évidence les
éventuelles relations entre cette variable et le sexe, le niveau
d'éducation et les activités des producteurs ruraux. Afin
d'éviter tout amalgame, il est nécessaire de rappeler que dans la
présente étude, le terme producteur rural prend en compte tout
individu du monde rural exerçant une activité de production
agricole, que ce soit l'agriculture, l'élevage ou les transformations
agroalimentaires.
4-1- Evaluation des revenus agricoles annuels des
producteurs ruraux
4-1-1- Activités principales des
enquêtés
Trois principaux groupes d'activités ont
été identifiés dans le monde rural dans la commune de
Gogounou. Il s'agit de l'agriculture, de l'élevage et des
transformations agro-alimentaires (Odjouola, 2007). Mais l'agriculture est
l'activité économique la plus importante et occupe près de
80% de la population et est essentiellement pratiqué par les Baribas.
Cette tendance transparaît également dans l'unité de
recherche car 50% des individus enquêtés sont des agriculteurs
(voir figure 4.1). L'agriculture et les transformations agroalimentaires
restent alors l'apanage des Baribas. Les Peulhs quant à eux font
exclusivement de l'élevage.
Activités agricoles
Transformation s 24,4
Agriculture 50
Elevage
26,6
Figure 4.1: principales groupes
d'activités
4-1-2- Revenu agricole annuel des producteurs ruraux
Le premier objectif de cette étude est d'évaluer
les revenus des producteurs ruraux dans la commune de Gogounou. Le tableau 4.1
révèle que les agriculteurs, les éleveurs et les femmes
transformatrices gagnent en moyenne annuellement 848.465 Fcfa, 536.570 Fcfa,
429.520 Fcfa et 664.330 Fcfa respectivement dans les villages de Lougou,
Zougou-Pantrossi, Wèrè et Boro. Les producteurs de Lougou et de
Boro bénéficient des revenus les plus élevés, ce
sont souvent de grands agriculteurs qui disposent de vaste exploitation
agricole ou de grands éleveurs dont la taille du troupeau dépasse
500 têtes de bétail. Tandis que ceux de Zougou-Pantrossi et de
Wèrè reste à la traîne avec les plus faibles revenus
annuels. Le revenu agricole annuel moyen des producteurs ruraux dans la commune
de gogounou s'élève 619.720 Fcfa avec une perte maximal de
134.450 Fcfa et un revenu maximum de 8.097.500 Fcfa.
Le signe négatif du revenu de certains ménages
est dû au fait que dans le monde rural, la logique de production agricole
et de consommation ne respecte pas toujours les seules règles de
l'économie classique fondée sur le profit, mais est beaucoup plus
influencée par l'anthropologie économique. Or en anthropologie
économique, le social, la politique et l'économie sont
étroitement liés. Le ménage agricole ne fonctionne pas
toujours comme une entreprise agricole calqué sur le double objectif
qu'est la maximisation du profit et la minimisation des coûts, son
fonctionnement est surtout orienté vers la satisfaction des besoins
primaires telles que la sécurité alimentaire au sein du
ménage mais prend aussi en compte les rapports sociaux
c'est-à-dire les réseaux d'échanges intra-interfamiliaux
et intra ou intervillageois. Le faible revenu constaté au niveau de ces
ménages est entre autre dû au fait qu'une bonne partie de la
récolte a été autoconsommée, ce qui signifie que
les recettes agricoles seront très faibles et ne pourront pas couvrir
toutes les charges, d'où un revenu négatif même si la
main-d'oeuvre familiale est largement sollicité dans ces genres de
ménage. Certaines femmes dont les activités ne dégagent
qu'une très faible marge avouent exercer les activités de
transformations agroalimentaires juste pour vaincre l'oisiveté.
Néanmoins, de nombreux spécialistes en gestion
affirment que les paysans aussi bien que les autres opérateurs
économiques ne s'emploient pas en réalité à
maximiser le revenu, mais ils essaient d'obtenir au moins un niveau minimum de
revenu. Ce comportement est dénommé comportement de satisfaction
(Lipton, 1968). Par exemple, la déclaration "Si je peux
réaliser 200.000 F CFA de revenu cette année, je serai
heureux", que l'on entend très souvent, traduit ce type de
comportement. Il est celui de beaucoup d'exploitants qui, bien que capables et
possédant une base de ressources adéquates pour croître,
décident de maintenir la taille
actuelle de leurs exploitations plutôt que
d'étendre et d'augmenter leurs responsabilités en matière
de gestion en même temps que leurs revenus. Selon Lipton (1968) les
paysans ne sont pas préoccupés par la maximisation de leurs
revenus mais plutôt, ils cherchent à maximiser leurs chances de
survie. Au lieu de se focaliser sur le long terme, ils sont surtout
préoccupés par le court terme. Ainsi, ils vont souvent
préférer garantir d'abord la sécurité
alimentaire.
Tableau 4.1 : revenu moyen des
producteurs aux niveaux villageois et communal
Niveau village et communal
|
Revenu agricole annuel
|
Minimum
|
Maximum
|
Moyenne
|
Lougou
|
15.650
|
8.097.500
|
848.465
|
Zougou- Pantrossi
|
-102.200
|
2.363.150
|
536.570
|
Wèrè
|
-134.450
|
2.453.300
|
429.520
|
Boro
|
-62.850
|
3.078.000
|
664.330
|
Gogounou
|
-134.450
|
8.097.500
|
619.720
|
Ces chiffres paraissent satisfaisantes à
première vue mais très insuffisantes comparées aux
dépenses annuelles (dépense agricole et divers) auxquelles les
producteurs ruraux doivent faire face. Rien que pour les dépenses
liées aux activités agricoles, les producteurs ont
déboursé en moyenne 662.000 Fcfa. Dans un environnement où
l'accès aux micro-crédits est difficile, alors il n'est facile
aux producteurs ruraux de financer les activités agricoles. Cette
situation augmente le niveau de pauvreté des producteurs, car faible
capacité d'investissement rime avec faible production d'où faible
revenu agricole. Yègbémey (2007) dégage des
résultats de ses études qu'en milieu rural les besoins des
pauvres sont largement au dessus des revenus agricoles. Selon Aho et al (1997),
l'augmentation des revenus des ménages en milieu rural, constitue l'un
des meilleurs moyens d'améliorer leur bien-être, donc de les
sortir des carcans de la pauvreté. Or l'augmentation des revenus serait
difficile si les besoins liés au
financement agricoles ne sont pas couverts de manière
significative. En effet une augmentation des revenus est positivement
corrélée à une augmentation des capacités de
production des ménages agricoles et une augmentation des
capacités de productions signifie, en plus de la satisfaction d'autres
conditions connexes et de la levée des principales contraintes de
financement, que les besoins de financements des activités agricoles
sont largement couverts. Car les producteurs ne seront plus obligés de
réduire les superficies emblavées pour pouvoir faire face aux
dépenses liées à la production agricoles. Les politiques
de lutte contre la pauvreté devraient donc chercher à
créer un cadre favorisant l'accès aux crédits agricoles.
En attendant la mise en place de ces mesures, les producteurs ont recours
à différentes stratégies endogènes ou empiriques
pour financer leurs activités agricoles. L'analyse de ses
différentes stratégies sera faite dans le chapitre VI du
présent document et le paragraphe suivant sera consacré à
l'analyse des revenus extra-agricoles.
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