Section II : Diagnostic des modes de règlement
en vigueur
En matière de conflits entre agriculteurs et
éleveurs, les affaires peuvent être classées en deux
catégories distinctes : les affaires civiles (dégâts aux
cultures par exemple) et les affaires pénales, telles que le vol, les
tueries de bétail et les rixes sanglantes voire mortelles. Le premier
type d'affaires est réglé à trois niveaux : à
l'amiable, au niveau local et au niveau des instances judiciaires ; les
affaires considérées comme pénales sont exclusivement du
ressort du parquet.
I. Modes de règlement des conflits d'ordre
civil
I.1. Règlement à l'amiable
Il s'effectue directement entre l'agriculteur victime et
l'éleveur responsable des dégâts. C'est une entente
mutuelle entre deux parties, sans intervention ni d'une tierce personne, ni des
autorités ; ceci pour éviter que l'affaire ne monte à un
niveau supérieur, qui ne rendrait pas le règlement
forcément plus transparent ou plus satisfaisant. Le règlement
à l'amiable est de loin l'arrangement le plus utilisé en cas de
dévastation de cultures, notamment dans les cas de dégâts
de peu d'importance. On aurait cru que la tension latente qui règne
entre agriculteurs et Mbororo ces derniers temps rendrait cette démarche
plus rare et plus difficile, mais la pratique des rackets systématiques
par les autorités pousse les agriculteurs et les Mbororo à
continuer à privilégier ce mode de règlement. Il est
difficile d'en estimer la fréquence, cependant lors de nos missions, le
nombre de règlements à l'amiable paraissait nettement
supérieur à celle des autres règlements. Plusieurs
interlocuteurs ont souligné qu'il serait toujours mieux de se mettre
d'accord sans interférence de tiers et de déterminer la hauteur
des dédommagements dans un processus de négociation.
Les négociations tiennent généralement
compte des dégâts causés, mais aussi de la capacité
financière de celui qui les a causés. La plupart des agriculteurs
estiment cependant que la somme versée ne représente souvent pas
la valeur réelle des dégâts, tandis que les éleveurs
estiment qu'ils sont victimes de surestimations systématiques. En effet,
les éleveurs se voient souvent contraints d'accepter des
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dommages surévalués et de payer `pour avoir la
paix sociale' . La plupart d'entre eux préfèrent rapidement faire
un arrangement pour se débarrasser de l'affaire et continuer leur
chemin.
Autrefois, le dédommagement de la victime se faisait en
nature (mouton, cuisse de boeuf, veau). Aujourd'hui, les règlements
en espèces ont largement pris le pas sur
les paiements en nature. En outre, la facilité d'antan
de régler des dégâts en toute amitié semble sous
pression dans certaines régions.
Cependant, à l'heure actuelle la plupart des paysans
ont tendance de vouloir porter plainte aussi tôt que possible, au niveau
des autorités villageoises mais aussi de plus en plus directement au
niveau de la gendarmerie. Cette évolution semble un symptôme des
effets cumulatifs de certains développements structurels en milieu
rural.
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