I.1.2. Tueries de bétail
En RCA, les éleveurs ont évoqué les
tueries de bétail. Les paysans locaux prennent des armes de fabrication
locale, se cachent dans les zones de pâturages et abattent les boeufs
qu'ils dépècent sur place. La viande ainsi obtenue est
destinée à la consommation personnelle, ou acheminée soit
chez les bouchers locaux, soit chez les femmes commerçantes `wali gara'
pour être écoulée. Cette pratique serait apparue vers la
fin des années 1980. Auparavant, il s'agissait des cas de tueries
isolés perpétrés par des chasseurs ou des paysans des
villages avoisinants. Aujourd'hui le phénomène s'est accru
considérablement et semble être le fait parfois de réseaux
bien organisés dans lesquels on retrouve d'un coté le braconnier
qui abat le bétail, de l'autre les commerçantes et les bouchers
qui collectent ou recèlent les produits et parfois fournissent les
munitions pour tuer le bétail, et enfin au milieu des
intermédiaires chargés de transmettre les informations sur les
points de livraison ou les besoins des clients.
La dégradation des relations date de 1978. Les «
autochtones », à en croire les éleveurs, viennent tuer des
boeufs et voler des moutons et des chèvres, voire le manioc des champs
de case des éleveurs. Selon ces derniers, c'est la jalousie et la
pauvreté qui pousse les agriculteurs à commettre ces actes. Par
le passé les éleveurs s'approvisionnaient chez les agriculteurs
mais maintenant ils cultivent eux-mêmes. Parfois, affirment-ils, certains
poussent même l'audace jusqu'à venir au campement des
éleveurs réclamer des animaux libérés des
pièges. Ces formes d'intimidation font que les éleveurs ne `se
sentent plus maîtres de leurs biens'. Ce qui attriste le plus les
éleveurs est qu'en même temps les chefs des agriculteurs
contestent leur projet de délimitation et d'acquisition d'une zone
pastorale, sous le prétexte du non-respect des conditions de transfert
de droits traditionnels d'accès à la terre : afin de donner leur
accord, les chefs exigent un boeuf en guise de compensation.
Les tueries de bétail peuvent facilement
entraîner des rixes sanglantes de vengeance. Il se dessine à
travers ces affaires de meurtres, de coups et blessures et de vols entre
agriculteurs et éleveurs, un véritable affrontement
inter-ethnique. Chez ces derniers, l'absence de réparation des torts a
fini par susciter frustrations, crainte et animosité à
l'égard de « l'autochtone ». Il arrive parfois qu'un
l'éleveur tue sur-le-champ un villageois surpris en train de
dépouiller un de ses animaux ; mais ces cas sont rares puisque les
éleveurs savent qu'ils sont minoritaires et risquent de provoquer des
actes de vengeance.
Il est par contre beaucoup plus fréquent que des
éleveurs soient assassinés par des braconniers surpris en
flagrant délit.
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