Contribution de l'encyclique "laborem exercens" de Jean-Paul II, au volet "emploi" du document de stratégie de croissance du Cameroun( Télécharger le fichier original )par Richard Maga Université catholique d'Afrique Centrale - Baccalauréat canonique en sciences religieuses 2011 |
3.3. Meilleure exploitation de la dimension spirituelle du travail humainJean-Paul II dans le dernier chapitre de l'Encyclique Laborem exercens développe et met en exergue le sens spirituel du travail humain. En imitant le Christ, l'homme au travail collabore aussi à son oeuvre de rédemption. La dimension spirituelle du travail nous interpelle sur trois aspects qui concernent particulièrement l'homme à la recherche du travail et conditionnent dans une certaine mesure l'accès à un emploi durable. Il s'agit : - de la culture du travail - de la protection contre les fausses valeurs - de la compétence au travail. Culture103(*) du travail Il est indispensable de valoriser le travail. Déjà, dans le Nouveau Testament, St-Paul est fier de travailler de ses mains, et va jusqu'à dire que « si quelqu'un ne va pas au travail, qu'il ne mange pas non plus104(*) ». C'est dire qu'il n'y a pas de société humaine sans travail. Sur le même registre, l'Abbé Jean Zoa, en 1960, mettait l'accent sur l'effort qu'il convenait de faire pour conquérir le monde, et mettre en valeur la personne humaine105(*). Par contre, aucune étude n'est nécessaire pour constater que la tendance générale est au gain facile106(*), tandis qu'au même niveau de développement que le nôtre, dans certains pays107(*), l'horaire hebdomadaire de travail était de 84 heures. Les délocalisations en cours dans les multinationales se font au profit des pays dans lesquels il existe une réelle culture de travail. Mais il ne s'agit pas ici d'exalter une ardeur au travail qui ne serait pas au service de l'homme. Une des causes de ce manque d'ardeur au travail, dans notre contexte, c'est la propagation des fausses valeurs. Lutter contre les fausses valeurs ambiantes La mondialisation ne se réduit pas seulement aux échanges des flux des marchandises et services. Elle produit une sorte de chocs culturels. Dans ce mouvement d'ensemble, la culture dominante est celle des pays développés, qui véhicule la consommation de masse et le relativisme éthique. Cette influence est davantage néfaste pour les pays d'Afrique noire, antérieurement soumis à l'esclavage et à la colonisation, et dont les séquelles ne sont pas encore totalement effacées. La conséquence frappante de cette situation, c'est la désagrégation des repères culturels et religieux. La présence de nouvelles sectes chrétiennes qui brisent le tissu ecclésial traditionnel est préoccupante. Certains n'hésitent pas à parler de « l'encerclement du Cameroun108(*) » par les sectes. Cette situation provoque l'abandon des valeurs culturelles traditionnelles comme la famille, le respect de la vie, le respect des anciens, la gratuite, la solidarité109(*) ». L'influence néfaste des sectes, la déstructuration culturelle sous l'effet de la mondialisation, sont autant de facteurs qui provoquent la crise des valeurs, elle-même source de désespérance pour les jeunes, notamment ceux qui sont à la recherche d'un emploi. En matière d'emploi, il faut également prendre en considération le niveau de complexité110(*) de la société, en ce début du XXIe siècle. L'accès à un emploi décent et épanouissant pour la personne, exige non seulement d'aimer son travail, et être moralement et spirituellement solide, mais encore d'être en plus compétent. La compétence au travail La compétence au travail est liée à la fois à l'adéquation formation-emploi, à la capacité à travailler en équipe ainsi qu'à l'existence d'un cadre de travail favorable à l'expression de la créativité ; et à l'épanouissement de la personne au travail. L'adéquation entre la formation et l'emploi est un sujet d'actualité. Elle fait l'objet de multiples séminaires organisés, à différents niveaux. Il y a même un risque à assimiler la formation uniquement à l'apprentissage des métiers. Même quand la formation se veut professionnelle, l'insertion des jeunes diplômés dans les entreprises reste une gageure ; car dans leurs cursus scolaires, les besoins réels des entreprises ne sont pas pris en compte111(*). La concurrence accrue entre les entreprises du même secteur d'activités les oblige à revoir constamment leurs organigrammes, afin de faciliter la mutualisation des compétences, pour constituer une intelligence collective112(*). La fuite des compétences113(*) est une menace pour la création des emplois. Ce phénomène est général en Afrique. Pour le Cameroun, il n'existe pas de statistique sur la fuite des « cerveaux », mais le risque migratoire est élevé : environ 50 %, pour les jeunes de 15 à 24 ans114(*). Selon les prévisions du DSCE, la mise en oeuvre des projets structurants, produira la croissance économique ; cette croissance induira des emplois nouveaux. Cette approche rationnelle du problème de l'emploi, ne prend pas en compte certaines dimensions essentielles du travail humain, telles que examinées dans l'Encyclique Laborem exercens. Il nous semble qu'une meilleure exploitation de cette Encyclique, serait une contribution importante à la résorption du chômage, et permettrait de diminuer le nombre d'auto-emplois dans le pays. * 103 Par culture du travail, nous désignons ici l'effort individuel ou collectif qu'il convient de faire pour se développer économiquement. * 104 2Th 3, 10. * 105 MESSINA J.-P., Op. cit, p. 93. * 106 Il n'y a pas longtemps que le phénomène de Feymania, était sur toutes les lèvres, et comme nos compatriotes le pratiquent souvent à l'étranger, des parents s'endettaient pour les y envoyer, croyant que c'était un métier qui rapportait beaucoup d'argent, et en peu de temps. * 107 Cf. Article «Face au chômage», publié par la Conférence Episcopale Française, dans DC 1993, 1998, p. 29. * 108 http://www.ccmm.asso.fr. * 109 Cf. Discours de Mgr Eliseo Ariotti, dans L'Observatore du 17 mars 2009. * 110 Les contrats de travail, à durée déterminée, sont prépondérants dans les entreprises ; car ils permettent à l'employeur de se séparer de son employé plus facilement. Aussi, la tendance générale, notamment chez les Ingénieurs, consiste à avoir une « double compétence », c'est-à-dire, avoir un minimum de deux diplômes. * 111 Lors de la réalisation du Pipe-line Cameroun-Tchad, il fallait plus de 1000 soudeurs ; faute de compétences locales, les employés sont venus en majorité de l'Amérique Latine. * 112 L'intelligence collective, désigne la capacité, pour la personne à travailler en équipe pluridisciplinaire, sans chercher à imposer son point de vue. * 113 Selon les dernières statistiques, plus de 20.000 africains hautement qualifiés quittent le continent chaque année vers les pays du Nord ; le coût de cette fuite de cerveaux est évalué à 4 milliards de dollars par an. * 114 Cf. interview de Mr Yves TSALA, Président de l'ONG SMIC, en date du 02 décembre 2009. |
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