Contribution de l'encyclique "laborem exercens" de Jean-Paul II, au volet "emploi" du document de stratégie de croissance du Cameroun( Télécharger le fichier original )par Richard Maga Université catholique d'Afrique Centrale - Baccalauréat canonique en sciences religieuses 2011 |
CHAPITRE 3 :CONTRIBUTION DE L'ENCYCLIQUE A LA REUSSITEDU VOLET EMPLOI DU DSCELaborem exercens s'inscrit sur la longue liste des documents et textes qui constituent la Doctrine Sociale de l'Église. La première question qui vient à l'esprit est de savoir si cette doctrine est applicable. Avant tout, examinons les points de vue de quelques spécialistes en la matière. C'est une doctrine qui ne vieillit pas, « mais il y a un cheminement de l'intelligence qui doit, entre autres, prendre la mesure des évolutions, selon les pays, les situations concrètes et les contingences81(*) ». Pour sa mise en oeuvre, les laïcs ont un rôle à jouer : « ils doivent assumer, comme leur tâche propre, le renouvellement de l'ordre temporel (ordinis temporalis instaurationem assumere). Membres de la cité, ils ont à coopérer avec les autres citoyens suivant leur compétence particulière en assumant leur propre responsabilité et à chercher partout et en tout la justice du Royaume de Dieu82(*) ». Pour ce faire, la Doctrine Sociale de l'Église est l'instrument de travail par excellence, qui leur permet de « sortir de la culture de silence83(*) ». S'agissant particulièrement de notre propos, nous appliquerons au DSCE les trois idées forces de l'Encyclique Laborem exercens : - le concept de l'employeur indirect - la valeur du travail humain - l'importance de la spiritualité du travail. 3.1. Juste exploitation du concept de l'employeur indirectEn vue de répondre adéquatement à notre problématique, il importe de savoir qui peut être assimilé à un Employeur indirect, comment impacte-t-il sur la création des emplois, et quelles leçons en tirer pour résoudre le problème de l'emploi ? La liste des employeurs indirects est longue, mais nous n'en retenons que quatre catégories, dont les manifestations sont les plus connues. § Dans la catégorie de bailleurs de fonds, il y a les pays qui agissent dans le cadre des relations bilatérales et deux institutions internationales que sont le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM) qui sont des institutions du système des Nations Unies. Elles poursuivent un même but qui est de relever le niveau de vie des populations des pays membres. Leurs approches à cet égard sont complémentaires : l'action du FMI est centrée sur les questions macroéconomiques tandis que la Banque Mondiale se consacre au développement économique à long terme et à la lutte contre la pauvreté84(*). Les capitaux financiers provenant des relations bilatérales sont souvent une composante d'un ensemble d'accords entre pays, qui forment un tout cohérent. § Les multinationales ont vu leurs rôles et activités accrues par la mondialisation des économies et des échanges. Depuis la crise financière de 2008, les Etats cherchent en vain, à encadrer leurs activités financières, à travers les banques. § L'Organisation Mondiale du Commerce (OMC85(*)) qui régit les règles du commerce international. L'OMC ne fait pas partie des agences spécialisées de l'ONU. Elle représente avant tout un cadre de négociation où les gouvernements interagissent afin de résoudre les différends commerciaux qui les opposent. Dans ces négociations, chaque état représente une voix. L'OMC s'est aussi dotée d'un pouvoir judiciaire, l'Organe de Règlement des Différends (ORD), auprès duquel les pays peuvent porter plainte. § Il y a aussi les problèmes de l'environnement qui concernent ici l'ensemble des conditions naturelles (climats, échauffements de la terre, pollution, etc...) susceptibles d'agir sur les organismes vivants et les activités humaines. Le continent africain bien que non pollueur, est la première victime de la crise environnementale planétaire86(*). Impact de l'employeur indirect sur la création des emplois dans le cadre du DSCE La création des emplois étant conditionnée par la réalisation et l'exploitation durable et optimale des projets structurants, tout facteur qui retarde ou empêche que ces conditions soient remplies, impacte négativement sur la création et le maintien des emplois attendus. Ainsi en est-il : - de la baisse de l'aide publique au développement87(*) ; - des exigences des bailleurs de fonds en matière de respect de l'environnement, respect qui alourdit le coût des projets ; - des conditionnalités imposées par le FMI et la BM, préalablement à leurs interventions, et qui conduisent souvent à des pertes d'emplois ou à la privatisation des entreprises publiques productrices, et sources d'emplois durables ; - des règles du commerce international, qui semblent « plus favoriser les entreprises des pays riches que les salariés ou les pays pauvres88(*) » ; - de la mondialisation, qui non seulement influence aux niveaux politique, économique et social, mais impose, pour les exportations des produits des pays pauvres, des normes rigoureuses de qualité, incompatibles avec leur niveau de développement technologique, et de savoir-faire. De ce qui précède, il devient aisé de comprendre que l'entrepreneur indirect peut influencer négativement la création des emplois préconisés dans le cadre du DSCE. Dans l'Encyclique Laborem exercens, Jean-Paul II admet que le cadre de dépendances liées au concept d'employeur indirect, est extrêmement étendu et complexe89(*). Ces interdépendances réciproques interviennent aux dépens de pays pauvres. Malgré ce constat, Jean-Paul II fait des suggestions pertinentes : - la prise en compte des droits du travailleur, tant au niveau national, qu'au niveau international ; droits découlant de la dignité de la personne humaine ; - le danger du chômage et ses conséquences font de ce problème un enjeu mondial qui interpelle tous les états et devrait obliger ceux-ci à collaborer, tout en ayant soin d'aplanir les différences choquantes90(*) » ; - suggère de faire de l'agriculture une nouvelle source d'emploi. Non seulement les terres cultivables existent, mais c'est un secteur où l'influence de l'Employeur indirect est moins sensible (même si actuellement les pays développés achètent les terres en Afrique et emploient leurs ressortissants pour leur mise en valeur) et « qui ne nécessite pas qu'on soit parvenu à un certain niveau de développement et de progrès91(*) » ; - l'Etat ne peut relever tout seul les défis multiples liés aux besoins92(*) de l'emploi ; il se doit de créer un environnement93(*) réglementaire et juridique, qui favorise l'implication des « corps intermédiaires à finalités économiques, sociales et culturelles : corps jouissant d'une autonomie effective vis-à-vis des pouvoirs publics94(*) » ; L'existence de l'employeur indirect est une réalité incontournable dont il convient de tenir compte dans la recherche des solutions au problème de chômage. Jean-Paul II dans l'Encyclique, suggère des solutions qui prennent en considération la dignité de l'homme. * 81 CLEMENT M., La doctrine sociale de l'Église est-elle applicable ?, Paris, l'Escade, 1985, p. 13. * 82 Ibid., p. 23. * 83 GMÜNDER R., Évangile et développement. Pour bâtir l'Afrique, Douala, CLE/CIPCRE, 2004, p. 112. * 84 Le FMI et la BM ont été créés lors de la Conférence Internationale réunie à Bretton Woods, Etats-Unis, en Juillet 1944. * 85 L'OMC est née en 1995. Son siège se trouve à Genève ; 153 états en sont membres. Sa tâche principale est de favoriser l'ouverture commerciale et réduire les obstacles au libre-échange, d'aider les Gouvernements à régler leurs différends commerciaux. * 86 SEVERI J.-M., RAY O., Op. cit, p. 239. * 87 L'aide publique au développement concerne des contributions financières, faites par les pays développés, aux pays en développement. Le volume de cette aide baisse constamment depuis 1990 (cf. Http://www.la documentation française.fr). * 88 Cf.http:/fr.wikipedia.org/wiki/organisation-mondiale-du-commerce. * 89 Jean-Paul II, Encyclique Laborem exercens, n° 17 § 2. * 90 Ibid., n° 18 § 3. * 91 Ibid., n° 21 § 1. * 92 Selon les statistiques de 2009, il existe moins de 600.000 emplois permanents au Cameroun, pour une population active estimée à 10 millions de personnes ; même si le DSCE permettra de créer environ 400.000 emplois, le déficit reste important. * 93 Pour résoudre le problème de l'emploi, un pays voisin est en train de créer un environnement réglementaire attrayant, pour amener certaines entreprises installées au Cameroun, à délocaliser sur son territoire (Journal Mutations n° 2984 du 25 mai 2011, p. 10). * 94 Jean-Paul II, Op. cit., n° 14 § 7. |
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